Le Point sur... numéro quatre
juin 2002

Avant-propos

Ce numéro 4 se propose de publier un dernier " point sur la recherche " avant qu'elle ne se termine en juin 2002, réunissant les " points de vue " de trois membres du Comité National de suivi : Thierry Volck, FCPE, s'exprime sur les réunions interacadémiques qui se sont tenues le 9 mai à Strasbourg, le 26 octobre à Nantes et le 19 décembre à Lyon. André Deleuze, SGEN-CFDT commente l'apparente modestie du " point fait sur la recherche " à l'issue de l'année 2001. Hubert Montagner propose une vision globale et originale de notre recherche.

État de La recherche dans les Académies

Le point sur… par les membres du Comité National de Suivi de la recherche :

Thierry Volck, FCPE
André Deleuze, SGEN-CFDT
Hubert Montagner, INSERM

Colloques académiques en 2002

ETAT DE LA RECHERCHE DANS LES ACADEMIES

Aix-Marseille : J.P. Demouveaux et S. Feuilladieu ; 19 écoles.
Amiens :C. Berzin, M. Astier ; 31 écoles.
Besançon : A. Alix ; P. Buisson ; 11 écoles
Caen : T. Piot, M.F. Caccia ; 13 écoles
Clermont-Ferrand : G. Cambe, A.M. Doly ; 15 écoles
Corse :B. Garnier ; 11 écoles
Créteil : C. Mettoudi, M. Hardy ; 6 écoles
Grenoble : Michel Grangeat ; 21 écoles
Guyane : R.S. de Neef ; 2 écoles
Guadeloupe : A. Abou, M.J.Giletti ; 8 écoles.
Lille : A. Natali, S. Considere, N. Dubois ; 50 écoles.
Limoges : V. Legros, Thierry Trefault ; 25 écoles.
Lyon : J.Toussaint, M. Prouchet ; 50 écoles.
Nancy-Metz : D. Deviterne, F. Simonet; 73 écoles.
Nantes : P. Feunteun, F. Martin Van der Hagen ; 17 écoles
Nice : Y. Deverre ; 14 écoles.
Reims : M.Dieudonné de Carfort, C. Malard ; 29 écoles.
Rennes :G. Turco, J.P.Vivier.
Rouen : P. Tavignot, B. Gentes ; 57 écoles.
Strasbourg : P. Clermont ; 26 écoles.
Toulouse : N. Delvolvé.

  Le point sur ... LES COLLOQUES INTERACADEMIQUES PAR LA FCPE

Membre du Comité National de Suivi, la FCPE a tenu à participer régulièrement aux réunions interacadémiques de Strasbourg, de Nantes et de Lyon. Elles sont un élément indispensable de la mission qui incombe aux membres du CNS : ceux-ci sont bien chargés du suivi de la recherche INRP - Ecole Primaire et doivent donc veiller, conformément à la note du 20 novembre 1998 annexée à la Charte pour " Bâtir l'école du XXIème siècle ", " … à ce que toutes les équipes de chercheurs travaillent en respectant le protocole de recherche rédigé par l'INRP … ".
Il ne s'agit pas d'exercer un contrôle tatillon du travail effectué par les équipes, pas plus qu'il n'est question de parachuter des consignes du haut vers le bas.
En effet, le cadre général de la recherche, ses objectifs, le contexte dans lequel elle s'inscrit, les principes pédagogiques qui la guident et l'organisation qui la permet ont été préalablement définis et acceptés par celles et ceux qui s'y sont engagés.
Il revient donc au Comité National de Suivi d'assumer un rôle de régulation, par l'établissement de bilans d'étape réguliers et la mise en œuvre éventuelle de procédures d'adaptation aux réalités du terrain : tel est le rôle et l'intérêt du double échange qui s'instaure au cours de ces réunions interacadémiques, entre les équipes d'abord, entre les équipes et le Comité National de Suivi ensuite.
Ces réunions sont le lien indispensable entre l'objet de la recherche et la façon dont celle-ci se décline dans les établissements scolaires : avec ses difficultés, ses doutes, ses accrocs, les interrogations qu'elle fait naître, les nouveaux comportements qu'elle suscite.
Ces réunions sont utiles, car elles sont sans complaisance : elles ne taisent pas les découragements, les obstacles rencontrés, les sentiments de confusion et d'abandon issus des aléas politiques, les échecs mal vécus.
Elles disent aussi l'obstination des équipes qui en sont maintenant à la phase finale de cette recherche : mettre sur le papier l'histoire et le résultat de leurs travaux, en tenant le double défi d'une analyse lucide des échecs et des succès, et d'une synthèse délicate des expérimentations qui ont été menées à leur terme.
La réunion des chefs de projet académiques de mars 2002 est une des étapes ultimes avant le bilan final de juin 2002 : le calendrier a été respecté.
Une recherche arrivant au terme de la durée qui lui a été impartie est-elle pour autant achevée ou finie ? Et a-t-on fait " le tour " ? A-t-on " épuisé " toutes ses ressources ?
Probablement pas, car toute recherche provoque inévitablement de nouveaux questionnements et entraîne de nouvelles dynamiques de travail, qu'il serait imprudent de gâcher.
Par un malicieux retour des choses, l'école primaire repense ses programmes et la formation de ses maîtres, tout en osant une percée encore timide sur le problème des rythmes de l'enfant : voilà bien les trois piliers sur lesquels s'appuie la charte pour " bâtir l'école du XXIème siècle ".
Faisons en sorte, maintenant, ainsi que le préconisent les projets de programme de l'école primaire, " … que les enseignants partagent avec les parents l'éducation des enfants qui leur sont confiés. Cette situation impose confiance et information réciproques. Il est important que l'école explique, fasse comprendre et justifie ses choix, qu'elle donne à voir et à comprendre ses façons de faire.
Elle doit prendre le temps d'écouter chaque famille et lui rendre compte fidèlement des progrès ou des problèmes passagers rencontrés par son enfant. La qualité de cette relation est le socle de la nécessaire coéducation qu'école et famille ne doivent cesser de construire … ".

