La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs et instrumentalisation des apprentissages. Quels bénéfices et quelles limites ?


Titre : L’integration des ‘tic’ dans la methode des cas : la ccmp, depositaire de l’etat de l’art ?
Auteurs : REY Suzanne

Texte :
Après une présentation de la Méthode des Cas, nous évoquerons son évolution récente liée à l’émergence des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) par l’illustration de deux exemples :

- le cas ABB SYNTHESOL, auteur : Patrick GOUGEON, ESCP-EAP
- le cas La FRANCILIENNE, auteurs : Laurence de CARLO et Alain LEMPEREUR, Groupe ESSEC

En parallèle à l’évolution des cas papier vers les cas sur cd-roms, sont apparus de véritables « dispositifs pédagogiques » : avec les cd-roms couplés à Internet ou à des intranets, des cours son devenus accessibles à distance, illustrés par des cas, des exercices, des modes d’évaluation… Une brève illustration avec deux exemples :

- PRINCIPES DE MARKETING, auteur Stéphane GAUVIN, Université LAVAL à Québec
- CAP PROJET, établissements créateurs UTC-AGF

Nous expliquerons enfin en quoi les ressources pédagogiques disponibles à la CCMP offrent aux chercheurs la possibilité d’aller plus loin dans l’analyse des évolutions pédagogiques induites dans la Méthode des Cas avec, en corollaire, l’élaboration progressive d’une Base de Connaissances.


La « methode des cas » : une méthode pédagogique

Largement utilisée dans le cadre des enseignements de gestion, en formation initiale comme en formation continue, la Méthode des Cas est une méthode conviviale qui repose sur une étude de « cas ».

La Méthode des Cas…
Parler de la Méthode des Cas dans la formation au management sans parler de la Harvard Business School (HBS) est quasiment impossible écrivait J. Reynolds, en 1985.
D’après les travaux de M.T. Coppeland, en 1954, le premier Doyen de la HBS proposa d’intégrer à l’enseignement des affaires une méthode éprouvée dans le cadre de l’école de droit de Harvard, à savoir l’analyse des cas de tribunaux accompagnée de leurs décisions.
Mais à la différence du droit, les premiers cas de gestion n’avaient pas de réponse qui pouvaient s’imposer. Cette réalité a conduit HBS à suggérer trois manières de traiter un cas : d’abord obtenir un avis d’expert, puis arriver à une conclusion ouverte et parvenir à un consensus des apprenants.

… et le « cas »…
Charles I. Gragg, l’un des grands initiateurs de la méthode à Harvard propose, en 1940, la définition suivante :
« Un cas est l’exposé d’un problème dans le domaine des affaires, tel que les dirigeants ont dû réellement l’affronter, complété des faits, opinions et préjugés de l’environnement, dont les décisions des dirigeants devaient dépendre ».

Dans la pratique, la Méthode des Cas est l’utilisation de ces situations vécues dans le domaine des affaires à des fins pédagogiques. Ces situations sont étudiées individuellement par les apprenants, analysées en sous-groupes et discutées en séance plénière avec l’aide d’un animateur. La discussion en groupe doit permettre d’atteindre un consensus sur le problème et sa ou ses résolutions. Enfin, l’animateur, dans la phase finale de « debriefing », cherche à mettre en lumière les différents concepts manipulés durant l’analyse du cas.

Plus qu’un simple exercice, la Méthode des Cas dans son approche inductive, stimule les aptitudes des participants à prendre des décisions dans un environnement conflictuel et développe leurs capacités de synthèse et de réflexion.

Comme le résument bien C. de la Baume et B. Cova, en 1991, la Méthode des Cas est une méthode coopérative qui, au contraire de l’écoute individuelle, favorise le travail de groupe, la communication et l’échange. Cette Méthode met l’enseignant et l’apprenant sur un pied d’égalité, car il n’y a pas de solution unique pré-établie et l’échange d’idées est libre.

Dans son adaptation en dehors de son univers de base (HBS /politique générale), la Méthode des Cas est amenée à tenir compte des spécificités culturelles des apprenants ainsi que du degré de technicité enseignée.

Transférabilité de la Méthode : une méthode - un métier
La Méthode des Cas est transférable à d’autres disciplines que celle de la Gestion : exemple d’une synergie entre la CCMP et un organisme de formation du secteur Santé.
Dans le cadre d’un partenariat établi avec l’organisme centralisant, en France, les différents établissements de formation en soins infirmiers (environ 200), la ccmp a formé l’ensemble des cadres enseignants de ces écoles à l’utilisation de la Méthode des Cas « Harvard » au sein de leurs établissements en leur proposant d’allier une méthodologie à une discipline professionnelle spécifique.
Dans un premier temps, la formation visait principalement à élargir les représentations des cas chez les cadres enseignants habitués à utiliser des cas dans leur pédagogie afin de leur laisser entrevoir le potentiel pédagogique de la Méthode des Cas « Harvard » dans l’apprentissage. Puis, dans un deuxième temps, les cadres enseignants ont suivi les formations de formateurs à la méthode des cas de la ccmp pour la création de cas adaptés à leurs réalités professionnelles.

