Sommaire étape 2  CONSTRUIRE UN PROJET DE RECHERCHE EN EDUCATION

IUFM des Antilles et de la Guyane, Le Créfag
Équipe académique: Groupe de recherche sur l’école en Guadeloupe (GREG)

Sommaire
LES OBJECTIFS DU STAGE

I. LES TYPES DE RECHERCHE
  1. Ce qu’est la recherche
2. Les types de recherche et leurs paramètres

II. LES PHASES D’ELABORATION D’UN PROJET DE RECHERCHE
  1. L’idée de recherche
2. De l’idée à l’objet de recherche
3. De l’objet à la question centrale
4. De la question aux hypothèses
5. Des hypothèses aux concepts
III. S’ENTRAINER A LA DEMARCHE DE RECHERCHE
  1. Définition d’un travail de groupe
2. Rappel des définitions des notions importantes à approfondir
CONCLUSION

 

Ce document est la mise en forme d'un stage qui s'est déroulé du 15 au 18 juin 1999 à Pointe-à-Pitre et qui s'est adressé aux personnes impliquées en Guadeloupe dans la recherche "Bâtir l’école du XXIème siècle". L’intervenant a été Mokhtar Kaddouri, chercheur au CNAM et enseignant à Paris X qui travaille au Centre de recherche sur la formation (CNAM), spécialement sur les relations entre formation d’adulte et identité professionnelle. Ce document a été rédigé et mis en forme par Marie-Josèphe Giletti-Abou à partir des notes des stagiaires.

 

LES OBJECTIFS DU STAGE

- Définir les différents types de recherche que l’on peut trouver dans les sciences de l’éducation et se situer, dans le cadre de la recherche "Charte", par rapport aux caractéristiques de chaque type de recherche.

- Définir les différentes composantes d’une activité de recherche, les saisir comme une aide pour construire une démarche de recherche.

- Définir les outils et méthodes qui permettent de recueillir l’information (entretien, questionnaire, observation, ...).

Remarque sur la formation

On peut distinguer l’offre de formation, de la demande de formation.

L’offre de formation est une offre de l’institution. Il s’agit de rendre les gens capables de faire leur travail, de les rendre compétents. Or, les analyses de documents montrent que les gens cherchent des modèles de comportement, des modèles culturels par rapport à l’institution ; donc au-delà de l’offre de formation, il y a une demande identitaire.

La demande de formation (formation longue) a pour but d’acquérir des compétences, mais c’est aussi une démarche identitaire (demande de reconnaissance). D’où la question centrale : qu’est-ce qui fait que l’on s’engage ou non dans la formation ?

Quand il y a adéquation entre l’offre de formation et la demande, les individus investissent mieux la formation car ils y trouvent une occasion de construire une identité. Sinon , il y a blocage, résistance ; pas une résistance au changement comme le disent les psychosociologues, mais plutôt une affirmation de soi, car l’offre de formation est alors vécue comme une conversion identitaire.

 

I. LES TYPES DE RECHERCHE

1. Ce qu’est la recherche

Il convient de distinguer

  • la recherche,
  • la formation,
  • le conseil, l’intervention.

  Objectif principal
La formation La production d’une capacité (savoir, savoir-faire, savoir-être).
L’intervention La production d’un changement au sein de l’organisation.
La recherche La production d’un savoir

Parler de savoir implique un certain nombre d’exigences :

- Mobiliser un cadre théorique et conceptuel.

- Avoir des hypothèses de travail.

- Construire un cadre méthodologique pour recueillir et traiter l’information.

Pour produire un savoir il est nécessaire de mettre à distance ses croyances, ses certitudes, son idéologie.

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2. Les types de recherche et leurs paramètres

Il existe deux grands types de recherche:

- la recherche fondamentale, académique, classique,

- la recherche finalisée, la recherche-action, la recherche appliquée ou opérationnelle.

Il y a souvent des passerelles entre les deux types de recherche.

