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Presse de l'éducation


 

LA PRESSE D'ÉDUCATION ET D'ENSEIGNEMENT

Au sens large, les termes de presse d'éducation et d'enseignement, moins usités mais plus compréhensibles que celui de « presse pédagogique », recouvrent tous les périodiques traitant d'éducation, de formation et d'enseignement, quels que soient leurs éditeurs, initiateurs ou responsables – État, Églises, administrations, établissements scolaires, associations, syndicats, entreprises commerciales, particuliers... –, leur public – enseignants, éducateurs, parents, étudiants, enfants... –, leurs objectifs et leurs contenus – articles et textes de réflexion, d'information, de liaison, de combat...

Un media de masse

Ainsi définie, cette presse est née à la fin de l'Ancien Régime. Dès le début du siècle suivant, la place croissante des questions d'éducation dans le débat public multiplie les périodiques qui lui sont consacrés : « S'il n'y avait pas de journaux, écrit Tocqueville, il n'y aurait presque pas d'action commune [...] ; il n'y a qu'un journal qui puisse venir déposer au même moment dans mille esprits la même pensée 1. » Pour promouvoir ou imposer une pensée – et les pratiques qui lui sont liées – l'arme de la presse pédagogique a d'abord été aux mains de l'État, de l'Église, de l'intelligentsia philanthropique. Au fur et à mesure qu'a progressé la démocratie, les mouvements militants et associatifs, le syndicalisme, les intérêts idéologiques ou commerciaux les plus divers s'en sont de plus en plus massivement emparé. D'une certaine manière, la naissance, puis le développement de la presse pédagogique sont consubstantiels à l'histoire même de l'enseignement contemporain.

L'exemple du seul enseignement primaire est à cet égard révélateur : dans les années 1830, les instituteurs publics ont le choix entre une dizaine de revues professionnelles qui s'adressent spécifiquement à eux et qui sont toutes de création récente ; dans les années 1880, ce chiffre est monté à une trentaine et dans les années 1930, à une soixantaine, non compris la série des Bulletins départementaux de l'instruction primaire dont presque chaque département est doté 2. Il dépasse aujourd'hui largement la centaine. L'observation vaudrait pour tous les autres ordres d'enseignement, ainsi que pour les champs immenses de la formation professionnelle et de l'éducation extra scolaire. Aujourd'hui, ce sont près de 200 à 300 titres de périodiques qui se créent chaque année dont l'éducation, l'instruction et la formation constituent la matière centrale, sinon exclusive.
Sur l'ensemble de la période contemporaine, ont ainsi paru 15 000 à 20 000 revues consacrées à l'éducation et à l'enseignement. Par-delà leur infinie diversité, quelques grandes institutions éditrices se détachent. Au premier rang figurent l'État et ses administrations chargées de l'instruction publique, puis de l'éducation nationale et de la formation professionnelle. En ont émané quelques titres majeurs, comme le Bulletin officiel de l'Éducation nationale, paru pour la première fois sous un titre différent en 1828, ou les Bulletins départementaux de l'instruction primaire, déjà évoqués, qui constituent une source essentielle pour les périodes du Second Empire et de la Troisième République. Mais il faut aussi inclure dans cette activité éditoriale plus ou moins officielle les centaines de bulletins ou revues éditées par le Musée pédagogique, fondé en 1879, puis par ses avatars successifs, notamment les actuels Institut national de recherche pédagogique (INRP) et Centre national de documentation pédagogique (CNDP).

À côté de l'État, l'Église catholique a joué un rôle éminent. Les titres qu'elle a publiés se comptent par milliers, concernant tous les éléments du dispositif d'éducation et d'instruction qu'elle a mis en place : congrégations, écoles, patronages, mouvements de jeunesse, associations aux objectifs les plus divers, de l'assistance aux loisirs.

Un troisième grand type d'institution peut être enfin évoqué : la nébuleuse du monde associatif, syndical ou corporatif d'où ont émané des milliers de titres de revues ou bulletins, exprimant le point de vue du monde enseignant tel qu'il a été organisé ou s'est regroupé par corps, par disciplines, par établissements ou régions et/ou encore par affinités idéologiques ou politiques.

Tenant compte en outre de la diversité des initiatives individuelles et commerciales, on peut dire qu'il n'est pas une question éducative qui n'ait donné naissance à une revue chargée d'en traiter spécifiquement, depuis la promotion d'un enseignement laïc de la Bible à l'école primaire jusqu'à celle de la langue d'oc dans le Rouergue.

