Quand une formation universitaire de DESS, en sciences de l'éducation,
décide d'accueillir à l'Université à titre expérimental,
pendant leur " semaine communication ", 56 chefs d'établissement
scolaire du second degré (EPLE), stagiaires en seconde année de
formation, que se passe-t-il exactement ?
Universitaires, professionnels et institutionnels : du face à face
au coude à coude
Les préparatifs : les premières rencontres, après échanges
téléphoniques, ont eu lieu à l'initiative des universitaires
avec les responsables académiques de l'ensemble du dispositif de formation
des chefs d'établissement, puis entre les responsables de la seule "
semaine communication " et les intervenants du DESS intéressés
par le projet. Ces rencontres ont permis de mettre au point un projet de formation
après avoir précisé les besoins spécifiques du public
de chefs d'établissement (nouveau recrutement), et les ressources de
l'équipe du DESS. Engagement a été pris en juin de programmer
l'action de manière expérimentale pour décembre.
La négociation : une première audience au cabinet du Recteur,
accordée à deux des universitaires initiateurs s'est déroulée
dans une ambiance très tendue et assez complexe (du fait de la restructuration
récente de l'ensemble du dispositif de formation). Le principe du réaménagement
(et non plus le rejet pur et simple) du projet initial est acquis, au bout de
deux longues heures d'échanges animés. La deuxième audience
au cabinet du Recteur permet de présenter une nouvelle version du projet
et de le renégocier, dans une ambiance moins tendue et plus constructive.
La Direction générale (DG) du rectorat accepte de venir répéter
quatre fois dans la même semaine, par souci d'efficacité, une intervention
sur la politique de communication rectorale, devant un quart du groupe de stagiaires
à la fois. Le principe d'une matinée de travail personnel pour
chaque sous groupe est accepté lui aussi, d'autant que notre UFR s'est
engagé à ouvrir aux stagiaires, pendant les quatre matinées
prévues pour ce travail personnel, sa bibliothèque et sa salle
informatique en libre service.
La mise en uvre : il restait à organiser la permutation régulière
des différents sous-groupes entre les ateliers proposés par chacune
des trois intervenantes du DESS. Il restait aussi à trouver des salles
de travail suffisamment proches dans l'espace pour faciliter les échanges
lors des pauses. Du mardi après-midi au jeudi matin, il faut avouer que
cela ressemblait à la quadrature du cercle dans notre université
en proie à la massification. Les services du rectorat ont assuré
la reprographie des documents nécessaires pour l'atelier sociologie,
les services du CROUS sollicités pour la restauration ont déçu
le premier jour. Sous le choc du " resto U ", de la (re)découverte
de lieux universitaires profondément transformés, de la rencontre
étonnée avec une population étudiante très nombreuse
et tellement peu différente de la population lycéenne, encadrés
par leurs collègues du Groupe d'organisation et de pilotage (GOP), les
chefs d'établissement stagiaires ont ainsi expérimenté
un nouveau type de formation.
Trois ateliers qui en ont fait cinq
Nous avions mis au point un dispositif faisant tourner quatre sous groupes
d'environ 15 stagiaires d'atelier en atelier de la manière suivante :
° Atelier 1 (deux séances de 3 heures) : " Gestion de conflits
et situations de communication " Pratique réflexive ; analyse de
situations (D. Maréchal).
° Atelier 2 (deux séances de 3 heures, deux sous-groupes à
la fois): " Situations problématiques de communication et d'action
en établissements scolaires " (A. Barrère).
° Atelier 3 (deux séances de 3 heures, deux sous-groupes à
la fois): " Pratique réflexive d'écriture professionnelle
". Situations de communication écrite ; écriture de situations
professionnelles. (J. Delattre).
Pour compléter ces trois ateliers, pour chaque sous groupe d'environ
15 stagiaires, avaient été prévues deux autres matinées
: " Philosophie et politique de l'Académie en matière de
communication et de circulation de l'information ", prise en charge par
le GOP et la DG ; et " Travail personnel ", permettant de faire le
point sur les connaissances acquises et d'approfondir les travaux de lecture
et d'écriture.
