Mathématiques à l’école élémentaire : pour une révolution douce.

Académie : Paris

Département : Paris

École : rue d’Alésia, Paris 75014

Rédacteur(s) : Stella Baruk, Madame Haiman

Sommaire

Les caractéristiques de l’action

Les modalités de l’action

La problématique

Ce que l’on se propose de transformer

Les conséquences d’une réflexion sur la manière

Les conséquences d’une réflexion sur la matière

Courte conclusion provisoire

 Les Caractéristiques de l’action

1 Affronter une situation de fait

Trente années d'enseignement et de "rééducation" des mathématiques, couvrant d’une part le cursus scolaire depuis les classes terminales jusqu'au CP, et s'adressant d’autre part aux publics les plus divers...- m'ont abondamment apporté la preuve que ce colosse qu'était l'enseignement obligatoire avait, en mathématiques, des pieds d’argile, à savoir son socle primaire.

Notre système de numération décimal a remplacé l’écriture des nombres en chiffres romains depuis quelques sept ou huit siècles. Or, lors des grands bouleversements de la Révolution, Condorcet travaillait encore à ce que fussent donnés à tous les Moyens d'apprendre à compter sûrement et avec facilité ; et dans le même temps, où fut inventé un "nouveau système" pour mesurer le monde - et se mesurer à lui - , on souhaita qu’il permit de "désormais apprendre en peu de temps, et même avec une intelligence médiocre, tous les calculs nécessaires aux usages ordinaires de la vie". Tous idéaux que devait mettre en œuvre l’école républicaine.

Or, à l’aube de ce XXI ème siècle qui voudrait voir la réussite de l’Ecole, on en est loin. Quand, avec des intelligences même pas "médiocres", mais tout à fait ‘normales’, après avoir été occupés des années durant par l'étude de la numération, des fractions, de la proportionnalité, du système métrique, d'une géométrie élémentaire, arrivent au collège, voire au lycée, trop d'élèves ne sachant qu'à peine écrire les entiers, pataugeant dans les "décimaux", ne sachant pas calculer une somme de fractions, "faire une règle de trois", et se demandant à propos d'un calcul d'aire ou de volume quelle "formule" est la bonne, on se dit qu'ils sont tout de même révélateurs de quelque chose de profondément inadéquat dans le "système" d'enseignement; ceci, tant dans la "matière" qu'il propose à de jeunes enfants, que dans la " manière " dont il procède.

Peut-être est-on mieux préparé à l'admettre aujourd'hui. Mais il se trouve qu’en 1996, la Direction des Ecoles m’ayant demandé de préparer un stage destiné aux inspecteurs de l’enseignement primaire, ce stage intitulé Archéologie de l'erreur en mathématiques qui s’est tenu du 24 au 28 mars 1997 et qui a été suivi par un peu plus de trente inspecteurs volontaires, a montré que parallèlement à des souhaits de changement et en dépit d'une considérable dépense d'énergies, voire de dévouements, une évolution des mentalités n'était pas chose aisée à réaliser.

L’"archéologie des erreurs" démontre en effet qu'entre autres raisons, les difficultés éprouvées par les collégiens ou les lycéens sont le plus souvent ancrées dans la faiblesse conceptuelle ou l’archaïsme de notions proposées - ou imposées - par l'école primaire.

2 Le changement est possible: un début de preuve

Cette évolution est pourtant possible à impulser, mais d'abord, sans doute, sur le terrain. Une 'expérience' a déjà été effectuée en classes de CP et CE1 de septembre1993 à juin1995 dans une ZEP du 11ème arrondissement, impulsée par Madame Tisseyre, inspectrice, et suivie par mesdames Joëlle Huguenot et Dominique Lapeyronie qui ont exceptionnellement gardé leur classe deux années, en CP puis en CE1. Il est ainsi apparu que ces institutrices, évidemment volontaires, une fois ayant à leur disposition de nouveaux outils de réflexion et de travail dans leurs classes, avaient enfin le moyen, à partir de leur talent ou génie propres, de ne plus se heurter aux échecs massifs en numération, opérations ou problèmes. Et aujourd’hui, matière et manière ainsi ‘revisitées’ par la langue et le sens leur paraissent désormais procéder d’un tel sentiment d’évidence qu’elles ne se ‘souviennent’ plus avoir jamais travaillé différemment.

3 Etendre l’expérience à tout l’enseignement primaire

Encouragée par les résultats obtenus, il m’a semblé qu’il serait fécond de reprendre une recherche portant cette fois sur une cohorte d’enfants du CP au CM2. J’ai souhaité trouver des écoles dont la situation "géographique" faciliterait ce long terme. Deux écoles de la 14 ème circonscription, se sont proposées. Soutenue par Madame Petit, inspectrice, et par Madame Haiman, directrice et Monsieur Jolivet, directeur, sachant par ailleurs que l’INRP cherchait à favoriser les initiatives, j’ai proposé cette recherche à Philippe Meirieu.

