Les incertitudes et les paradoxes que les enseignants rencontrent au niveau de l’action, notamment dans la pratique de l’enseignement des savoirs axiologiques ou savoirs « engagés », interpellent la conception positiviste ou scientiste de leur professionnalisation. Par savoirs axiologiques, nous entendons les disciplines orientées, en plus de l’exigence du vrai, vers l’éducation aux valeurs de la démocratie (rationalité, équité, respect de l’autre, responsabilité, tolérance, solidarité, etc.) et à la construction du vivre ensemble dans une société plurielle et sécularisée, comme l’enseignement transversal du fait religieux, l’enseignement de l’histoire et l’éducation à la citoyenneté. Ces savoirs se distinguent par le fait qu’ils articulent exigence du vrai et positionnement axiologique. En quoi les inquiétudes et les hésitations vécues par les professeurs dans la pratique des savoirs engagés, comme l’enseignement culturel du fait religieux, requièrent-elles une formation réflexive orientée vers le questionnement de la posture éthique des praticiens et de la dimension axiologique inhérente au curriculum scolaire ?
Telle est la question que nous soulèverons en analysant les résultats des enquêtes par entretiens que nous avons menées auprès de quelques professeurs du secondaire français et québécois, concernés par l’enseignement culturel du fait religieux. Nous faisons l’hypothèse que, là où les professeurs français combinent dans leur pratique enseignante du fait religieux une éthique de neutralité et une éthique de conviction, les professeurs québécois combinent une éthique de responsabilité et de discussion. Ces positionnements différents induisent deux modes de gestion des conflits et des situations difficiles rencontrés par les enseignants. Dans un second temps, nous examinerons les conséquences éthiques de l’enseignement des savoirs axiologiques. Nous montrerons en quoi les paradoxes que les professeurs sont amenés à gérer au niveau de l’action nécessitent une élucidation philosophique et épistémologique.