La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Comment les analyses de la pratique dans la formation renouvellent-elles les questions de l'identité et de la culture ?


Titre : L'effet du contexte scolaire sur la réussite des élèves en classe de seconde
Auteurs : LEBASTARD-LANDRIER Séverine

Texte :
Cette communication a pour objectif de présenter les résultats d'une recherche réalisée dans le cadre d'un doctorat en Sciences de l'Education à l'IREDU (Université de Bourgogne) au sujet des effets du contexte scolaire sur la réussite des élèves en classe de seconde. Dans ce travail la réussite scolaire est abordée sous deux angles différents, à savoir les progressions académiques réalisées par les élèves au cours de l'année de seconde et l'orientation de ces mêmes élèves à la fin de l'année. Les analyses ont consisté à décliner différents éléments constitutifs du contexte scolaire et à estimer l'influence qu'ils exercent sur les progressions individuelles et l'orientation des élèves. Toutefois, en raison de la taille limitée des contributions, seuls les résultats relatifs à l'effet du climat l'établissement sur les progressions scolaires des élèves seront présentés. Ces analyses ont été réalisées à partir de l'hypothèse selon laquelle la perception que les élèves ont du climat influence leurs progressions scolaires, mais aussi que la perception qu'ils ont du climat varie selon la composition sociale et scolaire du public d'élèves des établissements.

1. Méthodologie

Les données exploitées pour ce travail sont celles qui ont été recueillies pour réaliser l'évaluation de l'aide individualisée en seconde en 1999-2000 à la demande de la DESCO. L'échantillon est composé de 2751 élèves issus de 32 lycées d'enseignement général et technologique répartis dans les académies de Dijon et Versailles. Les élèves, leurs enseignants de français et de mathématiques ainsi que les proviseurs ont été amenés à répondre à un questionnaire. Par ailleurs, pour des raisons inhérentes au délai et au budget accordés pour réaliser cette enquête, il n'a pas été possible de faire passer des tests communs d'acquisitions à l'ensemble des élèves en début et en fin d'année pour estimer leurs progressions scolaires. C'est pourquoi, nous avons été contraints de recueillir leurs moyennes trimestrielles en français et en mathématiques et de nous baser sur ces notes pour estimer les progressions scolaires des élèves en émettant l'hypothèse selon laquelle l'évolution des notes au cours de l'année reflète les progressions des élèves. Par ailleurs, nous disposons des données IPES (Indicateurs de Performances des Etablissements d'Enseignement Secondaire) du Ministère pour les 27 établissements de l'académie de Dijon qui nous renseignent sur les caractéristiques des établissements. Les données ont été exploitées par l'intermédiaire de l'analyse multivariée qui permet d'expliquer la variance des moyennes du troisième trimestre à partir des caractéristiques individuelles des élèves et des caractéristiques des lycées. On parvient ainsi à isoler l'impact net des variables contextuelles en contrôlant les caractéristiques sociales et scolaires des élèves.

Pour cerner les contours de ce qu'on pourrait appeler le climat des établissements, il a été demandé aux élèves, aux enseignants de français et mathématiques et aux proviseurs de s'exprimer sur leurs conditions de travail et sur les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres. Nous verrons dans un second temps, si la perception du climat par les acteurs exerce une influence sur les progrès scolaires des élèves de seconde.

2. La perception du climat dans les lycées.

Tout d'abord, les élèves, enseignants et proviseurs ont décrit leurs conditions de travail en s'exprimant sur le niveau de bruit dans le lycée, de manque de civisme, d'agressivité, de violence et de vandalisme sur une échelle allant de 1 à 4 pour chacun des items avec en 1 : pas du tout et en 4 : surtout. Un score a ensuite été calculé en cumulant leurs réponses : un total de 5 correspondrait à une perception très positive des conditions de travail et révèle l'absence totale de nuisance sonore, de manque de civisme, d'agressivité… Au contraire, un total de 20 révélerait des conditions extrêmement difficiles.

D'après les réponses, les établissements de l'échantillon semblent bénéficier de conditions plutôt favorables puisque le score moyen de l'ensemble des lycées s'élève à 8,1. De plus, l'homogénéité des déclarations souligne l'inexistence dans l'échantillon de lycée particulièrement typé sur ce plan (écart type=1). Si on observe de façon plus détaillée les réponses de chacun, on constate que l'insécurité, la violence et le vandalisme ne constituent pas des facteurs caractérisant leurs établissements. Par ailleurs, les élèves rejoignent l'avis des enseignants et des proviseurs en ce qui concerne le bruit dans l'établissement et le manque de civisme entre les élèves. Toutefois, les proviseurs soulignent davantage le manque de civisme et les élèves semblent plus sensibles au bruit. Mais seule la perception des conditions de travail par les acteurs ne suffisait pas à cerner le climat de chacun des lycées de l'échantillon, c'est pourquoi, les différents acteurs ont été amenés à se prononcer sur les relations qu'ils entretiennent entre eux dans leur établissement.

