Contribution recherchée

Atelier n� 3 : Approches épistémologiques : interdisciplinarité, distanciation, cognition

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Titre Motivation à apprendre, mythe ou réalité ?
Auteur(s) LEGRAIN Hervé

Texte
Même si le concept est très attrayant, l’efficacité de la motivation sur la réussite est loin d’être prouvée. Dans le domaine de la motivation cohabitent en effet de nombreuses théories psychologiques, mais en ne retenant que celles étayées sur des données expérimentales, les différences de scores de motivation n’expliquent jamais plus de 10 % des différences de réussite aux apprentissages. Les meilleures prédictions sont atteintes par le sentiment de compétence (Bandura, 1986), mais restent modestes au regard d’autres variables bien connues (capacités cognitives, connaissances préalables).
La même question se pose à propos du projet. La motivation est parfois ramenée à l’idée de projet, synonyme d’une vision à long terme qui donnerait sens et efficacité à la situation immédiate. Pour les bons élèves, la scolarité ne se réduit pourtant pas à une utilité pour un plus tard incertain (Rochex, 1995). Une explication naïve et spontanée consiste souvent à rechercher seulement chez l’individu la justification de ses actes, de ses réussites et de ses échecs. La psychologie sociale a mis à jour cette tendance lourde à surévaluer la variable personnologique dans l’explication des conduites (Leyens, 1983). Le recours à la notion de motivation n’est pas exempt de cette critique. L’idée selon laquelle pour agir, il faut avoir des motifs valables, et plus l’on a de bonnes raisons de faire quelque chose, mieux on le fera, a été le point de départ d’une série d’études (Carré, 2001). Las, ces hypothèses n’ont pu être prouvées expérimentalement. Les motifs ne seraient que discours convenus, (Joule et Beauvois, 1998), sans rapport avec la réussite seule.
La problématique du formateur est de savoir comment faire pour que son stagiaire persévère sur ses exercices, soit plus volontaire. Il s’agit de s’intéresser à la conduite motivée, plus qu’à la motivation de façon abstraite. La conduite motivée sera mesurée par le temps durant lequel l’apprenant maintient son attention ou par le nombre de tentatives pour résoudre un exercice difficile. La motivation est un concept magique, puisqu’elle laisse croire qu’il suffit que l’apprenant veuille changer, pour que tout change. Il y a donc sans doute une part de mythe quand les éducateurs évoquent à tout va la motivation (Legrain, 2003). Pour la psychologie à visée scientifique (Le Ny, 1999), les processus en jeu sont foncièrement inconscients, non pas par inhibition de la conscience, mais plutôt parce que les phénomènes sont, en grande partie, ressentis, implicites et pas forcément accessible par la parole spontanée. Partant de ce concept ambigu, nous débouchons néanmoins sur de réelles problématiques contemporaines de pédagogie. Là où l’on trouve des élèves en difficultés, il y a aussi des enseignants en difficultés. Le repérage des pratiques pédagogiques non démotivantes, par une institution de recherche, est décisif pour répondre au défi lancé à la formation pour le prochain siècle.