La 6ème Biennale |
Titre : | La construction du concept de dynamique écologique chez les futurs enseignants à l'aide d'un dispositif d'apprentissage par résolution de problèmes intégrant une phase de débat socio-cognitif |
Auteurs : | FOSSATI Jacques, iufm de l'Académie de Montpellier / REYNAUD Christian, Laboratoire de modélisation de la relation pédagogique (équipe ERES), Montpellier 2 |
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Introduction Notre approche consiste non seulement à identifier un dispositif de formation à l'étude et la compréhension des paysages, mais aussi à intégrer dans le dispositif une démarche associant un objectif de socialisation identifié (éducation du citoyen) aux objectifs didactiques habituels. En Languedoc-Roussillon, les paysages sont marqués par l'omniprésence de la garrigue et de zones cultivées (dont des vignobles) et les forêts restent très localisées ; les pelouses de moins en moins pâturées ont tendance à disparaître. Cette spécificité semble difficile à appréhender et à expliquer pour de nombreux professeurs des écoles stagiaires. En effet, l'étude de leurs conceptions sur la forêt et la garrigue fait apparaître un mélange de connaissances précises, d'erreurs et d'imaginaire. La forêt est perçue comme un milieu naturel idéalisé avec de grands arbres, tous de la même taille, avec un sous-bois réduit à des brins d'herbes. Cette image renvoie aux forêts plantées des belles futaies de l'est de la France. La garrigue est représentée sous forme de broussailles épineuses et impénétrables ; ce milieu est très dévalorisé et semble souvent abandonné par l'homme. Identification des obstacles En écologie, le terme de dynamique est utilisé pour nommer le passage d'une communauté d'organismes à une autre au cours du temps dans un espace donné (Dajoz 1999). Ce processus a été beaucoup étudié pour des changements de végétation suite à l'abandon de zones cultivées ou de zones dénudées après des incendies ou des mouvements de terrain. On parle aussi de succession des communautés végétales (Lepart & Escarre, 1983). Si le processus de dynamique écologique n'est pas intégré dans les raisonnements, il paraît difficile de comprendre le paysage d'aujourd'hui en liaison avec son histoire et d'imaginer son devenir possible, problème au coeur de nombreux débats actuels sur l'aménagement du territoire (Lepart & Marty 2001). Dans notre cas, les concepts intéressant à travailler ne semblent pas être la forêt ou la garrigue puisque ceux-ci ne posent pas de réel difficultés, mais les relations entre ces communautés végétales semblent porteuses de beaucoup plus de problèmes. Le concept-clé en jeu ici, correspond au processus de dynamique de la végétation. Travailler ce concept fonctionnel devrait permettre de faire évoluer du même coup les conceptions sur la forêt et la garrigue. Trois types d'obstacles apparaissent alors. Le premier est dû aux sens
commun et social attribués à la forêt et à la garrigue.
Le deuxième, de type didactique, s'explique car ces milieux sont très
souvent étudiés séparément. Le troisième,
de type épistémologique, est dû à la difficulté
d'établir des liens pour penser les successions végétales
qui se déroulent à une échelle de temps qui ne nous est
pas familière (Hallé 1999). Nécessité de travailler sur les liens Un lien peut se définir comme ce qui sert à unir plusieurs objets, plusieurs parties d'un objet ou plusieurs idées, indique le dictionnaire Robert. C'est la présence du lien qui rend fonctionnelle la structure comme les cerclages métalliques autour des douves d'un tonneau. Lier ou relier les connaissances signifie plus que mettre ensemble : c'est unir des connaissances qui se complètent dans un raisonnement pour résoudre un problème et qui prennent ainsi du sens les unes par rapport aux autres (Morin 1999). Fourez (1997) a dénoncé la parcellisation des connaissances en proposant d'utiliser l'expression "îlot de rationalité" pour distinguer un contexte et un projet particuliers face auxquels un individu ou une collectivité trouvent intéressant de se construire une représentation cohérente. Ainsi, au niveau collectif, les disciplines scientifiques seraient "des îlots de rationalité si féconds qu'ils sont devenus de vrais continents" (Fourez, 1992). Pour l'apprentissage, il a abordé la nécessité de développer des stratégies d'enseignement utilisant ce type de liaison. Il nous semble donc légitime de s'interroger sur la manière de permettre aux étudiants de mobiliser leurs connaissances, de les relier et de les modifier. Dans cette perspective, quel dispositif peut-on mettre en place et quels outils didactiques seraient-ils pertinents d'utiliser ? Hypothèses L'apprentissage par résolution de problèmes ou problem-based learning (Rhem 1998) consiste à abandonner les enseignements de type "leçon magistrale" pour confronter les étudiants à des situations-problèmes qu'ils doivent résoudre en groupe, bien que cette approche reste pour le moment un outil privilégié pour la formation universitaire médicale (Pochet, 1995). Dans ce cadre, Reynaud & Favre (1999) délimitent la pertinence de l'utilisation de problème ancré dans des situations réelles, ce qui leur donne du sens. Le critère essentiel d'un problème non routinier correspond à l'inexistence de méthodes connues par l'apprenant pour trouver la solution attendue. Ce n'est donc pas une simple utilisation de techniques ni l'application d'un algorithme qui permettra de résoudre le problème. La phase de