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4 Objectif poursuivi

Par un suivi mathématique d’une cohorte d’enfants du CP au CM2, proposer et mettre à l’épreuve des moyens

- d’éviter les ruptures

par la manière: entre la maternelle et l’école

par la matière: entre l’école et le collège

par l’une et l’autre: entre l’élève et l’enfant

- de réduire l’échec en mathématiques

- de donner aux élèves de solides bases culturelles et conceptuelles en mathématiques

Malgré la nouveauté de certaines façons de procéder, il s’agit surtout d’une révolution douce. Rien d’artificiel dans les propositions faites aux enseignants. Elles sont toutes issues du terrain, de la lutte contre l’échec. Selon ce qui leur apparaît comme pertinent, ils peuvent les aménager, ou inventer, ou innover.

Il se trouve que les maîtres de l’école du 188 rue d’Alésia étaient depuis plusieurs années particulièrement sensibles à la question des difficultés en mathématiques. C’est donc cette école qui a été retenue pour cette monographie.


Voici la contribution de Madame Haiman, directrice.

1 A l’origine

Pourquoi le projet est-il né?

Etat des lieux

Face à des faiblesses en numération, problèmes, relevées lors des évaluations CE2, 6 ème, l’équipe des maîtres avait choisi dès 1994 les mathématiques comme axe primordial du Projet d’Ecole.

Les actions engagées ont permis de faire progresser les élèves, mais trop peu, en particulier pour ceux qui présentaient le plus de difficultés dès l’entrée dans le cycle II.

Les maîtres étaient donc à la recherche de procédures différentes : l’entrée dans la Charte permettrait de faire évoluer les pratiques.

Parallèlement, Madame Baruk cherchait des classes pour mener son expérience. Nous connaissions, en particulier, le travail qu’elle avait fait sur la numération lors de sa précédente expérience dans le 11 ème arrondissement. Dès septembre 1998 elle présentait à l’équipe des maîtres du cycle I au cycle III sa démarche originale fondée sur:

- un travail systématique sur la langue et le sens

- une progression innovante des contenus

- une utilisation des erreurs fondatrice du sens.

Le caractère innovant de sa démarche a séduit l’équipe pédagogique.

2 Aujourd’hui

Effets constatés

Les maîtres confrontent leurs procédures à celles des méthodes proposées: ce dialogue permet une réelle réflexion et remise en question des pratiques.

Un travail de fond est lancé et s’affine grâce à la présence régulière et rassurante de Madame Baruk qui conçoit et exécute les séquences sur de nouveaux sujets tous les lundis matin de façon à proposer pour la semaine à venir du travail et de la réflexion à partir du sujet abordé.

Ces séquences ainsi que le travail de la semaine écoulée sont discutés en salle des maîtres après la classe, avec les enseignants concernés. Ils profitent ainsi d’innovations et des fruits d’une recherche qu’ils n’auraient pu inventer ou imposer par eux-mêmes et dont ils tirent un grand profit.

Les élèves

- niveau scolaire : cette expérience facilite la prise de parole. L’utilisation de mots/concepts tels que nombre, nombre-de est aisée et courante; la distinction effective et parlée chiffre/nombre, la signification de l’écriture chiffrée en mots de la langue aide à la compréhension de la numération en tant que système (effet également constaté lors de l’inspection par madame Petit, IEN), à l’acquisition précoce des grands nombres, etc.

- niveau éducatif : on constate une adhésion spontanée face aux situations proposées. L’ambiance de travail est très positive, les élèves ont une attitude particulièrement ouverte. Ils semblent également plus autonomes face aux situations proposées en groupe.

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3 Pour l’avenir

Il est indispensable que l’expérience perdure pour que puissent être constatés et évalués les acquis des élèves

- au niveau des évaluations CE2

- en fin de cycle 3

Le relais est pris par les maîtres (nouvelle promotion des CP); mais se pose le problème de la liaison CE1 , CE2 et celui d’éventuels préalables à mettre en place dès la maternelle.

Les maîtres souhaiteraient la mise en place d’un stage-école animé par Madame Baruk, pour assurer la continuité entre les cycles, et permettre échanges et débats.

Madame Haiman,

Directrice de l’école élémentaire du 188, rue d’Alésia

La fiche d’identité de l’école

N° identification de l’Ecole 0752778M
Téléphone 01 45 41 23 85
Nom de l’enseignant à contacter Madame Haiman directrice
Ecole élémentaire publique 10 classes
Nom et coordonnées de l’IEN

Madame Petit

14 ème circonscription

188, rue d’Alésia

Les moyens en personnel

Nombre de maîtres 12
Temps complet 8
Temps partiel 4
Direction décharge complète
Intervenant extérieur professeur-chercheur en mathématiques
P. V. P. 5
Aide-éducateurs 2

Réseau d’aides

Médecin scolaire

Secrétaire médico-scolaire

Assitante sociale

 

 

Les élèves: Effectif: 249 Restauration scolaire: nombre de rationnaires: 170

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Les familles

agriculteur, artisan, commerçant,

chef d’entreprise

59

cadre et profession intellectuelle

supérieure

33
profession intermédiaire 28
employé 79
ouvrier 37
retraité 1
autre: sans profession 12