Ce type d’expérience est renouvelé avec les écoles d’ingénieurs.

Le support du cas

Si nous avons beaucoup parlé de la Méthode, il reste encore plus à dire sur son support.
Le cas papier
Les cas d’HBS ont une structure et une présentation « normée ». A l’origine, le cas se présente sous forme de document papier d’une douzaine de pages, annexes non comprises. Le cas est en général structuré autour de parties qui vont du plus général au plus spécifique. Il commence par un paragraphe introductif évoquant la nature du problème à résoudre, parfois les alternatives possibles et souvent la pression qui pèse sur la décision.
Ce document est accompagné d’une note pédagogique, outil permettant à un autre enseignant de s’approprier le cas tant au niveau des connaissances et des concepts que des schémas d’animation.

L’expérience montre que, depuis l’origine, des interprétations ou discussions sur le fond et la forme de la définition du cas selon Gragg ont diversifié le concept du cas. L’intégration de nouvelles technologies a rendu plus complexe la forme des cas : plus seulement papier ou audiovisuel, ils peuvent être sur cd-roms couplés ou non à des intranets ou à Internet. Par souci de simplification nous appellerons ces cas, des ‘cas multimédia’.

Le cas multimédia
Premières ébauches de ‘cas multimédia’…

A partir des années 1970 /80, les études de cas sur support papier ont été complétées par :
- des diapositives
- des vidéos
- des présentations Powerpoint
Ces supports représentaient surtout une aide à l’animation du cas en permettant de mieux visualiser des produits ou des situations présentées dans l’énoncé du cas ; avec Powerpoint, l’animateur enrichit la qualité de son exposé théorique par un visuel structuré et attrayant.

… l’intégration de logiciels de simulation sur disquette…
Dans les années 1990, des logiciels de simulation à la gestion complètent l’énoncé du cas et permettent à l’apprenant de s’exercer à des projections financières et de les discuter avec ses collègues pour une meilleure prise de décision.

Mais c’est véritablement à partir de 1995/1996 que l’évolution (parfois ressentie comme une révolution) à été la plus sensible avec l’arrivée des cd-roms et de l’Internet dans notre quotidien.

Cette fois-ci, les nouvelles technologies touchent le corps du cas lui-même. Les nouvelles technologies ne se limitent plus à renforcer la qualité de l’animation du cas, mais offrent de nouveaux supports pour l’énoncé du cas en tant que tel, touchant directement l’apprenant dans son travail individuel et dans son travail en groupe.

Loin de vouloir faire dans cet exposé la part belle aux seuls cd-roms, Internet et intranets, il convient néanmoins de préciser les caractéristiques que seul le numérique peut proposer par rapport à un support papier même complété de vidéos ou de logiciels de simulation :

. la présentation visuelle et sonore de l’entreprise permet à l’apprenant de s’y déplacer virtuellement : bureaux, ateliers, usine, entrepôts… avec toute liberté de navigation pour prendre connaissance des informations (comme dans la vie !)
. la mise en situation de l’apprenant directement dans le contexte le rend acteur du cas (l’apprenant ne peut pas être passif)
. l’interactivité entre l’apprenant et les différents acteurs du cas (simulation de la réalité) : les facteurs humains (la diplomatie, l’émotionnel…) sont intégrés dans la démarche pédagogique avec ce qu’ils peuvent comporter d’irréversible dans l’hypothèse d’une maladresse
. l’intégration d’une multitude d’informations obligeant l’apprenant à savoir sélectionner celles qui lui seront utiles (accès à des annexes financières, comptes rendus d’activité d’entreprise, réglementations diverses…)
. l’ouverture sur le monde extérieur par des hyperliens vers des sites web
. l’accès à des modules théoriques, voire des cours, grâce à des liens hypertexte et/ou un guidage
. dans certains cas, des tests de positionnement permettent des niveaux d’apprentissage différents
. le suivi du parcours de l’apprenant et de son processus d’apprentissage
. l’évaluation (auto-évaluation et évaluation comparative) en temps réel
. le processus d’apprentissage en groupe est renforcé : les discussions du cas peuvent se faire simultanément en bilatéral et/ou sous-groupe, entre les apprenants eux-mêmes, entre l(es)’ apprenant(s) et le tuteur
. le tutorat est individualisé

La liste de ces caractéristiques n’est pas exhaustive.

