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Egalité des chances :
visées et aspirations, stratégies et pratiques
Texte de Françoise Platone (INRP-CRESAS) et Alain Goussot (CSAPSA, Bologna). |
Imaginons un historien La promotion de tous Un levier essentiel : la formation scolaire
(dans et hors l'école)De l'école, toujours plus
Acquérir les contenus de l'éducation scolaire :
Les connaissances inscrites dans les
programmes scolaires
Le développement personnel des individus
Des valeurs morales et sociales
Construire une école "inclusive" et coopérative
Changer l'école : comment ?
Des structures scolaires unifiées
Des pratiques pédagogiques coopérativesQui aspire à la formation scolaire ? Conclusion L'éducation, créatrice de lien social
L'Europe des valeursBibliographie
Imaginons un historien ... Imaginons un historien du XXIIème siècle, qui disposerait pour toute source d'information de l'échantillon de cas que nous venons de présenter à grands traits. Quelles aspirations des sociétés occidentales européennes en matière d'éducation à la fin du XXème siècle pourrait-il relever ? En réponse à quels problèmes sociaux ? Quelles visées et stratégies d'approche lui sembleraient avoir été prépondérantes ? Portées par quels acteurs sociaux ? La promotion de tous Cet historien commencerait peut-être par remarquer la forte volonté de prendre en compte tous les élèves, de construire une éducation pour tous, quelles que soient les caractéristiques personnelles ou socio-culturelles des individus concernés.Cet historien pourrait percevoir aussi que ce projet de promouvoir tous les enfants et tous les jeunes prenait appui sur les progrès de la connaissance scientifique réalisés au cours du XXème siècle quant à l'équipement génétique de l'être humain. Pour les auteurs d'études de cas, ces connaissances permettent de poser légitimement le postulat de l'éducabilité de tous : le potentiel de chacun est immense. Il incombe aux sociétés, et notamment à lécole, de mettre en place les conditions de son actualisation : "The innovation of the Dutch educational system since the late sixties is strongly dominated by the objective of maximizing developmental potentials and providing equal chances to all pupils, regardless their culltural, ethnic or economic backgrounds." [ Pays-Bas, "The Milestone : an implementation of developmental education"; Résumé].En étudiant les publics cibles et les besoins sociaux identifiés par les innovations, il apprendrait que les sociétés occidentales de la fin du XXème siècle rencontraient le besoin économique d'assurer une formation générale élevée à la masse des populations compte-tenu de "l'intellectualisation de plus en plus marquée du travail de production". [
[ France, "Développement de l'employabilité de jeunes en difficulté : un dispositif de formation intégré au travail"]. Il apprendrait également que les systèmes éducatifs se trouvaient confrontés à des publics très diversifiés, diversification liée à plusieurs types de causalités :des inégalités socio-économiques persistantes, voire aggravées par une crise économique de grande ampleur ;
des mouvements migratoires, anciens ou nouveaux, aux causalités diverses d'ordre économique ou politique ;
des pesanteurs sociologiques qui continuaient de creuser des écarts par exemple entre filles et garçons ;
des volontés humanistes d'intégrer dans les structures éducatives des élèves jusque là marginalisés (élèves d'origine étrangère, élèves handicapés ...)
Un levier essentiel : la formation scolaire (dans et hors l'école)
Pour réaliser cette aspiration à la promotion éducative de tous, l'historien remarquerait sans doute, comme nous l'avons fait précédemment, que l'attente principale se manifeste à l'égard de la formation scolaire. Nous avons vu en effet, dans le point précédent, que toutes les innovations sauf une se rapportaient à la formation scolaire et que la majorité d'entre elles étaient conduites à l'intérieur même de l'école.