On peut identifier quatre paramètres pour chaque type de recherche:
- l’objet,
- l(es)’hypothèse(s),
- le rôle des acteurs,
- les résultats de la recherche.

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- L’objet
C’est ce sur quoi on veut produire un savoir (phénomène, réalité), ce que l’on veut étudier. Il est nécessaire pour chacun de se poser la question de savoir ce qu’il veut faire par rapport à cette recherche; et d’éliminer tout ce qui peut parasiter son engagement. Ce qui implique un travail de distanciation obligatoire.

Remarque sur démarche de projet et démarche de recherche

Une démarche de projet n’est pas une démarche de recherche, sauf si avant d’élaborer ce projet on a mis en place une démarche de recherche.

Face à un problème, il existe plusieurs modalités pour y faire face : le travail en équipe interne par une démarche de résolution de problème, ou bien en externe par l’intervention d’un consultant.

La démarche de résolution de problème s’appuie sur une démarche d’analyse, c’est-à-dire une mise en relation d’informations à partir desquelles on construit du sens.

On peut repérer six phases dans la résolution de problème.

Définir

1) la nature du problème,
2) pour qui c’est un problème,
3) quelles en sont les causes, ( point souvent escamoté) politiques ? culturelles ? organisationnelles ? personnelles ?
4) quelles sont les solutions à partir de l’analyse des causes,
5) quelle est la solution,
6) la mise en place d’un projet pour mettre en œuvre la solution.

Dans la mise en place d’un projet, il on peut différencier trois niveaux :

1) Mise en place d’un projet d’action (les personnes concernées peuvent réclamer un accompagnement à l’action),
2) Accompagnement dans la conduite du projet,
3) Produire un savoir d’intelligibilité qui peut aider à résoudre un problème (C’est le rôle du chercheur).

Construire un projet de recherche implique de rompre avec la demande sociale de résolution de problème pour construire son objet. Le chercheur doit s’interroger sur son rapport à l’objet de recherche, élucider le contexte d’émergence (politique, social, interpersonnel…). Il est utile aussi de clarifier le rapport des différents acteurs à la recherche en différenciant les objectifs sociaux, politiques, et les objectifs de recherche. Il doit prendre de la distance à l’égard de son objet et de son implication dont il doit minimiser les effets (l’objet devient " autre " que soi) ; ce qui est un des problèmes en sciences humaines.

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- L’hypothèse

C’est une réponse provisoire et anticipée à une question que l’on se pose.
C’est la mise en relation de cause à effet entre deux variables, deux faits (on parle alors de variables indépendantes et de variables dépendantes).
C’est une affirmation à valider ou à invalider. Une hypothèse ne vaut que si elle est falsifiable (cf. K. Popper et la notion de réfutabilité).

Il existe trois types d’hypothèse :

• hypothèse d’existence (face à un phénomène, on se pose la question de l’existence ou non de ce phénomène) ;
• hypothèse de relation (détermination de relation entre deux phénomènes) ; la réponse est de type explicatif ;
• hypothèse d’action  (soit un fait et un projet, et on fait l’hypothèse que la mise en place d’un projet produira le fait. Dans ce cas, le projet est de l’ordre de l’action.

Remarque sur la question du choix de l’hypothèse

Il est nécessaire de distinguer un problème social d’un problème de recherche. Il faut savoir que les choix politiques, culturels, idéologiques, philosophiques orientent la recherche sur l’objet, mais qu’ils ne le doivent pas sur les hypothèses (cf. des hypothèses " militantes ").

Le problème essentiel est ici de différencier la connaissance (vers la vérité) et la représentation (qui permet d’agir, de résoudre des problèmes…). On peut rappeler la notion de rupture épistémologique développée par G. Bachelard.

