Cette contribution souhaite prolonger une réflexion menée dans le cadre d’une recherche, objet d’une thèse (2003), qui a identifié et caractérisé des habiletés éducatives particulières. Ces dernières sont mises à l’œuvre en situation par des enseignants et des formateurs, à ces moments précis, successifs et fugitifs, où il s’agit d’accompagner les apprenants pour qu’ils remanient leurs connaissances antérieures et s’approprient des connaissances nouvelles.
L’analyse de séquences concrètes « vidéoscopées » et « d’entretiens post », a montré que, dans ces moments, le praticien peut avoir recours à deux types d’habiletés qui suscitent et soutiennent la disposition des apprenants à cheminer vers le nouveau : des habiletés prudentes (capacité à saisir l’instant opportun : intelligence du Kairos) et des tours habiles (capacité à ruser : pensée Mètis). Ces habiletés, qui se déclinent chacune en catégories, se spécifient en ce qu’elles sont endogènes, incorporées beaucoup plus qu’abstraites, et qu’elles sont sous-tendues par une pensée très peu dissociable du faire, en partie non verbale et souvent non consciente. En outre, elles sont incarnées, agencées en situation sur le mode intégratif et non pas additionnel, et de manière unique par chaque professionnel. Et de plus, les deux types d’habiletés se combinent chaque fois de manière nouvelle et imprévue pour constituer une ingéniosité.
Ces ingéniosités éducatives particulières, ingéniosités de l’instant, échappent ainsi à toute possibilité de définition close et universelle. Leur caractère énigmatique amène donc à poser la question suivante : si ces catégories d’habiletés peuvent constituer des référentiels d’évaluation de pratiques enseignantes, peuvent-elles pour autant constituer des référentiels de formation ?