Ces innovations témoignent aussi dune longue prise en charge scolaire ou para-scolaire des élèves, qui déborde en aval et en amont les bornes de la scolarité obligatoire. Pour ce qui est de laval, cinq innovations [
Danemark, "Open Youth Education, Résumé; France, ""Développement de l'employabilité de jeunes en difficulté : un dispositif de formation intégré au travail"; France, "Rescolariser et préparer au baccalauréat des jeunes en rupture : l'expérience du Lycée du Temps Choisi (Paris XX°)"; Italie, " L'intégration sociale et scolaire du sujet handicapé en Italie. Comment sortir de l'hétéronomie pour accéder à l'autonomie ?"; Portugal, "Projet d'éducation interculturelle : une voie pour la formation professionnelle"] concernent des élèves âgés, en situation post-scolaire précaire. Pour lamont, trois études [ France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"; Pays-Bas, " The Milestone : an implementation of developmental education"; Portugal, "Programme national d'éducation multiculturelle"] prennent en compte explicitement léducation pré-scolaire. Létude néerlandaise en particulier souligne fortement limportance de ce niveau dintervention : " Since the last five years (in the Dutch educational system) emphasis is especially put on the improvement of preschool education and on the early grades of primary education (ages 4-8)". [ Pays-Bas, " The Milestone : an implementation of developmental education"; Résumé].Qu'elle soit dispensée dans l'école ou dans des structures para- ou post-scolaires, en quoi consiste cette formation scolaire, quels sont ses contenus ?
Acquérir les contenus de l'éducation scolaire
Il s'agit d'abord des connaissances inscrites dans les programmes scolaires. On a vu par exemple que l'étude anglaise se préoccupe de faire accéder les élèves immigrés bilingues à l'enseignement ordinaire dispensé dans les écoles anglaises : "This approach involves looking at the curriculum and the language requirments inherent in it, identifying language targets suitable for the children in the class and planning appropriate presentations, tasks and materials." [ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"]. Une étude française se préoccupe de l'accès au programme du premier degré d'enseignement et exemplifie son propos par une action pédagogique qui concerne l'apprentissage de la grammaire [ France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"], tandis quune étude portugaise se focalise sur l'apprentissage des mathématiques dans les 2° et 3° cycles de l'enseignement de base [ Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"]. Ailleurs il s'agit de préparer au baccalauréat des "jeunes en rupture" [ France, "Rescolariser et préparer au baccalauréat des jeunes en rupture : l'expérience du Lycée du Temps Choisi (Paris XX°)"], "d'augmenter le nombre de jeunes accomplissant une éducation après l'école primaire" [ Danemark, "Open Youth Education, Résumé;], ou de donner "a new response to children and adults who have experienced school exclusion" [ Irlande, "The Kileely Community Project"].Les connaissances inscrites dans les programmes scolaires
L'étude finlandaise enrichit ces attentes du projet d'ouvrir l'école aux moyens informatiques et télématiques [
Finlande, "On Creating a Virtual School Based Learning Environnement for the Finish Schools"]. L'historien pourrait noter avec intérêt quil ne sagit pas ici de substituer une "école virtuelle sans mur" à lécole traditionnelle. Il sagit dintroduire les moyens de la virtualité dans lécole traditionnelle en assignant à celle-ci le devoir de faire accéder tous les élèves aux nouvelles possibilités dinformation et de communication quils ouvrent.L'historien pourrait s'étonner que ce dernier thème, celui des technologies modernes à lécole, ne soit pas plus représenté dans notre échantillon car il n'ignorerait pas l'importance prise par la culture informatique en cette fin de XXème siècle. Ce fait est-il purement dépendant du caractère limité de notre échantillon ? Manifeste-t-il un problème économique, le coût de l'équipement informatique demeurant élevé ? Ou encore, une difficulté de lécole à sapproprier
ces outils ? [ Linart]En même temps que sur les connaissances scolaires, un accent très fort est mis, par beaucoup d'innovations, sur la capacité de l'éducation scolaire à favoriser l'épanouissement de l'individu par le développement de la personnalité et l'acquisition de compétences sociales et communicatives : "L'Education Libre de la Jeunesse est une éducation générale dont le but est de développer les compétences personnelles de l'étudiant ainsi que les qualifications générales. Les compétences personnelles comprennent les propriétés telles que : responsabilité, autonomie, capacité de projeter, de s'exprimer et de coopérer." [ Danemark, "Open Youth Education, Résumé] "(L'objectif) est de remédier aux échecs scolaires ... par la recherche de la motivation qui permet la confiance en soi et l'émancipation de l'individu." [ France, "Lever les obstacles aux apprentissages par de nouvelles pratiques de remédiation hors temps scolaire"]. "L'objectif de l'intégration/innovation est de développer au maximum les potentialités individuelles des handicapés en ce qui concerne les apprentissages, la communication, les relations, la socialisation." [ Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire"].