Pour cerner la perception que les individus ont des relations inter-personnelles au sein de leur lycée, ils ont été amenés à faire quatre choix dans une liste de douze items composés d'adjectifs de connotation positive, négative et neutre, susceptibles de décrire la qualité de ces relations. Les trois groupes interrogés s'accordent pour dire que les élèves entretiennent entre eux des relations majoritairement positives. Globalement les relations entre les élèves sont perçus comme étant amicales, paisibles, confiantes et cordiales, toutefois de légères différences apparaissent selon le groupe interrogé. En effet, 70% des réponses des enseignants se sont portées sur des items positifs contre seulement 60% chez les proviseurs, les élèves se situant dans une situation intermédiaire (65%). En revanche, on est loin d'un consensus en ce qui concerne les relations entre les élèves et leurs enseignants. En effet, si ces derniers ont une vision globalement favorable, les élèves sont beaucoup plus mitigés dans leurs réponses : seulement 48% des élèves ont choisis des items positifs pour décrire leurs relations auprès de leurs enseignants, contre 73% chez les enseignants. Toutefois, les élèves décrivent leurs relations comme étant amicales en deuxième position alors que cet adjectif n'apparaît qu'en cinquième position chez les professeurs, ce qui souligne bien à quel point le vécu des individus diffère en fonction de la place qu'ils occupent dans une relation surtout si celle-ci revêt un caractère hiérarchique, telle que la relation enseignant-élèves.

3. L'effet du climat sur les progressions scolaires des élèves.

Des modèles d'analyse multivariée ont été estimé de façon à voir si la perception que les élèves ont du climat affecte leurs progressions scolaires. En contrôlant les caractéristiques individuelles des élèves, ainsi que les caractéristiques des établissements, il apparaît que la perception que les élèves ont du bruit, du manque de civisme chez les élèves, de l'insécurité, et du vandalisme au sein de l'établissement n'ont pas d'effet sur leurs progressions individuelles. Seule la perception croissante de la violence dans l'établissement exerce une influence négative (-1,4 points significatif à .05) sur les progressions des élèves en français. Aucun effet significatif n'étant relevé en mathématiques. Dans un second temps, une variable " conditions de travail " a été construite en faisant la somme des scores de chacune des dimensions précédemment citées au niveau individuel. En intégrant cette variable aux modèles, il apparaît que globalement, plus les conditions de travail sont perçues comme étant difficiles par les élèves, moins bonnes sont leurs progressions en français (-0,4 point significatif à .01), comme en mathématiques (-0,2 points significatif à .05). Il semblerait alors que la perception du climat de l'établissement ait un léger impact sur les performances individuelles des élèves quand elle englobe plusieurs dimensions à la fois. Autrement dit, plus l'ensemble de ces indicateurs est perçu comme étant présent au sein de l'établissement, plus les progressions scolaires des élèves ont tendance à diminuer.

L'analyse de l'influence des relations inter-individuelles sera fondée d'une part sur les relations inter-élèves, d'autre part sur les relations élèves-enseignants. En raison d'un nombre important de non réponses de la part des enseignants et des proviseurs, l'analyse de l'effet des relations inter-individuelles ne peut porter que sur les déclarations des élèves. De même, des modèles d'analyse multivariée ont été estimés pour isoler l'effet de la perception des relations inter-individuelles par les élèves, en contrôlant leurs caractéristiques individuelles ainsi que celles des établissements. Les résultats mettent en évidence que " toutes choses égales par ailleurs ", plus les élèves considèrent que les relations inter-élèves dans l'établissement sont positives, plus ils ont tendance à progresser en français (+0,5 points significatifs à .01). Malgré la faiblesse du coefficient, ce résultat conforte les résultats des travaux qui ont porté sur l'effet du groupe des pairs sur les performances scolaires. La revue de littérature de Wilkinson (1999), insiste sur l'importance des aspects socio-affectifs entre les élèves en montrant que l'amitié entre les pairs est associée à une plus grande motivation, à davantage d'attitudes coopératives et par conséquent à de meilleures performances des élèves.

Par ailleurs, on peut noter que plus les élèves perçoivent les relations qu'ils entretiennent avec leurs enseignants comme étant positives, meilleures sont leurs progressions en français (+1,1 point significatif à .01), comme en mathématiques (+0,9 point significatif à .01). Il apparaît également que l'impact de cette variable est deux fois plus fort que l'effet de la perception des relations inter-élèves. Ce résultat souligne l'importance de la dimension relationnelle entre les élèves et leurs professeurs dans leurs performances académiques ; il va dans le sens de la littérature qui a souvent relevé l'intérêt que les élèves du secondaire accordent à la relation qu'ils entretiennent avec leurs enseignants, notamment, Felouzis (1997) et Barrère au lycée (1997).

