La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Quel sens les savoirs de la pratique donnent-ils à la formation ?


Titre : Perfectionnement de formateurs de la formation par alternance, finalités et ingénierie de formation mise en oeuvre par les Maisons Familiales Rurales
Auteurs : CORROYER Régis

Texte :
I) Introduction contextuelle

A) Les Maisons Familiales Rurales

Elles représentent l'une des quatre composantes de l'enseignement agricole. Leur identité repose sur la structure associative des établissements de formation et sur la conduite de formations par alternance, selon un "rythme dit approprié". Le temps de formation en milieu socioprofessionnel est supérieur à celui passé à l'école (MFR). La conduite de la formation part d'une expérience réalisée, observée, discutée durant le séjour en milieu socioprofessionnel, dans la perspective piagétienne "de réussir et comprendre". La confrontation, en groupe de formation, de ces pratiques, fait émerger des interrogations qui donnent sens -direction et signification- aux contenus théoriques abordés ensuite ; lesquels contenus sont reliés entre eux par une approche thématique, s'inscrivant ainsi dans une perspective transdisciplinaire . Ainsi, les discontinuités de temps et de lieux de formation constituent une continuité de formation, faisant de cette organisation "une formation à temps plein et à scolarité partielle".
La spécificité de ces formations est identifiée contractuellement dans la loi de 1984 sur l'enseignement agricole. Celle-ci stipule l'obligation faite aux formateurs des MFR de suivre une formation pédagogique spécifique, elle-même en alternance, qui a pour but de permettre une appropriation, par l'expérience, des compétences professionnelles identifiées dans le référentiel métier.

B) La formation pédagogique initiale des formateurs

Elle se déroule selon des principes "fondateurs" proches de ceux qui président aux formations des élèves ou étudiants dans les MFR, mais avec des modalités de mise en œuvre

différentes. Cette formation se déroule sur deux ans. La première année au niveau régional, la seconde au niveau national. En seconde année les groupes sont constitués en prenant en compte une variété géographique inter-régionale, et le choix préalable d'un domaine Cette formation comporte 4 modules de 24 heures.
Ce sont : - l'alternance et les relations partenariales,
   - l'alternance et l'apprentissage des savoirs,
   - les dimensions relationnelles de la formation,
    - les systèmes et courants pédagogiques
        Les modules sont communs à tous les groupes en formation, toutefois l'importance accordée aux thématiques et leur ordre varient selon les domaines et les besoins du groupe. Par ailleurs une session de 35 heures, dont le thème relève du choix du formateur s'insère dans ce parcours, après le premier module. Enfin, un projet pédagogique relatif à la conduite d'une activité pédagogique, et faisant l'objet de la rédaction d'un rapport constitue le fil conducteur personnel de cette seconde année de formation. Ainsi, dans le déroulement de la formation, les modules, la session à thème et l'activité pédagogique conduite à la MFR ne sont pas disjoints où conduits de façon linéaire, mais enchevêtrés. Les modules "alimentent" la construction du rapport d'activité pédagogique, qui questionne l'approche des modules.
    Au terme de ces deux années de formation alternée avec l'activité professionnelle, l'obtention de la qualification pédagogique par le titre homologué de "certificat de formation de moniteur de formations alternées", officialise l'entrée dans le métier
II) Le perfectionnement et ses modalités

A)    le contexte
B)   

   Si la nécessité de se perfectionner paraît constituer un allant de soi pour des professionnels de la formation devant contribuer à la construction de l'identité professionnelle et sociale des personnes en formation, cette "ardente obligation" morale se trouve confortée par le cadre conventionnel. En effet, pour bénéficier d'une progression d'échelon et donc de salaire, dans la convention le formateur doit, sur une période de cinq ans, effectuer un perfectionnement d'une durée minimale de 105 heures dont la moitié est obligatoirement à réaliser dans le cadre institutionnel.
    Comparativement à la formation initiale, les groupes de perfectionnement sont uniquement constitués en fonction des thèmes choisis par les participants.

A)    l'ANFRA : la structure pilote du perfectionnement
B)   

L'Association Nationale pour la Formation et la Recherche en Alternance (ANFRA) est la structure en charge de la définition des finalités, mais aussi des thématiques et des modalités de mise en œuvre de la formation pédagogique initiale. Il en est de même du perfectionnement institutionnel qu'il soit de type long diplômant ou qualifiant, conduisant à un changement de catégorie ; ou, dans le cadre qui nous intéresse, du perfectionnement "court", ponctuel et relatif au changement d'échelon. Les associations locales, départementales et régionales du réseau des MFR peuvent également être force de propositions de sessions de perfectionnement "dites institutionnelles", sous réserve que celles-ci soient, à un premier échelon validées par les Commissions Régionales de Perfectionnement (CRP) dont elles relèvent ; puis à un second échelon par le Conseil d'administration de l'ANFRA.