 

-Le rôle des acteurs

Il s’agit de clarifier les rôles par rapport à l’action et par rapport à la recherche . La question est particulièrement importante dans le cadre de la recherche INRP " Bâtir l’école du XXIème siècle ". Il sera essentiel de bien identifier les acteurs

- qui sont impliqués;
- qui sont concernés;
- qui sont dans l’environnement.

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-Les résultats de la recherche

Ils se différencient essentiellement par leur degré de généralisation.

PARAMETRES RECHERCHE FONDAMENTALE, ACADEMIQUE, CLASSIQUE… RECHERCHE FINALISEE, RECHERCHE- ACTION, RECHERCHE APPLIQUEE
Objet

L’objet est extérieur aux acteurs. Il ne s’agit pas de résoudre un problème par la production d’outils d’action.

L’objet se construit à travers la transformation de la demande des acteurs sociaux. Elle répond à la question du pourquoi ?

L’objet se construit à partir de la demande sociale.

 

Elle répond à la question du comment ?

Hypothèse(s)

Hypothèses de relation entre deux faits

Hypothèses explicatives.

Hypothèses d’action.

Relation entre un fait* et un projet. Une hypothèse d’action est une affirmation établie à partir d’un fait et d’un projet. Si on met en place telle action, on aboutit à tel projet.

 

Rôle des acteurs

Le chercheur est indépendant des acteurs de terrain. Ce qui conduit à différencier le rôle social et le rôle de chercheur qui est "dégagé" des contraintes de l’action ; ce qui permet une certaine distance par rapport à l’action.

Il y a ici " rapprochement " entre le rôle social et le rôle de chercheur ; ce qui est source de confusion et de tensions entre la logique d’action et la logique de recherche.
Le problème est de gérer le " conflit " des rôles. Plusieurs réponses sont possibles :

- soit une équipe d’acteurs dont l’un agit au dedans et au dehors ;
- soit plusieurs équipes d’acteurs qui opèrent un chassé croisé, chacun acceptant d’être regardé par l’autre ;

- soit une équipe d’acteurs et une équipe de chercheurs qui assurent des responsabilités différentes dans l’action et dans la recherche, mais qui co-pilotent l’ensemble.

 

 

Résultats

Production d’un savoir " désintéressé " par rapport à l’action. Ce n’est pas un savoir produit pour résoudre un problème lié à l’action.

C’est un savoir utilisable par d’autres acteurs dans d’autres situations.

Un savoir qui répond à la question du pourquoi ?

Il permet de valider ou d’invalider la relation établie dans le cadre de l’hypothèse.

On vise ici la généralisation du savoir à d’autres situations similaires ; ce qui permet de définir des lois d’explication des phénomènes.

Un savoir finalisé qui tire sa valeur de la résolution du problème et qui est lié à l’action.

 

 

Un savoir qui répond à la question du comment ?

 

 

Un savoir spécifique à la situation, dont on peut éventuellement définir les conditions de transfert à d’autres situations.

* Remarque sur la notion de fait : C’est soit quelque chose qui existe, qui est " là ", soit quelque chose qui existe dans la subjectivité des acteurs. Se pose alors le problème du statut du discours (voir la sociologie compréhensive, herméneutique, l’interactionnisme). Selon la perspective le statut de la vérité diffère : soit elle est de l’ordre de l’expérimentation dans une approche positiviste, soit de l’ordre de la subjectivité dont le chercheur dégage le sens.

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- Des distinctions utiles et des difficultés à affronter

Ne pas confondre le champ de la recherche et l’objet de la recherche.
Clarifier les orientations de la recherche: soit plutôt quantitative, soit plutôt qualitative, clinique (démarche de singularité).
Deux écueils à éviter : la globalisation et la spécification.
Problème de l’authentification des résultats. Dans la recherche académique, elle est garantie par la communauté scientifique ; mais il y a des risques de non authentification pour la recherche-action.
La subjectivité est toujours présente dans toute recherche ; il convient de la repenser, ainsi que son implication (voir les travaux de G. Devereux, De l’angoisse à la méthode, ouvrage dans lequel il pose le problème de l’illusion de la désubjectivation ; voir aussi J. Rostand, Fausse science et science fausse).
Les différentes phases d’un projet de recherche :

- la préparation qui est la phase essentielle ;
- la réalisation ;
- la formalisation.

