Débuté en 1999 et fruit de trois années de recherche dans
le domaine de l'évaluation musicale, cette recherche se donne pour ligne
directrice la quête du sens spécifique de l'évaluation en
Education musicale au travers les représentations d'enseignants du second
degré.
I. De la notation à l'évaluation : mise en place d'une modélisation
évaluative.
La problématique de recherche a pour objectif de déterminer,
à partir de critères définis, les conceptions et les pratiques
relatives à l'évaluation en Education musicale.
A. Le champ de questionnement.
· Comment notent aujourd'hui les professeurs d'Education Musicale dans
l'isolement de leur classe ?
· Quelles sont les représentations des enseignants s'agissant
de l'évaluation en Education Musicale ?
· En quoi celles-ci reflètent-elles leurs pratiques pédagogiques
?
· En quoi les problèmes d'évaluation en Education Musicale
sont-ils spécifiques par rapport aux autres disciplines ?
· Mais quelles sont les analogies avec d'autres ?
Evaluer :
quoi ? (l'enseignement, les capacités de l'élève, le résultat
?) juger l'élève ou la production musicale ?
· le beau
· la justesse
· le plaisir musical
· l'émotion
· les compétences techniques : les notes, le rythme
· la capacités musicales.
· Comment ? Quels moyens ? (la note, l'appréciation, les grilles
d'auto-évaluation)
· En quoi ?
· Pourquoi ? (parce que c'est la loi, pour l'autorité, le respect
de la discipline, pour encourager les élèves...) ce sont les arguments
donnés par les enseignants....
Lors des enquêtes menées " avant ", " pendant "
et " après " les stages de formation, nous avons cherché
à décrire, analyser l'évolution des représentations
des enseignants, à partir des discours recueillis mais également
des observations.
Nous nous sommes aperçus lors d'un protocole exploratoire que le suivi
pédagogique " post-stage " serait un véritable processus
d'auto-évaluation. Sans jugement de valeur, ni contrôle, l'entretien
en " miroir " permettait à l'enseignant stagiaire de parler
librement et d'analyser lui-même son parcours dans la formation.
Nous avons découvert plusieurs attitudes face à la notation en
musique :
1) Le problème de l'objectivité et de la subjectivité
: les enseignants d'Education musicale sont partagés entre une quête
d'objectivité qui se caractérise par une abondance de critères
d'évaluation et par une notation qui repose sur des jugements subjectifs
(la justesse, la musicalité, l'interprétation).
2) les professeurs se basent sur leur expérience personnelle ; leurs
préférences esthétiques pour évaluer leurs élèves.
3) L'évolution des conceptions dans le temps : nous chercherons à
mesurer et décrire à partir de variables prédéfinies
l'évolution des représentations et surtout des pratiques. Dans
un second temps, il s'agira de confronter " le dire " et " la
pratique " et mettre en évidence les corrélations et les
différences.
Enfin, nous tenterons de répondre à la question : comment mettre
en place un dispositif permettant à d'évaluer les changements
?
B. Au niveau des apprenants.
Il s'agira de vérifier, si s'effectue une amélioration des résultats
et des comportements généraux : efficacité.
· ont-ils remarqué des modifications, dans ce domaine chez leur
professeur ?
· quelles sont leurs conceptions de l'évaluation ?
· quel sens donnent-ils à l'enseignement musical au collège
?
En interrogeant les élèves, on saura quelles attitudes, ils adoptent
vis-à-vis de la notation, quelle place ils lui accordent. Peut-être
aurait-on la surprise de découvrir qu'à la différence de
ce que les enseignants pensent, les élèves ne lui donnent pas
tant d'importance, surtout quand le plaisir musical passe au premier plan.
Dans la continuité, de cette approche exploratoire, nous poursuivons
et déterminerons plus systématiquement :
1. le sens de l'évaluation : quelle signification les enseignants accordent-ils
à l'évaluation dans leur enseignement ?
2. la spécificité de l'évaluation, par rapport au savoir
musical. Il s'agit de préciser ce qui caractérise cette spécificité
en fonction :
· des contenus des activités (vocales, instrumentales, d'audition...)
· du temps du cours d'Education musicale au collège : une heure
hebdomadaire.
· du rapport aux autres disciplines artistiques.
· des références esthétiques des enseignants.
C. Les enseignants s'auto-évaluent : leurs conceptions.
Voici le résumé des questions soulevées :
· Une réflexion orientée sur l'évaluation en Education
musicale : quelles étaient les conceptions, valeurs, représentations
des enseignants à propos de l'évaluation ?
· Les effets d'un stage de formation sur ces même : un stage court
peut-il modifier les conceptions et les conduites d'évaluation ?
· La méthodologie et le protocole adoptés : comment mettre
en place un dispositif visant à évaluer les tenants et les aboutissant
d'une formation ?
· Peut-on repérer, analyser, décrire les évolutions
avec les acteurs même (phénomène de méta-cognition)
?
II. La méthodologie.
Le dispositif s'appuie sur un stage de formation sur l'évaluation formatrice.
L'enquête se poursuivra sur trois niveaux :
· observation des stages.
· observation des enseignants (avant, pendant, après le stage).