Deux exemples :

1/ Cas ABB SYNTHESOL, auteur : Patrick GOUGEON, Professeur à l’ESCP-EAP
Ce cas a reçu le 1er Prix CCMP MULTIMEDIA en 1998

L’entreprise synthesol, spécialisée dans la fabrication de revêtements de sols en matière synthétique envisage d’acquérir un équipement spécialisé afin d’accéder à de nouveaux marchés. L’entreprise pourrait ainsi pallier la baisse prévisible de ses ventes liées au ralentissement de l’activité dans le secteur du bâtiment. L’équipement envisagé consiste en un ensemble complet abb, incluant un robot de découpe au jet d’eau, qui permettrait de fournir des pièces prédécoupées destinées à l’habillage de petits espaces. Dans un premier temps, le secteur de la construction automobile est la cible privilégiée.
L’objectif pédagogique est centré sur l’étude de projet d’investissement industriel. Les sujets sont les suivants : gestion de projet, innovation, stratégie de diversification.
Ce cas sur cd-rom permet une mise en situation très proche des conditions réelles dans lesquelles pourrait se trouver l’utilisateur auquel il est demandé de fournir un rapport circonstancié contenant des recommandations quant à l’opportunité d’investir : à titre d’exemple, le scénario varie en fonction de l’interlocuteur que choisira de rencontrer l’apprenant pour obtenir les premières informations. Le relationnel, l’intégration de la problématique des relations humaines est directement et concrètement visible, avec les conséquences immédiates et irréversibles.

2/ Cas La Francilienne, auteurs : Laurence de Carlo et Alain Lempereur du Groupe ESSEC
Ce cas a été nominé au Prix CCMP MULTIMEDIA 2000

Autour d’un événement réel, la construction d’une autoroute en Ile de France, la Francilienne, ce cd-rom offre la possibilité d’expérimenter des outils de gestion de conflits. Les utilisateurs sont placés en équipe dans des situations qui simulent un contexte réel. Ils prennent connaissance de leurs informations de manière sécurisée. Ils doivent négocier avec les autres forces en présence. Les données inspirées d’une étude de terrain se traduisent dans le cd-rom par des fiches techniques, des entretiens avec des acteurs du conflit, des instructions confidentielles, des articles de presse.
L’objectif pédagogique consiste à s’imprégner des diverses théories de gestion de conflits et d’une méthodologie opérationnelle pour comprendre et guider la négociation, la médiation et les processus de concertation.
Ce cd-rom, utilisé sur l’intranet de l’établissement utilisateur, permet une discussion très ouverte du cas, étalée dans le temps (une semaine) susceptible de donner lieu à un séminaire sur la gestion de conflits. Ce cas peut s’utiliser sur plusieurs séquences pédagogiques.
Ce cas comporte plusieurs entrées possibles suivant le rôle choisi. Il monte en régime sur les contenus (on part d’une problématique ‘gestion de conflit’ pour aboutir à une gestion managériale.

En conclusion…
Quel que soit son support, un cas reste avant tout
« la présentation d’une situation de la vie active telle que des individus ont (ou auraient) pu l’affronter, complétée des faits, opinions et préjugés de l'environnement, dont leurs réflexion ont (ou auraient) pu bénéficier » (définition de Gragg révisée par C. de la Baume et B. Cova,).

Véhiculant un ou plusieurs concepts transférables, un cas est présenté aux apprenants dans le cadre d’un processus pour une analyse réfléchie, une discussion ouverte et, en principe, un consensus final. Ce cas sera centré autour d’un problème à résoudre et se terminera par un scénario d’urgence quant à la réflexion à entreprendre ; il sera accompagné d’une note pédagogique à l’attention de l’animateur (C. de la Baume & B. Cova)

Du « cas » au cours….
Les produits pédagogiques sur cd-rom incluant des cas se sont trouvés être parfois de véritables produits d’autoformation.
Les cd-roms couplés à internet ont permis de rendre des cours accessibles à distance, intégrant des études de cas, des exercices, du tutorat, des échanges entre apprenants et… différents modes d’évaluation .

Deux exemples :

‘PRINCIPES DE MARKETING’, auteur : Stéphane GAUVIN, Université LAVAL à Québec
Lauréat du Prix CCMP MULTIMEDIA 2000 (catégorie ‘Meilleur dispositif pédagogique Multmédia’)

Le but de ce cours sur cd-rom est d’initier l’apprenant aux principales décisions et responsabilités d’un gestionnaire de marketing. Il s’agit d’un cours de base qui s’articule autour d’une présentation formelle des principes fondamentaux de marketing et qui met l’accent sur sa dimension managériale. Une étude de cas est proposée à l’appui des contenus de chaque séance.
Objectifs pédagogiques : au terme du cours, l’apprenant pourra :
- identifier les principales sphères d’activité et de décision en marketing
- diagnostiquer des problèmes de marketing précis et simples (éléments du ‘mix’)
- recueillir et identifier les informations nécessaires en vue de résoudre des problèmes particuliers : segmentation, prévision, etc.
- comprendre les particularités de la planification et de l’implantation d’une structure marketing dans un secteur traditionnel ou non.
Passage très facile du cd-rom au site web de l’université LAVAL et aux tuteurs. Accès à des cours en ligne en différé, mais impossible d’anticiper le calendrier scolaire.