résolution du problème constitue la base de l'activité de construction du concept visé. Une ou plusieurs solutions sont possibles. L'individu doit être capable de justifier ses décisions. Le travail doit se faire en groupe afin de favoriser des interactions sociales qui permettront le développement d'un conflit cognitif (intrasubjectif). Doise & Mugny (1981) ont montré l'intérêt de phases de communication entre propositions divergentes au sein d'un groupe pour l'élaboration de nouvelles connaissances. Dans ce dispositif de conflit socio-cognitif, la solution est donnée à la fin. Reynaud & Favre (1999) ont transformé cet outil en débat socio-cognitif centré sur l'échange d'argumentation et la reformulation. Pour cela, ils définissent trois conditions du débat qui sont instituées en règle de fonctionnement : toutes les solutions sont acceptables car chacun a des raisons qui lui semble valables de les proposer, ces solutions méritent d'être présentées et argumentées et chaque individu devra être capable de reformuler le point de vue différent du sien. La reformulation est soumise à l'approbation du contradicteur. Cette reformulation n'est pas une simple répétition ; elle permet de retrouver la logique du raisonnement de l'autre ce qui est formateur. Le débat prend fin quand une solution est devenue évidente pour tout le monde mais aucune solution a priori n'est donnée. L'enseignant peut alors conclure en sondant l'ensemble du groupe. Description du dispositif 1- La première séance constitue la phase de prise de conceptions
sur les milieux étudiés et les constituants du paysage. Elle se
déroule en deux phases de travail individuel. 2- La deuxième séance met des groupes de stagiaires face à un problème à résoudre durant quarante minutes. Ils jouent le rôle d'un cabinet d'experts écologues qui doit rendre une étude de paysage. Les données du problème sont les suivantes : " Un cabinet d'experts écologues doit réaliser l'étude d'un paysage dans le but de préserver certaines zones riches en espèces animales et végétales et de permettre le développement d'une activité économique. Son rapport doit comporter des plans de gestion pour différentes zones du paysage. Il s'agit d'un secteur proche du Pont du Gard. Vous avez à rendre un plan de gestion par zone marquée d'une lettre en utilisant les formulaires fournis. ". Les stagiaires disposent de deux photographies aériennes des environs du Pont du Gard (1930 et 1990) et d'informations leur permettant d'établir un plan de gestion par zones. o Première phase : l'histoire et les changements des communautés végétales. Ce travail dure quinze minutes. Les apprenants repèrent les zones A, B, C et D sur une photographie aérienne de 1930 et identifient les types de végétation. Il leur est demandé de reconstruire la succession des types de végétation de 1930 à 1990, en imaginant l'état vers 1960. Pour chaque zone, ils doivent proposer, en s'aidant des informations fournies ou de leurs propres connaissances, un ou plusieurs mécanismes qui permettraient d'expliquer les changements constatés dans la végétation. o Deuxième phase : le devenir des communautés végétales. Les stagiaires doivent imaginer que les zones sélectionnées deviennent des réserves intégrales (sans action humaine) et décrire à quoi ressemblera chaque zone dans 100 ans. Ensuite, ils doivent proposer une gestion de ce paysage. Le cahier des charges est de conserver une zone de forêt, une zone de garrigue et de recréer une zone de pâturage, car chacun de ces milieux abrite des espèces protégées. Pour cela, ils doivent choisir des actions de gestion dans les informations à leurs disposition, après s'être mis d'accords. o Troisième phase : débat sur les solutions proposées.
C'est une phase de bilan collectif d'une durée de quarante minutes. L'ensemble
des groupes doit rendre une seule proposition par zone. Cette mise en commun
se déroule sur la base d'un débat socio-cognitif dont les règles
sont les suivantes : 3- La dernière séance est une vérification sur le terrain du concept de dynamique de la végétation et de la validité des hypothèses avancées. Les stagiaires sont amenés à réagir à leurs conceptions initiales. Discussion Le débat socio-cognitif Conclusion Mettre l'apprenant en position d'expert, c'est trouver une situation pour laquelle il est obligé de faire appel à des connaissances déjà en mémoire, de faire des rapprochements avec des cas déjà connus et de se représenter le problème (Proulx 1999). La représentation qu'on se donne d'une situation précise reliée à un contexte donné et à un projet est à rapprocher des îlots de rationalité présentés par Fourez (1997). C'est un savoir qui prends son sens en fonction de contextes et de projets contrairement aux savoirs disciplinaires. La différence avec un véritable expert scientifique est la richesse des connaissances et des cas déjà résolus en mémoire pour ce dernier. Le dispositif testé, associant la résolution de problèmes non routiniers à des phases de débats, est une des actions possibles pour contribuer à la construction de liens entre concepts d'un même champ et rendre les connaissance plus fonctionnelles. Il serait envisageable de l'utiliser pour travailler d'autres concepts-clés, comme l'évolution des êtres vivants, la circulation sanguine ou la tectonique des plaques lithosphériques. Mots clés : apprentissage par résolution de problème, débat socio-cognitif, relier les connaissances, écologie, professeurs des écoles stagiaires. Bibliographie |