• Question de l’objectivation de l’objet de recherche : le problème est que dans la recherche-action, il y a "urgence de l "action.
• Question de la fin de la recherche dans la recherche-action : on est jamais vraiment dans l’achèvement.

Il est nécessaire pour l’équipe de s’interroger sur la manière de traiter la demande ministérielle : recherche fondamentale ? recherche-action ? évaluation ? …

II. LES PHASES D’ELABORATION D’UN PROJET DE RECHERCHE

1. L’idée de recherche
Il ne faut pas prendre l’idée de recherche pour l’objet de recherche. C’est une idée souvent floue, large, ambiguë. L’idée de recherche peut venir du fait que l’on vit un problème: ce que l’on va introduire dans l’école, par exemple l’informatique … et on ne sait pas comment cela va se passer. C’est donc un point de départ, mais ce n’est qu’un point de départ ; d’où l’importance de passer de l’idée de recherche à l’objet de recherche.

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2. De l’idée à l’objet de recherche
Alors que dans l’idée de recherche " tout " est permis comme implication personnelle (motivations diverses), dans l’objet de recherche l’essentiel est la motivation scientifique.

L’objet est ce sur quoi on veut produire un savoir, c’est ce que l’on veut étudier. Il n’est pas donné, il se construit. L’objet n’existe pas en tant que tel, c’est le chercheur qui le délimite. Un objet pour l’un peut n’être qu’un indicateur pour l’autre. On parle donc de construction de l’objet. Sa dimension peut être variable (macro ou micro).

Pour construire cet objet, il y a un certain nombre de repères à se donner: le spécifier dans le temps et dans l’espace, par rapport à un public, une situation.... Sinon il y a risque de fusion du chercheur avec son objet qui relèverait du narcissisme.

Un exemple de définition d’un objet de recherche : " Les pics d’attention chez les élèves ".

 A partir de cette idée, il convient de se poser un certain nombre de questions qui aideront à la construction de l’objet :
- Quels élèves ?
- Quand ?
- Où ?
- Pourquoi ? (le constat d’échec)
- Pour quoi ? (réussir les apprentissages)
- Avec quels effets ? (réorganiser l’emploi du temps)

On va donc traduire les réponses aux questions en phrases (chaque stagiaire a été invité à construire sa phrase)

.

Premier exemple de reformulation

 En quoi la prise en compte des pics d’attention permet-elle de réorganiser le temps scolaire des enfants afin de les amener à réussir leurs apprentissages ?

Deuxième exemple de reformulation

 A partir du constat d’échec des élèves lié à l’inégalité de répartition du pic d’attention des élèves en classe, il s’agira d’étudier l’organisation du temps scolaire pour améliorer la réussite des apprentissages en adaptant les activités en fonction des pics d’attention.

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Des conseils pour construire l’objet de recherche

Prendre conscience que dans la formulation, il y a ici similitude entre la construction des objets de recherche et les objectifs pédagogiques.
• Démarrer la formulation de l’objet de recherche avec un verbe, si possible un verbe d’action.
• On est parti d’un lien affirmatif entre les pics d’attention et les effets sur les apprentissages. Il faut expliciter les critères qui ont conduit à cette spécification. Ce qui implique pour la recherche " Charte " de revenir au contexte d’émergence de l’objet de recherche (politique, social,…). Ce qui signifie que, chaque fois qu’il y a demande, interroger la demande.
• Il faut expliciter la nature des effets, leur mise en évidence, leur mesure…
• Il convient de définir la notion de pic d’attention.
Par exemple : disponibilité de la mémoire, réceptivité, concentration.
• Il faudra passer de la notion au concept ; ce qui impliquera d’aller chercher les travaux sur le phénomène étudié ; de telle sorte que l’on puisse nommer de façon univoque ce que l’on veut définir.

