Les caractéristiques de la délinquance des jeunes ont changé pendant ces vingt dernières années. La nouvelle donne sociale qui se développe depuis 1975 a notamment acculé la justice des mineurs à modifier son jeu institutionnel pour favoriser le retour du Droit depuis le début des années 90.
  Aussi, pour dépasser l'éternelle dialectique éducation-répression, nous proposons une analyse croisée qui met en jeu tant le terme échu de l'acte perpétré que la mise en œuvre des conditions de possibilité de l'émergence d'une articulation du passé et de l'avenir.
  Nous traiterons d'abord des nouvelles caractéristiques de la délinquance portées par les évolutions de nature socio-économiques et appréciées selon les deux modèles idéologiques dominants libéral et égalitaire.
  Nous verrons ensuite que la dimension politique de la délinquance des jeunes a mis le Pouvoir en demeure de repositionner les magistrats du parquet face aux juges du siège pour favoriser un traitement plus lisible et plus rapide de la délinquance ; ce qui a pour effet, depuis quelques années, de faire exploser le modèle éducatif tutélaire issu de 1945.
  Nous constaterons enfin que cette politique a déplacé le centre de gravité de la justice des mineurs du sujet éthique vers la primauté de la loi en accordant une plus grande importance à l'acte commis et à la victime. Aussi le défi actuel est-il d'appeler les éducateurs et les formateurs à se mettre en capacité de concilier le caractère juridique de la responsabilité avec la promotion éthique du sujet. Le paradigme de l'enfant ou adolescent inachevé ou irresponsable déployé par l'idéologie de l'Etat providence a laissé la place à celui de l'enfant ou adolescent sujet de droit, alter ego de l'adulte et responsable. Or, l'autonomie ne peut reposer que sur l'éducation et la pédagogie de la loi dont le retentissement symbolique se fonde sur l'échange dialectique entre l'adulte et le mineur ou jeune majeur. Seul le lien permet la transmission des valeurs, savoirs et interdits, si l'on peut prendre en compte la singularité de l'enfant ou adolescent et son histoire. Telles sont les conditions de l'éveil de l'enfant ou adolescent à la liberté dans le respect d'une intersubjectivité et d'une temporalité qui lui sont propres.