La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Démarches de formation ? Jusqu'où et comment peut-on professionnaliser ?


Titre : Postures cognitives des apprenants dans des dispositifs de formation continue : cas des plans de formation de service
Auteurs : JENNY Robert

Texte :
La formation professionnelle fait de plus en plus partie intégrante des procès de travail et des organisations apprenantes (Jeanne Mallet,1996) pour satisfaire les besoins des entreprises et des administrations (changements organisationnels, modernisation etc...). Dans le cadre législatif qui régit la formation professionnelle, les simples obligations de financement par les employeurs font place aux besoins de rationalisation des plans de formation constitués d'un ensemble d'actions de formation - type stage- que nous qualifions de développement professionnel (Jean Marie Barbier,1990) . Ils invitent à une plus grande maîtrise du projet individuel de formation des acteurs du travail. La réduction des coûts de la formation, la priorité accordée aux formations adaptatives à l'outil, l'exigence de compétences attendues, la meilleure efficience organisationnelle s'opposent à la logique catalogue où les acteurs du travail exercent un rôle volontariste dans leurs choix de participation aux actions de formation. Cet espace d'autorisation s'estompe au profit d'un rôle accru de la hiérarchie de proximité dans la négociation du plan de formation qui, dans des cadres très formels (entretiens sur l'évaluation annuelle de l'activité et déclinaison avec les salariés d'un plan individuel de formation), fixe et impose ses choix à partir des besoins des services

Notre recherche tente de démontrer que le projet négocié du plan individuel de formation n'est qu'un leurre si nous posons la question de l'appropriation de la formation. Celle-ci -rarement interrogée dans le processus de négociation de la formation- nous invite à nous centrer sur le sujet apprenant (Jeanne Mallet, 1998) et le formé en tant que personne(Alain Meignant, Francis Jacq,1987) dans les situations de formation et à étudier les postures cognitives. Nous pensons que dans les actions de formation cette appropriation se différencie à partir de trois modes de négociation du plan individuel de formation avec la hiérarchie : initiative personnelle, négociation sur un mode partagé, demande injonctive de la hiérarchie.

Nos travaux se fondent sur un cadre expérimental composé d'un public d'agents et de conventionnés qui gèrent les activités sociales des industries électriques et gazières poursuivant la même formation (dispositif de formation-action). Ils attestent de postures cognitives différentes selon les entrées en formation.

Nous avons pris en compte trois dimensions :
- la didactique professionnelle composite de connaissances à la fois théoriques, méthodologiques et des savoirs de l'expérience tels que les savoirs pratiques définis par Jean Pierre Darré(1994) ou les concepts pragmatiques ( Gérard Vergnaud,1996),
- pensée systématique et la pensée opportuniste ; et de Yves Clot (1995) sur notamment la double la dichotomie des logiques de pensée selon les travaux de Gérard Vergnaud (1989) sur la racine de la pensée .Ces travaux sont eux-mêmes inspirés par le développement des concepts scientifiques et quotidiens de L. S.Vygotski (1985),
- l'hétérogénéité du public : capacités d'apprentissage, parcours en formation initiale et continue, expériences professionnelles, .

Nous avons écarté de notre recherche le registre des motivations et les partis pris pédagogiques des formateurs que nous considérons comme non essentiels dans l'appropriation de la formation recherchée.

Nos premières analyses montrent les aspects suivants :

L'entrée mode initiative personnelle rend compte de l'écart d'appropriation le plus conséquent entre une situation d'entrée en formation et une situation de fin de formation. L'engagement de l'apprenant se traduit par une participation soutenue dans l'acte de formation, des autorisations de paroles, une pertinence dans ses interventions., des transpositions possibles dans les situations de travail. La position subjective du " nous " dans les récits conforte les apprenants issus de ce mode à peser sur les dispositifs organisationnels. Ils anticipent mieux les changements dans leurs activités professionnelles et en appréhendent les différents paramètres.

L'entrée mode injonctif génère des formes sélectives et discontinues dans le développement des connaissances des apprenants. Ces apprentissages séquentiels produisent un déficit de compréhension et de cohérence dans les contenus et la démarche instaurés par les formateurs. Nous remarquons que plus les contenus de formation convoquent la pensée abstraite plus l'appropriation est faible alors que nous constatons une très bonne appropriation dès lors que les contenus convoquent la pensée concrète. Nous l'interprétons comme une reconnaissance des savoirs de l'expérience et un partage du sens

L'entrée mode négocié qui atteste d'un entretien formel avec la hiérarchie montre un écart d'appropriation similaire à l'entrée mode injonctif en ce qui concerne les contenus relevant de la pensée abstraite mais beaucoup moins conséquent pour les contenus relevant de la pensée concrète. La récurrence du " il" souvent utilisé dans les récits témoigne de méta- discours. et d'une conformité à l'institution ou au service et d'une impersonnalité.