Lundi |
Mardi |
Mercredi |
Jeudi |
Vendredi |
Présentation de la cohérence de la semaine " Com-munication
". Répartition dans les groupes |
Atelier 1 : G1Atelier 2 : G2 et 3Travail perso: G4. |
Atelier 1 : G2 Atelier 2 : G1 et 4Travail perso : G3 |
Atelier 1 : G3 Atelier 3 : G1 et 4Travail perso : G2. |
Atelier 1 : G4 Atelier 3 : G2 et 3Travail perso : G1 |
Atelier 1 : G1 Atelier 2 : G2 et 3Animation GOP et DG : G4 |
Atelier 1 : G2 Atelier 2 : G1 et 4Animation GOP et DG : G3 |
Atelier 1 : G3 Atelier 3 : G1 et 4Animation GOP et DG : G2 |
Intervention de la DG sur la politique académique devant l'ensemble
des stagiaires, questions au Recteur. |
Atelier 1 : G4 Atelier 3 : G2et 3Animation GOP et DG : G1 |
Nous limiterons notre analyse au contenu des trois ateliers que, pour simplifier,
nous allons appeller " atelier management " pour le premier, "
atelier sociologie " pour le deuxième et " atelier écriture
" pour le dernier.
Atelier management : on ne naît pas " manager ", le management
s'apprend.
Le travail au cours des deux séances successives s'est organisé
selon les trois axes constitutifs du rôle du tout manager : communiquer,
motiver et diriger.
Le petit nombre de participants par groupe (une quinzaine environ) a permis
l'alternance, pour chacun de ces trois axes, des apports théoriques avec
des exercices d'application et des questionnaires d'auto-diagnostic ou de connaissances.
Ont été abordés :
- La communication verbale et non verbale : ses caractéristiques et les
écueils à éviter, les techniques de reformulation et la
gestion des contradictions. Des exercices écrits individuels ont été
proposés sous forme de " mini situations " permettant une application
directe des différentes techniques proposées. Ces exercices ont
permis d'introduire la notion d'assertivité abordée par un questionnaire
d'auto-diagnostic, un apport théorique et un exercice d'application.
- La motivation : cette notion a été liée à l'assertivité
grâce à une étude de cas démontrant que le manque
d'assertivité avait pour conséquence une démotivation de
la personne. Les aspects climat de travail et outils de motivation ont été
introduits sous forme de fiches récapitulatives.
- La direction : un questionnaire d'auto-diagnostic a permis à chacun
des participants de caractériser son style de management. Chaque style
a ensuite été analysé afin de mettre en évidence
sa pertinence et ses limites. Deux grands aspects de la direction ont ensuite
été travaillés : la délégation et les remarques
et mises au point. La nécessité d'être assertif est alors
apparue comme incontournable dans la conduite des Hommes.
Une cassette vidéo mettant en scène un entretien entre un manager
et son collaborateur a permis de faire la synthèse de la formation. L'animation
du séminaire est constamment restée centrée sur les pratiques
et préoccupations des managers en situation éducative. De ce fait,
les liens entre les modèles théoriques et la réalité
des situations en établissements scolaires ont toujours pu être
réalisés.
Les participants ont découvert le monde du management.
D'un point de vue théorique, ils ont appris l'existence d'études
permettant de dégager des modèles de management applicables au
sein de leur établissement. Si l'ensemble des modèles n'a pu être
abordé, les participants ont aujourd'hui conscience que ces modèles
existent et qu'ils peuvent s'y référer. L'importance de la communication
a été soulignée de nombreuses fois et à différents
moments, et d'un point de vue pratique, les exercices et situations proposées
ont d'emblée suscité l'adhésion. Il est apparu en effet
primordial de rendre opérationnelles les notions abordées par
des exercices qui ont en outre permis des échanges de situations vécues
par l'un ou l'autre des participants.