A)   
La problématique du perfectionnement "court"
B)   B)   
1) Constats
        
Au fil des années, de nombreuses mutations ont affecté l'offre de perfectionnement court. Ainsi, les préoccupations de contenus liées aux modifications des référentiels de formation, tout comme la nécessaire intégration des nouvelles technologies dans la préparation et la conduite des activités, ont conduit à un développement de sessions essentiellement centrées sur les didactiques des disciplines. Par ailleurs, certains formateurs ayant une pratique professionnelle antérieure à celle de formateur faible, voire inexistante dans le secteur des formations professionnelles où ils interviennent, sont très sensibles à la pédagogie active et aux modalités de sa mise en œuvre. Cette pédagogie active n'ayant que peu à voir avec celle de l'alternance intégrative, où la formation part de ce que vivent les personnes durant leur stage, et des interrogations qui en émergent. Ces évolutions ont conduit le conseil d'administration de l'ANFRA à ré-interroger les finalités des sessions, tout comme leurs modalités de construction et de mise en œuvre et de valorisation. Ce travail s'est réalisé à partir d'une analyse des demandes de labellisation de sessions par les structures départementales et régionales. Cet examen a mis en évidence des décalages entre les attendus au niveau des objectifs des sessions, de leur contenu, et de la progression dans leur déroulement.

2) Problématique et hypothèse
        
Cherchant à développer des ingénieries pédagogiques s'appuyant sur les pratiques des personnes en formation, quelle ingénierie mettre en œuvre pour favoriser le développement des capacités réflexives sur les pratiques professionnelles ? On fait ici l'hypothèse que les stratégies pédagogiques et d'enseignement mises en œuvre avec les personnes en formation, sont là aussi susceptibles d'initier des processus de changements par création de désordre, accompagné, faisant ici les nôtres les propos d'Edgar Morin, d'auto, hétéro, éco, réorganisation.
Quelles sont les orientations de ce perfectionnement, quelle ingénierie mettre en œuvre et sur quels fondements conceptuels repose-t-elle ? En quoi ce perfectionnement s'inscrit-il en continuité, mais aussi en rupture par rapport à la formation pédagogique initiale, permettant un développement de la professionnalité et de façon concomitante de la personne ?
III) Construction d'un cahier des charges des sessions de perfectionnement

La réflexion du conseil d'administration a conduit à repréciser les sessions relevant de sa responsabilité. Elles ont pour but de prendre en compte les orientations du mouvement, les attentes des salariés, tout en interrogeant, développant, enrissichant voire ré-initiant les 6 compétences clés du métier de moniteur". L'ingénierie de formation pour l'élaboration de ces sessions doit permettre dans leur mise en œuvre ultérieure, via l'ingénierie pédagogique, le développement d'une pratique réflexive propice à l'interrogation, la remise en cause des automatismes, des habitus. Cette pratique facilite l'atteinte d'objectifs personnels et institutionnels. Pour la personne elle conduit à expliciter les logiques sous-jacentes de ces pratiques professionnelles et, en particulier celles qui lui causent des difficultés professionnelles. Pour l'institution l'analyse réflexive devrait constituer la base des pratiques associatives puisque les associations MFR ont pour finalités de répondre aux besoins de formation émergeant sur leur territoire, et de contribuer ainsi à son développement, via celui des acteurs qui l'occupent.
Dans un premier temps le conseil d'administration de l'ANFRA a rappelé les sessions qui relèvent de sa compétence. "Ce sont celles qui s'inscrivent en cohérence avec le projet institutionnel. Aussi, la dimension alternance, à visée intégrative est-elle essentielle", en particulier par rapport à des préoccupations techniques, abordées dans un contexte de formation alternée. "Il en est de même des dimensions relationnelles et éducatives, qui constituent des composantes essentielles des projets de formation et de leur mise en œuvre".
Les finalités des formations reprécisées, il restait à élaborer un cahier des charges relatif à la construction et à la mise en œuvre des sessions qui répondrait aux attendus énoncés ci-dessus.

A) Pour une ingénierie de type constructiviste

Etymologiquement, le modèle (modulus) indique le mode, la dimension, la forme et le sens, c'est la forme architecturale à partir de laquelle on réalise une œuvre. De même la pédagogie et sa modélisation ne se constituent pas un savoir fini et ne postulent pas l'objectivité et la reproductibilité des effets. Comme F. Morandi, (1997, p. 116) nous pensons "qu'il n'existe pas de pédagogie modèle, mais des modèles qui constituent ce au nom de quoi on agit, on dirige, on critique, on analyse et on se représente la ou les logiques des situations [...] Entre penser et agir, le modèle contribue ainsi à une présentation cohérente d'un ensemble unissant les acteurs aux actes d'enseignement et d'apprentissage dans un principe d'organisation et de conduite".