Postures d'apprentissage

Nous avons catégorisé dans cette didactique professionnelle trois types de contenus qui convoquent des logiques d'appropriation différentes. Nous nous plaçons ici en dehors de toute considération pédagogique et de promotion de courants. Nous souhaitons observer les apprentissages faisant appel à différents registres de la pensée et notamment la pensée concrète exclue de la plupart des champs de la formation.

Nous classons ici les mises en situations de formations simulatives et l'accompagnement en situation de travail.

Les mises en situations simulatives

L'introduction de situations simulatives dans la formation sont de nature à mieux intégrer la dimension d'appropriation dans une pensée concrète largement dominante qui exclue les formes d'autocensure, les perceptions de contenus abstraits, c'est-à-dire toute énonciation théorique non articulée à une pratique. Nous savons que les connexions théorie-pratique sont extrêmement rares malgré les tentatives généreuses de médiation du formateur. Les recherches en psychologie cognitive et en sciences de l'éducation en attestent. Nous considérons aussi que les autodidactes, les personnes mobilisées sur le plan de formation (mode d'autorisation et d'initiative personnelle) ont une plus grande acceptabilité des conditions d'apprendre. Nous accréditons une inégalité significative au départ pour valider la conduite des apprenants. L'option que nous prenons facilite la constitution de critères susceptibles de rendre compte de cette appropriation. Dans notre expérimentation lors du DEA, nous avons sous-estimé cette pensée opportuniste que nous traduisons comme une liaison très forte à la situation concrète de travail et au sens de l'action. Or, nous identifions dans un ensemble de formations centrées sur les méthodes simulatives et notamment une formation " conduite de réunion " plusieurs phases d'appropriation. Nous savons que les capacités d'acquisition d'outils ou de méthodes pour exercer un métier ou accomplir de nouvelles tâches professionnelles ne se fait pas au même rythme suivant les individus.

Dans le cadre de cette formation, les situations simulatives ont été construites à partir des récits d'expérience de travail des participants à la formation. Nous caractérisons ces situations simulatives comme la mise en scène d'une pratique professionnelle choisie pour son intérêt didactique. La démarche consiste à simuler les situations de travail afin que les apprenants puissent s'y référer dans leur contexte de travail. De ces pratiques professionnelles sont extraites des consignes assignées aux apprenants qu'il s'agit de mettre en jeu dans la situation simulative. Nous remarquons qu'au départ, ces situations simulatives se nourrissent des postures professionnelles intégrées, et ceci malgré l'attention particulière du formateur aux aspects préparatifs d'une telle démarche. Ainsi, des apports théoriques et méthodologiques sont dispensés en amont pour une prise en compte attendue dans les situations simulatives. Or, nous observons une sous-utilisation de ces apports dans la situation simulative. Ceci nous renvoie aux travaux de Pastre sur l'utilisation des guides prescriptifs ou l'appropriation de notices d'utilisation qui actent d'usages tactiles, de tâtonnement au détriment d'une invitation cognitive .

Si nous admettons les limites des connaissances transmises dans les sphères de formation déconnectées des pratiques professionnelles, l'exercice de la simulation et ses résultats produits interroge aussi le passage à l'appropriation. Pour poursuivre notre expérimentation du stage de conduite de réunion, nous avons déduit un des critères d'appropriation à partir de l'énonciation faite par les stagiaires. Ceux-ci se sont exprimés à la fin du stage sur une question posée par le formateur sur l'ajout de contenu dans ce stage (c'est une question indirecte pour rendre compte des manques) : " revivre des situations simulatives afin de valider nos choix, mieux utiliser les apports théoriques, mieux discerner ".

