L’objectif de l’étude est d’examiner si des activités conduites dans le cadre d’une initiation scientifique impliquant des jeunes enfants sont susceptibles d’induire des transformations quant à leur mode d’appréhension des expériences. Partant d’une conception développementale qui s’inspire, à la fois, d’un modèle proposé par Piaget et Garcia (1983) qui explicite les transformations des modes de lecture du monde au cours de la genèse (intra, inter et trans-objectale), et de la conception vygotskienne mettant en avant l’importance de la médiation de l’adulte et de la tutelle, ainsi que le rôle stimulant des apprentissages scolaires sur le développement des processus psychiques supérieurs, nous avons conçu une séquence d’activités expérimentales concernant la formation des ombres, visant à une transformation de la manière dont les enfants appréhendent le réel.
L’expérimentation a été mise en œuvre dans une classe de grande section d’une école maternelle publique sur un échantillonnage de 15 enfants. Les données mettent en évidence que les enfants progressent dans leur lecture du réel sortant du cadre purement perceptif (lecture intra-objectale), où les enfants sont centrés sur les propriétés des objets comme étant la seule explication phénoménologique, pour construire des observables impliquant un traitement inter-objectal des phénomènes physiques se traduisant par la prise en compte des relations entre les différents objets constitutifs de l’ombre. Ce changement est, dans la conception développée par Piaget et Garcia (1983), l’expression d’une transformation du système de pensée de l’enfant.
Ces données étayent l’idée qu’une initiation scientifique à l’école maternelle fondée sur une analyse épistémologique approfondie des modèles explicatifs et basée sur une bonne connaissance des possibilités des enfants est susceptible de contribuer à leur développement intellectuel. Les changements constatés étant d’amplitude variable selon le registre d’expression sollicité, on s’interrogera sur les relations entre les caractéristiques des systèmes de représentation maîtrisés par les enfants et ce que traduisent leurs diverses productions du point de vue des propriétés et des relations qu’ils expriment.