1)   
Modalités de construction des sessions : la fiche de présentation
2)   2)   
Afin de faciliter la compréhension des intentions des concepteurs de sessions de perfectionnement, l'examen des propositions se fait à partir d'une fiche standard de présentation, accompagnée du planning prévisionnel qui permet de visualiser la mise en œuvre du projet de formation présenté dans la fiche. A partir de ces documents un dialogue peut, si besoin est, s'instaurer entre l'organisme instructeur de la validation et celui qui émet la proposition de session. La fiche, présentée en annexe comporte les rubriques suivantes :
a)    Le titre : il indique la problématique de la session
b)   
a)    La présentation générale et son intérêt : les concepteurs indiquent les raisons qui les conduisent à proposer une telle session, les demandes exprimées où attentes auxquelles elle répond et les principaux points qui y seront abordés.
b)   b)   
c)    Les publics cible : la session s'adresse-t-elle de façon privilégiée à des individus, à des équipes ou bien à l'ensemble des personnels ou encore à une catégorie spécifique ?
d)   
c)    Les objectifs généraux et opérationnels visés,
d)   

c)    La prise en compte des pratiques et préoccupations des participants
d)   
d)    Les sessions visent : - à faire appel aux pratiques des participants par une réflexion préalable, le plus souvent par le biais d'un questionnaire, et de 2 à 3 témoignages plus approfondis de participants sur leurs pratiques, dans des contextes différents.
             - à apporter des éclairages institutionnels (expériences et éclairages conceptuels) mais aussi non institutionnels,
           - à prévoir des temps de réappropriation par la production,
          - à prendre un temps de bilan
        Autrement dit ces sessions s'organisent en trois tiers : 1/3 d'expression par les participants de leurs pratiques et de leurs préoccupations, puis 1/3 d'apports conceptuels et/ou méthodologiques, institutionnels ou non. Enfin 1/3 de production, permettant la réappropriation personnelle de la session et son réinvestissement, par le participant, dans ses activités pédagogiques.

f) La co-animation : cherchant à prendre en compte les préoccupations des participants, mais aussi à faciliter par la production, le réinvestissement des sessions dans les pratiques, l'accompagnement des groupes en formation est essentiel. La co-animation par un formateur de formateurs associé à un praticien expert constitue un des moyens favorisant l'atteinte des objectifs énoncés précédemment. La construction, de même que l'animation de la session à partir de postures différentes, permettent des approches variées, enchevêtrées, qui nous semblent pertinentes aux regards des fonctions polémiques de l'alternance.

1)   
La capitalisation des pratiques : le dossier de synthèse
2)   2)   
Pour permettre une capitalisation institutionnelle des acquis des sessions les co-animateurs transmettent à l'ANFRA, sous couvert du responsable de la session, un dossier comprenant :
     -     La liste des participants,
  • Le planning effectif de la session,
  • La liste des témoignages (personnes et établissements ressources),
  • La liste et les coordonnées des intervenants internes et externes,

  •                    -   Un écrit de deux pages portant sur leur perception des réinvestissements de la session dans le cadre de l'activité des participants, de même que les prolongements possibles. Ceci à partir de leur ressenti mais aussi des "fiches bilan" des participants.

  • F) En guis de bilan provisoire et d'ouverture

    Une approche transversale exploratoire, relative à ce que une session a pu apporter aux participants, à partir de ce qu'ils en expriment lors du bilan écrit réalisé en fin, avant un échange oral, met en évidence, :
    - au niveau des apports  : "une approche compréhensive des diverses situations" faisant écho "de différences, de similitudes, de complémentarités, de diversité, de complexité", ... source, selon les acteurs, à "interrogations, réflexion, enrichissement, échanges, clarification, motivation et sensibilisation".
    - au niveau des manques : "une attente d'étude plus approfondie des situations de chacun, plus de temps pour les restitutions des productions réalisées, du temps et du recul, la remise d'outils précis, plus de temps pour de la recherche documentaire personnelle"
    -au niveau des suites à donner : "multiplier le travail de terrain, mettre en place un outil d'évaluation du partenariat" conduit, "travailler avec ses collègues" (l'équipe), "faire l'état des lieux" des pratiques, "réfléchir à la mise en œuvre d'un comité de pilotage de formation associant formateurs et professionnels".
    ...et des réinvestissements possibles immédiatement : "l'outil créé en sous groupe de production", "les grilles d'analyse du partenariat". Mais, d'une façon générale, il reste à définir pour chacun comment et sous quelles formes, tout ce qui a été évoqué durant la session peut être réutilisable.

    Comment dans les sessions de formation continue de formateur en formation alternée, développer la pratique réflexive ? Il nous semble que pour en dépasser l'évocation où l'injonction, la mise œuvre d'une ingénierie constructiviste de formation qui privilégie la modélisation des pratiques à la prescription, constitue un élément central permettant d'interroger, de remettre en cause des automatismes. Cette prise de recul a nécessairement des effets différés, mais elle nous semble essentielle à la

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