Thierry Volck

 Le point sur... PAR LE SGEN-CFDT :

Une modestie provocante

La recherche école primaire conduite par l'INRP est entrée dans sa phase finale. On attend de 200 à 250 écrits d'école, sous la forme de rapports de recherche et/ou de monographies, qui constitueront le socle du compte rendu terminal prévu pour fin 2002.
Quel contraste quantitatif avec le lancement tonitruant en janvier 1998 de ce qui devait constituer un des piliers de l'école du XXIième siècle ! les difficultés matérielles de tous ordres, conjuguées parfois avec la tiédeur de la hiérarchie de l'Education Nationale expliquent cette évolution en peau de chagrin. Le renouvellement des personnels a également pesé négativement sur une expérimentation étalée sur trois années.
Ces résultats quantitativement modestes ne doivent pas cacher les aspects positifs déjà réalisés de cette expérimentation, non plus que les perspectives importantes d'évolution de l'école.
Les aspects positifs se manifestent d'abord dans les écoles impliquées où l'investissement nécessaire a contribué à renforcer, ou à créer, un travail d'équipe sortant enfin du virtuel. Même les équipes qui pour diverses raisons ont abandonné le processus en cours de route ont pu vérifier les apports positifs d'une concertation renforcée.
La méthodologie mise en œuvre a également contribué à une évolution positive. L'accompagnement des écoles par une équipe associant chercheur et cadre de l'éducation nationale, et ceci en évitant tout rapport hiérarchique, a facilité la prise de distance par rapport au quotidien de l'activité professionnelle, et incité à une nouvelle posture plus réflexive des acteurs de l'acte éducatif.
Le bénéfice immédiat, en terme de pilotage de leur propre action et en terme de régulation de la vie de l'école est si évident pour les enseignants qui l'ont vécu qu'il leur paraît difficile de se passer à l'avenir de cette modalité de la vie professionnelle. Quel que soit le sort réservé par le ministère à la recherche école primaire, il conviendra de revendiquer la systématisation de cette attitude qui nécessite une réorientation de l'action des circonscriptions dans le sens de l'accompagnement.
Autre aspect positif, même s'il est plus discret et moins rapidement généralisable, la mise en valeur du travail des enseignants engagés dans des recherches. La présence dans certaines écoles d'enseignants du premier degré dotés d'une compétence universitaire en matière de recherche a permis une avancée rapide de la problématisation et de l'exploitation des données. À l'heure actuelle dans l'organisation du premier degré, la prise en compte de ces compétences est des plus timide. Ne faudrait-il pas réfléchir à la manière d'utiliser ces connaissances et ces capacités?
Il reste maintenant un défi de taille : comment faire partager au plus grand nombre les bénéfices de ce dispositif ? Ces effets positifs sont perçus pour l'instant dans un nombre extrêmement réduit d'écoles ou de lieux relatifs au premier degré (circonscription, IUFM). Le rapport final devrait élargir le champ de diffusion s'il réussit à proposer une lecture opérationnelle de l'expérimentation en faisant apparaître les axes forts, la richesse des détails et les possibilités de réutilisation.
Le corpus d'hypothèses explicitées, de procédures décrites, de résultats évaluées peut à lui seul constituer un thésaurus utile, et cela malgré les nécessaires précautions dues à la contextualisation des données.
Mais les perspectives véritablement ambitieuses sont fondées sur l'appui que cette recherche peut fournir à l'évolution de l'école : identité professionnelle des enseignants, des cadres intermédiaires ; place des parents ; rythmes ; formation initiale et continue . Tous ces points peuvent être réorientés et re-dynamisés par une exploitation hardie de la recherche.
Ce n'est évidemment plus de la responsabilité de l'INRP mais de celle du ministère, et des administrations rectorales qui peuvent mettre en place des voies de pérennisation de ces pratiques. Les équipes syndicales, de leur coté, ont un rôle à jouer pour revendiquer la prise en compte des résultats de cette recherche en train de tracer une voie d'évolution, une stratégie possible de changement de l'école.