Il y a donc plusieurs étapes dans la construction de l’objet de recherche. Il faut donc le rédiger et donner à lire cette formulation à différentes personnes. Si toutes les personnes comprennent la même chose, on peut donc continuer dans la démarche de construction de l’objet de recherche.

Rappel

- L’objet désigne ce que l’on va étudier.
- Utiliser un verbe.
- Définir et clarifier l’ensemble des notions qui sont dans l’objet.
- Pas d’objet d’une longueur infinie (un objet peut tenir en une ou deux phrases).
- Sa définition doit être univoque.
- Le meilleur moyen de le vérifier est de le communiquer à d’autres personnes : s’ils comprennent la même chose c’est que la formulation est pertinente.

• Il faut accepter que cet objet de recherche soit faisable : qu’il n’englobe pas tout ce que l’on a envie de traiter. Il faut qu’il soit accessible (lieu d’étude, niveau du public, temps) et réaliste (mieux vaut un objet " petit " mais sûr).
• S’interroger sur son intérêt par rapport à cet objet, pour pouvoir prendre de la distance ? Quelquefois il faut accepter " d’avoir des comptes à régler ", mais en tant qu’adulte je dois bien savoir ce qu’induit une démarche de recherche.

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3. De l’objet à la question centrale
Une fois que l’on a défini l’objet de recherche, il est conseillé de le transformer en question. Si ce travail est bien fait on va gagner du temps par exemple sur l’échantillon. Ceci permet de savoir dans quelle perspective théorique on se situe. Le travail de formulation de la question centrale permet d’élaborer les hypothèses et aide à clarifier les moyens de recueil de données.

Il ne faut pas que ce soit une fausse question : par exemple, ne pas commencer par " Est-ce qu’il est normal que.. .? N’y a-t-il pas une injustice à… ?. Ce qui signifie, éviter les questions moralisatrices, idéologiques.

4. De la question aux hypothèses
Une fois que l’on a la question centrale il faut que l’on s’efforce de trouver une réponse provisoire et anticipée à la question que l’on se pose : c’est l’hypothèse.

Les hypothèses doivent être :

- vérifiables,
- précises (parlent à tout le monde, ne portent pas de jugement de valeur),
- communicables (d’autres chercheurs peuvent les comprendre et se baser sur elles pour faire d’autres recherches).

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Le processus d’élaboration des hypothèses

Élaboration a priori

Élaboration a posteriori

Sans passer sur le terrain, à partir de lectures, d’expériences.

On est dans une démarche hypothético-déductive.

Cela concerne les domaines que l’on ne connaît pas bien. On fera un détour par une pré-enquête(entretiens non directifs, rencontre avec des spécialistes, analyse documentaire).

On est dans une démarche hypothético-inductive.

Il faudra passer des hypothèses aux indicateurs qui permettront de " saisir le réel ".

5. Des hypothèses aux concepts (dimensions et indicateurs)

- L’importance du cadre théorique

Il convient de préciser l’importance particulière du choix des cadres théorique et méthodologique afférents à l’objet de recherche, et de se donner une démarche permettant de choisir et construire des indicateurs pertinents.

Dans la mesure où l’objet étudié se rattache toujours, de prés ou de loin, à un débat d’idées avec parfois des incidences interdisciplinaires, les "angles d’attaques" peuvent être nombreux . Il est donc nécessaire de se positionner explicitement par rapport à un courant théorique existant .

Normalement, une attitude non dogmatique devrait définir le cadre théorique après des lectures et échanges divers concernant l’objet. C’est donc un choix à posteriori .Une attitude de choix à priori est une attitude d’engagement qui peut se concevoir, mais avec d’autres objectifs que ceux d’une recherche pure. Dans ce dernier cas, c’est le cadre qui fabrique l’objet.