« Cap projet » , établissements créateurs : UTC et AGF
Lauréat du Prix CCMP MULTIMEDIA 2000 (catégorie ‘Meilleur produit pédagogique Multimédia’)

Ce cd rom comprend différents modules dont un cours multimédia sur la gestion de projet, des séquences vidéo, des exercices interactifs et des outils pratiques destinés à concevoir, animer, piloter un projet. Cap projet présente également 4 cas ‘fil-rouge’ qui sont des exemples pratiques accompagnant l’apprenant tout au long de sa formation. Le produit permet enfin de s’auto-évaluer sur ses compétences en matière de gestion de projet.
Objectif pédagogique : savoir maîtriser la démarche de conduite de projet.
Présence d’une fiche de synthèse du parcours au fil de la session.
Quel que soit l’endroit à se trouve l’apprenant dans le cd-rom, il peut toujours se repérer grâce à une excellent navigation.
Ce cd-rom peut être un produit d’auto-formation.

LA CENTRALE DE CAS ET DE MEDIAS PEDAGOGIQUES (CCMP) : UN ENTRE PEDAGOGIQUE POUR FORMATEURS ET …CHERCHEURS

Créée en 1971, la ccmp avait pour objectif de constituer un fichier centralisant les cas papier rédigés en France et dans les pays francophones, afin d’en assurer la diffusion auprès de tout centre de formation et de perfectionnement à la gestion et de développer, ainsi, l’utilisation de la Méthode des Cas dans ces mêmes établissements. D’autres médias pédagogiques sont venus compléter cette offre (logiciels, cd-roms …).

A ce jour, avec près de 3900 cas sur support papier et numérique, la ccmp est devenue un centre de ressources pédagogiques autour duquel s’est constitué un réseau d’environ 350 établissements de formation.

Les « auteurs », formateurs dans les écoles de commerce, universités, centres de formation d’entreprises, confient leurs produits pédagogiques - cas, cours, jeux de simulation - à la ccmp qui en assure la diffusion auprès d’établissements de formation et reverse des droits d’auteur. Ces cas couvrent toutes les fonctions de l’entreprise : stratégie, marketing, ressources humaines, finance, comptabilité, production…

En corollaire à la vente de produits pédagogiques, la ccmp développe des formations de formateurs à la méthode des cas : l’animation de cas, la création de cas ou la finalisation de cas tutorée. Ces différentes formations visent à inciter les formateurs à créer de nouveaux cas, à les aider à s’approprier les cas écrits par d’autres en construisant avec eux des repères d’animation.

Un carrefour d’échanges d’informations… et une ‘Base de Connaissances’ en sciences de gestion

Grâce à son réseau, la ccmp représente également un carrefour où se croisent informations et expériences pédagogiques liées à l’intégration des nouvelles technologies. Elle a créé en 1998 le prix ccmp multimedia qui a pour objectifs de recenser les innovations pédagogiques dans les formations au management, favoriser et stimuler la création de produits pédagogiques faisant appel aux TIC, et récompenser les meilleures réalisations au niveau francophone.

La ccmp organise tous les deux ans un colloque sur les innovations pédagogiques dans les formations au management. En 2001, elle a lancé la première édition du colloque ‘agora-tice ‘ : nouvelles technologies et formations au management - la pédagogie au cœur des débats. La prochaine édition aura lieu en 2004.

Depuis plus d’un an, les auteurs de cas commencent à déposer à la CCMP des modules théoriques (voire des cours complet intégrant des exercices, des quizz) relatifs aux concepts de gestion illustrés dans leurs cas. Ainsi se constitue au fil du temps la « Base de Connaissances en Gestion » de la CCMP.

www.ccip.fr/ccmp

Bibliographie

COPPELAND M.T., « The genesis of the case method in business instruction », in The case method at the Harvard Business School, M.P. McNAIR / A.C. HERSUM, Mc Graw-Hill, 1954

COVA B. & de LA BAUME C., « Cas et Méthode des cas : fondements, concepts et universalité », gestion 2000 n° 3, 1991

GRAGG C., « Because wisdom can’t be told », Harvard Alumni Bulletin, Oct 19, 1940

REYNOLDS J., « Méthode des Cas et formation du management », BIT, Série Formation à la gestion, n° 17, 1985


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