Les locaux

salles d’enseignement: 10

salle d’arts plastiques: 1

salle polyvalente: 1

Gestion des locaux

Pas de BCD (en projet)

Pas de matériel informatique (en projet)

*Aménagement de la cour

-tracé au sol (basket)

*Equipement

- 3 télévisions - 3 magnétoscopes - 1 chaîne hifi

*Mode de gestion

- collectif

Les moyens financiers

Dotation versée par la commune: 45 069 francs

Dotation par élève: 181 francs

Coopérative: environ 15 000 francs

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Les modalités de l’action

1 C’est une fois par semaine que sont proposés en classe les principaux éléments du programme. Comme il y a deux classes concernées, le travail a lieu alternativement dans l’une puis dans l’autre. Cette année, chaque enseignant est remplacé à tour de rôle dans sa classe, et assiste au travail fait dans celle de son ou sa collègue.

Le contenu d’une séance, forcément un peu copieux, propose aux enfants et aux enseignants des pistes de travail pour la semaine à venir.

Année 1998-1999 Classes de CP

Points positifs

Il y a eu des journées de formation s’adressant à tous les enseignants de l’école.

L’intérêt pour l’expérience de madame l’inspectrice et de madame la directrice.

Points négatifs

Pour des raisons de mise en place administrative, l’expérience a commencé un mois après la rentrée.

Il n’y avait pas de remplaçant pour que les deux enseignants de CP, madame Sylvie Vergine et monsieur Gilles Temime puissent tous les deux participer à l’expérience. Nous avons donc travaillé jusqu’à Pâques avec les deux classes réunies, soit une cinquantaine d’enfants. Tout en étant trois à nous en occuper pour les exercices écrits, il est évident que cette ‘accumulation’ d’enfants a rendu les choses bien plus difficiles, voire parfois quasi impraticables.

 

Année 1999-2000 Classes de CE1

Points positifs : l’équipe dirigeante et enseignante

La direction a organisé l’emploi du temps de telle façon que les deux enseignants, mademoiselle Aurélie Serve et monsieur Eric Brillant peuvent régulièrement être présents chaque semaine.

Une fois la séance de travail avec les enfants terminée, mademoiselle Serve, monsieur Brillant et moi-même nous réunissons durant trois quarts d’heure environ pour la commenter, discuter de la manière de l’exploiter, et éventuellement la situer dans la problématique générale et dans celle des programmes. La discussion est toujours nourrie, du fait de l’exigence bien légitime des enseignants à vouloir savoir "où ils vont". Mademoiselle Serve et monsieur Brillant n’ont en effet eu jusqu’à présent qu’une matinée pour être "mis au courant" de ce qui avait été fait l’année précédente. D’où leur inquiétude parfois face à la nouveauté de certains aspects qu’ils sont amenés à découvrir "sur le tas". Mais il est prévu de trouver du temps pour précéder le mouvement au lieu de devoir seulement le suivre.

Une conseillère pédagogique, madame Tozzo est aux côtés des enseignants; elle connaît la problématique de l’expérience et la soutient chaleureusement.

Points négatifs

Il n’en est pas à proprement parler, sinon de manière générale pour une pareille expérience la nécessité d’un suivi qui suppose pour le présent et l’avenir la mise en place d’une certaine continuité dans l’initiation des enseignants aux méthodes utilisées. Autrement l’inquiétude dont il était question plus haut, ajoutée au manque de formation mathématique pourrait produire ce qui se produit parfois, à savoir des relations un peu tendues.

2 Les relations avec les parents

Il sera proposé aux parents une première réunion avant Noël.

Celle qui a eu lieu l’année dernière avait mis en lumière un aspect intéressant de l’inquiétude qu’ils pouvaient éventuellement ressentir face à la nouveauté.

Alors que j’avais abordé la question de la coexistence pacifique des savoirs et des pratiques, plusieurs parents étaient intervenus, et ce qui apparaissait était la crainte d’être, d’une façon ou d’une autre, désavoués par leurs enfants, sur un mode quelconque.

Il se trouve que cet aspect m’importe essentiellement, et que c’est très souvent que je propose aux enfants de parler à leurs parents de ce que nous faisons en classe, mais qu’ils savent que les mathématiques ne sont qu’une façon de penser et de parler, parmi d’autres.

Mais cette seconde année il semble que ceux des parents qui s’intéressent à ce que font leurs enfants sont habitués à la nouveauté ou ne s’en rendent pas compte. Certains échos sont très positifs.

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3 Les évaluations

Une évaluation fin octobre a été faite, elle n’a pas encore été complètement dépouillée. Une seconde évaluation sera plus significative quand les manques de l’année précédente auront été petit à petit comblés, c’est-à-dire en fin de trimestre.

La problématique spécifique générale: de l’enfant à l’élève, de l’élève à l’enfant, une relation réussie au sein d’un savoir, ici mathématique.