Comment éviter les écueils liés choix d’un cadre théorique? En effet, le danger est grand de reproduire des théories implicites qui ne sont autres que nos diverses représentations mentales sur un sujet donné. Ces représentations donnent alors lieu au choix d’un faux cadre théorique.

C’est dans un horizon de temps assez large que l’on pourra réaliser des lectures sur les objets choisis et faire évoluer ses propres représentations. Cette évolution doit continuer jusqu’à ce que le sens* qui se dégage de l’objet soit partagé par l’équipe de recherche. Ce qui implique un tutorat collectif.

Remarque sur sens et signification
La signification est objectivée (ça parle à tout le monde de la même façon), alors que le sens est toujours singulier, contextualisé par rapport à la subjectivité de chacun. Il s’agit de reconnaître la diversité des sens.

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- Le cadre méthodologique

Bien évidemment, le choix de la méthode dépend étroitement des étapes précédentes. L’ensemble constitue la problématique. On pourra par exemple privilégier l’entretien de type sociologique (on questionne la personne sur des critères sociologiques afin de créer des typologies) ou l’entretien de type clinique (on interprète le vécu de la personne à travers ce qu’elle dit ). On peut aussi préférer les faits et observer les éléments factuels.

- La problématique est la réunion des éléments suivants :

- Idée
- Objet
- Question centrale
- Hypothèse
- Cadre théorique
- Cadre méthodologique

- Le concept, ses dimensions et la question des indicateurs

Avant de choisir des indicateurs il faut examiner les concepts présents dans l’objet et en décliner leurs diverses dimensions. La dimension d’un concept de définit par ses composantes, ou aspects, ou attributs.

Un exemple de recherche d’indicateurs à partir de l’analyse du concept. 

L’idée de la recherche: analyser les attitudes des salariés à l’égard de la formation .

La question centrale: quels sont les déterminants de l’attitude des salariés à l’égard de la formation ?

L’hypothèse: le projet professionnel détermine les attitudes des salariés à l’égard de la formation .

Quelles sont les dimensions du concept "projet professionnel" ?Autrement dit, quels sont les différents aspects du concept ? Un projet professionnel se caractérise par les dimensions de mouvement, de temporalité, d’espace, de moyens...Il est souvent nécessaire de pratiquer un brainstorming pour pouvoir décomposer le concept . Ceci revient à se demander comment saisir le projet professionnel.

La reformulation de l’objet serait alors par exemple : Étudier les attitudes des salariés d’entreprise du secteur agroalimentaire de Jarry à l’égard de l’offre de formation (ou de la demande de formation, ou bien de l’articulation des deux…).

Dans l’exemple il faudrait aussi examiner les dimensions des concepts "attitudes" "salariés" et "formation" .

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Il y a là autant de pistes pour construire un questionnaire, une grille d’observation, un guide d’entretien.

En dimensionnant les concepts on est souvent amené, dans une démarche de feed-back, à modifier son objet .

Le concept se décline en dimensions qui peuvent se décliner en sous-dimensions.

Chacune de ces dimensions ou sous-dimensions se traduisent en indicateurs à partir des quels seront construits les questionnaires, les grilles d’observation ou les guides d’entretien.

Un indicateur est une manifestation observable d’un concept ou d’une variable.

Il y a deux types d’indicateurs,

- les factuels (faits observables),
- les subjectifs (sentiments, réactions, opinions).

Remarques : Sur les notions de finalité (valeurs), but (orientation pour aller vers la finalité) et objectif (résultat observable, qui constitue l’instrumentation du but).

Sur la notion d’effet : distinguer l’effet attendu, l’effet non attendu et l’effet pervers (qui est l’inverse de ce qui est attendu).