On se préoccupe aussi, avec force, dans les innovations étudiées, de faire acquérir par les élèves, en même temps que des connaissances scolaires, des valeurs morales et sociales et des valeurs citoyennes, caractéristiques d'une organisation sociale démocratique.
Il s'agit d'abord d'instaurer la reconnaissance de chacun en tant que personne, quelles que soient ses caractéristiques individuelles ou socio-culturelles. Ainsi, dans le cas de l'intégration scolaire d'enfants handicapés, il s'agit de "considérer la double réalité de la personne handicapée, qui est en même temps pareille et différente par rapport à ses camarades, et de ne pas étendre son infériorité dans l'usage d'une fonction à la personne toute entière ...". [
Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire"]. Il s'agit aussi de reconnaître "et valoriser les différents savoirs et cultures des populations dont les enfants fréquentent les écoles ... " [ Portugal, "Programme national d'éducation multiculturelle"]. Il s'agit enfin de provoquer l'apprentissage de la vie en groupe par la mise en uvre de règles démocratiques et de valeurs "citoyennes". Cette thématique est au premier plan de l'innovation analysée dans l'étude [ France, "Lutter contre la violence en zone d'éducation prioritaire : l'expérience du collège Robespierre à Saint-Etienne du Rouvray"] puisqu'il s'agit là, en urgence, de répondre "aux problèmes de violence urbaine et scolaire qui se sont manifestés en 1992 dans et autour de l'établissement." (Ibid.). Cette thématique apparaît aussi, parmi d'autres, dans bon nombre des autres innovations.Construire une école "inclusive" et coopérative
Nous avons vu plus haut que la majorité des innovations étudiées ici sont implantées dans l'école elle-même. Autrement dit, bien que la demande d'éducation scolaire puisse générer des actions parallèles à l'école ou des actions post-scolaires, il semble que l'école elle-même soit mobilisée : elle génère en son sein des projets d'auto-transformation, elle cherche par elle-même à s'adapter à ses publics, quelle que soit leur diversité, en transformant ses structures et ses méthodes.
Lécole pour tous nécessite en effet d'opérer une véritable intégration, pas seulement une insertion:
"Another aim of the school based programme is to influence the culture of the school (...), to build (the teaching of bilingual pupils) in as an integral part, not add on." [ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"].
"On a bientôt compris que si l'on voulait donner les mêmes chances aux handicapés, il fallait réaliser leur intégration et pas simplement leur inclusion dans les classes normales. Inclusion signifie insérer une personne dans un contexte qui peut rester tel qu'il était avant son arrivée, tandis que la personne doit s'adapter au contexte bien défini. Dans ce cas l'élève handicapé sera assimilé au milieu qui l'accueille. Au contraire "intégration" signifie réaliser un projet fondé sur la rencontre des diversités ; cela produit une adaptation réciproque qui fournit à l'école une dynamique pour le changement. Dans ce cas aucun élève handicapé ne sera assimilé au milieu, mais celui-ci tout entier va se réorganiser." [
Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire" ]Des structures scolaires unifiées Du point de vue structurel, la majorité des innovations implantées dans lécole mettent en avant une valeur centrale : le refus de la ségrégation et de la marginalisation. Cinq innovations, sur les huit implantées dans des structures scolaires ordinaires, manifestent la volonté d'éduquer et d'instruire ensemble, dans les mêmes structures, les mêmes classes, tous les élèves quelles que soient leurs différences : pauvres et riches, immigrés ou non, handicapés et non handicapés et, aussi, filles et garçons.