1 L’école amène l’enfant à s’enrichir de la qualité d’élève.

L’école doit donc donner à l’enfant le pouvoir d’exprimer puis d’éventuellement transformer certaines des sensations, impressions, ou certains des ‘savoirs’ proposés par la vie en famille et en société, en savoirs tout court, diversifiés selon chaque discipline. Ceci afin de solidement enraciner dans un terreau de sens préalablement en place, un savoir nouveau, spécifique, celui de l’élève, que seule l’école peut apporter, et que l’enfant ne rencontrera ni dans la rue, ni chez lui, ni devant la télé.

2 De ce fait l’école échoue si l’enseignement dispensé à l’élève ne prend pas en compte les structures langagières et conceptuelles déjà en place chez l’enfant.

Ne pas prendre en compte dès le CP l’identité intellectuelle socialisée d’un enfant, c’est courir le risque de fabriquer un élève ‘flottant’, et bientôt désintéressé de ce qu’on lui propose, qui n’aura plus de justification que scolaire. Le monde de la signification s’est constitué à partir des autres, et ce sont tous ces autres que l’on prend en compte avec lui, ou dont on nie l’existence en même temps que la sienne.

3 Prendre en compte l’enfant ne peut se faire, paradoxalement, qu’à partir d’une très grande rigueur dans la langue et les concepts proposés à l’ élève au sein de la discipline considérée.

Une constante référence à ce qui est présent "dans les têtes" des enfants, à ce qu’ils ont "en mémoire" va permettre d’enraciner du sens savant dans du sens prexistant. Mais ces significations et concepts savants ne peuvent donc se construire que de façon dialectique, en les opposant ou rapprochant des sens et savoirs "communs".

4 On ne "fait" de mathématiques qu’avec les objets des mathéma- tiques. En particulier:

le monde propose

u le nombreux

u des formes

u des informations

u des raisons d’agir

les mathématiques élémentaires

ont pour objets

u les nombres?

u des figures

u des axiomes, des données,des hypothèses.

u des raisonnements portés par une logique spécifique

C’est ainsi que sont rendues explicitesw la nouveauté ou familiarité d’un conceptw les ressemblances ou dissemblances des objets d’un savoir et de ceux du quotididienw les relations entre langue commune et langue de savoir : les mots, ou concepts véhiculés par l’une et l’autre peuvent être de "vrais" ou "faux" amis, et selon les cas suggéreront des significations tout à fait proches, ou "en partie" ou pas du tout.

5 La mise en évidence de deux mondes distincts, mais néanmoins reliés entre eux par le sujet parlant et pensant qu’est l’enfant est destinée à obtenir leur coexistence pacifique .

On ne parle pas à la boulangerie comme en mathématiques, et inversement on n’a pas en mathématiques le même comportement que dans un supermarché. La rigueur qui régira les relations entre le monde extérieur, la manière dont il se parle et se pense, et celui des mathématiques, la façon dont elles se parlent et se pensent ne se traduit par aucune exclusion. Aucun jugement de valeur ne vient désavouer un monde par rapport à l’autre.

6 Ce sont les nécessaires allers-retours de sens entre l’enfant et l’élève, l’élève et l’enfant qui sont riches en transversalités "naturelles".

Le savoir mathématique, au fur et à mesure qu’il s’acquiert, propose - parmi celles que proposent d’autres savoirs - une grille de lecture, de mise en forme et en mémoire de la foule d’ informations qui se déversent en désordre dans le monde extérieur. L’enfant confronte cette expérience du monde à celle de l’élève, confrontation qui touche aux domaines les plus variés.

Certains sont d’ailleurs "savants": on constate, par exemple, que tout ce qui est de l’ordre d’une mémoire de l’humanité passionne les enfants et qu’ils s’associent avec tout autant de passion à certains sujets réputés difficiles ou abstraits.

En numération, l’acquisition du langage: les enfants n’ont généralement aucune conscience de ce qu’ils n’ont pas toujours su parler, mais certains savent et d’autres apprennent que les hommes n’ont pas depuis toujours disposé de la parole; qu’il en va de même pour l’écriture. On est fort naturellement amené à évoquer (de façon évidemment très accessible), la différentiation des langues, la nature de l’écriture, qui est d’abord une mémoire; la diversité des écritures, l’hébreu ou l’arabe ne s’écrivant pas dans le même sens que le français; les mots/nombres qui se disent de façon diverse selon les langues, mais dont l’écriture chiffrée peut être la même (notre écriture décimale); l’existence de vrais chiffres arabes; le fait que nombres, numéros, chiffres ne veulent pas dire la même chose (au contraire de ce croient la plupart des enfants ). Etc.

En géométrie: en distinguant la verticalité "physique" de celle qui a pour référence les bords d’un rectangle de papier, il a été question de l’évolution des primates et de l’acquisition de la station debout. Les objets naturels sont soumis à la pesanteur, les figures de géométrie ne le sont pas. Les objets fabriqués s’inspirent de figures qui elles mêmes ont parfois été inspirées par des objets naturels. Etc.