Pour nous, les stagiaires ont exprimé une frustration à la fin de la formation, un inachèvement. Nous l'interprétons comme un étonnement de leur part, une prise de conscience de n'avoir pas utilisé les méthodes mises à leur disposition. Ils auraient voulu vérifier dans une " post situation " simulative leurs capacités à bien appréhender les méthodes. Nous postulons que le point clé d'une réussite de l'appropriation réside dans une analyse et une évaluation collective des situations simulatives vécues par les stagiaires dans la formation. C'est bien dans ce type d'évaluation/régulation et non dans une visée de contrôle que s'opère la conscientisation de la didactique et les transpositions alors possibles dans l'activité professionnelle. Sur ce même registre, Pierre Pastre insiste sur le rôle du de briefing où s'opère la synthèse entre la coordination agie et la coordination conceptuelle en référence à Piaget .

Ces observations nous confortent dans le fait que l'acquisition de connaissances et les transferts possibles ne se font pas en amont mais bien en aval de l'acte de former dans un processus d'évaluation/ régulation des situations vécues .

Cette démarche légitime cette perception d'inachevé et valide la formation comme un processus. Elle écarte la logique de stage, la finitude. Les rituels de fin de stage conviennent aux compromis acceptables mais n'éprouvent guère les pratiques .
L'accompagnement en situation de travail

L'accompagnement de la formation en situation de travail revêt plusieurs formes . Le rapprochement de la situation de travail facilite par la présence de tuteurs le transfert de la formation. A cet égard, nous revendiquons une approche originale qui se démarque des ingénieries de type " applicatif ". Celle-ci permet -par une observation participante et des échanges- une confrontation entre les intentions de l'apprenant dans son projet et la pertinence dans les cours d'action. Dans notre dispositif, cet accompagnateur doit respecté des critères : il ne fait pas " à la place " de l'apprenant : il ne suggère pas, il ne conseille pas, il n'est d'ailleurs pas formateur mais il assiste aux module de formation. Sa compétence est d'interroger les faisabilités. Il fait le lien avec les apports de formation dispensés dans les sessions et il éclaire le travail réel dans le sens défini par Yves Schwartz . Il agit comme un effet miroir. Un cheminement peut s'opérer dans une compréhension partagée : l'accompagnateur convie à la construction, à la recomposition .
Replacer la formation professionnelle sur le registre de la pensée concréte implique donc pour nous une médiation formation-activité de travail. Nous avons entrepris une collaboration originale avec le Département Ergologie de l'Université de Provence pour réaliser cette formation-action destinée à l'encadrement de proximité des Organismes Sociaux des Industries Electriques et Gazières. Ce suivi de terrain, ce travail d'accompagnement est assuré par des étudiants en DESS d'Ergologie et en APST(Analyse pluridisciplinaire des situations de travail) placé sous la responsabilité d'Yves Schwartz, Daniel Faita et Rémi Jean.

Nous considérons cette collaboration utile pour notre recherche pour trois raisons. L'expérience de travail des stagiaires produit de la didactique professionnelle co-construite à l'occasion des action de formation et nourrit par les retours d'expérience. Nous situons notre une formation centrée non pas sur la dispense de contenus théoriques mais bien sur une optimisation dans l'appropriation des contenus( de l'intentionnalité à l'action) . L'exercice du suivi sur le terrain se présente comme une plus value dans la mise en œuvre des projets de service ;dans un rapport de faisabilité et d'appropriation méthodologique. En effet, les projets des apprenants doivent s'inscrire dans les fonctionnements d'un service ou d'un secteur en lien avec les prérogatives des apprenants dans leur fonction. Ils représentent le socle de la formation. La réalisation des projets n'a pas de finalité en termes de résultats et de planification. Il s'agit en revanche de questionner la mise en œuvre des outils et des méthodes, de proposer une analyse. En cela nous avons opté pour une mise en œuvre des projets dans un processus fait de " bouclages " plutôt que dans une logique de finition avec une série de procédures à réaliser.

Le dispositif de formation /action est négocié avec le département Ergologie. Dans le cadre de leur formation supérieure, des étudiants suivent la mise en œuvre des projets de nos stagiaires dans les situations de travail. L'objectif n'est pas de faire " à la place de ", de conseiller les stagiaires et encore moins de porter un jugement de valeur sur leur pratiques professionnelles. La posture vise plutôt une attitude de compréhension, de médiation entre les apports théoriques, l'intentionnalité des apprenants et leur action. Les étudiants participent à l'appropriation de la formation en mesurant les combinaisons possibles entre pensée concrète et pensée abstraite (en référence aux travaux de psychologie cognitive de Vigotski, Pastre, Vergnaud et Clot)

Le registre de la pensée abstraite

Cette formation comporte des contenus d'ordre conceptuel avec des référents abstraits. Dans ce cadre, les modes de transmissions sont classiques. Ils sont plutôt aborder sous forme expositive ou démonstrative accompagnée d'un temps de questions/réponses. Cette transmission des connaissances relève de la pensée abstraite car elle s'appuie sur les sciences universitaires et notamment dans ce type de formation sur les sciences humaines.

