La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Les interventions sociales et les familles : injonction ou implication ?


Titre : La nature de l'enfant, une idée centrale mais controversée dans la Ligue internationale pour l'Éducation nouvelle
Auteurs : RAYMOND Annick

Texte :
). L'étude du thème de l'éducation morale à travers les comptes-rendus des congrès de la Ligue internationale pour l'Education nouvelle montre l'absence d'unité sur les réponses pédagogiques à apporter à la question de l'éducation morale. L'idée que se font les pédagogues de l'Education nouvelle sur la nature enfantine est déterminante dans leurs conceptions différentes d'une éducation morale, et d'une éducation "tout court".
Pour les tenants de l'Education nouvelle, l'enfant a une nature particulière que l'éducation se doit de respecter. Sous ce principe, se développe l'idée d'une éducation naturelle, d'une éducation fondée scientifiquement sur la nature de l'enfant. Tel est le discours majoritaire dans ce mouvement, que les tenants de l'Education nouvelle veulent mobilisateur, mais qui, en réalité, oscille en permanence dans leurs propos entre rêve et réalité, entre un idéal pédagogique à viser et une position scientifique à adopter.
Si je quitte le thème de ma thèse, l'éducation morale, pour me centrer sur les textes de la revue
Pour l'ère nouvelle, et plus particulièrement sur les discours prononcés dans les congrès de la Ligue, je suis obligée de constater que la vocation première de la Ligue était de propagande. L'Education nouvelle a, dès ses débuts, le souci de son existence et de sa pérennité... Il lui fallait donc, d'une part, faire connaître ses conceptions et procédés pédagogiques originaux, d'autre part, se faire reconnaître et accepter. Faire connaître et se faire connaître étaient les enjeux immédiats de la constitution de la Ligue à Calais en 1921 (Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle). Ses principales activités sont explicitement dites par les fondateurs de propagandepar la diffusion de revues et par l'organisation de congrès.
    Une idée fédératrice ou un socle idéologique
  La Ligue qui, dès sa fondation, se veut neutre et libérale ne reconnaît ni règlements ni statuts, la simple acceptation de la Charte suffit à en devenir membre. Béatrice Ensor, sa présidente,  précise que«Ligue n'aura aucun caractère politique ou confessionnel, ne se fera l'avocat d'aucune méthode pédagogiqueLa volonté des fondateurs est de réunir tous ceux qui oeuvrent pour l'Education nouvelle et de «en aide à la rénovation du monde démoraliséSes principales activités sont de propagandepar la diffusion de revues et par l'organisation de congrès. A l'origine, les revues sont au nombre de troisune revue anglophone The new Era, une germanophone Das werdende Zeitalter et une francophone Pour l'ère nouvelle, leurs directeurs respectifs sont Béatrice Ensor, Elisabeth Rotten et Adolphe Ferrière.
Mais une propagande sans propagation d'une idée ou d'un idéal est vide de sens...  L'idée à faire valoir est celle d'une Education nouvelle dans une «activeEt pour cela il reste à faire la démonstration que "c'est meilleur, possible et réalisable". Voilà ce qui mobilise les personnalités actives dans les congrès. La vocation première de la Ligue est de propagande parce que l'enjeu "stratégique" de ces congrès est celui de l'extension de l'Ecole nouvelle à l'Enseignement public, et ce par l'Ecole active.
Comment convaincre du bien-fondé et de la nécessité de l'Education nouvellePar le discours scientifique dont la rationalité est incontestable en son fondOu  par un idéal fédérateur qui entraîne l'adhésion plus ou moins généraleEntre ces deux options, l'Education nouvelle ne choisira pas. Elle utilisera la propagande pour divulguer des connaissances scientifiques sur l'enfant et des procédés d'une éducation nouvelle qu'elle pense scientifiquement établis. Mais cela ne suffit pas, il y faut une idée fédératrice. Ce sera l'idée de
nature de l'enfant. Autour de cette notion, tous les tenants de l'Education nouvelle se retrouvent et ils vont vouloir défendre une éducation fondée sur la nature.
Les partisans de l'Education nouvelle ont en commun de vouloir édifier une éducation naturelle, une éducation "respectueuse" de la nature enfantine. C'est là tout leur credo pédagogique, leur "éthique", le fondement de toutes les théories qui circulent dans le mouvement. Quelles que soient les options théoriques, l'idée de nature reste centrale pour l'Education nouvelle. Mais que recouvre ce concept
Historiquement, la question de la nature n'est pas nouvelle, elle a vu le jour avec la philosophie grecque et le questionnement de l'homme sur sa propre origine. L'idée de Nature a de ce fait connu une histoire plutôt mouvementée...
    Un concept fonctionnelidéologique et rhétorique
  Mais, la nature dont parlent les pédagogues de l'Education nouvelle n'est pas un concept d'ordre philosophique, dont ils chercheraient à saisir le sens immuable. C'est un concept avant tout fonctionnel, qui leur sert de slogan, de ralliement, et en même temps de support théorique et scientifique.
En ce sens, ils ne peuvent pas en faire l'économie... Car ce concept se veut rassembleur.
Et de congrès en congrès, il est particulièrement significatif d'un désir d'unité et, paradoxalement, il deviendra le foyer de divisions bien réelles. La nature dont parlent les tenants de l'Education nouvelle ne peut être une dès lors que les présupposés qui la fondent sont à des extrémités les uns des autres.
Mais c'est une idée qui joue son rôle dans la Ligue, puisqu'elle permet aux discours dans l'Education nouvelle, diffusés lors des congrès ou dans la revue, de masquer un peu trop facilement des divisions pourtant bien présentes dès l'origine. En ce sens, on peut ajouter que l'idée de nature dans l'Education nouvelle est aussi un concept a fonction rhétorique.
L'importance du discours comme moyen de propagande est incontestable dans la Ligue, en témoigne l'ampleur des congrès et de la revue. Selon Olivier Reboul, c'est ici la caractéristique même de toute rhétorique depuis qu'elle existe, définie comme art de persuader. Même si celle-ci se travestit au cours du XXème siècle sous l'influence du positivisme, même si le discours pédagogique qui a cours dans le mouvement se doit d'être scientifique...
Le message véhiculé par les partisans de l'Education nouvelle, même s'il demeure hétérogène, ne se contente pas de présenter des théories d'ordre scientifique sur la nature enfantine, il est très souvent porté et soutenu par un idéal, d'ordre pédagogique et même politique, qui trouve un dénominateur commun dans la régénération de l'homme par une éducation renouvelée de l'enfant. C'est cet idéal qui mobilise les pédagogues de l'Education nouvelle, bien plus que toutes les découvertes psychologiques qui sont présentées lors des congrès.
En l'idée de nature prend racine l'idéologie du mouvement tout entier. Selon Bernard Charlot, définir l'enfance à partir de l'idée de nature humaine est d'ailleurs une des caractéristiques de la pédagogie «dont le plus grand travers est de mêler deux niveaux de réflexionce qui concerne la connaissance de l'enfant, sa réalité scientifiquement observée, et ce qui a trait à l'ordre de l'idéalité.
L'Education nouvelle est victime de ses propres aspirations, elle ne parvient pas à séparer "ce qui fait" la nature enfantine de "ce qu'elle voudrait qu'elle soit". La nature devient le seul "modèle" a suivre, la source du vrai et donc la source du bien, ils ont voulu établir la nouveauté d'une nature spécifiquement enfantine, celle qui doit devenir le modèle d'action du pédagogue.
    