En "mixte": les nombres mettent en jeu des formes, mais leur appartenance à la langue les fait intervenir dans les domaines les plus divers : quatre, huit, proposent des roses des vents, géographie et géométrie mêlées; sept, les jours de la semaine.Etc.

En "logique", c’est-à-dire dans toutes les occasions où la discussion est possible parce que plusieurs réponses sont acceptables. C’est le cas pour l’existence d’un nombre-de. Peut-on, si on a deux cerises et trois bananes considérer qu’on a cinq "quelquechose" ? Et, parce que le mot générique existe et contraint certains à dire "oui, cinq fruits" , peut-on considérer qu’on a ainsi cinq desserts d’assurés? Chacun peut alors argumenter sa réponse. De toute façon, en pareil cas, on se trouve généralement "hors-mathématiques". Curieusement ce sont plutôt les enseignants qui ont parfois du mal à admettre qu’il n’y a pas de réponse unique.

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Ce que l’on se propose de transformer

1 Les relations entre la matière et la manière

a. De trop nombreux échecs, on le sait, sont pour ainsi dire programmés dès le premier trimestre du CP. Si on savait combien l’"entendement" des enfants est mis à rude épreuve, avec la nécessité de devoir faire front à la fois aux énigmes de la lecture et à trop d’exercices de mathématiques qui n’ont guère de sens, alors qu’ils sortent à peine des jeux et des ris de la maternelle, on comprendrait pourquoi parfois de réelles souffrances intellectuelles leur font en quelques mois renoncer au sens.

b. Il faut ménager à l’élève un accès au savoir mathématique en rigueur mais en douceur, lui conserver quelque chose du plaisir enfantin de jouer avec le sens, de découvrir les écritures, les caractères spécifiques des nombres et des figures. Il n’est cependant guère possible d’entrer dans un savoir sans en maîtriser la langue, tant par la lecture que par l’écriture. Il faut donc, en langue mathématique, comme en langue tout court, apprendre à lire et à écrire . Et pour cela, il faut prendre son temps.

De même l’entrée "en géométrie" en restant d’abord proche du dessin enfantin se fera par une "éducation du geste" qui apprendra à être sûr avant d’être contraint par la règle et l’équerre, qui ne doivent pas entrer en scène trop tôt.

2 L’idée habituelle que l’on se fait de l’abstraction

Si un enfant est capable de raconter ce qu’il a fait à la récréation, en évoquant choses ou gens absents, en racontant des actions passées, on voit mal, dès lors, pourquoi l’élève ne serait pas capable de ce dont l’enfant fait cent ou mille fois la preuve, à savoir de son pouvoir d’"abstraction" , puisqu’il en dispose déjà. De même, le dessin au puissant pouvoir d’évocation réalise déjà ce que sera le dessin de géométrie, tout aussi peu "abstrait", mais répondant à d’autres modalités.

Le monde extérieur foisonnant est toujours présent pour servir, on l’a vu, de référence logique, analogique, ou contradictoire aux idéalités mathématiques. En fournissant à un enfant un matériau de langue, d’idées et de signes lui permettant d’exprimer ce qu’il aura compris ou "ressenti" de ces idéalités, on constate au contraire de ce que l’on croit communément que ce sont ces concepts "souples" et "légers" des mathématiques qui sont plus faciles à acquérir - parce qu’ils sont débarrassés des objets matériels -, que ceux qui deman- dent un savoir socialisé, bien souvent hors de portée d’un enfant.

3 L’impossibilité actuelle de mener une vraie réflexion sur les raisons des échecs ou des réussites des enfants

Lors d’un contrôle écrit, qu’a donc compris un enfant, quoi qu’il réponde, juste ou faux? Noter un élève à chaque supposé contrôle des "acquisitions" est le moyen éprouvé, depuis qu’existe l’école, d’empêcher les allers retours de sens entre l’élève et l’enseignant. La précoce et constante pratique de la note, devenue elle-même un tenant-lieu du sens, empêche toute "vraie réflexion" permettant aux enseignants qui le souhaitent de se poser "tranquillement" pour leur propre compte des questions sur la matière qu’ils enseignent, la manière qu’ils ont de l’enseigner. Or c’est en agissant parsoi-même sur l’une et sur l’autre que l’on peut espérer faire "avancer les choses" à l’école. Suspendre tout jugement pour le remplacer par des analyses sur les réponses qu’apportent les enfants sur chaque nouveau sujet fait de ces réponses de précieux auxiliaires de réflexion pédagogique. C’est de cette réflexion, et de sa mise en jeu sur le terrain, qu’il va maintenant être rendu compte, principalement pour l’année de CP écoulée.

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Les conséquences d’une réflexion sur la manière

Elle est, nous l’avons vu, surtout caractérisée par les idées de coexistence pacifique des savoirs, d’entrée "en douceur" dans le savoir, ce qui en aucune façon n’exclut l’effort intellectuel, au contraire: là où la violence d’une écriture non explicitée ou d’un ukase sur le juste/faux tétanise, le travail intellectuel avec sa contrepartie de sens gratifie.

