La 6ème Biennale |
Titre : | Procédure d'accueil et d'accompagnement des jeunes apprentis découverts en état de consommation de cannabis |
Auteurs : | MASCARIN Guy |
Texte : |
---|
I - PREAMBULE Depuis plusieurs années, l'usage de la drogue s'est banalisé dans notre pays et surtout chez les jeunes. Les chiffres récents sur la consommation des jeunes entre 15 et 19 ans, nous montrent qu'un adolescent sur deux a déjà fumé du cannabis et que la moitié d'entre eux sont des consommateurs réguliers (enquête OFDT 2001). La consommation de drogue se fait chez soi, dans la rue, dans les établissements scolaires. Ne nous cachons pas que ce problème est identique au sein de tous les Centres de Formation d'Apprentis ; ne refusons pas la réalité et n'ayons pas peur de préserver notre image de marque en dissimulant et taisant ces évidences. De plus, l'organisation même de l'alternance permet à un jeune consommateur de venir au CFA, approvisionné pour la semaine (présence 1 semaine sur 3 au CFA). Enfin, notre carte de recrutement englobe des villes comprenant des quartiers sensibles où la consommation est monnaie courante. Au contraire, un établissement comme le nôtre se doit d'être "conscient" et a la responsabilité de mettre en place une stratégie de prise de conscience générale du personnel, de l'équipe éducative et de ses apprentis. Il doit s'engager dans une démarche de sensibilisation, d'information, de formation et d'éducation pour tous. Notre Établissement a également le devoir de répondre aux risques immédiats engendrés par la prise de stupéfiants. Il doit protéger les apprentis des accidents du travail. Nos métiers exigent à leurs postes des compagnons ayant toutes leurs capacités psychologiques, physiologiques et psychomotrices. Nous savons que la prise de drogue entraîne un effet euphorisant, une perte de vigilance, une somnolence et une déformation des sensations auditives et visuelles. Notre rôle essentiel est d'amener l'apprenti à une insertion professionnelle, mais parallèlement nous devons veiller à son insertion sociale et le prévenir des risques sociaux liés à la consommation régulière de drogues. Risque de dépression, perturbation et dégradation des liens sociaux, nervosité, troubles du sommeil et perte d'appétit peuvent perturber et altérer la vie sociale du jeune. Sans dramatiser mais sans banaliser, il est nécessaire de développer une réflexion autour de cette problématique qui réponde à nos missions de formation. Depuis la rentrée 1998, le CFA-BTP de Lézignan-Corbières s'est fortement impliqué dans cette démarche et a mis en place un certain nombre d'actions et de procédures qui tentent d'aller dans ce sens.
Cette expérience se déroule dans un Centre de Formation d'Apprentis qui fonctionne selon le principe de l'alternance (voir article 1 - L1 du Code du Travail). Les apprentis sont des salariés avec un contrat de travail de type particulier. La procédure d'inscription indique q'un jeune de 16 à 26 ans mois un jour, prend contact avec une entreprise qui accepte de le prendre en formation. Elle remet au service instructeur d'une chambre consulaire (métiers ou commerce) un exemplaire du contrat d'apprentissage que ceux-ci proposent à un CFA concerné par le domaine d'activité. Enfin, ce contrat est validé par l'Inspection du Travail. Les jeunes sont donc d'abord des salariés en entreprise. Le contrat est signé par ces deux parties. La formation est organisée de la manière suivante : - 2 semaines en entreprise où ils sont placés devant la richesse
mais aussi la réalité des activités de chantiers. Enfin, la carte de recrutement est pour notre établissement départementale élargie (Aude + la partie ouest de l'Hérault) pour les apprentis de niveau V (CAP) ou régionale, voire interrégionale pour les apprentis de niveau IV (BP) et donc couvrant l'Hérault, le Gard, la Lozère, les Pyrénées Orientales et l'Aude.
