La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Quel sens les savoirs de la pratique donnent-ils à la formation ?


Titre : Approche contextuelle de l'école : vers un management éducatif
Auteurs : Dominique MARECHAL-GARDEZ, UFR des Sciences de l'Education - Université / Charles de Gaulle-Lille3

Texte :

Si l'on envisage l'organisation comme un ensemble caractérisé par une action organisée ou collective nécessitant une coopération entre plusieurs personnes qui cherchent à atteindre, ensemble, un objectif, alors on peut considérer l'établissement solaire (écoles, collèges, lycées, facultés) comme une organisation. En tant que telle, elle a un ou des buts, des membres qui la composent, une division et une coordination des tâches, une certaine stabilité. De plus, une organisation n'est pas un système clos : sa capacité à atteindre ses objectifs est liée à son insertion dans un système plus global qu'il soit local, national ou international ; les modèles de la contingence l'ont démontré . J. Woodward , A. Chandler , T. Burns et G.M. Stalker , P.R. Lawrence et J.W. Lorsch notamment ont montré qu'une structure n'est efficace que dans une situation déterminée qui dépend des caractéristiques propres à l'organisation et à son environnement. En particulier, T. Burns et G.M. Stalker, à la suite d'une étude effectuée dans une vingtaine d'entreprises anglaises, ont pu établir un lien entre l'environnement organisationnel et la structure même des organisations, celles-ci ne fonctionnant pas en vase clos. Les études de R. Lawrence et J.W. Lorsch démontrent une étroite relation entre l'environnement, la structure de l'organisation et son efficacité.

Le secteur public, tout comme le secteur privé, se doit de tenir compte de son environnement. Celui-ci peut être décrit selon deux dimensions: la complexité liée au grand nombre de facteurs mis en jeu et à leur différence et la stabilité liée à la prévisibilité des événements. Face à cet environnement, T. Burns et G.M. Stalker repèrent deux types de systèmes : le système mécaniste caractérisé par un recours fréquent à des règles et réglementations formelles, la centralisation de la décision, la définition étroite des responsabilités attribuées à chaque fonction et la rigidité de la voie hiérarchique, et le système organique qui utilise peu ou modérément les règles et réglementations formelles, applique aux prises de décisions le principe de la décentralisation et de la consultation, ne définit que vaguement les responsabilités liées aux fonctions et adopte une structure de pouvoir souple qui comporte peu de niveaux hiérarchiques.
Le fonctionnement de l'Education Nationale s'apparente à celui d'un système mécaniste.

Les modèles de la contingence montrent que les organisations qui opèrent dans un environnement simple et stable peuvent utiliser efficacement le système mécaniste alors que les organisations opérant dans un environnement complexe et instable peuvent se doter utilement d'un système organique.

Comment définir l'environnement de l'école ?

L'environnement de l'école caractérisé ainsi devient, on le voit, plus complexe et mouvant, et présente un certain nombre de contraintes. Dans ce type d'environnement l'école ne peut plus gérer son fonctionnement comme par le passé. L'organisation mécaniste devient inadaptée. Ainsi :
- la centralisation des décisions devient incompatible avec la loi de décentralisation
- les procédures et règles entraînent des rigidités qui empêchent l'adaptation et le changement nécessaires
- la division du travail entrave l'approche multi-disciplinaire des problèmes.
Si la gestion mécaniste était pertinente il y a quelques années, elle apparaît aujourd'hui dépassée. L'établissement scolaire doit alors évoluer vers un mode d'organisation organique qui applique aux prises de décision le principe de la décentralisation et de la consultation et adopte une structure de pouvoir souple caractérisé par la délégation. Or H. Mintzberg a montré que la coordination s'opérait plus au travers de la standardisation des qualifications que de la concertation . Le morcellement des activités, des catégories et des statuts témoignent d'un faible degré d'intégration (définie comme le fonctionnement collectif et cohérent permettant un fonctionnement global).
Les études de R. Baillion révèlent que deux parties fonctionnelles sont absentes ou atrophiées : la technostructure (absence d'expertise, de services d'études et d'analyses, de planification) et la ligne hiérarchique qui joint la Direction stratégique (le chef d'établissement) aux acteurs (les enseignants). Ces études montrent que la forme optimale d'une organisation éducative devrait, entre autres, fonctionner en système ouvert, être intégrée et être capable de s'objectiver.