Par elle-même, l'abondance de cette presse induit plusieurs caractéristiques intéressantes pour le chercheur. Thématiquement, elle balaye la totalité du champ de l'enseignement contemporain, y compris celui de l'éducation familiale ou informelle. Un objet ou thème de recherche quelconque s'y trouve nécessairement évoqué dans des contextes ou selon des points de vue très divers ; ceux-ci forment un véritable continuum, depuis les strates les plus élevées de la pensée pédagogique, politique ou religieuse, jusqu'aux pratiques les plus quotidiennes ou le plus localement situées.

Elle se prête aussi particulièrement à une approche sérielle et différentielle. Au-delà des grandes dates ou « moments » qui scandent l'histoire de l'enseignement contemporain – 1808, 1833, 1850, 1881... – la presse pédagogique permet de repérer, d'agréger et de mettre dans une perspective historique plus fine une infinité d'idées, de volontés et de décisions émanant d'acteurs très divers, dans et hors le système éducatif ; elle permet d'établir une véritable conjoncture éducative et d'identifier ses composantes, en relation éventuelle avec des contextes socio-économiques, culturels ou linguistiques régionaux, voire locaux. L'apparition, la diffusion, éventuellement le déclin d'une matière d'enseignement ou d'une pratique pédagogique quelconque – l'orthographe, la couture, l'éducation sexuelle, l'informatique... – peuvent ainsi être signalés et documentés, souvent bien en amont de leur introduction dans les programmes officiels, puis parallèlement à cette introduction.

Enfin, la presse pédagogique présente très normalement un double visage : celui de l'information et celui du débat d'idées. Elle offre donc, d'une part, une documentation sur les réalisations éducatives les plus diverses, qui peut parfois résulter d'un travail d'enquête mené spécifiquement par les revues elles-mêmes ; par exemple, les bulletins d'anciens élèves d'écoles normales, d'écoles primaires supérieures (EPS) ou d'autres écoles, petites ou grandes, contiennent fréquemment des listes d'anciens élèves permettant de mesurer le devenir professionnel de promotions entières, plusieurs années ou plusieurs décennies plus tard. D'autre part, ces revues pédagogiques offrent aussi, globalement, une véritable anthologie de la réflexion pédagogique, française et internationale, qui ne se limite pas à ce que pensent les « grands » pédagogues, mais reflète aussi ce que pensent les pédagogues plus petits, infiniment plus nombreux, qui trouvent une tribune dans les éditoriaux ou « avis aux lecteurs » jalonnant leur parution. Et au-delà encore des responsables éditoriaux, la connaissance de l'opinion des lecteurs, spontanément envoyée aux revues ou systématiquement sollicitée par elles sur des questions précises, donne également un reflet tout à fait précieux des idées dominant dans des milieux socioprofessionnels que le lectorat-cible des revues permet d'assez finement préciser.

S'orienter parmi les revues

Le problème auquel est confronté le chercheur est donc celui de son orientation dans un corpus de revues aussi immense. Les publications majeures n'offrent bien entendu aucune difficulté particulière et sont depuis longtemps connues des historiens. C'est le cas, par exemple, du Manuel général de l'instruction primaire (1832-1967), du Journal des instituteurs (1858 ->), de la Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur (1890-1929), de la Revue pédagogique (1878-1940), de la Revue internationale de l'enseignement (1878-1940), du Bulletin officiel de l'Éducation nationale (1944->) de revues de spécialités chacune a sa, voire ses revues comme Historiens et géographes (1910->) ou Les Langues modernes (1903 ->), de revues régionales comme Ar Falz (1933->), de revues catholiques comme Le Noël (1895-1940) ou Bernadette (1914-1973), de revues associatives ou syndicales comme L'École libératrice (1929->) ou L'Université syndicaliste (1928->), ou de dizaines d'autres périodiques d'importance majeure auxquels se reportent couramment les spécialistes de chacun des domaines considérés.
Le problème se pose en revanche pour les revues d'importance moindre, mais qui sont aussi de loin les plus nombreuses et constituent de ce fait, sur quelque thème que ce soit, des corpus significatifs, par les informations données comme par les idées exposées et débattues par une grande variété d'acteurs. Dès la fin du XIXe siècle, on a cherché à guider les praticiens et les chercheurs au milieu de ces périodiques. Le Musée pédagogique fit œuvre de pionnier en publiant, sous la signature de son directeur, un premier répertoire des revues reçues à la bibliothèque du musée 3. D'autres furent ensuite élaborés, mais se cantonnaient assez étroitement au champ de la pédagogie et de son histoire.