Atelier sociologie : décrire et comprendre la communication dans les
établissements scolaires
Trois modèles d'analyse des établissements scolaires, qui sont
aussi trois manières différentes de considérer la communication
dans l'établissement ont été présentés :
Le modèle bureaucratique : l'établissement est marqué par
une histoire institutionnelle qui faisait de lui, jusqu'à une date récente,
le maillon de base d'un système bureaucratique pyramidal. S'il se voit
reconnu des marges de manuvre et une autonomie, on peut encore décrire
sa réalité dans l'ombre de ce modèle d'analyse. La communication
y est conçue comme épousant les contours de la ligne hiérarchique,
et transportant informations et prises de décisions qui se traduisent
par l'édiction de règles.
Le modèle de l'analyse stratégique : l'analyse de Crozier et Friedberg
considère l'organisation comme un construit humain composé de
membres qui y développent des stratégies et y ont un certain pouvoir,
défini essentiellement par la maîtrise de zones d'incertitude.
La communication y tient un rôle majeur, comme structurant de manière
plus ou moins ouverte les relations entre les acteurs, mais également
comme élément clé de la décision.
Le modèle de l'établissement entre plusieurs mondes : Jean-Louis
Derouet montre comment l'école existe aujourd'hui entre " plusieurs
mondes " : modèle civique, modèle domestique, modèle
industriel et modèle marchand. La communication dans l'établissement
est alors vue comme des arrangements et des compromis constants mais aussi des
tensions et des dénonciations entre ces différents mondes.
Un dossier de textes a ensuite été proposé à la
lecture des chefs d'établissement stagiaires. Centré essentiellement
sur le thème de " la gestion de l'ordre scolaire : de la communication
à l'action collective ", il a permis d'analyser l'autorité
et l'ordre scolaire comme problème de communication et d'action dans
l'établissement, sous les trois angles suivants :
- L'ordre scolaire dans l'établissement : état des lieux et division
du travail
- La communication autour de l'ordre scolaire : malentendus et blocages
- Du réel du travail au projet d'établissement : pourquoi les
enseignants ne travaillent-ils pas en équipe ?
En particulier l'analyse et les échanges se sont plus longuement organisés
à propos du texte extrait du livre : Les établissements entre
l'éthique et la loi de J.-P. Obin (p. 130-136).
J-P Obin propose, il est vrai, une grille de lecture de la prise de décision
dans les établissements scolaires qui ne correspond pas exactement à
l'analyse précédente, puisqu'elle s'appuie sur la distinction
de trois registres différents : le droit, la morale, l'éthique.
Pourtant, le cas résolu par Sylvaine permet aussi de comprendre et de
mettre à l'uvre la distinction entre les trois registres sur lesquels
fonctionne son établissement.
Le contexte. Le modèle bureaucratique est important dans la situation
parce que son prédécesseur, apparemment, fonctionnait quasi exclusivement
sur ce modèle. Il est l'héritage de la situation. L'absence de
projet d'établissement montre qu'il en est même resté à
une vision bien antérieure du système. L'établissement
est bien centré sur l'application de la règle, qui évite
le désordre, et un "ne pas faire de vagues" partagé
par les enseignants.
Mais Sylvaine fait aussi une lecture stratégique de la situation, d'abord
en constatant que les règles réelles ne correspondent pas aux
règles formelles. Elle comprend aussi ce qui dicte les stratégies
des enseignants, le fait de conserver leur tranquillité. Elle trouve
également un " appui stratégique " dans la personne
de la présidente de la FCPE.
La vision d'horreur qui frappe Sylviane dès l'entrée est l'indice
qu'elle ne se sent pas dans le même monde que son prédécesseur.
La version du modèle civico-bureaucratique adoptée par son collègue
est pour le moins surannée, puisqu'elle repose sur l'écrasement
total de l'échelon inférieur de l'organisation. D'ailleurs, d'une
certaine manière, elle était dévoyée par l'intérêt
personnel puisqu'il a dérogé à la continuité du
service et à l'intérêt général en dissimulant
les documents et les rapports officiels. L'absence de convivialité et
de structures de vie dans l'établissement est claire, la conception du
modèle civique à l'uvre n'envisage même pas que les
relations entre élèves puissent faire partie de l'organisation
! L'efficacité repose sur un principe de ségrégation scolaire
entre classes de niveaux.