En Angleterre, il s'agit d'intégrer dans les classes ordinaires des enfants immigrés bilingues
[ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"] et en Italie des élèves handicapés [ Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire" ] ou des enfants bosniaques [ Italie, "Education à la paix et à la diversité, Résumé]. En France [ France, "Lutter contre la violence en zone d'éducation prioritaire : l'expérience du collège Robespierre à Saint-Etienne du Rouvray"] et au Portugal [ Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"], il s'agit de construire une pédagogie pour tous adaptée à des populations socialement et culturellement hétérogènes.Lune de ces études, accentue volontairement "lhétérogénéité" des groupes délèves par un principe dorganisation de classes "multi-âges" dans le cadre dune organisation globale de lenseignement primaire (pré-scolaire et élémentaire) en trois cycles pluriannuels : "L'organisation en cycles multi-âges et multi-niveaux permet aux enfants de tirer profit d'une collectivité riche de sa diversité et d'un temps élargi qui permet à chacun de constater qu'apprendre est un processus lent et progressif." [
France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"].Pour assurer légalité des chances de tous les enfants, il ne sagit donc plus, comme cela a pu être le cas dans le passé dans beaucoup de systèmes éducatifs européens, de donner à chacun selon ses moyens ou selon ses besoins dans des structures ou des filières spécialisées étanches les unes par rapport aux autres. Le cas de lintégration des handicapés
[ Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire" ] et le cas des enfants immigrés bilingues [ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"] sont particulièrement significatifs à cet égard. D'autant que, comme le souligne fortement l'étude présentée par la Grèce, les critères de placement en classes spéciales sont bien malaisés à définir de façon rigoureuse et donnent lieu à controverses : "A generally accepted scientific definition characterizes learning disabilities as a 'group of disturbances which are indicated as important difficulties in the acquisition and use of language, of reading and of writing, of conception of hearing, of thinking and of mathematical abilities. Researchers do not agree as to what the reasons of those learning disabilities are. Many attribute them to malfunctions of the Central Nervous System, adopting in that way a remedial model of explanation, which usually disregards the influence of the environment (family, school, social origin), whereas others reject that assumption, following rather psychopedagogical diagnostic and remedial methods. Some of them use the term 'retarded learning' or "slow learning' to declare the slower but not necessarily substantially differenciated way by which these children perceive and process knowledge- this characteristic gives birth to the need, for example, of having more repetitions." [ Grèce, "Examination of the greek supplementary teaching programs"].Au total, il sagit principalement dans les innovations étudiées déduquer et dinstruire tous les élèves ensemble, sans ségrégation ni marginalisation, dans une école "intégratrice", une "école inclusive" :" Les nouveaux défis posés à l'école par la diversité exigent une autre approche de l'éducation, l'éducation interculturelle, qui se concrétise dans une nouvelle école, l'école "inclusive". Celle-ci doit permettre le développement de tous et de chacun sans exclusion." [
Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"; Résumé].De telles visées lancent un véritable défi à l'école sur le plan de ses techniques pédagogiques : "La mise en uvre de cette école (inclusive) implique des stratégies et des méthodes novatrices et intégrantes qui respectent la différence culturelle pour promouvoir, de fait, le succès scolaire et éducatif de tous." [ Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"; Résumé]. Il s'agit d'élaborer des pratiques pédagogiques qui permettent "à tous les enfants d'apprendre ensemble, sans laissés pour compte ni baisse de niveau." [ France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"; Résumé].
Pour cela, plusieurs innovations s'appuient explicitement sur certains acquis de la recherche dans les domaines de la psychologie du développement et des apprentissages, de la psycho-pédagogie ou de la didactique des disciplines : "Equal opportunities issues and second language learning theories influenced government policy during the course of the 80s and resulted in the requirement to integrate bilingual learners into mainstream schools. Mainstream (class/subject) teachers became responsible for the education of all children, regardless of linguistic abilities."
[ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children", Résumé]. "La méthodologie de l'apprentissage coopératif s'inspire des recherches de Maria José Diaz Aguado (psychologue) qui a développé des recherches sur ce thème et qui prône son application pour la promotion de la tolérance et l'intégration scolaire." [ Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"; Résumé].D'autres innovations de l'échantillon, qui sont co-gérées par des enseignants et des chercheurs, correspondent à des démarches scientifiques de recherche-action et s'inscrivent comme telles dans des cadres théoriques nettement définis. Parmi celles-ci on relève notamment l'étude néerlandaise qui s'inscrit dans une approche vygotskienne
[ Pays-Bas, " The Milestone : an implementation of developmental education"] et une étude française qui s'inscrit dans une approche constructiviste et interactionniste fondée sur le constructivisme piagétien [ France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"].La valeur centrale des nouvelles approches pédagogiques, que l'on trouve mentionnée dans la majorité des études de cas, et pas seulement dans celles qui se situent dans le cadre scolaire, semble être la notion de coopération.