Enfin pour estimer l'influence globale du climat, tel que nous l'avons défini, deux modèles ont été estimés en y intégrant les variables relatives aux conditions de travail, aux relations inter-élèves et élèves-enseignants agrégées au niveau de l'établissement. On constate alors qu'en contrôlant les caractéristiques individuelles des élèves ainsi que les caractéristiques des établissements, la qualité des relations inter-élèves n'agit plus de façon significative sur les progressions individuelles. En revanche, la perception des relations élèves-enseignants au niveau des lycées exerce une influence positive en français (+3,2 points significatifs à .01) et en mathématiques (+2,6 points significatifs à .01). Il semblerait alors que l'effet des relations inter-élèves disparaisse quand les relations enseignants-enseignés sont prises en compte. Enfin, la perception des conditions de travail agrégée au niveau des lycées continue à influencer les progressions individuelles des élèves seulement en français (-3 points significatifs à .01).

Ces analyses mettent en évidence que certaines dimensions relevant du climat des établissements exercent une influence sur les progressions individuelles des élèves. Toutefois, le doute subsiste en ce qui concerne la relation de causalité entre ces facteurs et les progressions individuelles. C'est pourquoi, nous avons tenté de voir dans quelle mesure, les caractéristiques des lycées influencent la perception des différentes dimensions du climat que nous avons analysées.

4. L'effet de la composition du public d'élèves sur la perception qu'ils ont du climat.

En contrôlant l'effet des caractéristiques individuelles, on constate que la composition sociale et scolaire du public des établissements intervient de façon tangible sur la perception que les élèves ont du climat. Par rapport aux élèves scolarisés au sein d'un public socialement défavorisé, ceux qui fréquentent un lycée dont le public est plutôt favorisé ont une perception plus positive des conditions de travail et des relations élèves-enseignants. Toutefois, quand on contrôle les caractéristiques des établissements ces variables perdent leur significativité. Ce qui signifie que les publics d'élèves socialement favorisés ont plutôt tendance à fréquenter des établissements de caractéristiques particulières. Par ailleurs les élèves scolarisés dans un lycée dont le public est plutôt d'origine moyenne, à caractéristiques des établissements données ont une représentation plus positive de leurs conditions de travail et des relations élèves-enseignants. Enfin, les élèves scolarisés au sein d'un public socialement hétérogène, quelles que soient les caractéristiques de leur lycée ont une représentation plus positive des conditions de travail, des relations inter-élèves et élèves-enseignants que ceux dont les pairs sont issus de milieux défavorisés.

Ce constat est très important puisqu'il montre que la composition sociale du public des lycées, et surtout l'hétérogénéité sociale joue de manière constante sur la perception que les élèves ont du climat. Dans le même sens, plus les établissements comptent d'élèves ayant au moins deux ans de retard en arrivant en seconde, plus les conditions de travail, et les relations élèves-enseignants sont perçues comme étant négatives. Toutefois, bien que significative, cette influence est extrêmement faible. Enfin, il apparaît que le niveau initial moyen des lycées intervient également sur la perception que les élèves ont du climat (sauf sur les relations inter-élèves) : par rapport aux élèves qui fréquentent un établissement dont le niveau initial est faible, ceux qui sont scolarisés au sein d'un lycée dont le niveau initial est élevé ont une perception plus favorable des relations qu'ils entretiennent avec leurs enseignants. De même, les élèves scolarisés dans un lycée dont le niveau initial est moyen ont une représentation plus positive des conditions de travail et des relations élèves-enseignants. En revanche, l'hétérogénéité scolaire du niveau initial moyen des établissements n'influence que la perception des conditions de travail : plus le niveau est hétérogène, plus ces conditions sont perçues comme positives.

Ces résultats confirment notre hypothèse de départ selon laquelle la perception que les élèves ont du climat de l'établissement dans lequel ils sont scolarisés exerce une influence sur leurs progressions individuelles. Mais aussi que la composition sociale et scolaire du public d'élèves influence de façon sensible et significative la perception globale que les élèves ont du climat de leur établissement. Ainsi, le climat n'influencerait pas les performances scolaires de façon directe, mais jouerait plutôt le rôle de relais entre la composition du public d'élèves et leurs performances scolaires.


Indications bibliographiques


Barrère (1997), Les lycéens au travail, Paris, PUF.
Danner, Duru-Bellat, Le-Bastard, Suchaut (2001), L'aide individualisée en seconde. Mise en route et premiers effets d'une innovation pédagogique, Education & Formations, N°60, pp 55-65.
Felouzis (1997) L'efficacité des enseignants, Paris, PUF.
Wilkinson (1999), Influence of Peer Effects on learning outcomes : a review of the literature, Final Report to the Ministry of Education, New Zealand.


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