AUTEUR : LAIZÉ Catherine, professeur associé, NEGOCIA, Chambre de commerce et d'Industrie de Paris TITRE : Développer et évaluer les compétences sociales et relationnelles- Atelier N° 10
Le domaine des compétences sociales et relationnelles répond à une attente forte des entreprises. Les profils attendus sont formulés autant en terme de savoir-faire technique qu'en terme de savoir-faire relationnel et de savoir être. Les compétences sociales et relationnelles sont reconnues comme une dimension importante de l'insertion et de la réussite professionnelles. Elles se développent dans l'action et sont liées à un contexte donné. Elles ont pour but le bon fonctionnement du groupe humain au sein de l'organisation. Elles revêtent une importante toute particulière pour les étudiants du groupe NEGOCIA, centre international de formation à la vente et à la négociation commerciale créé en 1992 par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, qui se destinent vers des métiers relationnels et seront appelés à communiquer et négocier avec leur environnement. Pour répondre aux attentes des entreprises, il nous semble important d'apprendre à nos étudiants à - être autonomes et responsables, - et savoir prendre du recul par rapport à leurs expériences, analyser les compétences mises en uvre dans un cadre donné afin de pouvoir les transférer dans d'autres contextes.
Développer ce type de compétences chez nos étudiants soulèvent deux questions
:
Quelles compétences sociales et relationnelles convient-il de développer pour
faciliter l'intégration professionnelle future ?
Comment aider nos étudiants à les développer et comment prendre en compte et évaluer ces compétences dans nos programmes de formation et plus particulièrement ceux de NEGOSUP (formation en trois ans dédiée aux métiers de la vente et de la négociation commerciale et accessible aux titulaires d'un diplôme Bac + 2) et de l'A.C.I (Académie commerciale Internationale, formation de Bac à Bac + 3 au marketing et à la négociation internationale) ?
Dans ce champs très large du savoir être, du savoir-faire
et agir social et relationnel, j'ai cherché à
identifier les compétences sociales et relationnelles que nos étudiants doivent
acquérir, qui facilitent leur intégration professionnelle et leur adaptation
aux évolutions de l'organisation du travail (connaissances, savoir-faire, savoir
être, évolution comportementale...) et répondent à la demande des entreprises,
entraîner les étudiants à combiner ces ressources dans des situations et contextes variés et les amener à évaluer les compétences mises en uvre.
I Quelles
compétences sociales et relationnelles développer chez nos étudiants ?
La compréhension la plus courante du concept de compétences sociales et
relationnelles englobe :
des données qui concernent la personnalité (caractéristiques
personnelles, qualités morales, valeurs...)
du savoir-faire relationnel : « attitudes relationnelles et de communication et liées à l'image de soi » (B. Liétard), « capacités utiles pour se comporter ou se conduire dans un contexte professionnel particulier » (G. Le Boterf) ainsi qu'une dimension sociale : fléxibilité comportementale (B. Perret), capacité d'adaptation sociale (S. Bellier) et de transfert (B. Liétard), capacité à « s'interfacer avec des environnements plus ou moins complexes » (J.B. Fournier), à s'intégrer dans un groupe et y trouver sa place...
Ces hypothèses théoriques ont été validées auprès des entreprises dont
j'ai analysé les besoins dans ce domaine. (interviews pratiqués auprès de 50 entreprises
²). Leurs attentes concernent principalement :
la capacité à connaître ses points forts et ses points faibles (38% des citations),
savoir prendre du recul et analyser ses pratiques (42%),
des qualités personnelles parmi lesquelles les plus citées sont la confiance en soi
(24%),la persévérance (24%), la fiabilité (18%), la combativité (18%), l'honnêteté
(14%), le charisme(14%),
l'adaptabilité
(62%), la capacité à comprendre son environnement (50%) et communiquer avec
aisance (84%),
la capacité à s'intégrer et travailler en équipe, en réseau
(78%),
la capacité à s'organiser, hiérarchiser ses activités
(62%), gérer son travail avec efficacité (44%)
le sens de l'engagement (34%), la capacité à prendre des initiatives, des
responsabilités (32%)...
