Il s'agit de rendre compte d'une expérience, encore en cours, de formation à l'interculturel de travailleurs sociaux, plus précisément de travailleuses familiales : ces professionnelles interviennent dans des familles en difficulté (défaillance parentale momentanée ou chronique), avec un rôle d'aide au ménage, d'appui à l'éducation des enfants, et d'accompagnement à l'insertion sociale sur le quartier; ces familles sont souvent d'origine culturelle différente, immigrées ou réfugiées. Le programme officiel de formation aborde cette problématique à l'intérieur d'une unité plus générale concernant la société étant donné notre formation d'origine (psychologue), et notre expérience d'intervention dans différents milieux culturels, nous avons été sollicitée pour des enseignements de psychologie et d'anthropologie.
  Cette contribution se situe au carrefour de deux domaines de réflexion : celui de la formation (formation professionnelle et formation à la citoyenneté) ; celui de l'interculturel (comparaison entre cultures, passage d'un milieu culturel à un autre, interactions au contact de différentes cultures). En tant que formatrice, nous sommes partie d'un double constat les groupes de formation sont de plus en plus multiculturels en travail social, et plus particulièrement pour les bas niveaux de qualification (ici niveau V, soit un niveau de 4e année d'enseignement secondaire pour les connaissances générales) ; ces groupes sont décrits comme particulièrement conflictuels (xénophobie) par les intervenants qui les suivent, au point de faire obstacle à la poursuite de la formation. Dès lors :
  -s'agissant des objectifs instrumentaux de la formation professionnelle au sens strict, ne pouvions-nous développer des comportements professionnels plus congruents, plus en accord avec l'attitude générale de la personne ?
  -n'avions-nous pas l'occasion de viser, à travers cette situation de formation, un objectif plus général d'éducation à la citoyenneté ? Au-delà de la coexistence pacifique dans le groupe, réalisant de meilleures conditions d'apprentissage, était-il possible de favoriser une élaboration commune ?
  En tant que psychologue intéressée par l'interculturel, nous étions curieuse d'observer comment se tissent les relations entre porteurs de cultures différentes, et dans quelles conditions une personne, un groupe deviennent prêts à créer de la culture.
  Nous avons adopté une méthodologie essentiellement facilitatrice, susceptible de conjuguer intervention et observation.
  Nous avons recentré le travail sur le groupe, qui devient alors :
  -support de formation : réflexion à partir du vécu des participants, ceci dès la présentation
  -agent de formation et plus seulement d'information exploitation de l'appartenance culturelle, mais aussi de la distance prise par rapport à celle-ci par la personne questionnement invitant à se décentrer et à faire des liens
  -premier bénéficiaire de la formation et témoin des changements. Ceux-ci semblent intéresser les compétences relationnelles de chacun, la dynamique des échanges, les codes de communication.