La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Comment les analyses de la pratique dans la formation renouvellent-elles les questions de l'identité et de la culture ?


Titre : ce travail bénéficie de l appui de la CAPES (Coordination de Perfectionnement de Personnel de Niveau Supérieur).
Espaces multiréférentiels d'apprentissage dans la formation de professionnels de santé : institution à parti
Auteurs : FAGUNDES Norma / FRÓES BURNHAM Teresinha

Texte :
Cette réflexion est basée sur un travail de recherche en cours pour une thèse de doctorat en Éducation à l'Université Fédérale de Bahia (UFBA), Brésil. Il s'agit de comprendre comment certaines expériences de travail développées entre l'UFBA, les services publics de santé et les habitants de quartiers et dans lesquelles l'université intervient dans des projets d'enseignement, de recherche ou de participation à des projets de développement local, peuvent instituer des espaces d'apprentissage différenciés en vue d'une formation universitaire plus hétérogène et plurielle. Nous analysons les processus d'interaction que ce type de pratique rend possibles et qui se forment là entre les personnes et entre les domaines du savoir comme pouvant contribuer à l'acquisition d'apprentissage et d'expériences professionnelles et personnelles, différents de ceux, purement instrumentaux, requis dans les programmes de cours de formation des professionnels de santé.
Cette analyse prend pour base critique la constatation que les programmes de cours actuels dans le domaine de la santé travaillent selon un modèle d'organisation qui présuppose la prééminence de l'apprentissage de références théoriques, lesquelles seront ensuite appliquées à la réalité. Ce faisant, ils réduisent les "espaces de pratique" à de simples lieux d'application des contenus fragmentés étudiés en salle de classe.
Selon cette conception de l'organisation des programmes, les "champ de la pratique" sont perçus comme des instances qui ont peu à offrir en termes d'articulation de nouveaux apprentissages, de socialisation et de production de nouvelles connaissances. Pourtant, il est nécessaire de comprendre les circonstances dans lesquelles les apprentissages s'opèrent pour que des modifications ou des innovations dans le cursus puisse être pensées à partir de l'étroite relation théorie-pratique.
Le choix du thème principal de cette discussion : les travaux menés avec des groupes de population de quartiers dans lesquels l'université intervient est dû à une nécessité identifiée au quotidien dans notre travail d'enseignement à l'École d'Infirmières de la UFBA au cours de projets impliquant d'autres écoles du domaine de la santé. Cette nécessité est celle de la construction de contenus de programmes qui fassent référence, de façon significative, au contexte dans lequel les pratiques sont développées.
Dans le domaine de la santé, les programmes de cours sont très prisonniers d'un rationalisme strictement instrumental qui, historiquement, a privilégié la connaissance abstraite au détriment d'une construction contextualisée enracinée dans le concret. Conjointement à l'adhésion au modèle bio-technologique, qui, de par sa configuration amène à négliger les questions de la relation entre professionnel de la santé et usager et à porter peu d'attention aux questions plus générales qui concernent la santé, ceci fait que les professionnels trouvent aujourd'hui des difficultés à comprendre ou à traiter beaucoup des problèmes de santé importants dans lesquels les dynamiques sociales culturelles et biologiques sont clairement imbriquées (Sida, cancer, désordres mentaux, problèmes liés à la violence, à la drogue, entre autres.)
Bien qu'elle ne soit pas propre aux processus de formation, cette problématique remet en question les formes de socialisation et de production de la connaissance à l'intérieur des curriculuns des premiers et seconds cycles universitaires dans le domaine de la santé. Aujourd'hui, il existe dans les pratiques des cursus un "mal être" qui a suscité beaucoup de discussions et la définition de stratégies visant à combattre le dogmatisme des structures disciplinaires rigides. Cependant, malgré le potentiel de transgression de certaines d'entre elles, elles n'apparaissent pas encore suffisantes pour que professeurs, étudiants et professionnels de ce domaine puissent se confronter au problème de ce que la santé ne se réduit pas à une question technico-scientifique, et de ce que le soin et la promotion du bien-être ne signifient pas seulement la correction d'un désordre.