Le problème. Le problème posé par Bernard est de ceux qui
était classiquement résolu par l'application d'une règle
d'exclusion dans l'ancien modèle (bureaucratique ou civique dévoyé).
Il est intéressant de noter que la conseillère d'éducation,
qui fonctionnait plutôt sur un modèle domestique, était
d'ailleurs d'accord sur la sanction (compromis modèle l - modèle
2). La spéciale acuité des problèmes sociaux de Bernard
n'a pas d'existence dans l'ancien modèle.
La solution. Elle s'appuie en partie sur le modèle bureaucratique de
l'établissement, ce qui est pertinent vu la force de ce modèle
dans ce cas précis. Il va s'agir d'appliquer une sanction, mais après
avoir rénové le règlement intérieur, et en choisissant
un autre type de sanctions. Il s'agit de redonner un peu de cohérence
au modèle civico-bureaucratique sur lequel s'appuyait jusqu'alors l'établissement.
Sylvaine a malgré tout l'intention de changer de monde (ouverture à
l'environnement, changement de style de relations entre enseignants et élèves)
sans que l'on sache exactement quelles inflexions elle envisage. Mais elle sait
qu'elle ne pourra le faire que sur le long terme (recrutement de jeunes enseignants).
Enfin un dernier document a été proposé à la réflexion
des chefs d'établissement stagiaires pour une exploitation ultérieure,
il est tiré de Henri Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric
Livian, Les Nouvelles approches sociologiques des Organisations, Seui11996,
p. 222-229. Attention ! Cette grille ne s'applique pas à proprement parler
à l'établissement scolaire, mais à l'organisation en général
et à l'entreprise. Par ailleurs, elle est plutôt une grille d'analyse-intervention
pour des sociologues ou des intervenants extérieurs et non pas pour des
décideurs internes aux organisations. Elle mélange plusieurs types
d'approches, dont l'approche stratégique et l'approche par les "
mondes " (ici, décrite comme approche par les conventions ou les
accords) mais elle fait allusion aussi à d'autres modèles non
abordés (principalement celui de Sainsaulieu sur les identités
collectives).
Malgré tout, la grille des sociologues nous a paru intéressante
dans le cadre de cette semaine communication, comme une manière progressive
d'aborder et de décrire une situation professionnelle, mais aussi de
la problématiser de diverses manières. C'est la raison pour laquelle
nous avons décidé de la " didactiser " et d'y recourir
dans l'atelier écriture.
Atelier écriture : pratique réflexive de la communication écrite
comme " action de pilotage "
L'organisation interactive de ce troisième atelier avait pour objectif
de
- prendre la mesure de la complexité des situations de communication
constituées par la diffusion et la reproduction d'un certain nombre d'écrits
ordinaires en établissements scolaires ;
- se mettre d'accord sur des critères plus rationnels de la pertinence
et de la qualité de tels écrits, et réfléchir aux
démarches professionnelles qu'ils mobilisent ;
- articuler des stratégies professionnelles d'écriture sur les
acquis sociologiques et psycho-sociologiques de la semaine (ateliers 1 et 2)
en particulier concernant les situations de communication évoquées,
puis d'autres situations professionnelles formulées par écrit.
Le déroulement du travail dans cet atelier a été diversement
apprécié par les chefs d'établissement stagiaires, et leurs
réactions parfois inattendues et imprévisibles (malgré
tous les efforts de notre préparation collective du dispositif expérimental
de formation) nous ont semblé exprimer un malaise et une difficulté
professionnelle assez complexes sur lesquelles nous allons essayer de faire
porter maintenant l'analyse.
Apprendre en groupe à cesser d'enseigner
La grille d'analyse empruntée aux sociologues de l'innovation, et présentée
sous la forme suivante, a donc servi de fil directeur et de guide à la
réflexion demandée sur les pratiques professionnelles.