Le registre mixte

Le métissage des pensées offre des solutions de complémentarité et de combinaison convoquant à la fois la pensée concrète et à la fois la pensée abstraite. Nous retrouvons ici l'appropriation de connaissances en actes, de méthodologies transposables au terrain. Nous incluons les travaux de groupe centrés sur une tâche et les études de cas. Un des rouages essentiel de la possibilité du métissage des pensées réside dans la circulation du sens entre pairs . La confrontation des points de vue, le recours aux figures de styles à savoir les métaphores, métonymies, catachrèses permet un accès mutualisé aux connaissances théoriques et abstraites. Ce processus collectif construit chez les apprenants des capacités méthodologiques d'analyse des problèmes, de décision.

Nous rajoutons dans ce 3ème type de contenu les témoignages d'expérience qui en convoquant les concepts pragmatiques enrichissent la didactique professionnelle.
Première analyse des résultats

Notre analyse porte sur une trentaine de questionnaires (voir en annexe) remis aux apprenants en fin de formation car nous pensons qu'ils sont les mieux placés pour situer leur niveau d'apprentissage et leur progrès. Notre position n'est pas neutre car elle place l'apprenant comme sujet comme auteur et inventeur de sa formation . Nous avons réfléchi sur la possibilité d'un remplissage en deux temps : au début de la formation et à la fin de la formation. Mais nous avons opté pour le faire remplir en fin de formation par les apprenants. N'est-on pas en meilleure capacité d'évaluer le chemin parcouru, sa progression et donc de conscientiser cette appropriation de la formation après qu'elle soit réalisée ? Cela nous rapproche ainsi du postulat de l'évaluation par l'aval.

Nous explorons aussi trois questions périphériques à notre recherche. Il nous conforter nos premières impressions livrées.
Nous écartons de notre recherche la questions de la motivation et du besoin susceptible d'influencer l'appropriation de la formation . Néanmoins les premiers éléments d'un questionnaire annexe que nous développerons pas ici montrent pas d'influence directe sur notre recherche

Le rapport au projet de service
Nous ne sommes en mesure de livrer à ce jour de résultats complets et affinés
Elle concerne la mise en œuvre des outils et des méthodes que nous pouvons lier au projet en actes. Nous concevons le projet comme un processus et non comme un ensemble programmatique : la fin de la formation n'implique pas la finitude du projet . Cependant nous avons intégré dans notre recherche comme éléments d'appropriation de la formation la mise en place d'un projet de service qui fait l'objet d'actions en rapport avec des méthodes , des outils en référence au projet de formation. Ce projet fait l'objet aussi d'un travail écrit ; intentions, faisabilité et évaluation

En fin de formation nous avons situé cinq états d'avancé du projet :
OT projet totalement réalisé
OD projet en démarrage
OC projet en cours
OP projet qui rencontre des problèmes dans la faisabilité
N pas de mise en œuvre

Nous remarquons que pratiquement tous les apprenants ont mis en place un projet. Le projet classé "en cours " signale plutôt une démotivation aussi bien pour les apprenants relevant du mode injonctif que celui du mode initiative personnelle. Ces positions contrastent avec l'appréciation positive concernant la mise en œuvre des outils, des méthodes surtout par les apprenants relevant de l'injonction. Nous présumons que l'écart entre l'enthousiasme des apports méthodologiques et la conduite du projet en situation réelle crée une désillusion ou une déception. La recherche des résultats immédiats et un vœu d'aboutissement au projet ne se départissent pas de l'ancrage d'une culture taylorienne du travail. Nous pensons néanmoins que cette relation demande un approfondissement

L'enjeu de reconnaissance de cette formation
La co-validation avec l'Université de Provence de la formation et notamment par l'attestation de mise en œuvre sur le terrain d'outils et de méthodes d'encadrement ne s'avère pas une condition motivante exprimée par les apprenants pour suivre cette formation. Leur plan individuel de formation s'élabore dans une stabilité professionnelle
L'influence de l'accompagnateur en situation de travail
Nous remarquons que le suivi de terrain par les collaborateurs de l'Université de Provence (DESS APST) n'a pas modifié les motivations et les besoins pour une très grosse majorité des apprenants relevant des modes initiative personnelle, négociation, implicite et explicite. Par contre, les apprenants relevant du mode injonction sont plus partagés : ils sont 6 et 7 à considérer que le suivi de terrain s'avère bénéfique.