C'est de façon latente que les problèmes de consommation de drogue émergeaient dans notre Établissement. Depuis trois année, quinze réunions de discipline ont eu lieu, réunions motivées par la consommation de drogue dans l'enceinte du CFA et plus particulièrement à l'internat. De manière plus diffuse, ce sont des allusions, des remarques dans les ateliers, les classes et les couloirs, d'élève à élève, mais également des remarques faites aux professeurs pour tester leur connaissance sur le sujet et se permettre quelques débordements. Mais le point culminant de cet état de fait depuis la rentrée 2000, c'est onze apprentis surpris en train de fumer du cannabis. La banalisation de la consommation de drogue gagne notre Établissement ; la preuve en est que la plupart des apprentis concernés ne comprenaient pas pourquoi ils étaient sanctionnés pour avoir consommé dans l'établissement. Les formateurs sont conscients des faits. Des conversations informelles entre professeurs sur l'attitude et le comportement suspect de certains apprentis nous le confirment. Le vol de marqueurs pour confectionner des pipes, tout autant que l'utilisation de matériaux de plomberie (tubes PVC d'évacuation, tubes de cuivre ), l'endormissent spectaculaire d'apprentis pendant les cours, l'observation d'yeux anormalement brillants témoignent des constats faits par les formateurs. De plus, ces derniers se posent un grand nombre de questions sur l'attitude à adopter devant ces problèmes et les actions à mener pour changer les choses. Ils sont demandeurs d'information sur le sujet pour comprendre et gérer les situations. C'est devant le constat d'une banalisation évidente de la toxicomanie dans l'esprit des apprentis et le questionnement des formateurs que notre CFA entame une réflexion. Réflexion d'autant plus utile que l'on parle aujourd'hui d'une possible dépénalisation de la consommation dans notre pays. Comment faire comprendre à nos apprentis que se droguer dans notre établissement c'est mettre en danger sa vie et celle de ses compagnons ? Protéger nos apprentis des risques d'accident du travail est devenue une nécessité forte. Pour répondre à tout cela, notre Établissement a défini un certain nombre d'objectifs et va mettre en place des actions qui seront la base de notre démarche en matière de lutte contre la consommation de drogue dans notre CFA.
- Depuis 1998 / 1999, il nous est apparu nécessaire et urgent d'associer à notre réflexion et à nos décisions tous les co-formateurs impliqués dans l'accompagnement du jeune apprenti, les parents, quelque soit l'âge de celui-ci, le maître d'apprentissage, l'équipe pédagogique et la direction. On doit distinguer deux cas de figure : 1- l'apprenti surpris en train de fumet ou de préparer un "joint"
; Pour ces deux cas, nous avons arrêté la procédure suivante : 1e phase : septembre 1998 1°) - renvoi en entreprise immédiat de l'apprenti après information
par téléphone de la famille et de l'entreprise. 2°) - convocation à une réunion de discipline et donc de tous les co-formateurs, en présence du jeune, dont l'objectif est le suivant : a- recherche d'homogénéité du langage (tous les membres
présents reçoivent le même message, la même information) En ce qui concerne le cas du "vendeur", une position de principe d'exclusion est prise. Les participant sont informés des règles de droit et le maître d'apprentissage prend généralement la décision de la rupture du contrat d'apprentissage (rupture à l'amiable). Nous n'avons connu qu'un seul cas au CFA en trois ans. 2e phase : septembre 2000 - Devant la banalisation et la rumeur de dépénalisation de la prise de produits nous avons souhaité associer à notre action les compétences d'un expert et d'un psychologue compétent en la matière, AID 11, association d'information sur la drogue pour le département de l'Aude. La démarche s'est trouvée enrichie et modifiée de la sorte : - "à la fin de la réunion de discipline, il est indiqué à tous les membres que le jeune contrevenant devra lui-même, prendre contact, puis rencontrer, au moins une fois, le psychologue d'AID 11 afin d'envisager un accompagnement et une aide éventuelle pour se soustraire à l'emprise du produit out tout simplement se poser les bonnes questions afin de ne pas continuer dans cette voie". La reprise en cours au CEFOBAT était conditionné à cette rencontre. Il est évident que nous ne pouvions être informé du contenu de la visite, secret médical oblige. 