Les enseignants novices sont rarement sensibilisés à l’influence de leur parole sur les élèves. Occupant une part importante du temps de parole, leurs interventions se situent généralement dans un registre verdictif où il est question de légitimité (Bourdieu, 1982) et de pouvoir (Vion, 1992), ou dans un registre indicatif, qui court-circuite le cheminement cognitif de l’élève (François, 1991). Dans un cas comme dans l’autre, cette parole va à l’encontre du développement de l’élève comme sujet langagier.
La présente recherche s’appuie sur deux séances d’oral menées dans une école classée ZEP des quartiers nord de Marseille en 2003 et 2004. Il s’agit de deux classes différentes, un CE2 enregistré au mois de juin et conduit par une enseignante titulaire depuis un an, et un CM1 enregistré au mois de novembre et conduit par un titulaire depuis quatre ans. Ces séances ont pris la forme de discussions s’appuyant sur la lecture d’un extrait d’Harry Potter pour les CE2 et sur le visionnage d’un film sur la vie animale à l’ère secondaire pour les CM1.
L’analyse se porte sur les toutes premières minutes des discussions, particulièrement révélatrices du type de rapport langagier mis en place. Elle permet de mettre en évidence les gestes professionnels (Jorro, 2002) sur lesquels s’appuient les enseignants, et leurs liens avec le type de comportement langagier induit chez les élèves, les compétences mobilisées sur le plan du codage (Nonnon, 2002) et sur celui du recours à un genre (Bakhtine, 1953 trad. 1984). Apparaît alors l’importance de l’entour de ces discours (François, 1998), la part autorisée au « monde » de l’élève. Celle-ci est vraisemblablement amenée à jouer un rôle considérable, à la fois dans la mobilisation des compétences linguistiques de l’élève, et dans la construction d’un propos non vide de sens.