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III. S’ENTRAINER A LA DEMARCHE DE RECHERCHE

1. Définition d’un travail de groupe

Dans le cadre d’un travail de groupe, il s’est agi de passer de l’idée de recherche à l’explicitation des indicateurs :

- Passer de l’idée à la notion d’objet de recherche.
- Formuler une question centrale.
- Tenter d’élaborer une hypothèse.
- Repérer des dimensions et des indicateurs.
- Tester les difficultés rencontrées.
- Tableau de correspondance à construire.

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2. Rappel des définitions des notions importantes à approfondir

- L’objet de recherche est ce sur quoi je veux produire un savoir. Un objet de recherche se construit, tandis qu’une idée de recherche est floue, ambiguë. C’est le chercheur qui construit son objet de recherche ; C’est lui qui mesure les effets de son objet de recherche, qui le délimite dans le temps et dans l’espace.

- La question centrale est la question que l’on se pose à partir de l’objet de la recherche et qui nous aide à formuler des hypothèses.

- L’hypothèse est la réponse provisoire, anticipée à une question que l’on se pose ; c’est une affirmation qui sera vérifiée. L’hypothèse peut être infirmée ou confirmée, après vérification.

Il existe des hypothèses de relations et des hypothèses d’action. Une hypothèse doit être vérifiable et communicable.

- Un concept est une idée abstraite et générale contenue dans une recherche. Il doit être bien défini.

Exemples : l’échec scolaire, la réussite scolaire.

- Un indicateur est une manifestation observable d’un concept, d’une variable. Il existe deux types d’indicateurs: les indicateurs factuels (ex : le nombre de présents) et les indicateurs subjectifs ( opinions, sentiments, ce que pensent les personnes).

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3. Restitution en commun des résultats des différents groupes

Le porte parole de chacun des groupes présente, à tour de rôle, le résultat de la première consigne (cf. supra).

GROUPE 1 : Thème retenu : La gestion du temps.
Démarche utilisée :

1- Brainstorming puis sélection du temps.
2- Installation du cadre théorique avec comme référents des livres puisés dans la bibliothèque de l’IUFM.

Objet de recherche proposé:

"  Limiter et organiser le temps scolaire dans la journée pour améliorer les apprentissages et contribuer à un meilleur développement de l’enfant. "

Observation faite : l’objet proposé se situe dans une perpective d’action.
Proposition d’amélioration de cet objet de recherche lancée par un stagiaire : " étudier la relation entre la durée et l’organisation du temps scolaire et ses effets sur les apprentissages et le développement des élèves".

Remarques : Dans toute recherche on a besoin d’un cadre théorique. ( il en existe une variété ). Celui-ci évolue en fonction de l’avancement des travaux . En ce qui concerne, l’objet de recherche, il serait bon qu’il commence par un verbe. Les verbes du même style que "  construire " impliquent une recherche d’action. Les verbes comme " analyser, décrire " impliquent une recherche réflexive.

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GROUPE 2 Thème retenu : Partenariat et effets sur les apprentissages.

Difficultés éprouvées par les stagiaires de ce groupe :


- Définir le mot : partenariat.
- Se mettre d’accord sur l’objet de recherche ( motivations).
- Formuler l’objet de recherche.
- Avoir un modèle transférable.
- Quitter la casquette du " vécu " pour prendre celle de chercheur.

Objet de la recherche
"Analyser les effets des modes de relations établis entre les enseignants et les éducateurs sur l’apprentissage des élèves."
Au sein de ce groupe, il y a eu un aller et retour constant entre le thème et le faisabilité de la recherche.

Remarques : La difficulté à définir le terme " partenariat "  réside dans le fait que c’est une notion polysémique. Il serait bon pour clarifier ce terme de bombarder de questions l’institutionnel.

En ce qui concerne la notion de concept, il en existe deux types dans la recherche :
- Le concept théorique : P. Bourdieu et son équipe appellent cela "concept systémique". Le concept théorique est complexe. Il n’a de sens qu’avec d’autres concepts. " L’habitus "est un concept théorique systémique. C’est le capital qu’un individu a à un moment donné.
- Le concept opérationnel ou pragmatique : le concept opérationnel ou pragmatique est issu de l’expérience, de la pratique et du vécu. Il n’est pas à cent pour cent stabilisé. Il est en évolution et en construction constante.

