Cette contribution s’appuie sur une pratique innovante réalisée dans plusieurs établissements scolaires. Les débats à visée philosophique initialement sur le respect mais sur de nombreux autres thèmes comme la paix, le bonheur ou la mort développent chez les élèves estime de soi et motivation. En leur donnant la parole, ils leur donnent aussi du plaisir. Des progrès concrets se mesurent-ils dans les évaluations scolaires ? Les savoir-faire et les savoir-être, tant disciplinaires que transversaux, augmentent-ils ?
Les compétences observées sont autant institutionnelles que personnelles et liées à l’appétence pour apprendre : l’aisance à la prise de parole, à sa distribution, à oser affronter le groupe, à restituer la mémoire du débat en écrivant les idées retenues. On note aussi des améliorations dans la syntaxe à l’oral, le vocabulaire, l’orthographe. Des progrès certains se font jour dans l’art du débat (argumentation, écoute, concentration) ; les élèves sont plus attentifs aux interventions et suivent le fil du débat. Ce travail de prise de parole et de construction de la pensée montre l’existence d’une interaction entre les structures sociales (les identités collectives) et les identités individuelles, à travers le rapport entre le soi et les groupes de pairs. Les interactions souvent négatives (parents fragiles) entraînent des traumatismes liés à l’insécurité familiale, qui empêchent l’apprentissage (apprendre à s’exprimer pour ne pas avoir à exploser). Cette identité évolue selon les situations, d’où l’importance des rôles proposés aux élèves qui les aident à construire une estime de soi, « identité » tributaire du regard du groupe de façon positive ou négative en raison des affects renvoyés, des appréciations ou dépréciations. Bien-sûr, chacun choisit un rôle dont il espère recevoir un bénéfice, mais il y a aussi bénéfice pour le groupe : en soutenant, en facilitant les prises de parole ou en les interdisant selon ce qu’on estimera être leur besoin et celui de l’avancée du débat. Changeant de rôle au cours des débats, les élèves se forgent un catalogue d’attitudes possibles, élaborent des identités diverses auxquelles ils pourront se référer, constituant ainsi une mémoire de différentes identités qui permet au sujet de ne pas avoir à réfléchir chaque fois à l’attitude à adopter la plus adéquate face à une situation nouvelle.