![]() La 6ème Biennale |
Titre : | Le directeur d'école, un chef d'équipe ? |
Auteurs : | DUCHAUFFOUR Hervé |
Texte : |
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Depuis de nombreuses années, les directeurs d'école primaire
font état de leur malaise dans la profession réclamant de nouveaux
moyens en fonction de leurs nouvelles charges de travail. Pour essayer de comprendre
cette réalité, poser un regard sur le contexte institutionnel,
sur les conditions d'exercice ainsi que sur la manière dont un certain
nombre d'entre eux vivent au quotidien la pratique de leur fonction, s'est avéré
nécessaire. Ainsi, les textes officiels et des entretiens avec une soixantaine
de directeurs ont constitué le corpus dont l'analyse a permis de tirer
ces réflexions, rapportées ici sur le point précis de l'animation
d'équipe. De quelle équipe parle-t-on ? La raison principale de cette existence virtuelle semble reposer sur la constitution même de l'équipe. Il existe un malentendu certain sur la genèse de l'équipe. Les textes officiels instituent l'ensemble des maîtres d'une même école ou de mêmes cycles (le cycle deux comporte des maîtres de grande section de maternelle et les maîtres de CP et CE1, donc souvent d'écoles différentes) comme équipe. Celle-ci est première. Mais, la lecture attentive des psychosociologues qui se sont intéressés aux phénomènes de groupes montre qu'un groupe d'individus (ici, les maîtres nommés dans une école) pour devenir une équipe doit répondre à un certain nombre de critères. L'équipe ne précède pas le groupe, elle en est l'émanation. LAFON (1962) a défini l'équipe comme un ensemble de personnes travaillant dans le même sens. Cette première définition, guère suffisante pour être opérationnelle, a été retravaillée par MUCCHIELLI (1996) qui propose de définir l'équipe comme un "groupe primaire" (COOLEY ) incluant la dimension "action". Ainsi, au-delà de la connaissance de tous par chacun, de la qualité du lien interpersonnel, de l'engagement personnel, de la cohésion, de l'intentionnalité commune vers un but collectif consenti et désiré, de l'acceptation des contraintes et du respect de l'organisation -c'est-à-dire des caractéristiques censées fonder l'équipe (MUCHIELLI)-, la synergie de tous ces éléments pour donner naissance à une équipe ne peut être tangible que si le but que s'est assigné le groupe est suivi d'actions efficientes. L'équipe n'existe que si sa communauté s'attelle à une tâche. L'action, telle qu'elle est définie par MUCCHIELLI, est l'action de l'équipe et exclus donc la définition d'un travail de groupe ; le travail de groupe étant déterminé par "une structure à l'intérieur de laquelle se trouvent réunis des travailleurs de même profession, et où chacun réalise de la même façon le même travail" alors qu'un travail d'équipe est défini par "la multidisciplinarité" (JACOBSON, MONELLO, 1970) . Dans ces conditions, l'équipe dans l'école peut-elle exister ? Les maîtres du premier degré sont recrutés sur la base de la polyvalence et non de la disciplinarité. Cependant, avec le recrutement après la licence, ce sont des maîtres avec des parcours divers qui entrent dans le système et il s'agirait aujourd'hui d'en tirer toute la richesse. Plus indiciblement, le travail en équipe semble voir le jour dans les situations de partenariats avec l'extérieur où les compétences recherchées sont celles que ne possèdent pas les membres de l'équipe d'enseignants. Pour comprendre la difficulté d'instituer une équipe, un autre élément de définition est aussi à prendre en compte, il s'agit des distinctions entre "groupes orientés vers le groupe" et "groupes orientés vers la tâche" (ARGYRIS , BION ). En effet, l'équipe telle qu'elle est définie répond à une double contrainte : celle d'un groupe qui est autant centré sur lui-même (les conditions de son fonctionnement, les relations internes) que sur la tâche en opposition aux "groupes centrés sur le groupe" ou aux "groupes centrés sur la tâche". Dans ces conditions, il s'agit de trouver un point d'équilibre entre plusieurs positions possibles. Fonder une équipe : les entraves Qui mène l'équipe et comment ? Mais qu'attend-on d'un chef d'équipe ? Pour HUGONNIER le chef est celui qui "représente le groupe à l'intérieur et à l'extérieur ; il est le gardien des objectifs, assure la convergence des efforts, assume les risques, lève les obstacles, organise, fait régner l'ordre et les règles qui assurent la vie du groupe, tranches les différents qui peuvent surgir". Il évacue l'idée de sanction vis-à-vis des équipiers (MUCCHIELLI) et la remplace par un pouvoir de décision permettant de trancher quand un différent surgit. Pour lui, le pouvoir de sanction n'a pas de sens. Si les membres du groupe adhèrent à l'esprit de l'équipe, le repérage et l'analyse des erreurs (la régulation) sont le moyen de les réparer. Ce point semble fondamental car il révèle l'état d'esprit sur lequel se fonde l'équipe et sur ce qu'on autorise ou non à son représentant. C'est le signe aussi que c'est l'équipe elle-même qui a défini son mode de fonctionnement en dehors de toute autre instance. Cela s'inscrit dans l'idée d'une structure liée aux objectifs. Concrètement, il s'agit de variations pratiques qui sont générées suivant le type de situation. Pour préciser cette définition de chef d'équipe, MUCCHIELLI a exposé une série de tâches qui lui incombent et de toute évidence les missions exposées par le texte sur la fonction de directeur d'école n'en sont pas éloignées. On y retrouve l'aspect représentation : "il préside le conseil des maîtres et le conseil d'école il représente l'institution est l'interlocuteur des autorités locales il prend part aux actions destinées à assurer la continuité de la formation des élèves entre l'école maternelle et l'école élémentaire et entre l'école et le collège" ; l'aspect convergence et coordination : "il assume la coordination nécessaire entre les maîtres' ; l'aspect organisateur : 'il répartit les moyens d'enseignement il arrête le service des instituteurs, fixe les modalités d'utilisation des locaux scolaires il organise le travail des personnels communaux il organise les élections des délégués des parents d'élèves" ; l'aspect facilitateur : "il aide au bon déroulement des enseignements" ; l'aspect mobilisateur : "en suscitant au sein de l'équipe pédagogique toutes initiatives destinées à améliorer l'efficacité de l'enseignement" ; l'aspect régulateur et d'autorité : "il prend toute disposition utile pour que l'école assure sa fonction de service public il aide au bon déroulement dans le cadre de la réglementation" ; l'aspect communicateur : "il veille à la diffusion auprès des maîtres de l'école des instructions et programmes officiels". Hormis le pouvoir de sanction qui relève institutionnellement de l'IEN, voilà en d'autres termes les missions définies d'un chef d'équipe. Le directeur n'usurperait pas ce titre s'il le revendiquait. A cela, il faut ajouter une autre mission déjà évoquée, indispensable, et qui n'apparaît pas dans le texte, c'est fédérer le groupe d'individus réunis institutionnellement pour que celui-ci devienne une équipe. Ce n'est pas la moindre des missions pour les raisons déjà entrevues (indépendance du corps enseignant, culture individualiste ). Pourquoi pas "chef d'équipe" ? Une formation en devenir |