Les concepts sont chargés par l’expérience sociale de la personne qui les utilise. Il faut donc essayer de savoir , si le concept de partenariat est un travail en commun ou un travail en équipe. C’est un concept non "assis".

L’objet de recherche du 2ème groupe paraît clair, bien qu’il semble étendu.

Conseils : L expression  " mode de relation " ne doit pas être utilisée comme une réduction et une simplification du mot "   partenariat ". Il faut donc définir la notion de " mode de relation ".
Il faudrait une spécification en terme de temps, d’espace ( lieu) de l’objet . Il serait bon de préciser aussi les effets, sur quel type d’élèves
.

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GROUPE 3 Thème retenu : Le suivi des élèves et la gestion des effectifs.

Démarche utilisée :

Brainstorming. Mêmes difficultés rencontrées que les autres groupes.
Objet de recherche
"Analyser les effets de l’organisation en groupes de besoins sur les apprentissages de classe du cycle 2  ".

Ce groupe a dû faire un retour sur son objet de recherche pour mieux le préciser . Il devient :
"Analyser les effets d’une organisation en petits groupes dans l’école, sur un temps et à un rythme déterminé d’élèves de cycle 2, ayant des niveaux scolaires différents. ".

Remarques : Dans cet objet de recherche il y a possibilité de réaliser trois recherches. La première aurait une dimension axée sur la taille ; la deuxième sur la temporalité et la troisième porterait sur le rythme.
Il faut savoir qu’un objet de recherche n’est jamais " ficelé "  au départ. Cela n’est réalisé qu’en fin de recherche.
L’absence d’objet de recherche ne mène nulle part. Par contre la formulation provisoire de l’objet évolue. L’objet bouge. Il n’a pas de linéarité. Mais le travail sur le cadre théorique peut faire évoluer l’objet.

Conseil : Quand un objet de recherche est formulé, il est utile de le faire lire par plusieurs personnes afin de vérifier si la compréhension du sujet est uniforme.

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GROUPE 4 Thème retenu : "Effet du fonctionnement coopératif sur les apprentissages".
Démarche utilisée :

Brainstorming .Mêmes difficultés rencontrées pour les autres groupes.

Objet de la recherche 
"Étudier les effets de la classe coopérative sur la motivation des élèves".

Remarque : La question qui se pose ici est la définition de la notion de motivation. Si cela caractérise la manière dont les enfants entrent dans un processus d’apprentissage, ce n’est pas de l’ordre de l’aptitude ou de la capacité. Peut-on la mesurer ?

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GROUPE 5 Thème retenu : "Effets des modes d’apprentissage sur les enfants en difficultés".
Démarche utilisée :

Brainstorming . Mêmes difficultés rencontrées pour les autres groupes.

Objet de la recherche 
- "Étudier la relation entre le travail en commun des différents acteurs dans la prise en charge des élèves en difficulté et leurs résultats scolaires."

 

GROUPE 6 Thème retenu : " Étudier la relation entre le travail en commun des différents acteurs  de la prise en charge des élèves en difficultés et les résultats scolaires de ces derniers."

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CONCLUSION

Les difficultés le plus fréquemment rencontrées

- Travail de formulation/reformulation.
- Rédiger un projet.
- Différencier action et recherche.
- Complexité de l’objet.
- Définir les notions.
- Se mettre d’accord sur l’objet.
- Avoir un modèle transférable.
- Mettre à distance le vécu individuel de chacun.
- Clarifier la motivation de chacun dans le rapport à la recherche.
- Re-préciser l’objet de recherche à partir des différentes dimensions du concept.
- Assumer le caractère fluctuant de l’objet.
- Distinguer démarche et produit.

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