André Deleuze, Délégué National

 

 UNE RECHERCHE …BUISSONNANTE PAR HUBERT MONTAGNER

La Recherche " ECOLE PRIMAIRE " fournit un cadre original et riche de perspectives pour les investigations qui relèvent de l'Institut National de la Recherche Pédagogique, et plus généralement celles qui portent sur l'école. Elle permet de dégager des réalités, de lire des fonctionnements et d'explorer des pistes qui ne peuvent être abordés aussi complètement ni par la recherche fondamentale fondée sur la vérification expérimentale d'une hypothèse, ni par la recherche inductive (ou intuitive) qui repose sur la théorie ou la pratique, ni même la recherche-action. Elle renouvelle les champs des démarches, méthodologies, hypothèses et perspectives, et conduit à prospecter de nouveaux champs. En effet, les promoteurs et acteurs de la recherche " ECOLE PRIMAIRE " ont développé une façon d'être, une façon de faire et un outil qui autorisent une lecture nouvelle et évolutive des pratiques et modes de fonctionnement de l'école, sans à priori ni préjugé (Larousse : " opinion préconçue souvent imposée par le milieu ") :

A- Ils se sont proposés de rendre lisible les différentes réalités sans procéder à un échantillonnage initial fondé sur une formulation théorique, une hypothèse ou une idée, et sans choisir ou délimiter des secteurs géographiques, zones d'éducation, populations définies par telles ou telles caractéristiques socio-culturelles, socio-professionnelles ou autres. Ils ont ainsi obtenu un cahier de photographies ou peintures qui décrivent et définissent autant de situations objectives du moment. Le déroulement des études sur plusieurs années permet d'analyser les évolutions des représentations et perceptions des différents acteurs, et celles des changements survenus d'un moment à l'autre dans les pratiques et modes de fonctionnement des écoles. Les photographies et peintures deviennent alors des images de films en temps réel qui révèlent comment, selon quelle dynamique et à partir de quels processus les évolutions se produisent. L'étude permet parallèlement de mettre en évidence les représentations, conceptions, freins, obstacles, résistances, facteurs historiques, routines, " statiques "... qui font que les photographies restent des photographies, et ne peuvent donc constituer la trame d'un film de vie. Cette démarche n'est pas sans analogie avec celles de Charles DARWIN dans sa quête de l'histoire naturelle des espèces et aussi des biologistes moléculaires qui ont permis de pénétrer dans l'intimité des mécanismes de la vie avec le décodage du génome :
Charles DARWIN a décidé de se rendre aux îles Galapagos dans l'espoir (et la certitude) de trouver dans un milieu insulaire, resté à priori protégé, les preuves de la filiation entre espèces disparues et espèces du moment, et donc du transformisme, c'est-à-dire les phénomènes de transformation des espèces au fil du temps. Même si cette idée (et conviction) avait été développée par d'autres, notamment LAMARCK, elle ne reposait pas sur une théorie clairement énoncée, et n'appelait pas de démonstration scientifique au moyen d'une démarche et d'une méthodologie hypothético-déductives. DARWIN est allé sur le terrain sans savoir ce qu'il trouverait, animé par la seule conviction que le terrain " parlerait ". D'une observation buissonnante, sans a priori et préjugé, il a établi des preuves de l'Évolution des espèces à travers les formes et modes de vie de quelques unes. Parmi elles, les célèbres " pinsons ". Autrement dit, Charles DARWIN a su extraire des informations pertinentes, et maintes fois vérifiées, à partir d'une lecture ouverte du type " pêche à la ligne " des réalités multiformes et complexes du terrain. C'est grâce à la qualité de ses descriptions et observations sur les lieux de vie que le livre des origines et " transformations " des organismes vivants a pu être ouvert en grand.
En décrivant la structure en double spirale de la molécule d'ADN, WATSON et CRICK ont ouvert un livre complémentaire de celui de DARWIN, celui des fondements de l'origine génétique des traits ou caractères morphologiques, anatomiques et physiologiques des êtres vivants, et de transmission de ces caractères par la voie sexuée. Leur découverte a donné lieu à une multitude d'investigations sur les séquences (les gènes) des 4 bases constitutives qui codent la synthèse des différentes briques (les protéines) identifiées dans la structure et le fonctionnement d'un organisme végétal, animal ou humain. Effectués avec des cellules, tissus, organes et organismes très variés, ces travaux sont d'abord et essentiellement des descriptions sans a priori et préjugé du " répertoire " génétique de chaque espèce (le génome). Loin d'être achevée, cette " pêche à la ligne " descriptive des gènes, était une étape obligée. Les chercheurs disposent maintenant d'un outil de plus en plus fiable pour étudier les mécanismes d'action des gènes par la voie hypothético-déductive, notamment dans le cadre de la thérapie génique. La qualité des nouvelles thérapies sera d'abord redevable à l'étape initiale de la description. La recherche " Ecole Primaire " débouche, elle aussi, sur la description des réalités multiformes et buissonnantes du terrain, et constituent un outil de référence pour en comprendre la fonctionnalité et la complexité.