A lécole, la coopération et l'échange entre élèves, et entre élèves et éducateurs, apparaissent comme le facilitateur, voire comme la source, de la construction des connaissances et des compétences tant dans le domaine cognitif que dans le domaine social :
France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"]. " A basic tenet of this approach (the vygotskian approach to learning and development) is that children's development depends on interactions with adults and more capable peers." [ Pays-Bas, " The Milestone : an implementation of developmental education", Résumé]. " (L'évaluation) du processus (d'apprentissage coopératif) a permis de remarquer son efficacité pour améliorer les résultats scolaires. Celle-ci peut s'expliquer par le temps plus long qui est consacré à la tâche quand on le compare avec la structure traditionnelle, par le conflit socio-cognitif résultant de la discussion entre camarades par l'interdépendance qui découle de la réalisation de la tâche en équipe et l'obtention de récompense pour cette équipe". [ Portugal, "L'apprentissage coopératif comme stratégie d'éducation multiculturelle"] Hors l'école, dans les innovations para- ou post-scolaires, les mêmes valeurs de la coopération sont également défendues, par exemple dans l'étude italienne sur les groupes de soutien socio-éducatifs :-" Pour reprendre l'expression de Vygotsky, on peut dire que le groupe socio-éducatif représente un instrument de compensation pour renforcer les compétences sociales, relationnelles et cognitives (...). Dans l'organisation des activités les éducateurs adoptent en permanence le principe de participation de la coopération éducative." [ Italie, "Les groupes socio-éducatifs : une modalité éducative pour répondre aux difficultés des mineurs"]."Les valeurs coopératives défendues par l'école sont des valeurs selon lesquelles les interactions et la collaboration entre personnes aux statuts, origines, connaissances diversifiés sont à favoriser pour deux motifs : que chacun participe activement à la vie collective, de façon consciente et responsable, et que chacun profite de la richesse d'échanges intellectuels aussi variés que possible, sources de connaissances." [
Dans cette optique, les différences de quelque nature quelles soient -sociales, culturelles, liées au sexe ou au fait dêtre atteint dune déficience physique, sensorielle ou mentale- apparaissent non plus comme des obstacles mais comme des ressources enrichissant les processus de "co-construction des connaissances" [
France, "Une pédagogie coopérative et interactive pour la réussite de tous les élèves. L'expérience menée à l'école des Bourseaux"] dans un milieu social coopératif et communicatif.La prise en compte de ces différences peut permettre également la transformation de l'école au bénéfice de tous : "La présence des handicapés dans l'école de tous a fonctionné comme un pivot, c'est-à-dire que la minorité de ces sujets faibles a interrogé les pratiques éducatives. Celles-ci sont passées d'une logique de rattrapage de la distance qui sépare les sujets faibles des autres élèves à une logique qui part de la diversité, lutte contre la transformation de la différence en inégalité et vice versa la transforme en ressources, potentialités, compétences. " [
Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire".] "Many students not designated as requiring (linguistic) support, but with a range of language and learning needs, can benefit from a focus on the language of subject content. The curriculum becomes more accessible to all ." [ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"]L'historien enfin ne manquerait sans doute pas de remarquer que ces aspirations à l'éducation scolaire pour tous sont portées, tant dans l'école que dans son environnement, par différents acteurs sociaux.L'étude des processus d'innovation montrera que parmi ces acteurs on trouve des professionnels de l'éducation et des responsables gouvernementaux des politiques éducatives mais aussi des employeurs et parfois, c'est ce que nous voudrions souligner ici, les populations bénéficiaires elles-mêmes.