3e phase : septembre 2001 - Un fait nouveau nous a fait gravir un échelon supplémentaire : Tout d'abord, l'association AID 11 travaille à l'accueil et l'insertion des personnes prenant des produits et est en relation directe avec la justice. Ensuite, nous apprenons que dès l'instant où nous avons connaissance de la prise de produit par un jeune, nous devons, à défaut d'être taxé de complicité, informer le Procureur de la République. Il était impensable, pour nous, d'entrer dans cette procédure. Par la suite, nous avons souhaité que le Procureur de la République accepte de distinguer un comportement de prévention, d'un comportement de sanction. Après discussion, nous avons pu mettre en évidence une démarche que nous voulons préventive et éducative, en aucun cas de délation car ce serait perdre la confiance des jeunes qui nous sont confiés. On ne peut plus parler d'échange, de concertation si on agite le bâton. Grâce à AID 11 et par l'intermédiaire de sa directrice, nous avons pu établir et faire parvenir à Madame le Procureur de la République de Narbonne un protocole de suivi des apprentis dans lequel étaient précisés, le constat, le degré d'information et les éléments d'engagement des parties. Notre procédure devient donc la suivante : 1- réunion de tous les co-formateurs ainsi que du jeune NOTA : l'expérience nous montre, qu'assez souvent le jeune rencontre le psychologue d'AID 11 avec l'objectif essentiel "d'aller chercher" un quitus ou ticket d'entrée pour la reprise des cours. L'objectif essentiel qui est le premier pas à faire afin d'entreprendre un travail sur soi permettant ainsi une prise de conscience personnelle, s'en trouve ainsi très fortement réduit. Il n'empêche que cette rencontre, à terme, éveille chez le jeune cette possibilité, ce qui est très positif. A titre d'expérience, nous avons donc levé la réserve de reprise des cours liée directement à cette première visite. En conclusion, l'intérêt de cette démarche est qu'elle met l'accent sur l'aspect éducatif et préventif. La prise de produit, malgré toute la propagande qui en est faite, ne peut pas, dans un établissement de formation professionnel ou technique, être considéré avec légèreté. Trop de risques potentiels nous interpellent tous les jours et réclament la mise en place de système ou de procédure de sécurité au travail. Il en va de même en production en entreprise où les risques sont augmentés par la notion de temps et de durée si ce n'est de rendement. Nous nous approchons du même degré de risque que celui mesuré dans la conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de produit. Nous ne souhaitons pas attendre l'accident ! Notre objectif reste la prévention même si notre discours a une portée limitée, à savoir l'espace - temps de l'établissement et par extension l'espace - temps de l'entreprise. Bien entendu, l'action mise en place avec d'une part le psychologue d'AID 11 et le Procureur de la République d'autre part, vise par ricochet à préserver le jeune dans l'environnement familial et personnel même si nous n'avons aucun droit, sauf, peut-être, celui de l'éthique. Pour terminer, cette action, en associant la Justice dans un cadre qui frise la légalité pure et dure, puisque le Procureur de la République accepte dans un premier temps de déroger à son obligation de sévir, connaît ses limites : seul le cannabis a pu être envisagé. En effet, nous n'avons pu intégrer les autres types de produits en raison de leur gravité et de leurs conséquences. Enfin, un plan de formation est mis en place sur le Centre de Formation à l'attention des personnels concernés. Guy MASCARIN
Partenaires : PROTOCOLE DE SUIVI DES APPRENTIS CONSOMMATEURS DE CANNABIS SUR LES LIEUX DE FORMATION DU CEFOBAT Conformément aux missions Le CEFOBAT s'engage dans le protocole suivant :
Un jeune est surpris par le personnel de l'établissement en train de consommer du cannabis. 2/ Le Directeur informe le Procureur Afin de garder la prédominance d'une démarche éducative et de prévention sur l'aspect répressif, et en accord avec Madame le Procureur du Parquet de Narbonne, il est prévu la procédure conjointe ci-après : - Signalement au Procureur pour suites à donner. S'il s'agit d'une première
interpellation, il sera alors prononcé une mesure judiciaire avec obligation
de rencontrer l'éducatrice d'AID 11 à la Permanence d'Orientation
au Parquet. - Parallèlement les coordonnées d' AID 11 seront remises par l'équipe du CEFOBAT au jeune avec l'incitation de s'y rendre avant même la mise en place de la procédure. 3/ Engagements - L'équipe d'AID 11 informera d'une part le Procureur du Parquet de Narbonne et d'autre part le CEFOBAT de la venue ou de l'absence du jeune.
a été trouvé en train de .. J'ai d'ores et déjà pris les dispositions pour réunir le conseil de discipline dans lequel sont impliqués le maître d'apprentissage, la famille et l'équipe pédagogique. J'ai également informé l'Association A.I.D. 11 que M.. : devra la contacter dans les meilleurs délais. Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire,
je vous prie d'accepter, Madame le Procureur, mes sincères salutations. Le Directeur |