Ce travail est issu d’un programme de recherche dont l’objectif est de dégager des principes généraux pour une organisation confrontée à des « situations extrêmes », à partir d’une investigation du « déroulement » des expéditions polaires en situation (Lièvre, 2001, 2004), dans une perspective proche des travaux de Karl Weick (2003). L’intérêt de travailler sur les expéditions polaires est de disposer d’un terrain qui soit accessible aux chercheurs, dans une posture de proximité, et qui puisse faire l’objet « facilement » d’une évaluation. Nous avons mis en place un dispositif innovant d’investigation (Lièvre, Rix ; 2004) de l’organisation, qui combine deux outils : un dispositif d’objectivation des pratiques situées et un journal de bord multimédia. Cet observatoire est issu de travaux réalisés à la fois en psychologie du travail (Pierre Vermersch, 2003) et en ergonomie (Jacques Theureau, 1992), et plus largement du champ de l’anthropologie (Peretz, 2004).
L’objet de cette contribution est de s’intéresser au problème de l’appropriation des techniques entre praticiens. À partir de nos observations, nous avons pu distinguer quatre « styles » de pratique selon la finalité poursuivie par les acteurs. Chacune de ces finalités joue le rôle d’un principe organisateur, que l’on peut considérer comme une intention organisationnelle au sens de Nonaka et Takeuchi (1997) et qui constitue un système technique ayant une cohérence propre. Nous émettons l’hypothèse que le transfert n’est possible qu’au sein d’un même style de pratique. Nous discutons cette hypothèse à partir des matériaux recueillis lors des expéditions que nous avons suivies.