Ces populations participent en effet très activement à leur développement et peuvent être à lorigine même des projets. C'est le cas, nous l'avons déjà signalé plus haut, dans l'innovation irlandaise [
Irlande, "The Kileely Community Project"] qui est née des aspirations d'un groupe de femmes socialement défavorisées. C'est le cas également des deux innovations italiennes [Italie, "L'intégration sociale et scolaire du sujet handicapé en Italie. Comment sortir de l'hétéronomie pour accéder à l'autonomie ?" ; Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire".] qui portent sur l'intégration scolaire et socio-professionnelle des jeunes handicapés. On apprend en effet, à la lecture de ces études, que la politique d'intégration des handicapés est officiellement inscrite dans la loi italienne depuis plus de vingt ans. Elle a sa source dans le désir d'intégration sociale des handicapés eux-mêmes et de leurs familles. Il est significatif, de ce point de vue, que l'étude [ Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire"], qui évalue la politique d'intégration scolaire de jeunes Down dans dix circonscriptions de la municipalité de Rome, ait été réalisée et financée par une association de parents d'enfants handicapés (l'Association Italienne pour les Personnes atteintes du Syndrome de Down).Conclusion
De cet ensemble de remarques, l'historien du XXIIème siècle dont nous avons tenté de prendre le point de vue conclurait peut-être que les sociétés occidentales développées, qui comptent pourtant, pour la plupart, parmi les plus riches du monde [ Indicateurs économiques des 15 pays de l'Union européenne], n'en demeuraient pas moins inégalitaires. Il pourrait comprendre aussi que ce phénomène est aggravé, en cette fin de XXème siècle par une crise économique de première grandeur qui affecte la majorité de ces pays. Il se risquerait peut-être alors à une interprétation de l'aspiration manifestée par notre échantillon d'innovations pour une éducation pour tous, intégrative et inclusive. Nest-elle pas une réponse à la persistance ou la recréation dinégalités sociales aiguës, insupportables au regard des valeurs humanistes en même temps que potentiellement dangereuses pour la paix sociale ? L'éducation apparaîtrait alors comme l'un des domaines où peut se construire du lien social entre les diverses composantes des sociétés que la brutalité des facteurs économiques tend à diviser.
Sur un autre plan, celui de la construction européenne, l'historien pourrait remarquer aussi la très grande homogénéité de l'échantillon quant aux valeurs qui y sont affirmées, et ceci en dépit du fait qu'il émane de dix pays européens différents. En effet, sur la question de l'égalité des chances en tous cas, on ne perçoit pas de discordance ni de grande différence, du moins au niveau des aspirations. Pour ce qui est des réalisations, il en va peut-être autrement, comme nous le verrons dans le point suivant. En effet, le développement des innovations nécessite une série de conditions économiques, sociales et politiques qui ne sont pas partout également réunies, ce que démontre de façon très illustrative l'étude présentée par la Grèce : "In Europe, the introduction of educational schemes analogous to the Greek Supplementary Teaching Programs is not recent. (...) Why should one engage himself, in the year 1997, with the implementation of such an educational scheme whose present pedagogical foundation is in danger of being outrun ? The answer to the above question must be searched for within the framework of political, economical and, certainly, educational life in Greece, during the last decades." [ Grèce, "Examination of the greek supplementary teaching programs"].
D'autre part, on peut être frappé par la grande ressemblance de projets implantés dans des pays très différents. Il en va ainsi par exemple pour l'intégration d'enfants "différents" dans les structures scolaires ordinaires, en Angleterre
[ Angleterre, "Equal opportunities : bilingual children"] et en Italie [ Italie, "Intégration et partenariat. Expériences d'intégration des trisomiques dans l'école primaire"] notamment. Il en va de même pour les projets de "rattrapage scolaire" mis en place par les institutions scolaires elles-mêmes : l'Education Libre pour la Jeunesse au Danemark [ Danemark, "Open Youth Education, Résumé], le Lycée du Temps Choisi en France [ France, "Rescolariser et préparer au baccalauréat des jeunes en rupture : l'expérience du Lycée du Temps Choisi (Paris XX°)"]. Ceci ouvre d'ailleurs peut-être une piste pour les prochains travaux de l'Observatoire : étudier les innovations similaires d'un pays à l'autre, voire repérer les éventuels réseaux transnationaux d'innovateurs qui peuvent exister en Europe.Linart, Monique. Des machines et des hommes. Apprendre avec les nouvelles technologies. Paris, Ed. Universitaires, 1990.
© Innova : Observatoire européen des innovations en éducation et en formation / European Observatory for Innovation in Education and Training, juin 1998.