Dans le langage quotidien comme dans celui de la recherche, l’usage du terme compétence imprègne progressivement les modes de pensée. Ce terme concurrence savoirs, objectifs, capacités, connaissances, expériences, performances. Ses définitions varient selon les usages et les besoins sociaux des utilisateurs. L’usage du terme compétence, sans réflexion épistémologique approfondie, n’engage-t-il pas dans une démarche « ethnocentrée », qui échappe à la conscience ?
L’interrogation porte sur la fonction sociale et les enjeux politiques de cet usage « intempestif » de la notion de compétence, propice à l’introduction de changements durables dans le monde de la formation, qui sont au croisement d’une articulation entre trois types de transformation, ayant chacun constitué des objets d’étude :
- la transformation des référentiels de diplômes : l’étude réalisée dans le cadre de l’élaboration des référentiels des métiers de la formation d’adultes (2003-2005) fait apparaître le glissement, opéré dans la formation, de « objectifs » à « compétences métiers » ;
- la transformation des modes d’accès à la qualification : l’étude des conditions nécessaires à la « réussite des parcours de validation d’acquis de l’expérience » (VAE obstacles et publics en situation d’illettrisme 2002-2005) montre qu’il est présupposé que les candidats prédisposent de méta compétences, socialement acquises, signes de distinction ;
- l’ajustement des situations de formation dans l’entre deux : en tension avec ces nouveaux modes d’accès, les situations de formation s’ajustent mais se heurtent à une logique d’individualisation des parcours.
Ces trois types de transformation font apparaître une logique d’individualisation croissante. Mais quels sont les enjeux : construire une société d’individus sans collectif ou exclure de la société ceux qui ne correspondent pas à l’idéal type de l’individu compétent ?