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Contribution recherchée
Atelier no 4 : Enfants et jeunes en difficulté ou situations difficiles ?
Titre | Questions soulevées par l'apprentissage précoce de la Langue des signes par l'enfant sourd et ses proches |
Auteur(s) | LEGOUIS Philippe |
Texte |
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A la différence des autres handicaps, la surdité a développé une culture propre qui se fonde essentiellement sur un mode spécifique d'appréhender le monde privilégiant le canal visuo-moteur ainsi que sur la pratique de la Langue des Signes et sur le sens que représente cette pratique aux yeux de ceux qui s'y reconnaissent. Le regard que cette culture porte sur un enfant à naître peut en changer le destin : jouant du malentendu, il anticipe sur le décollement du mot «sourd» d'un contenu physiologiquement réducteur et le porte au rang de signifiant d'une autre approche et d'une autre conception de la surdité, ouvrant, pour le sujet, une possibilité que s'y inscrive une histoire et que s'y articule une langue. Or, plus de 90% des enfants nés sourds profonds ont des parents entendants, étrangers à la pratique d'une langue des signes dont on mesure l'enjeu de communication et de socialisation qu'elle représente à un âge précoce lorsque l'enfant se trouve exclu du mode de communication oral utilisé par son entourage. Encore sous l'effet de l'annonce du diagnostic, les parents n'ont pas, la plupart du temps, la possibilité de se l'approprier et ne sont donc pas en mesure de la transmettre eux-mêmes à leur enfant. L'intervention à ce stade, d'une personne sourde susceptible d'opérer cette transmission peut mettre en jeu, tant chez les parents que chez l'enfant, les mécanismes suivants déjà étudiés dans le cadre plus général de l'approche clinique de l'annonce du handicap: - la culpabilité des parents peut les amener à élaborer un fantasme de double filiation qui a pour fonction de les aider à rendre compte de l'origine de l'anomalie et auquel peut d'ailleurs donner corps la présence de professionnels de la surdité qui semblent tout désignés pour assumer la paternité du handicap, alors que de son côté, l'enfant peut être tenté de s'inventer une autre famille sur le mode du roman familial décrit par la littérature psychanalytique, - le processus de deuil mis en jeu chez les parents en rapport avec l'enfant qu'ils avaient imaginé, peut, selon la manière dont il est accompagné, contribuer ou non à ce que s'opère un déplacement des représentations concernant cet enfant idéal, déplacement s'apparentant à un mécanisme de métaphore dont on peut faire l'hypothèse qu'il aura des effets sur la manière dont se construira une langue. La problématique ébauchée ici est une introduction à une enquête qui se propose de croiser les représentations de professionnels sourds en charge de la transmission de la LSF avec celle de parents confrontés précocement avec la nécessité d‘apprendre cette langue. Elle est à rapprocher d'un contexte juridique qui affiche une forte volonté d'intégrer les personnes handicapées et dont il convient d'interroger la place qu'il fait aux enjeux à la fois éthiques et techniques qu'implique la mise en oeuvre d'une telle politique. Cette étude mobilisera, en ce qui concerne le cadre théorique permettant de poser sa problématique, des concepts empiriques issues de la psychanalyse. Elle empruntera, pour l'enquête, une approche phénoménologique qui fera appel à la technique de l'entretien semi-directif. Le traitement des entretiens pourra donner lieu à l'élaboration de typologies. |