1 Une autre attitude dans l’abord

u des nombres/nombres-de

w La relation qu’ils entretiennent est faite d’opposition et de complémentarité : elles sont particulièrement fécondes pour ce qui est du sens sur tout le cursus de l’école, depuis la numération au CP jusqu’aux fractions du 3ème cycle: il est par exemple un bon usage des tartes, qui consiste à lancer l’imagination sur ce que seraient des découpages de parts, mais aussi - et peut-être surtout - à rendre irrecevables pour tous objets matériels les propriétés des fractions. Ce qui contribue à faire comprendre le statut du nombre, c’est précisément l’incapacité du nombre-de à l’imiter en la plupart des circonstances : ni tartes, ni bandes de papier ne pourront jamais faire admettre que "cent centièmes" ou "mille millièmes" - bouillie dans un cas, confettis dans l’autre - égalent "un".

w Un nombre est un objet mathématique, un nombre/de ne l’est pas. Une fois défini, un nombre "l’est pour toujours", - il s’agit bien entendu pour l’instant des entiers naturels - ce qui n’est pas forcément le cas en nombre-de. Autrement dit, un nombre-de "se mérite": les objets doivent être suffisamment homogènes pour être comptés ensemble, et doivent atteindre le "montant" annoncé.

w Là où une vérité mathématique est indiscutable, une affirmation à partir de nombres-de peut se contester: c’est déjà le sens d’exercices tels que " est-ce que tu peux dire sept ...." ( ou cinq, ou huit, etc., sous-entendu, exactement ) consistant à attribuer un nombre donné à une collection d’objets; la réponse va dépendre, non seulement de la vérification du nombre lui-même, d’un comptage facile, mais au sens de l’entreprise de dénombrement. On n’est pas en mathématiques, mais "en langue". (X, A,1) )

u des représentations

w Si les livres foisonnent des représentants de la faune, de la flore, ou des marchandises de supermarchés, c’est, pense-t-on parce qu’il faut proposer aux enfants du concret. Or les "idéalités" numériques, tout comme les idéalités géométriques, sont évidemment susceptibles de représentations: points ou barres pour le discret, segments pour le continu.

C’est donc encore par opposition et complémentarité que procède la compréhension de l’une et l’autre sorte de représentation. Les représentations de nombres peuvent être organisées : quand elles le sont, elles évitent les comptages fastidieux et mécaniques, et proposent une approche immédiatement cardinale du nombre. (X, A, 2)

w Avant dix, parmi toutes sortes de représentations possibles, les "nombres polygonaux", contribuent à un abord attrayant et ludique de la géométrie (X, A,5)

w Après dix, et malgré quelques irrégularités, c’est la langue décimale qui organise le nombre. Les représentations qui en sont données suivent l’énonciation, évitent le comptage, rendent cohérents le su, le vu, le lu, l’entendu (X, B)

w En revanche, les "quantités" données en vrac - pommes, billes, perles et autres objets supposés devoir être dénombrés- seront comptés. Il faut, bien sûr, savoir compter, mais savoir le faire de 1 à 9 permet, en gros, de savoir indéfiniment continuer. Une fois qu’on sait compter, le comptage apparaît comme un pis-aller, dû au désordre des choses.

u des problèmes

w L’épisode bien connu de l’âge du capitaine a secrété toutes sortes de "stratégies" pour éviter les réponses non-sensiques. On a pensé aider les élèves en leur faisant toutes sortes de recommandations, de mises en garde: données surabondantes ou manquantes, ou sans aucun rapport avec la question posée, énoncés à fabriquer à partir des réponses, questions à poser soi-même ... Etranges dérives qui masquent l’essentiel, puisque les réponses ‘non-sensiques’ n’ont pas disparu pour autant. La réflexion sur le problème devrait se faire en amont, sur la matière qu’il propose à de jeunes enfants.

w On peut pourtant déjà penser que proposer des problèmes "honnêtes", à partir d’objets eux-mêmes mathématiques permettrait sans doute d’apprendre à raisonner autrement qu’en terrain miné.

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2 Une autre relation à la parole

Constamment amenés à s’exprimer sur le sens "commun", à s’expliquer sur leurs réponses, les enfants ne craignent pas de parler. Or il importe que l’on puisse parler "en" mathématiques, comme on dirait parler "en" russe, ou "en" français. Mieux encore, le cours de "maths" devient un lieu d’échanges et de discussion: celui où une parole libérée prend forme à partir d'une langue qui est ce qu'elle est, et qui devient celle de la rationalité, sans pour autant cesser de coexister 'pacifiquement' avec l'autre, ou les autres, celles de la maison, de la rue, de la cour de récréation.

On apprend donc à "parler clair" en cours de maths, parce que les objets, tout simplement, l'imposent. Mais cet apprentissage se fonde aussi sur un ensemble de signes dont la stabilité rassure, et donne confiance dans la lecture/écriture tout court. L’angoisse ou le mutisme bien connu de certains enfants en mathématiques n’a plus de raison d’exister.