B. Ils ont réussi à mobiliser des écoles ou des classes à partir de l'engagement volontaire (non contraint) de toutes les catégories d'acteurs qui assurent objectivement le fonctionnement des écoles dans des régions, habitats et villes d'une grande diversité. Leur complémentarité autorise des comparaisons encore jamais réalisées à une telle échelle. Elles nourrissent des hypothèses que les habituelles positions théoriques, données de la recherche fondamentale et recherches-actions ne peuvent proposer, à cause des limites conceptuelles, méthodologiques et / ou techniques qui fixent les recueils de données et réduisent les possibilités d'interprétation.

C-Ils ont jeté des ponts et créer les conditions de nouveaux dialogues, échanges, coopérations et ouvertures mutuelles entre chercheurs, enseignants, éducateurs, parents, familles et enfants-élèves, non seulement au sein des écoles, mais aussi entre écoles, zones scolaires, villes et régions

D. Ils ont développé des méthodes d'analyses multivariées qui permettent de visualiser comment des variables indépendantes se situent les unes par rapport aux autres (par exemple, le type d'aménagement du temps scolaire, la localisation géographique de l'école, la zone éducative, les caractéristiques socio-culturelles des familles, les conceptions pédagogiques ou l'âge des enfants). Ceci à partir de leur projection sur " des plans factoriels " donnés par les variables qui " pèsent " le plus sur la dispersion des données (par exemple, ceux qui déterminent 30%, 50% ... de la variance expliquée). Les chercheurs peuvent alors approcher le poids respectif de nombreuses variables, à priori indépendantes, chacune par rapport aux autres, et cerner le degré de proximité des différentes variables. Ce qui leur permet de former l'hypothèse qu'il existe entre telle(s) et telle(s) variable(s) une corrélation significativement différente du hasard, voire une relation causale. Lorsqu'un développement de la recherche est possible (création de situations expérimentales ; situations " contrôlées " qui autorisent des comparaisons entre un corpus de données recueillies avec des échantillons de classes et d'écoles ayant une pratique bien identifiée et vérifiée, et un corpus de données obtenues avec des échantillons dont la différence de pratique est également reconnue ; etc.), l'hypothèse peut ensuite être vérifiée en comparant les variables entre elles au moyen de tests statistiques qui autorisent des calculs de coefficients de corrélation. Des relations de type causal peuvent aussi être recherchées. Parallèlement, les analyses multivariées permettent de visualiser les variables tellement éloignées les unes des autres dans les différents plans factoriels qu'elles ont une probabilité faible ou nulle d'être corrélées entre elles.

 

LES COLLOQUES ACADEMIQUES DE L'ANNEE 2002

Académie de Nice. 27 février 2002
Académie de Grenoble. 13 mars 2002
Académie de Strasbourg. 24 avril 2002
Académie de Lyon, 15 mai 2002
Académie de Nancy Metz. 27, 28, 29 mai 2002
Académie d'Amiens. 29 mai 2002
Académie de Corse. 5 juin 2002
Académie de Rouen. 5 juin 2002