bannière

s

Syntaxe

La syntaxe est l'étude des mots unis entre eux pour former des propositions ou des phrases. Après la lexicologie, qui étudie les mots au point de vue de leur origine et de leur sens, et la morphologie, qui traite de la forme des mots et des variations que cette forme peut présenter, la syntaxe vient compléter l'étude de la langue, en indiquant à l'élève, qui connaît le sens et la forme des mots, la manière de les employer avec correction et précision pour exprimer ce qu'il pense.

Les mots se groupent de différentes manières pour former une proposition ; de même les propositions se groupent pour former une phrase. On a donc été conduit à subdiviser la syntaxe en deux parties : la syntaxe des mots et la syntaxe des propositions. C'est la division qui a été généralement adoptée jusqu'à présent par les grammairiens, peut-être sous l'influence de l'étude des langues anciennes. Nous verrons plus loin qu'il est possible d'envisager l'étude de la syntaxe à un point de vue un peu différent, en la faisant servir davantage à l'intelligence des textes et à la synthèse de la langue.

La syntaxe des mots comprend l'étude de la proposition simple, et celle de l'accord des mots, de leur dépendance, de leur emploi.

L'étude de la proposition définit la fonction de chacun des termes qui la composent : le sujet, le verbe, l'attribut ou les compléments ; elle indique aussi le rôle de certains termes accessoires, comme les mots en apposition, en apostrophe, les mots explétifs.

La syntaxe d'accord étudie non seulement les règles générales de l'accord des mots, règles fondées sur la tradition, par exemple l'accord de l'adjectif avec le nom, du verbe avec le sujet, mais aussi les particularités qui s'y rattachent. Ces particularités sont de deux sortes. Les unes sont fondées sur la logique ; elles étendent à certains cas particuliers les règles générales ; ce sont elles qui expliquent que bon reste invariable dans la phrase : les fleurs sentent bon, puisque bon est ici employé adverbialement. Les autres sont anomaliques, elles n'ont souvent pour origine qu'une erreur, qu'un caprice de l'usage ou des grammairiens ; comme il est impossible de les expliquer rationnellement, elles ont été pendant longtemps l'une des principales difficultés de l'orthographe française. Aussi est-ce avec raison que l'arrêté du 21 février 1901 les a supprimées en très grande partie. (Voir Orthographe.)

L'emploi des mots peut être envisagé à deux points de vue. On peut étudier le mot quant au rôle qu'il peut être appelé à jouer dans une proposition : c'est ainsi qu'à propos du pronom, on apprendra quels sont ceux qui peuvent être employés comme sujets, ceux qui peuvent être attributs ou compléments, ceux qui sont du genre neutre. Mais il convient aussi de savoir dans quel cas on doit employer tel pronom plutôt que tel autre, dont, de qui, ou duquel, ceci ou cela, ou encore quelle place convient au pronom dans une construction donnée. Ce sont là des points délicats de l'étude de la langue, car leur étude ne saurait reposer que sur les traditions suivies par les bons écrivains. Aussi leur solution nécessite-t-elle quelque maturité d'esprit, une certaine habitude de la lecture attentive et réfléchie, et avant tout la parfaite connaissance des notions générales de la grammaire. C'est ce qui explique qu'on ne les aborde qu'avec réserve dans les programmes destinés aux écoles primaires ; mais ces questions sont bien à leur place dans l'enseignement des écoles primaires supérieures et des écoles normales.

La syntaxe des propositions, qui pourrait être appelée à plus juste titre syntaxe de la phrase, étudie la nature des propositions et leurs rapports dans la phrase, de même qu'à propos de la syntaxe des mots on a étudié la nature des mots et leurs rapports dans la proposition.

L'étude de la nature des propositions a pour but de déterminer la forme et le sens de chacune d'elles. Certaines propositions renferment à elles seules une idée complète ; d'autres contiennent l'idée principale de la phrase, et ont sous leur dépendance, à titre de compléments, des propositions, appelées pour ce motif subordonnées. Il y a lieu, comme nous l'avons indiqué à propos de l'analyse, de considérer dans ces diverses sortes de propositions la forme et le sens. On montrera notamment en quoi une proposition subordonnée vient compléter le sens d'un terme ou d'une autre proposition ; il est important aussi de noter la forme et la place que lui a assignée l'auteur dans la construction de la phrase : cette étude est de toute nécessité si l'on veut bien comprendre un texte ou analyser les ressources de style d'un auteur.

Au cours de cette étude, on sera amené à constater quel emploi les bons auteurs ont fait des modes, des temps, ou des constructions pour exprimer les diverses nuances de la pensée ou pour donner à leur style un tour plus vif, plus varié, une allure plus simple ou plus majestueuse, une forme plus familière ou plus châtiée, une expression plus délicate ou plus saisissante. L'élève ayant été exercé de cette façon à noter, par voie d'analyse, les meilleurs et les plus corrects procédés d'expression, sera plus apte à les employer dans les exercices de composition française ; il écrira par suite avec plus de correction, plus de précision, plus d'agrément.

Toutefois, dans une analyse ainsi conduite, on s'aperçoit bientôt de ce qu'a d'artificiel une division de la syntaxe en syntaxe des mots et syntaxe des propositions. Une même nuance de pensée, comme le doute ; une même forme d'expression, comme la supposition, peut être rendue tantôt par un mot, tantôt par une proposition, tantôt par un artifice de construction. Aussi a-t-il paru à certains auteurs, dans ces derniers temps, qu'il y aurait avantage, surtout au point de vue de la synthèse de la langue, à présenter suivant un autre plan l'étude de la syntaxe de la phrase. On noterait, par exemple, les diverses manières qu'emploie notre langue pour exprimer les circonstances de temps, de lieu, de but, la supposition, l'opposition, le regret, la certitude, le doute, l'affirmation atténuée, les degrés dans la qualité, la quantité, etc. Toutes les ressources de langage qui peuvent servir à formuler une même idée, un même sentiment, seraient ainsi réunies sous une forme concrète et condensée, au lieu d'être éparses dans divers chapitres, selon qu'elles sont rendues par un mot ou par une proposition. Dès lors, l'avantage apparaît clairement : l'élève qui, dans une composition française, cherche à exprimer le doute, par exemple, revoit en esprit les diverses formes sous lesquelles il peut présenter ce sentiment, et peut choisir, entre les différentes nuances qui lui sont offertes, celle qui correspond le mieux à sa pensée.

Assurément ce n'est pas là toute la syntaxe ; mais qui ne sent à quel point l'enseignement, trop sou vent purement analytique, de la syntaxe se trouverait consolidé et vivifié par des aperçus de ce genre, où l'analyse et la synthèse se complètent si heureuse ment? Et ainsi, débarrassé des anomalies déconcer tantes qui l'encombraient, réchauffé pour ainsi dire par des méthodes synthétiques qui en font valoir tout l'effet utile, l'enseignement de la syntaxe devient la discipline la plus forte qu'on puisse mettre à la dis position de l'instituteur pour amener les élèves non pas uniquement à comprendre et à goûter les beautés de notre langue, mais aussi à s'en inspirer pour exprimer leur pensée avec correction, avec clarté, sinon avec élégance.

Léon Flot