3 Un vrai travail sur l’erreur

L’erreur est une dynamique de sens, mais elle n’a elle-même de sens que "naturelle", et non artificiellement faite par autrui et proposée à la correction d’un élève qui n’est pas encore au fait du sens pour lui-même. Il répond d’abord en effet avec ce qu’il croit savoir, et non avec ce qu’il ne sait pas.

L’erreur "fraîche", commise par un élève vivant et présent, qui peut s’expliquer sur ce qu’il a cru comprendre fait ainsi de lui un révélateur de l’éventuelle ambiguïté d’une consigne, de la force de la langue commune, de la possible inadéquation de ce qui est demandé par rapport à ce qui a été appris. Il devient ainsi un auxiliaire précieux pour le maître qui cherche à transmettre un savoir. Plusieurs contrôles "gratuits" contribuent à ces analyses.

En particulier, tout ce que l’élève aura dit ou écrit de juste sera séparé de ce qui n’est pas conforme, de façon à éviter ce qui pénalise l’enfant: par exemple un calcul juste - donc un investissement d’énergie - "liquidé" avec une opération fausse, ou le contraire ( voir plus bas). En évitant les jugements globaux, qui, à l’école primaire, portent parfois aussi bien sur la présentation que sur le contenu, on évite les amalgames dans la tête de l’élève et le découragement d’un enfant.

Les conséquences d’une réflexion sur la matière

Les programmes sont respectés, mais librement construits à l’intérieur d’un cycle. Il serait pourtant souhaitable qu’apparaissent comme légitimes des innovations rendant possibles l’abord de sujets qui semblent inaccessibles à de jeunes enfants alors que non seulement ils ne le sont pas, mais qu’ils constituent un attrait certain pour eux tout autant qu’ils sont indispensables à une compréhension de la matière.

1 Une autre temporalité dans l’étude de la numération

Les nombres de un chiffre sont longuement étudiés, - à partir de cinq, et en "tournant autour" : cinq, six, sept, puis quatre, trois; puis les "extrêmes": huit, neuf, et enfin, deux, un. Ils sont le socle de tout l’avenir numérique de l’élève, et plaisent à l’enfant. Il est indispensable de les rendre sensibles

- à l’oreille, comme mots de la langue, pour pouvoir les entendre dans la constitution et les mots des dizaines.

- à la vue: en diverses représentations qui vont diversement se proposer pour le calcul mental

- à la lecture/écriture: en deux écritures, numérale, et numérique

Cette relative "lenteur" des débuts a étonné les enseignants qui ont participé à l’expérience. Puis ils ont tous confirmé que cet enracinement dans la langue, le sens, les formes, contenait en germe la possibilité de comprendre et de faire mieux et vite la suite du programme.

Les nombres de deux chiffres sont "commencés" à partir de la traduction chiffrée de tous les "trente et quelque" d’une comptine: de trente à soixante est découvert un processus qu’une langue déjà décimale donne là à entendre , et qui amorce la compréhension d’un système d’écriture. Cette "semi-régularité" linguistique peut dès lors faire mieux accepter les irrégularités qui se trouvent en decà et au delà , et faire de ces difficultés des sortes de défis à surmonter: qu’entend-on dans sei ze qui met sur la piste de l’écriture chiffrée, le "2" de "vingt" s’entend-il, etc. Les enfants sont alertés, ouvrent leurs oreilles pour entendre, fût-ce ce qui ne s’entend pas (le zéro, chiffre du silence ).

Le système décimal ne sera vraiment perçu comme tel qu’à partir de la réitération d’un même processus, donc à partir des nombres de trois chiffres. Pour que les enfants reconnaissent la langue parlée il n’est pas question tout de suite d’unités, de "dizaines" ou de "centaines", termes d’"analyse" qui se justifient surtout lors du découpage d’un nombre en classes et places.

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Des opérations et des calculs

Le très archaïque amalgame entre opération et calcul est un des maux les plus meurtriers du sens à l’école primaire et au delà. La calculite , ou façon de se jeter sur "ce que ça fait", et rester désemparé(e) quand ça ne fait rien d’autre et que "ça reste comme çà" - comme "2a + 3b" - est une maladie classique du collège, voire du lycée, attrapée à l’école.

La distinction est donc indispensable entre opération et calcul, la première étant la mise à exécution d’une décision prise et effectuée sur des nombres ou nombres-de, et l’autre phase "mécanique". La décision d’additionner 17 et 35, par exemple, produit un nouveau nombre, "17 + 35" : on saura, en CP, qu’avec "17 + 35" on a le résultat de l’opération, qu’il s’appelle une somme , et que le calcul de cette somme qui est totalement fixée peut, si l’on veut, et bien qu’on n’en dispose pas, être confié à une machine.

Voici pourquoi les opérations ne sont abordées qu’à partir du moment où on sait écrire des nombres à deux chiffres, de façon à ce que la "résistance de la matière" permette de distinguer la constitution d’une somme telle que "17 + 35" du calcul qui permettra de dire "ça fait 52". On apprend la signification des opérations en les faisant suivre de calculs qu’on sait ou qu’on ne sait pas faire.