· observation des élèves (avant, et après le stage).
L'association de plusieurs méthodes me semblent utiles pour cette recherche
: Q-sorts, entretiens et observation.
Le Q-sort permet dégager trois tendances générales :
· les conceptions qui tendent vers l'évaluation sommative et la
notation
· les conceptions qui tendent vers l'évaluation formatrice et
la pédagogique par objectifs.
· les conceptions qui tendent vers l'évaluation formatrice où
l'élève est considéré au centre de l'apprentissage,
et par conséquent, de l'évaluation.
III. Les résultats.
A. Au terme de ce travail, voici ce que nous retiendrons des apports
d'enquêtes par Q-sorts et entretiens, nous les avons classés par
ordre d'importance :
1. des conceptions et des pratiques d'évaluation centrées sur
la notation et l'évaluation sommative, c'est toujours un moment à
part de l'apprentissage. (évaluer, c'est noter)
2. l'ambivalence dans les discours entre la quête d'objectivité
et la justification d'une notation qui reposerait sur des éléments
de jugements subjectifs.
3. le pouvoir de la note pour l'enseignant de musique (il est le seul détenteur)
: elle légitimerait, valoriserait la matière, contrôler
la classe.
4. une attitude paradoxale :
· la quête du plaisir musical (recherche pour les élèves)
comme objectif pédagogique.
· Un cadre scolaire qui est intégré à un modèle
de contrôle bloque les enseignants de musique.
5. le statut de l'erreur et sa gestion : l'erreur dans l'exécution instrumentale
(notes ou rythme) est associée à une faute qu'il faut rectifier,
sanctionner, ou pénaliser. La perfection n'existe pas pour eux.
6. les valeurs esthétiques (le beau, la justesse dans l'interprétation
sont implicites dans l'évaluation (comment arriver à une note
?)
7. mais la véritable préoccupation est : par rapport aux attentes
de la formation : comment noter plus objectivement ?
8. les enseignants pensent obtenir de la formation des idées de contrôles.
Peut-on dépasser le domaine du " ressentir " intuitif, spontané
?
9. Les pratiques des enseignants en matière d'évaluation sont
variées :
· interrogation individuelle ou collective.
· interrogation orale ou écrite.
· en chant, flûte ou contrôle écrit par rapport aux
différents paramètres, critères selon les enseignants.
10. ils jugent qu'évaluer c'est une perte de temps.
Pour conclure, dans les Q-sort, les conceptions sont centrées sur l'apprenant,
idem au premier et au second Q-sort, ce que l'on retrouve. Elles restent inchangées.
Au niveau des pratiques, les enseignants disent n'avoir rien changé fondamentalement
par rapport à la situation du début d'année scolaire. On
remarque peu de modification au niveau des conceptions profondes : cependant
tous ont retenu la technique du brain-storming.
B. Le discours des enseignants de musique.
Il est teinté de :
· A priori sur la notation : " je mets 10 à tous pour les
inciter à chanter. " . L'échelle est différente selon
les professeurs, les classes, la note sert à encourager ou à réprimer.
· a priori sur les capacités musicales de l'élève
: élève de conservatoire pratiquant en dehors ; l'idée
de don.
· la perfection musicale, " jamais 20 parce que ce n'est jamais
parfait en musique " c'est une conception d'idéal de virtuose ".
· l'erreur est une faute à corriger : l'évaluation négative,
la faute est traquée non pas comme un indice pour avancer mais comme
un élément inconcevable à réprimander. (pas de remédiation,
mais correction.)
Les représentations sont diverses. Les expressions du type : " il
est intelligent ", " il a des dons, des capacités musicales
", le comportement en classe ", " la sensibilité, l'interprétation,
l'exécution " sont à classer. C'est l'objet du travail d'analyse
des stages en formation initiale qui permettra de dégager les pratiques
et les conceptions sous-jacentes des stagiaires et du formateur.
Pour conclure ; notre cadre théorique se réfère à
deux courants: les recherches francophones menées en Sciences de l'évaluation
générale et celles anglo-saxonnes appliquées à l'évaluation
musicale.
Références bibliographiques :
· ADAMS P, Planning and Assessment in Christopher PHILPOTT (ed) Learning
to Teach Music in the Secondary School, London & New york, Routledge, 2000.
· COLWELL, Assessment in Music Education: National Assessment for Educational
Progress (NAEP), the Quartely journal of music teaching and learning, vol VI,
n°4199.
· COLWELL, R. (1992° (ed), Handbook of Research on Music Teaching
and Learning, New York, Schirmer Books, thornes; 1995.
· DE PERETTI Encyclopédie de l'évaluation en formation
et en Education, Paris, ESF, 1998, 556p.
· PLUMMERIDGE Charles & PHILPOTT Charles, Issues in Music Education,
London & New york,routledge,2000/2001.
· SPRUCE Gary (lecturer in Education at the Open University),"assessment
in the arts: issues of objectivity in SPRUCE, G (ed), teaching Music, London:
routledge,1996.
· SWANWICK Keith, Teaching music musically; London & New york,1999.
· VERMERSCH Pierre, l'entretien d'explicitation en Formation Initiale
et en Formation Continue, Paris, ESF, 1994, 181p.
|