L’émergence en 1990 d’une nouvelle didactique du philosopher prend son origine dans l’arrivée des « nouveaux lycéens » (Dubet, 1991) et dans les retombées des théories de l’apprentissage. Apparaît une didactique non exclusivement fondée sur l’autoréférence (la philosophie est à elle-même sa propre didactique), empruntant aussi aux sciences de l’éducation (Tozzi, 1992). D’où les concepts d’apprentissage du philosopher, de matrice didactique du philosopher, à partir de l’articulation de processus de pensée spécifiques, de lecture méthodique philosophique, de formes diversifiées d’écriture philosophique. Les concepts de représentation, conflit cognitif et sociocognitif sont convoqués. Par opposition au format traditionnel (le cours comme œuvre, les grands textes comme modèles, la dissertation comme exercice obligé), un nouveau paradigme organisateur s’esquisse : des élèves plus actifs par des démarches socioconstructivistes de lecture et débat, une large place à l’oral, des genres d’écrits différents, une articulation pédagogie du groupe classe et didactique disciplinaire.
Il y a une évolution de cette didactique de l’apprentissage du philosopher à partir de 1998, qui provient du développement en France de la pratique sociale nouvelle des cafés philo, et surtout de pratiques innovantes dans l’enseignement primaire (Tozzi 2000) et au collège, en particulier dans les Segpa, qui déplace le terrain des recherches à l’amont et l’aval de la terminale. De nouveaux concepts surgissent : le postulat d’éducabilité de l’enfance, la discussion à visée philosophique. Les référents théoriques se différencient : intégration de la Philosophy for children de M. Lipman, des apports québécois (P. Lebuis, M.-F. Daniel, M. Sasseville) ; psychologie développementale du psychanalyste J. Lévine ; sciences du langage, notamment la pragmatique (Auguet 2003) ; pédagogie institutionnelle (Connac 2004) ; fondements de l’apprentissage du philosopher dans les droits de l’homme et de l’enfant (Pettier 2000), dans l’éthique communicationnelle de Habermas (Usclat 2004). C’est cette évolution du paradigme organisateur que nous allons analyser à partir des pratiques émergentes et du corpus des recherches dans le domaine.