Ceci m'a conduite à préciser les trois grandes catégories de capacités
qu'il était souhaitable de développer chez nos étudiants :
1 la capacité à développer des qualités et savoir-faire
personnels et relationnels :
. capacité à s'auto-évaluer, diagnostiquer ses points forts et ses
points faibles, se fixer des objectifs, des axes de progrès, prendre du recul,
. communication, compréhension interpersonnelle et compréhension
de l'environnement, flexibilité comportementale, adaptation à l'autre, au contexte,
capacité à se mettre à la place de l'autre...
. capacité à rédiger, puis
. capacité à s'exprimer, prendre la parole en public, indispensables
pour communiquer avec les autres.
2 la capacité à entreprendre, conduire un projet, adopter
un comportement autonome et responsable dans la conduite d'un projet :
. la capacité à entreprendre, à mener un projet à son terme,
prendre des initiatives et des responsabilités, anticiper les étapes, les difficultés...
. la capacité à rechercher et traiter l'information,
juger de sa pertinence,
. la capacité à gérer son temps et ses activités,
3- la capacité à s'intégrer dans
un groupe et à travailler en équipe, à comprendre les raisons du bon fonctionnement
du groupe.
. la contribution personnelle au travail du groupe,
. la capacité du groupe à travailler ensemble efficacement.
II- Comment mettre en uvre et évaluer
ces compétences ?
C'est dans le cadre de la pédagogie par projets ¹, terrain privilégié pour mes
observations, que j'ai mis en place un dispositif permettant aux
étudiants de construire et évaluer ces trois types de capacités sociales et
relationnelles.
En effet les différents projets que nos étudiants sont amenés à conduire, les
placent en situation d'agir et travailler en équipe et favorisent la production
et la construction de compétences. Ils permettent de mobiliser, combiner des
connaissances, des savoir-faire et qualités, d'apprendre en faisant, en analysant
et en résolvant les problèmes.
Projets recherche (traitement et analyse de l'information, préconisations...),
projets action (réalisation d'actions, dans un contexte donné, conduite de projets
humanitaires, sportifs, culturels, professionnels ...pour le compte d'un ou
plusieurs commanditaires...)
² Interviews par le biais d'un questionnaire administré auprès de PME et groupes
internationaux
Quel type d'évaluation ?
Il ne peut s'agir ici d'une évaluation de type contrôle ou jugement. Evaluer
des compétences sociales et relationnelles, c'est essentiellement accompagner,
faire prendre conscience et faire progresser. L'évaluation ne porte pas sur
la personne, ni sur sa personnalité mais sur sa façon d'agir. sa principale
finalité tient en deux mots : faire progresser.
Pour permettre à l'étudiant de progresser, il me semble que l'évaluation doit
comporter trois volets importants :
1. La prise de conscience et l'auto - évaluation :
Prendre conscience, c'est reconnaître les compétences mises en uvre, être capable
de réussir une action ou un projet mais surtout comprendre pourquoi et comment
on a agi et ce qui a conduit ou non au succès, et pour cela, se poser quelques
questions, identifier ses façons d'agir pour les améliorer et apprendre à agir
avec efficacité.
L'évaluation doit permettre de prendre de la distance par rapport au vécu, d'effectuer
un retour sur soi et sur les ressources utilisées. Cette réflexivité qui consiste
à expliquer ce qui s'est passé et comment on s'y est pris, permet ensuite de
transférer dans d'autres situations, réinvestir dans d'autres contextes. Elle
passe par une opération de conceptualisation ou modélisation du vécu pour pouvoir
réinvestir dans de nouvelles situations, pour pouvoir tirer les leçons et définir
un plan de progrès ou d'action personnel.
Cette auto - évaluation doit faire l'objet :
. non seulement d'un échange avec les différents acteurs et personnes
qui ont participé au projet ou à l'action,
. mais aussi d'une verbalisation et d'un passage par l'écrit (lorsque
le projet ou l'action est réalisé), qui facilite cette nécessaire distanciation.
2. L'accompagnement :
Cette auto - évaluation et cette prise de conscience sont difficiles à faire
seul. Elles nécessitent un suivi, un accompagnement individuel et collectif
par un professeur.
La mission du professeur : aider :
. à prendre conscience, repérer les compétences mises en uvre,
rechercher les ressources complémentaires,
. à résoudre les questions de méthode, suggérer des pistes d'action,
des hypothèses de travail,
. à comprendre les situations vécues pour transférer, réinvestir
dans d'autres contextes,
. à prendre du recul en facilitant la confrontation des points de
vue,
. à définir un plan de progrès personnel.
