La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Nouvelles compétences et nouveaux apprentissages ? dont le sous-groupe 'philo'


Titre : Faut-il une formation initiale spécifique pour enseigner en zone rurale?
Auteurs : ZAREMBA Jean-Luc

Texte :
Partant du constat que contrairement à leurs aînés instituteurs, les professeurs des écoles ne sont plus majoritairement issus du milieu rural, que chaque année dans le Puy-de-Dôme

notamment, le mouvement des personnels du Premier degré révèle des "difficultés" à pourvoir les postes les plus reculés, une piste d'analyse s'offrait à nous. A l'écho des points d'achoppement
inhérents à la prise de fonction abondamment exprimés en formation continue et dans les mouvements pédagogiques, il s'agissait, en conséquence, de bâtir une formation initiale susceptible d'armer les prochaines recrues pour enseigner en milieu rural. Il en va déjà de même
dans le cadre des ateliers de pratiques professionnelles de l'IUFM d'Avignon où nous animons un séminaire spécifique intitulé "Enseigner en ZEP". Pour l'heure nous ne savons pas si les évolutions en cours dans les IUFM autoriseront la poursuite d'une telle expérience.


Il nous fallait tout d'abord placer les élèves professeurs des écoles en situation de recherche. A cet effet, nous proposions à partir d'enquêtes conduites à base d'entretien, de cerner les spécificités du rapport à l'école entretenu par différentes générations, toutes issues du milieu rural . Chaque participant se devait de relater, par écrit, au moins trois témoignages, préalablement à une synthèse effectuée en groupe avec pour axes principaux de réflexion, le rapport aux savoirs, les valeurs transmises et les vecteurs de cette éducation (Famille, Ecole, Eglise). En complément de données sociologiques, géographiques et culturelles, plus qu'une meilleure connaissance des ruralités, un véritable outil de prospection des "petites patries" s'offrait ainsi aux futurs maîtres. Dès lors, l'aspect pratique de l'enseignement en milieu rural pouvait être abordé dans une seconde phase.


Précisément, Célestin Freinet et Lucien Gachon étaient appelés à fournir quelques référentiels pratiques en vue de la gestion quotidienne d'une classe, à l'instar du groupe ICEM local ou de quelques collègues de terrain agissant dans un réflexe de compagnonnage. C'était déjà orienter les débats, parier que les maîtres sauraient toujours s'adapter à renfort de dispositifs éducatifs et de ruses. Hier, par les classes promenade et l'imprimerie, aujourd'hui par les mises en réseaux alimentés par les nouvelles technologies de communication, les petites écoles se sont continuellement avérées être de précieux laboratoires pédagogiques. A chacun par les textes, les matériels et les tutorats librement consentis de modeler les dispositifs adéquates pour un projet de classe.

Au delà de l'usage et de l'exemplarité de l'oeuvre de ces deux pédagogues, l'intérêt de leur parcours était ailleurs, par la définition d'un projet éducatif à l'écho de leurs engagements et d'une interprétation culturelle. Pour les quelques heures de l'atelier, de tels objectifs semblaient démesurés, tout au plus pouvions-nous illustrer une telle prise de conscience. Avec le parti pris d'une approche à dimension philosophique, par le choix de reprendre l'idée que l'enseignant est un passeur dans les apprentissages culturels, nous suivions Lucien Gachon découvrant Les noces paysannes de l'écrivain-paysan Emile Guillaumin comme nous avions reçu, dans l'atelier

ZEP, le témoignage d'une adolescente des Minguettes d'une ZEP lisant Le gone du Chaâba d'Azouz Begag. Distants d'un demi siècle, éloignés de par leurs cultures respectives, nos exemples se retrouvaient pourtant dans le sentiment partagé d'accéder à l'intelligence de l'écriture et d'une culture. Cette entrée littéraire permettait, en formation initiale, de cerner la dimension humaine qui doit prédominer dans toute entreprise éducative. Elle préparait encore tout éducateur à l'urgence dans laquelle il se trouve de faire des choix, d'éprouver les certitudes au profit d'une action en conscience. Ainsi, l'héritage de Lucien Gachon était, dans le cheminement exemplaire, depuis l'enfant du Peuple à l'affirmation de l'écrivain passé maître dans l'art du pouvoir scriptural jusqu'au pédagogue armé pour penser et agir en faveur d'une autre école.


Depuis Les petites patries, les instituteurs n'ont jamais agi dans l'ignorance des réalités locales. Il appartient aux professeurs des écoles, non pas de valoriser les particularismes mais d'en faire les leviers de l'altérité. De la sorte, les réflexes d'écriture, la discussion des finalités éducatives aident à l'affirmation d'un véritable projet d'enseigner, transposable en tout lieu, pour tout public dont aucun maître ne saurait faire l'économie. Plus que des moratoires, l'école du village réclame la continuité de tels pédagogues.


Menu