Par conséquent, ces stratégies n'ont pas non plus été suffisantes pour construire des processus de formation dans lesquels cognition et technique ne soient pas les uniques priorités, étant donné que la pratique est aussi fondée sur d'autres types de savoir, éthiques, culturels, pragmatiques, politiques, esthétiques, qui sont principalement acquis par le jeu des relations intersubjectives et par les interactions entre ces divers types de savoir.
Pour autant, ces critiques à la sélection arbitraire des savoir ne peuvent pas être appliquées strictement aux cursus de santé de l'UFBA. Ainsi que nous l'avons mentionné, ceux-ci comportent des expériences de travaux avec des groupes hétérogènes, bien que celles-ci soient numériquement de peu de poids. Dans ces groupes s'établissent des relations qui se constituent - tout au moins de façon potentielle - en espaces d'interactivité, d'intersubjectivité, d'acquisitions d'expériences en lien avec un savoir être professionnel et personnel.
La présente étude, qui se trouve dans la phase d'analyse et de discussion des données de terrain, s'insère dans la discussion de ces pratiques. Elle cherche à cerner les possibilités qu'aurait un enseignement universitaire d'être un mobilisateur des transformations de la pratique professionnelle et par contrecoup, des transformations de la société et de la construction du programme lui-même.
Les expériences analysées sont développées dans les écoles d'infirmières, de médecine, de médecine dentaire et de diététique.
Les principales questions posées dans l'étude sont les suivantes :
Quels types d'apprentissage les sujets impliqués ont-ils développés dans ces espaces de travail ? Quelle est la contribution de ces apprentissages à la vie personnelle et professionnelle de chacun ? Quels éléments ce type de pratique apporte-t-il pour interpeller et transformer les formes traditionnelles du déroulement des cursus, de la production de la connaissance et du soin dans les processus de formation du domaine de la santé ?
Le principal substrat épistémologique et méthodologique proposé dans l'étude est la multiréférentialité . En effet, cette approche offre de larges possibilités de support à la compréhension du travail collectif comme d'un locus d'institution et de reconnaissance du savoir de l'autre, d'appropriation et de déconstruction de la connaissance ainsi que d'altération d'un savoir par un autre à partir de l'interaction subjective.
Le travail de terrain a consisté en entretiens de groupes et en observation participante. Nous avons commencé l'analyse des données par les registres relatifs aux groupes d'étudiants. Les résultats obtenus jusqu'à présent montrent qu'à l'intérieur des pratiques de cours étudiées, des innovations existent dans les actes d'enseignement / apprentissage qui vont au-delà de la simple mutation dans l'espatialisation des actes traditionnels. Les étudiants font des références constantes à des contenus d'apprentissage interactifs, relationnels, culturels, éthiques, politiques, qui dans la plupart des cas n'ont pas été prévus dans les objectifs initiaux des programmes. Ils ne reposent pas non plus sur la même base ou la même fonction que les systèmes de quantification de l'apprentissage utilisés dans l'évaluation scolaire mais ils sont fondamentaux dans l'intervention professionnelle.
Les apprentissages les plus cités par les étudiants ont été les suivants : améliorer la capacité de communication (parler et écouter), apprendre à entrer en relation et à accueillir l'autre, gérer des situations, construire de façon coopérative des solutions collectives, travailler en équipes pluridisciplinaire, résoudre les problèmes de façon créative, être attentif à une pratique professionnelle humanisée et à une meilleure compréhension des limites et des possibilités de l'intervention professionnelle.
Ces mêmes étudiants portent aussi de nombreuses critiques aux programmes de cours et aux professeurs, surtout en ce qui concerne la vision presque exclusivement biologique de l'être humain qui émane des cours, l'orientation trop "technicisée", le peu d'importance accordée aux aspects relationnels de l'intervention professionnelle, et le peu d'occasion d'intervenir en équipes pluridisciplinaires et de travailler hors des murs de l'école.
Actuellement, nous avons commencé l'analyse de la parole des professeurs. Celle des professionnels de santé et des personnes des communautés sera analysée ultérieurement dans le but d'en dégager les principaux domaines de significations. Ces derniers construiront les thématiques de l'analyse de l'hétérogénéité des discours des différents auteurs. Il sera ensuite opéré un contraste entre ce qui est commun à tous les groupes (si tant est que soit trouvé quelque chose de commun à tous les discours) et les thèmes spécifiques à chacun, et, enfin, avec ce qui est dit par les individus isolément et considéré comme pertinent pour la recherche.

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