Grille d'analyse des sociologues de l'innovation
(Amblard, Bernoux, Herreros et Livian)
Aide à la mise en uvre du projet d'écriture professionnelle
Phase 1 : contextualisation
moment 1 : recensement des actants, parties prenantes ; délimitation
du contexte de l'analyse (intra, extra-muros)
moment 2 : tâches des acteurs et missions ; perception de leurs tâches
par les acteurs
moment 3 : anticipation de compromis possibles ; repérage des enjeux,
des systèmes d'équivalences, des " mondes " de rattachement
différents ; recherche des zones d'incertitudes (à préserver,
à conquérir)
moment 4 : conflits et alliances, systèmes de relations et identités
collectives
Phase 2 : possibilité d'accord
moment 1 : mesure des états de grandeurs des sujets et des objets (hiérarchisation)
; identification des acteurs clés fondés et légitimés
moment 2 : repérage des lieux de résistance au changement et des
acteurs capables d'être acteurs du changement (les problèmes pour
le plus grand nombre, les accords implicites et dissimulés ; les objets
et sujets supports possibles de compromis)
Phase 3 : action et analyse (nécessairement et étroitement liées)
moment 1 : restitution aux personnels (moment d'analyse et d'action à
la fois)
moment 2 : institutionnalisation du processus de changement par la problématisation
et par l'élaboration ou la structuration d'un réseau intra-organisationnel
moment 3 : engagement de l'action et poursuite de la réflexion dans la
transparence (ce qui implique vigilance, retour sur soi et sa pratique, état
des alliances, durabilité des compromis)
Un premier travail de lecture critique et de réécriture a porté
sur un certain nombre de situations de communication écrite rencontrées
plus ou moins quotidiennement par un chef d'établissement ; l'enjeu de
l'exercice proposé consistait en l'analyse réflexive des démarches
et procédures mises en uvre dans quelques écrits anonymés
(notes d'information, circulaires aux personnels, lettres diverses) ; ils ont
été proposés à la sagacité des stagiaires,
qui avaient pour consigne de les analyser, en ayant recours autant que possible
à la grille des sociologues, à l'exclusion de tout jugement de
valeur. La vivacité des débats, les désaccords et les résistances
ont révélé l'intérêt d'une discussion collective
sur de telles situations professionnelles de communication écrite, et
en même temps la difficulté de se situer clairement et sans ambiguïté
dans le rôle du chef d'établissement.
Voici les types de situations de communication proposées à partir
d'écrits anonymés :
1) Rayonnement de l'établissement (Portes ouvertes, Tremplins, Site internet)
;
2) Organisation des élections ;
3) Circulaires aux enseignants (consignes nationales, rappels règlement
intérieur, etc.) ;
4) Relations avec des parents d'élèves et ou des politiques influents
(professeur souvent absent, élève à " caser ",
etc.)
5) Fonctions de coordination des enseignants, allocation de moyens (Heures Supplémentaires
Année, Professeurs principaux, Innovation - valorisation, Travaux Personnels
Encadrés, etc.) ;
6) Demande de moyens au rectorat ;
7) Festivités réservées aux personnels (vux, pots
et médailles, départs en retraite, etc.).
Il s'agissait de lire et apprécier l'écrit (ou les écrits)
proposé(s), puis de prendre collectivement la mesure de la situation
de communication choisie en utilisant la grille d'analyse (phase 1) et les acquis
des autres ateliers pour caractériser la situation et reconstituer le
système d'action concret, réécrire les documents existants
ou manquants dans la perspective d'une gestion maîtrisée du processus
en cause (phase 2), échanger et critiquer les réécritures
entre sous-groupes, justifier les choix réalisés (action et réflexion
étroitement liées) en vue d'une restitution (phase 3)
au
groupe entier.