1 La confrontation des points
de vue :
Si l'auto - évaluation est essentielle pour progresser, elle ne se suffit pas
à elle-même. Elle s'enrichit du regard des autres.
Il est important de distinguer dans l'évaluation ce qui revient à soi et
ce qui revient aux autres.
L'évaluation doit résulter de la confrontation de plusieurs points de vue et
permettre l'établissement d'un dialogue entre :
. l'étudiant qui porte un regard sur ses compétences et sur sa façon
d'agir,
. les autres étudiants avec lesquels il a travaillé et qui
ont contribué à la réalisation du projet.
. et le professeur qui a accompagné et suivi l'étudiant.
Cette évaluation, si elle est collégiale, gagnera en objectivité . C'est pourquoi
il est important de croiser les regards pour augmenter la validité de l'évaluation.
Le dialogue et la confrontation limitent les risques de subjectivité.
Les trois dimensions que sont l'auto - évaluation, l'accompagnement et la confrontation
des points de vue, sont les principaux leviers sur lesquels repose le dispositif
d'évaluation que j'ai mis en place à l'A.C.I. et à NEGOSUP et notament dans
le cadre de la pédagogie par projet.
- Quels outils et quelle démarche pour évaluer ?
1 Afin de pouvoir évaluer les
trois grandes dimensions sociales et relationnelles évoquées plus haut, j'ai
construit un outil d'évaluation,
conçu comme un « référentiel » transversal à nos différents programmes,
et permettant à l'étudiant de s'auto - évaluer et obtenir des autres (professeur,
étudiants membres de la même équipe de travail et qui ont collaboré à la gestion
du projet) un feed-back sur ces différents domaines de compétences. Chacune
des trois grandes catégories de compétences est déclinée en différentes capacités,
elles-mêmes déclinées en différents items et évaluées sur une échelle composée
de cinq possibilités de réponses de 0 à 4.
L'outil d'évaluation informatisé permet
de croiser différents regards, faire apparaître, analyser, comparer les perceptions
des uns et des autres (présentation sous forme de graphes et traitement statistique
des données).
Il a été conçu pour :
. établir un profil de compétences à un instant
T de la vie des étudiants,
. permettre à l'étudiant d'analyser les compétences
qu'il convient d'améliorer et définir un plan de progrès.
Il donne lieu à un rapport détaillé d'analyse
(rapport personnel et rapport de groupe), accompagné d'un « débriefing » individuel
et par groupe d'étudiants.
L'outil exploité à différents moments de la scolarité permet l'observation et
l'analyse d'une progression.
Il est transférable à tout type de population.
2- L'analyse et la compréhension de cet outil d'évaluation doit s'accompagner
d'un double « feed-back » :
. un feed-back collectif, (groupe d'étudiants ayant travaillé ensemble
réuni autour de leur professeur) permettant à chacun d'écouter, comprendre les
écarts de perception et de s'exprimer,
. un feed-back individuel (étudiant / professeur), afin de dresser un
bilan des compétences relationnelles, identifier les points forts et les points
faibles, comprendre et interpréter les écarts de perception, se fixer des objectifs
et déterminer un éventuel plan de progrès.
Utilisé à différents moments, tout au long de la scolarité et dans différents
contextes, ce dispositif d'identification et d'évaluation des compétences sociales
et relationnelles sera également exploité par les entreprises qui accueillent
nos étudiants en stage et en apprentissage (projet 2002-2003).
Au delà de la volonté de développer chez nos étudiants, des compétences qui
faciliteront leur intégration professionnelle future et leur adaptation aux
évolutions de l'organisation du travail, nous cherchons au travers de ce dispositif
à inscrire les étudiants dans une démarche d'analyse de leurs expériences et
stratégies d'action et de remise en cause permanente.
Repères bibliographiques :
Sandra Bellier : Le savoir-être dans l'entreprise-
Vuibert 1998, Compétences en action- Ed. Liaisons,2000
Sandra Bellier : Compétences en action, Editions Liaisons, 2000
Guy Le Boterf : Construire les compétences individuelles et collectives- Ed
d'Orga.2000
Bernard Liétard : elles courent, elles courent les compétences sociales
S. Aubrun, R. Orofiamma : Les compétences de 3ème dimension,
ouverture professionnelle ? CNAM 1990 |