Cette distinction, essentielle, entre opération et calcul fait que, par exemple:

- l’addition en nombres a toujours du sens, ce qui n’est pas le cas en nombres-de, (X,C,3)

- l’opération projetée entre des nombres pour les besoins d’une question peut être juste, et le calcul faux, ou qu’un calcul est juste, et l’opération inadéquate. Ces distinctions doivent être rigoureusement établies, sous peine d’amalgame dans la tête des élèves.

- pour qu’une opération prenne du sens, il faut qu’il y en ait au moins une autre: addition et multiplication, opérations structurantes, sont amenées, à peu de chose près, en même temps. Il y aura donc des opérations qui apporteront des réponses à des problèmes où il ne sera pas demandé à l’élève de calculer (X,C,4).

- il y aura, enfin, des écritures mixtes, qui décriront des situations données: produites par les enfants eux-mêmes, elles sont portées par du sens, et les calculs ne sont pas contraints par des priorités.

Des figures

L’opposition entre figure et dessin est aussi importante que la distinction entre nombre et nombre-de. La figure est l’idéalité mathématique, et le dessin en est une reproduction forcément imparfaite. Il se fait d’abord, et sur un temps assez long, à la main, pour que les "prothèses" que sont la règle et l’équerre viennent seulement parfaire des éléments que la main et le corps auront mis en mémoire.

On apprend en dessinant des droites à donner l’impression d’infini sur une "ridicule" petite feuille de papier, en les "inclinant" de la même façon à faire des parallèles à la main, en dessinant des cerfs-volants à faire de remarquables angles droits, etc. Le dessin de géométrie qui explicite les propriétés du dessin tout court est source de plaisir. De plus il n’y a aucune raison de se priver des mots et des formes que suggèrent les premiers nombres: polygones, pentagones hexagones, heptagones, puis quadrilatères, triangles, puis octogones...Le savoir, c’est aussi cela: des mots savants, mais qui ont du sens pour ceux qui savent…(X,A, 5)

Des problèmes

Peut-être faut-il reconsidérer la matière du problème. On a beaucoup dit qu’il ne fallait pas traiter l’enfant comme un adulte en réduction. Mais c’est ce qui, plus que jamais, et plus explicitement que jamais, a cours a l’école: aide ta maman à acheter ..., remplis le chèque de ..., établis la facture de ...., et ainsi de suite. A part le fait que cela n’a rien de mathématique, mais ne concerne - artificiellement - que des individus adultes et socialisés, expliquer tout ce qui, là, sert de prétexte à la mise en jeu des deux, trois ou quatre opérations que l’on connaît est au mieux d’un ennui profond, et au pire "passe par dessus la tête des enfants" et les dégoûte à jamais de ce qu’ils croient que sont les mathématiques.

On peut, très tôt , et tout en explicitant le côté parfois forcément artificiel ou arbitraire d’un problème, proposer à la réflexion des enfants des objets "plus près" des mathématiques sur lesquels il semble qu’ils prennent plaisir à travailler (X,C,4).

2 Quelques abandons provisoires

Peut-être apparaîtra-t-il ainsi qu’il est possible de repousser à plus tard, voire de carrément abandonner certaines parties des programmes inutiles, voire "dangereuses", au profit d’autres, ceci sans porter atteinte à l’essentiel. Par exemple que sont ces "écritures additives", qui sont source de confusions et d’incompréhensions, et qui déflorent le sens de cette opération à venir qu’est l’addition? Quel est le traitement de zéro dans l’addition, oscillant entre chiffre et nombre - si "3+0" est une "écriture" de "3", quelle sera la signification de "30"? Que sont ces "opérations à trous" qui n’ont pas leur contrepartie d’explicitation comme opération inverse, et que tant d’élèves ne comprennent pas (dans le "trou" de 5 + ....= 8, ils mettent 13) ?

Peut-être apparaîtra-t-il aussi que l’argent , qui n’a rien d’un système numériqueorganisé , n’a donc rien à faire dans l’enseignement du système décimal.

Par ailleurs, l’argent, qui est autrement plus "abstrait" que le nombre pour certains enfants préservés de tout souci matériel, et, par défaut, tristement concret pour d’autres, est écarté du CP. L’argent, en effet, est l’affaire de l’enfant et non de l’élève. Au fur et à mesure que l’enfant se socialisera, il aura peut-être à affronter l’adéquation existant ou non entre son avoir et son désir d’avoir. Mais il n’a aucune raison de se substituer à des adultes qui lui demandent de gérer des affaires dont il n’a pas la moindre idée. Et si il sait raisonner sur des nombres, ou des nombres-de, il saura raisonner quand il le faudra sur "des francs", pourvu que les situations vécues ou décrites lui soient accessibles.

Courte conclusion provisoire

Un élève du CE1 , rencontré par hasard dans la rue m’a demandé, dans une sorte d’élan qui m’a profondément émue: qu’est-ce qu’on va apprendre lundi prochain?

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