La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs et instrumentalisation des apprentissages. Quels bénéfices et quelles limites ?


Titre : COMMUNIQUER POUR METTRE EN ŒUVRE DES ACTIVITES SCIENTIFIQUES EN CLASSE
Auteurs : COQUIDÉ Maryline (coordination)

Texte :
Dans le cadre d'une recherche coopérative INRP/IUFM (coordination C. Larcher), l'équipe de l'IUFM de Rouen est partie du constat de la non-prise en charge de l'enseignement obligatoire des sciences et des techniques à l'école primaire. " Faire des sciences à l'école " continue de sembler problématique dans de nombreuses écoles. La formation et la professionnalisation des professeurs des écoles, par rapport à la mise en œuvre d'activités scientifiques et techniques avec leurs élèves, apparaissent comme des problèmes récurrents. De nombreuses études et travaux relatifs à cette formation ont déjà eu lieu, ils ont contribué à mieux connaître :
- la spécialité des PE (Antheaume, 1993, 1994) ;
- le décalage entre les matières scolaires, les matières de l'enseignement secondaire, les disciplines universitaires et les disciplines de formation (Martinand, 1994) ;
- le rapport des PE à leur métier (Baillat, 1999) et la reconnaissance de la prise en charge de l'enseignement des sciences et des techniques dans leur identité professionnelle.

Comment produire et reproduire une identité professionnelle d'enseignant du primaire ? Comment aussi transformer une identité, qui, dans les conditions actuelles ne semblent pas intégrer " naturellement " l'enseignement des sciences et des techniques ? Dans ce contexte, l'équipe a analysé en quoi l'utilisation du site lamap pouvait lever, ou au contraire créer, des obstacles dans la mise en œuvre d'activités scientifiques et techniques à l'école. Elle s'est interrogée sur les ressources potentielles que constitue le site lamap dans la formation initiale des professeurs des écoles. Elle a analysé comment des stagiaires en formation initiale (PE2) avaient pu utiliser ce site. Un suivi de cohorte a permis, l'année suivante, de connaître la prise en charge de l'enseignement scientifique et des techniques des PE nouvellement titularisés (Coquidé, coord., 2001).


DONNEES RECUEILLIES
Les 132 fiches relatives à l'usage du site, remises dans 73 dossiers de validation de stagiaires PE2 ont été analysées (en 1999-2000).
44 questionnaires renvoyés par les PE nouvellement titularisés (soit environ 25 % de la cohorte) et les entretiens complémentaires, menés auprès de 9 d'entre eux, ont été dépouillés (en 2000-2001).

Trois types d'obstacles à l'appropriation des ressources ont été distingués :
Ø Ceux qui relèvent de l'appropriation de l'outil de communication (Internet). Ces obstacles plutôt rares chez nos jeunes stagiaires PE semblent, d'après le discours des PE nouvellement titularisés, importants pour de nombreux enseignants du primaire.
Ø Ceux qui concernent l'appropriation des ressources elles-mêmes. Le but de cette étude était de contribuer à déterminer les fonctions de ces ressources, les besoins et les savoirs des PE. Ses divers volets mettent en évidence des mises en tension, et plusieurs questions vives, relatives à la communication d'activités scientifiques et techniques à l'école, émergent (voir ci-dessous).
Ø Ceux qui sont en relation avec "l'image des sciences" ou "les représentations de l'enseignement scientifique et technique à l'école".

Nous avons, par ailleurs, constaté que des difficultés pour la conduite d'activités demeurent dans les classes, en particulier le déficit de matériel. Mais, ce sont surtout des propos relatifs aux difficultés pédagogiques, d'organisation, de gestion de classe, d'animation et de gestion de temps qui peuvent être relevés. Dans cette catégorie de difficultés, on retrouve, le plus souvent, celles qui sont décrites comme " l'abrupt de l'arrivée " par Simone Baillauqués (1993), et analysées comme des insuffisances de savoirs professionnels à l'entrée dans le métier.


QUESTIONS VIVES
Le bilan de notre étude conduit à trois " questions vives " concernant la production et l'appropriation de ressources pédagogiques et les liens entre la formation professionnelle et la pratique professionnelle.

Tension entre modèles pédagogiques
La majorité de PE apprécient les informations du site lamap, mais des tensions peuvent apparaître entre une démarche type " main à la pâte " (qui n'apparaît d'ailleurs pas toujours homogène entre les divers documents), et les démarches scientifiques qu'ils rencontrent et mettent en œuvre, lors de la formation initiale à l'IUFM ou lors des stages. Ces tensions peuvent porter, en particulier, sur la place et le rôle des manipulations, ou bien sur l'utilisation des conceptions initiales des élèves.
Nous avons constaté de nombreux emprunts à la formation initiale lors des débuts dans le métier. Nous avons également constaté des " effets de culture locale " entre sites de formation. En quoi ces emprunts et, de façon élargie, la formation initiale peuvent-il avoir des effets normalisateurs ? Y a-t-il, par ailleurs, toujours cohérence entre " l'image " du site et ce qui est proposé ? Cohérence entre le modèle pédagogique des enseignants en formation, la formation, et le site ?
Il apparaît que le site, tel qu'il est construit, se fonde essentiellement sur des contenus scientifiques : sujet d'étude, thésaurus du moteur de recherche… C'est, peut-être, l'une des raisons pour lesquelles les propositions pour les plus jeunes et pour le cycle 1 restent peu fournies ? Comment, dans la conception actuelle du site, peuvent être présentées et valorisées des activités fonctionnelles ? Les domaines de familiarisation pratique aux objets et aux phénomènes ?.. . Des activités et des domaines qui sont, en revanche, souvent abordés pendant la formation.