Le fonds de la Bibliothèque nationale de France

Le fonds le plus important de revues est conservé par la Bibliothèque nationale de France. Un catalogue général informatisé répertorie tout ce que la BnF compte comme imprimés, ouvrages et périodiques, des origines à nos jours. Cette base de données, comptant plus de huit millions de notices bibliographiques, connue sous le nom de BN Opale plus, est consultable dans toutes les grandes bibliothèques de France et sur Internet 4. Elle possède plusieurs entrées. Pour les périodiques, les plus utiles concernent le titre, l'éditeur ou l'auteur (cette dernière entrée vaut uniquement pour certaines associations), l'ISSN et la cote BnF. Pour le chercheur qui n'a pas la connaissance précise d'une de ces entrées, celle de mots-clés peut lui venir en aide, à condition que ce mot-clé n'ait pas une extension trop large, tels les mots « Éducation » ou « École » : les réponses sont alors si nombreuses que l'ordinateur n'est pas en mesure de répondre à la requête du lecteur.

La BnF met à la disposition du public plusieurs salles de lectures, réparties sur deux étages : le premier étage, le « haut de jardin », est ouvert à tous, sans autre condition que l'établissement d'une carte de lecteur ; le second, le « rez-de-jardin », s'adresse à ceux qui peuvent justifier d'une recherche scientifique. Les collections de périodiques ne sont consultables qu'au « rez-de-jardin ».

La bibliothèque de l'Institut national de recherche pédagogique

La bibliothèque de l'Institut national de recherche pédagogique (INRP) constitue pour le chercheur en histoire de l'enseignement la seconde grande bibliothèque par la richesse de ses fonds éducatifs. Constituée en 1879, cette bibliothèque, jadis « Bibliothèque de l'enseignement primaire », puis « Bibliothèque centrale de l'enseignement public », et constitutive à ce titre du Musée pédagogique, puis de l'Institut pédagogique national, a été dévolue à l'INRP lors de la création de cet organisme, en 1976. Son fonds de revues est particulièrement cohérent pour la période antérieure à 1950 pour laquelle elle conserve les principales revues scolaires officielles éditées en France et parfois à l'étranger. Naguère située à Paris, dans le cinquième arrondissement au 29 rue d'Ulm, elle a fait l'objet en 2003 d'un déménagement à Lyon, à proximité immédiate du nouveau siège de l'INRP 5. Elle peut ainsi permettre au chercheur de compléter ses recherches dans les collections de la BnF, en particulier pour les revues pédagogiques les plus importantes, mais l'INRP n'ayant pas, comme la Bibliothèque nationale, bénéficié du dépôt légal, ses fonds présentent des lacunes, surtout pour la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale.

On peut également avoir recours à d'autres bibliothèques de Paris pour combler les lacunes de ces deux bibliothèques dans les collections ou les titres. Une partie de ces bibliothèques appartient à des organismes éditeurs de revues pédagogiques, tels l'UNESCO, l'Institut catholique, l'Institut supérieur du sport, la bibliothèque de la Société d'histoire du protestantisme. D'autres sont des bibliothèques générales comme la bibliothèque Sainte-Geneviève ou la bibliothèque de la faculté de médecine de l'université René-Descartes-Paris-V.

Quoi qu'il en soit, le dépouillement systématique de revues ayant une certaine longévité peut passer par la fréquentation de plusieurs bibliothèques, ce qui est le prix à payer pour accéder aux richesses qu'elles contiennent.

Pierre Caspard

Pénélope Caspard-Karydis

 

Notes : 1A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique. Œuvres, Paris, 1840, t. 2, p. 626.

2P. Caspard, P. Caspard-Karydis, « Presse pédagogique et formation continue des instituteurs, 1815-1940 », Recherche et formation, t. 23 (1996), p. 105-117 ; P. Cas pard, « La Presse d'éducation : portrait de famille », Historiens et géographes, février 1993, p. 89 -97.

3 A. BEURIER, Les Périodiques scolaires français de 1789 à 1889, Pans, 1889.

4 Adresse du site Internet : http://www.bnf.fr

5 Bibliothèque de l'INRP, 5 parvis René-Descartes 69007 Lyon ; adresse électronique : bibliotheque@inrp.fr.