Une hypothèse : l’identité professionnelle
Les échanges entre enseignants participent à la construction de leur identité professionnelle.
Notes:
Pour R. Sainsaulieu[1], l’identité professionnelle se définit comme la « façon dont les différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes ». L’identité serait un processus relationnel d’investissement de soi (investissement dans des relations durables, qui mettent en question la reconnaissance réciproque des partenaires ), s’ancrant dans « l’expérience relationnelle et sociale du pouvoir ».
Claude Dubar[2] généralise l’analyse de Renaud Sainsaulieu avec la notion d’identité sociale. Il reconnaît avec lui que l’investissement dans un espace de reconnaissance identitaire dépend étroitement de la nature des relations de pouvoir dans cet espace et la place qu’y occupe l’individu et son groupe d’appartenance. Le cadre théorique proposé par R. Sainsaulieu privilégie la constitution d’une identité professionnelle par l’expérience des relations de pouvoir. Or les individus appartiennent à des espaces identitaires variés au sein desquels ils se considèrent comme suffisamment reconnus et valorisés : ces champs d’investissement peuvent être le travail, mais aussi hors travail. Il se peut aussi qu’il n’existe pas pour un individu d’espaces identitaires dans lequel il se sente « reconnu et valorisé ». Pour Claude Dubar, l’espace de reconnaissance de l’identité sociale dépend très étroitement de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance des savoirs, des compétences et des images de soi, noyaux durs des identités par les institutions. La transaction entre d’une part les individus porteurs de désirs d’identification et de reconnaissance et d’autre part les institutions offrant des statuts, des catégories et des formes diverses de reconnaissances peut être conflictuelle. Les partenaires de cette transaction peuvent être multiples : les collègues de travail, la hiérarchie de l’institution, les représentants syndicaux, l’univers de la formation, l’univers de la famille, etc.
La construction d’une identité professionnelle est basée sur ce que Peter Berger et Thomas Luckmann[3] nomment la « socialisation secondaire » : l’incorporation de savoirs spécialisés (savoirs professionnels). Ce sont des machineries conceptuelles comprenant un vocabulaire, des recettes (ou des formules, propositions, procédures), un programme et un véritable « univers symbolique » véhiculant une conception du monde mais qui, contrairement au savoir de base de la socialisation primaire, sont définis et construits en référence à un champ spécialisé d’activités. [1] R. Sainsaulieu, 1977, L’identité au travail, 2ème édition 1985, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques.
[2] C. Dubar, 1998, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Armand Colin.
[3] P.Berger, T. Luckmann, 1966, La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klincksieck, 1986.