L'analyse critique et la mise en perspective de quelques formes standardisées
d'écriture par rapport à des situations professionnelles objectivées,
et la clarification de critères pour une meilleure auto-évaluation
d'une " bonne formulation " écrite se sont progressivement
mises en uvre en recherchant des propositions pour aménager et
améliorer les écrits proposés, des suggestions de réécriture
entre les groupes, enfin une traduction de ces essais sous la forme d'un certain
nombre de préconisations afin de garantir la qualité d'un écrit
professionnel lié à une action de pilotage.
Les petits groupes de trois à cinq futurs chefs d'établissement
ont diversement fonctionné. Certains ont trouvé de véritables
occasions de réinvestir et de mettre en pratique les acquis de la veille
ou du matin même en psychosociologie et en analyse sociologique. D'autres,
sans doute pas vraiment convaincus des vertus appropriatives du travail interactif,
ont hésité à s'engager dans la tâche collective d'élucidation
du sens et de l'intérêt des écrits. Nous les avons perçus
comme doublement réticents :
- le mode d'action pédagogique proposé leur apparaissait comme
non recevable et non performant. Sans doute auraient-ils préféré
un " discours magistral " ou un " cours dialogué "
sur le sujet. Leur scepticisme par rapport à la possibilité d'une
démarche authentique d'apprentissage et d'appropriation par l'interaction
nous a profondément étonnées.
- les situations de communications écrites étaient le plus souvent
analysées du seul point de vue de la réaction possible des enseignants,
et même parfois en anticipant leurs résistances " légitimes
". Il n'est arrivé que très rarement que les situations soient
immédiatement et directement conçues comme " situations de
management ou de pilotage ", obligeant à " naviguer "
de façon pragmatique entre les pressions d'intérêts contradictoires,
jusqu'à oser aller parfois à l'encontre des valeurs corporatistes
de la gent enseignante. Il nous a donc semblé extrêmement important
de prêter attention à ce phénomène, comme si le corps
professionnel d'origine (majorité d'anciens enseignants) continuait de
conditionner et d'une certaine manière de limiter la pensée et
la conduite des futurs managers de communautés éducatives.
Néanmoins, la richesse et la diversité des productions a prouvé,
de fait, la fécondité du dispositif interactif de formation réflexive
à l'écriture professionnelle qui avait été mis en
uvre : placés en position de formuler des exigences à partir
de leur analyse critique de quelques écrits professionnels, les stagiaires
ont réussi collectivement (dans le travail interactif des sous-groupes)
à anticiper une meilleure représentation des tâches d'écriture
à réaliser et à formuler eux-mêmes des préconisations
pour que ces écrits soit professionnellement intéressants et efficaces.
La réécriture qui avait été proposée aux
stagiaires, comme moyen et comme objectif à la fois, dans chacune des
séances de travail, a facilité " la réflexion sur
les stratégies employées et les moyens de les améliorer,
ainsi que sur les diverses stratégies possibles ". Elle a permis
surtout de " mettre en conflit voire de bouger certaines représentations
", comme l'écrit Y. Reuter au chapitre 11 " Evaluation et réécriture
" (p. 171) de son livre Enseigner et apprendre à écrire (ESF,
Paris 1996).
D'autre part, la situation de communication que chacun des écrits proposés
à l'analyse a contribué à définir et à caractériser
le dépassait, en fait, très largement en complexité. Elle
comportait en particulier des zones d'ombre et d'incertitude, liées aux
différents " mondes " auxquels l'institution se rattache, et
par rapport auxquels l'action professionnelle doit donc s'efforcer de trouver
sa place et son sens. D'où les difficultés d'interprétation
univoque des écrits proposés (abstraits de leurs contextes), et
les multiples interrogations qu'ils ont soulevées. Mais en même
temps, " l'assertivité " plutôt que la fuite ou l'agressivité,
est apparue, dans ces conditions d'équivocité toujours possible,
comme une règle de conduite, la plus sensée et la plus efficace
; en tout état de cause, elle s'avère être la condition
d'une authentique pratique réflexive ainsi que d'une " navigation
professionnelle " intelligente entre le modèle civique et bureaucratique,
le modèle relationnel stratégique et le modèle des arrangements
et des compromis. |