Dans ces conditions, les chefs d'établissement semblent avoir un rôle particulier et prépondérant. Il s'agit en effet de passer d'un fonctionnement formel à un fonctionnement participatif, bref de faire évoluer la fonction de chef d'établissement, qui s'apparente aujourd'hui de plus en plus à celle d'un manager définie dans ses dimensions gestion de l'établissement et conduite des hommes .
Les théories du management peuvent nous apporter un éclairage intéressant, d'autant plus que les principes caractéristiques du management post-industriel sont, pour M. Crozier, tout à fait transposables dans le système éducatif :
- simplification des structures et souplesse des procédures
- autonomie des unités opérationnelles (établissements scolaires)
- management participatif basé sur la consultation et sur la délégation.
Le ministère de l'Education Nationale a mis en place une démarche de déconcentration qui tend à simplifier les structures et autonomise les établissements scolaires. Le rôle du chef d'établissement devient alors fondamental dès lors que l'autonomie de l'établissement est en mesure de permettre toute adaptation locale nécessaire à l'efficacité du service public. L'idée de management éducatif peut alors entrer dans le discours pédagogique.
Mais il ne s 'agira pas de n'importe quel style de management. Le modèle de R. J. House définit le management participatif comme favorisant les consultations avec les " subordonnés " et tenant compte de leurs opinions et suggestions pour la prise de décision. Les études de R. Hersey et K. Blanchard montrent que lorsque les " subordonnés " atteignent un niveau de maturité élevée , le manager privilégie un style participatif qui favorise la consultation et la délégation.

Il faut cependant prendre garde à une transposition directe des modèles de management car si l'entreprise fournit un éclairage intéressant, parce que l'élève n'est pas un produit, la situation dans l'Education Nationale réclame une approche spécifique. La " production " du système éducatif n'est ni un bien, ni un service mais une ressource humaine. A culture et produit différents, management différent. Il ne faut pas en effet oublier les finalités humanistes de l'institution scolaire comme valeurs centrales de sa culture : le concept de management éducatif trouve ici sa pertinence.
Le chef d'établissement doit passer de la direction, qui consiste à diriger de manière formelle et autoritaire en s 'appuyant sur le pouvoir hiérarchique, au management où il devient responsable d'une mission collective. Le management éducatif intègre une conception du sujet comme être moral. Il se trouve à la croisée du management participatif et du management par les valeurs culturelles du milieu. Il affirme le primat de l'humanisme sur la recherche de l'efficacité à tout prix et met en œuvre un management participatif qui préfère les solutions discutées, négociées aux décisions technocratiques et autoritaires.
Ses qualités d'écoute et de communication vont être indispensables à la réussite de son équipe pédagogique dans le cadre d'un management éducatif fondé sur la participation.

Or, si la démarche ministérielle vise à favoriser d'autres modes de direction d'établissement, elle a simplement négligé, semble-t-il , la formation préalable des responsables. Car écouter nécessite d'apprendre à se décentrer de soi, se faire écouter implique de savoir s'exprimer et diriger impose de maîtriser le travail en équipe. Le management éducatif réclame donc pour sa mise en œuvre une formation aux modèles et techniques de management adaptés à l'organisation dont le chef d 'établissement a la charge. Cette formation inclut la compréhension du fonctionnement du sujet au travail et de la dynamique du ou des groupes dont il fait partie.
Il ne suffit pas de le vouloir pour diriger ; cette volonté doit être relayée par une forte compétence.
Le manageur-éducateur devrait avoir pour objectif de créer les conditions pour que son équipe soit motivée et, à cette fin, il lui faut passer d'une logique d'autorité et d'obéissance à une logique de participation et de responsabilité. Cela ne se fera pas sans une formation préalable.

BIBLIOGRAPHIE :

BAILLION R., (1991), La bonne école, Hatier

BURNS T. et STALKER G.M., (1966), The management of innovation, London Tavistock.

CHANDLER A., (1962), Strategy and structure, The M.I.T. Press, Cambridge.

HERSEY R. et BLANCHARD K. cité par DOLAN S.L., LAMOUREUX G. et GOSSELIN E. (1996), Psychologie du travail et des orgnisations, Gaëtan Morin éditeur

HOUSE R.J., (1971), " A Path-Goal Theory of leadership ", Administrative science quartely, n°16, p 321-338

LAWRENCE P.R. et LORSCH J.W., (1973), Adapter les structures de l'entreprise, Les éditions d'organisation

MINTZBERG H., (1984), structures et dynamique des organisations, Les éditions d'organisation

WOODWARD J., (1965), Industrial organization : theory and practice, Oxford University Press, London

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