Tension relative aux informations proposées dans les " fiches activités "
Les PE doivent constituer un " corps ", mais ce corps n'apparaît pas homogène, et nous avons relevé différentes attentes. Plusieurs tensions sont relatives aux " fiches d'activité ". Elles recouvrent plusieurs dimensions, qui peuvent interagir entre-elles :
- " Ouverture " ou " fermeture " ? Préparation " clé en main " ou bien piste, document pour aider à construire ?
- Discontinu ou continu ? Comment articuler la nécessaire séquentialisation des fiches et des séances et l'apprentissage continu des élèves ? Comment insérer des fiches ponctuelles dans un projet global ?
- Contextualisation ou généralisation ? Tâches, formelles et virtuelles, centrées sur des objets ou activités, contextualisées et centrées sur des élèves sujets réels (Peterfalvi, 2001) ?
- Témoignage ou analyse ?

Vers des indicateurs relatifs à la communication d'activités scientifiques et techniques ?
Dans son étude relative à la formation en sciences de futurs enseignants du primaire, Pierre Antheaume (1993, 1994) a argumenté que leurs compétences professionnelles avaient plus à voir avec l'organisation des apprentissages des élèves de l'école primaire qu'avec des compétences purement disciplinaires. Ses travaux de formation, tout en se centrant sur " comment rendre un non-spécialiste capable de conduire des activités scientifiques significatives avec les élèves ", articulaient orientation scientifique, didactique et personnelle.
Si les stagiaires, d'origine très différente, doivent constituer un corps unique de professeurs des écoles, il est nécessaire d'envisager une " culture commune " dans le domaine des sciences et des techniques de ce corps, culture relative aux compétences de mise en œuvre des activités dans leur classe. Leur interrogation principale concerne les élèves et les activités à conduire. Ce sont les compétences enseignantes qui établiront leurs références professionnelles.
Mais quels savoirs de la pratique est-il possible d'expliciter ? Quels descripteurs retenir pour aider l'enseignant à agir dans la classe ? Bernard Lahire (1998) analyse bien les difficultés à articuler le " faire " et le " dire sur le faire ". Il apparaît que le langage professionnel articule théorie et pratique. Nous avons ainsi pu constater que le discours des PE relatif à l'enseignement scientifique est " imprégné " de didactique. Ces éléments de didactique semblent jouer des rôles de " repères " avec lesquels les enseignants nouvellement formés régulent les activités de classe.
L'interrogation relative à la communication des activités peut donc se centrer sur la description des contenus et celle de la structure. Quels principes organisateurs ? quelle syntaxe ? quel lexique ? quelles références ? Les points discutés précédemment ont, par ailleurs, pointé des besoins d'anticipation, des tensions entre témoignage et analyse.
En outre, le rôle de l'explicitation des pratiques et le rôle de ces savoirs au cours de l'action sont à interroger. Le poids des contraintes de mise en forme narrative de pratiques n'est pas à négliger.


REFERENCES

Antheaume, P. (1993). Contribution à la définition des objectifs spécifiques et des activités spécifiques de formation professionnelle d'enseignants non spécialistes dans une discipline scientifique : la Biologie. Thèse de Doctorat. Université Paris 7.

Antheaume, P. (1994). Vaincre la résistance des futurs enseignants. In : Andries, B., Beigbeder, I. (coord.) (1994). La culture scientifique et technique pour les professeurs des écoles. Paris, Hachette, CNDP, 71-78.
Baillat, G. (1999). La polyvalence des enseignants du premier degré : une notion en question. CD du Congrès de l'AECSE, Bordeaux, juin 1999.
Baillauquès, S., Breuse, E. (1993). La première classe. Paris, ESF.
Coquidé, M. (coord.) (2001). Rapport de recherche INRP La main à la pâte 1998-2001, IUFM Académie de Rouen. 48 p. + 45 p. Annexes.
Desbeaux-Salviat,B. (1998). Activités scientifiques et usage d'Internet à l'école primaire. Bulletin de l'Union des Physiciens, n 806, 1251-1255.

Lahire, B. (1998). Logiques pratiques. Le " faire " et le " dire sur le faire ". Recherche et Formation, n 27, 15-28.

Martinand, J.-L. (1994). Observer-agir-critiquer, L'enseignement des sciences à l'école primaire. In : Actes des Journées Paul Langevin 94. Brest, 13-18.

Perrenoud, P. (1998). Le travail sur l'habitus dans la formation des enseignants. Analyse des pratiques et prise de conscience. In : Paquay, L., Altet, M., Charlier, E, Perrenoud, P. (eds), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ? Bruxelles, De Boeck Université, 2e édition, 181-208.

Peterfalvi, B. (2001). Obstacles et situations didactiques en sciences : processus intellectuels et confrontations. L'exemple des transformations de la matière. Thèse de Doctorat. Université de Rouen.


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