Les niveaux d'appropriation de la formation

Lecture du tableau

Nous devons nous référer au tableau ci-après qui illustre les niveaux et les écarts dans l'appropriation de la formation. Pour une meilleure lecture, nous précisons les points suivants :
Les lettres de A à X (verticale gauche) correspondent aux contenus de la formation énoncés dans le questionnaire sur une base d'une journée ou une demi-journée. Les trois couleurs font référence aux 3 registres de pensée dans l'ordre chronologique : pensée concrète (rouge), pensée abstraite (bleu foncé), pensée mixte(vert)
Les traits horizontaux se rapportent pour chaque contenu (de A à X) aux écarts d'appropriation entre la situation de départ en formation et la situation de fin de formation. Ces contenus sont spécifiés dans le questionnaire. Nous avons établi une échelle graduée de 1 à 10 qui correspond à des niveaux d'apprentissage reconnaissables pour les apprenants.
Les chiffres correspondent à une moyenne selon les différents modes de négociation du plan de formation dans la chronologie suivante : initiative personnelle(violet), injonction(bleu clair), négociation (orange).

Nous avons regroupé les modes de négociation explicite et implicite qui ne s'avèrent pas probant de distinguer.

Lecture globale des questionnaires

Une première lecture de notre tableau admet que le mode de négociation du plan individuel de formation correspondant à l'initiative personnelle situe l'appropriation de la formation au niveau maîtrise de la part des apprenants. Le placement de départ en position 3 et 4 sur l'échelle est assez élevé : il fait penser pour ceux-ci à une meilleure image de soi et à une bonne opinion de leurs capacités.


Comme nous l'avons souligné dans les résultats du DEA, ces apprenants ''autonomes'' se sentent bien intégrés dans les dispositifs organisationnels de travail. Cet engagement dans la formation conforte une conscientisation de leurs situations de départ.

Le mode de négociation injonctif des apprenants indique sur l'échelle une position de départ plus basse qui traduit le manque de confiance en soi. Mais les progrès sont significatifs quant aux contenus relevant de la pensée concrète. Le niveau d'appropriation de ces apprenants s'avère supérieur à ceux placés en initiative personnelle. Nous faisons le parallèle avec le système scolaire et les difficultés d'adaptation et d'appropriation de savoirs savants par les élèves. Cette double contrainte - pensée abstraite et injonction - pèse dans l'échec scolaire : toutes les potentialités des élèves ne sont pas suffisamment exploitées et valorisées .

Le mode de négociation explicite ou implicite est sans doute le plus édifiant. Il conforte l'un de nos résultats de la recherche et des travaux du D.E.A où cette conformité à l'institution ne valide pas de progrès significatif. Au contraire, nous enregistrons les écarts les moins importants et ceci presque sur l'ensemble des contenus.


Analyse détaillée de l'appropriation de la formation

" A " : La présentation de la formation montre une appropriation contrastée du projet de formation. Pour les apprenants relevant du mode initiative personnelle nous interprétons cet écart conséquent comme une réceptivité optimale organisée que Vygotsky et Vergnaud qualifient de conscience avant comme nécessaire prise de conscience qu'il faut avoir de la situation dans laquelle on se trouve impliqué pour réussir et avoir une action adaptée . Les apprenants du mode injonctif montrent des résistances qui se traduisent par une appropriation assez faible alors que ceux du mode négociation affichent une appropriation suffisante

" B " : Ces contenus concernent l'inventaire des outils et des méthodes proposés. Nous observons à peu près le même rapport avec l'item " A ". Il indique bien l'efficacité de l'appropriation de la formation pour ce public relevant de l'initiative personnelle.

" C " : Ces contenus concernent l'appropriation de documents écrits préparatifs aux interventions du module 1 de formation : " Principes d'organisation ". Ces contenus sont plus à catégoriser dans l'abstrait à la fois par la dimension conceptuelle et à la fois par le manque de médiation du formateur ou de l'intervenant. Nous relevons ici des écarts d'appropriation quasi identiques (un peu plus importants pour les personnes en situation injonctive).

" D " et " E " : Ces contenus renvoient à la sociologie des organisations, aux principes de management et à l'approche théorique des conduites de changements. Nous constatons que les situations de départ des apprenants " initiative personnelle " tranchent avec les deux autres modes. Elles confortent une disposition de ces personnes à peser dans les dispositifs organisationnels et donc à mieux anticiper les changements et en appréhender les différents paramètres.

