Depuis quelques années, les lycéens français ont la possibilité de refuser la décision de redoublement en classe de première ; nombre d'entre eux décident d'exercer leur "droit au passage" en contestant ainsi l'avis de leurs enseignants. Cette nouveauté, relative à l'orientation, place les élèves dans une posture délicate : alors qu'ils accèdent à un certain degré de responsabilité (en s'interrogeant lors de la prise de décision pour le passage, en évaluant parfois la pertinence du jugement de leurs professeurs, en analysant leurs atouts et leurs faiblesses pour réussir au baccalauréat) ces élèves pourraient être en mesure d'initier un projet scolaire... mais ces derniers ont la plupart du temps à affronter un climat généralement défavorable au sein de la classe, voire dans le lycée. Finalement, ces postulants au bac se retrouvent rarement dans un environnement produisant un soutien adapté à leur cas et susceptible de "positiver" leur décision.
  De fait, cette population particulière d'élèves pose à l'institution scolaire et à ses personnels un réel problème : les Conseillers Principaux d'Education souvent sollicités pour traiter de ces difficultés sont souvent désarmés, tant pour favoriser la vie de ces jeunes dans l'établissement scolaire, que pour favoriser leur intégration au sein de la classe. Les enseignants, quant à eux, acceptant avec réserve une contestation de leur évaluation, n'ont pour l'instant guère reçu de formation adaptée qui leur permettrait de considérer autrement ces lycéens au moyen d'une pédagogie différenciée. De plus, la terminale -classe à examen- est plutôt propice au bachotage et aux apprentissages traditionnels.
  L'étude de cette population de lycéens mérite à notre sens une analyse approfondie au regard de la notion de projet et de celle d'autonomie. En effet, cette orientation "contournée" peut conduire l'élève à "se mettre en projet" d'autant que pour ces jeunes, décrocher le bac est en soi un projet porteur. Ainsi passer outre l'avis du conseil de classe peut constituer pour certains d'entre eux une double motivation. En définitive, l'étude de cette population permet de comprendre comment un lycéen peut s'engager sur la voie de l'autonomie et établir un rapport à l'évaluation qui lui soit propre alors qu'il évolue dans un milieu scolaire peu favorable. Ces lycéens -contourneurs d'orientation- soulignent à leur manière des questions importantes (le projet, l'autonomie, la relation éducative) qui sont véhiculées depuis une vingtaine d'année dans les projets de réforme du système éducatif français, mais aussi dans le récent projet de réforme du lycée devant s'appliquer à la rentrée 1999-2000.
  Nous présenterons les résultats d'un questionnaire diffusé auprès de ces lycéens qui ont exercé leur droit au passage de première en terminale. 4 aspects seront traités grâce aux informations recueillies : les raisons concernant la décision de passage, les difficultés rencontrées, les remédiations recherchées et enfin les solutions qui auraient été souhaitables. Nous avons constitué un échantillon d'ordre qualitatif en contactant l'ensemble des lycées de l'académie de Strasbourg concerné par cette question, c'est-à-dire prés de soixante d'établissements.