Nous pouvons intégrer l'item " F " qui concerne les récits d'expériences de management. Ceux-ci relèvent pour nous du registre mixte car les contenus d'ordre démonstratif consentent une dimension pragmatique : ils interpellent directement les activités de travail. Si les modes injonctif et négociation sont contigus, l'écart s'accentue par rapport au mode initiative personnelle.

L'item " G " concerne une appréciation de ces pratiques professionnelles d'encadrement que nous plaçons dans la référence abstraite Nous prônons comme modalité pédagogique la constitution d'un binôme apprenant avec un questionnement de l'un pour préciser à l'autre ces pratiques à partir d'une grille de compétences élaborée au préalable par les formateurs. Nous accréditons ici un niveau d'appropriation conséquent pour les apprenants appartenant à l'injonction et l'initiative personnelle parce qu'il concerne leur propre compétence dans leur activité que nous analysons comme une conscientisation en cours.

Par contre, les apprenants se présentant dans le mode négociation par un écart minime de 3 à 5 sur l'échelle témoignent d'une non implication, d'une extériorité et d'une conformité à leur l'institution. Ils corroborent nos hypothèses avancées dans le DEA.

" H " : L'exemplification d'une démarche de coaching (observation en situation réelle suivi d'une interview par les apprenants) comme pour l'item précédent atteste d'une bonne appropriation sauf pour le mode négociation qui interroge à nouveau l'implication réelle des apprenants dans la formation.

Les items " I " et " J " renvoyant à la lecture de documents et la nature de projet contredisent singulièrement nos conclusions globales. Nous pouvons dire que nous avons classé le projet et son élaboration sur le registre abstrait : les apports théoriques sont constitutifs de concept et de méthodologie. Mais la nécessité de mettre en place un projet d'action a sans doute contribué pour les apprenants situés dans l'injonction à produire une attention particulière à ce sujet car nous identifions un niveau d'appropriation significatif.

L'item " K " présente le niveau d'appropriation le plus fort. Seule la position négociée ne suit pas ce même écart. Ces contenus situés sur le registre mixte profitent pleinement aux apprenants relevant des positions injonctives (moyenne de 4,2 à 8 sur l'échelle) et initiatives personnelles (moyenne de 2.5 à 5.8 sur l'échelle).

" L " et " M " convoquent les situations simulatives. Nous mesurons ici que le mode relevant de l'injonction offre sa plus grande progression. Elles permettent aussi aux apprenants relevant du mode négociation de mieux s'intégrer à la formation.

" N " : Cet item concerne la lecture de document préalable au contenu du module. Nous n'observons pas de faits particuliers si ce n'est celui de confirmer la faiblesse de la position négociée dans la situation de départ (position 2 sur l'échelle).

" O " : Cette intervention vise la mise en œuvre d'une analyse de situation de leur travail à partir d'outils méthodologiques. Nous avons placé ce contenu sur le registre mixte car il s'appuie sur une méthodologie type audit suivi d'un examen des entités de travail des apprenants (modalité pédagogique en binômes) et d'une restitution en grand groupe. Nous retrouvons ici les mêmes écarts avec l'item " Q " relevant du même registre et d'une même modalité pédagogique.

" P " : Il s'agit à nouveau de lire des documents qui montrent une homogénéité des écarts dans l'appropriation de la formation. Nous notons la même similitude dans l'item " R " qui donne des outils pour élaborer les Plans Individuels de Formation (PIF).

L'item " S " renvoie à la situation simulative. Elle confirme une appropriation forte de la formation par le groupe issu de la position injonctive. Nous constatons la même progression pour l'item " S 1" relevant d'une position négociée.

Les items " T ", " U ", " V " et " W " relèvent de l'accompagnement de la formation avec la contribution d'étudiants de l'Université de Provence au D.E.S.S, Département Ergologie. Nous consolidons ici l'importance de l'accompagnement en situation de travail. Nous constatons une progression forte des apprenants classés dans la position injonctive. Les apprenants situés dans la position négociation affichent une bonne progression aussi. Par contre, nous enregistrons pour ceux relevant de la position initiative personnelle une progression moins importante. Nous remarquons que plus nous nous rapprochons du registre de la pensée concrète et plus les apprenants provenant du mode injonctif augmentent leur niveau de formation.


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