Une nature cachée
  Une première difficultécette nature est cachée et ne se laisse pas facilement "apprivoiser", des moyens d'investigation scientifiques seront donc nécessaires pour "y voir clair". Où est la véritable natureTelle est la question qui tenaille nombre de tenants de l'Education nouvelle et qui alimente leurs recherches.
Ainsi Decroly, comme Claparède, parle de l'«apparentà distinguer de l'«latentFerrière parle de «à ne pas confondre avec la «Dans une tout autre optique, Tobler cherche la «spontanéederrière la «superposéequi constitue le terrain privilégié de la morale à la différence des autres domaines de la connaissance qui reposent sur le besoin naturel de savoir. Au congrès inaugural de Calais, Nussbaum développait déjà ce thème en prévenant contre toute tentation de faire de l'enfant ce qu'il n'est pas«fonction d'éducateurs ne consiste pas, (...) à aider l'enfant à paraître (...) mais à paraître ce qu'il est, c'est-à-dire à être, derrière la façade, ce qu'il doit être, conformément aux lois propres de sa vie
La difficulté majeure est de déceler parmi toutes les manifestations spontanées et naturelles de l'enfant celles qui traduisent sa véritable nature. Et au nom de quoiAu nom de la création qui ne peut être que bonne. A partir de ce postulat initial et initiateur, les pédagogues sélectionnent ce qu'ils pensent être les "bonnes" manifestations de la nature enfantine, celles qu'ils appelleront sa véritable nature. En privilégiant certains aspects de la nature, ils vont à l'encontre de leur credo pédagogique de respect de l'intégralité de la nature humaine en l'enfant. Toutes ces réticences traduisent la crainte d'une dérive majeure de la pédagogiefaire de l'enfant un être "fabriqué", un être qui ne correspondrait en rien à sa nature initiale.
Mais la difficulté reste d'atteindre par la science, seul critère de vérité, cette nature véritable de l'enfant, au-delà même de l'Enfant abstrait, de l'Enfant en général de la théorie. Car, l'enfant des pédagogues n'est pas exactement celui des psychologues. Ferrière rappellera souvent la nécessité de distinguer l'Enfant, «conçu in abstractoauquel les scientifiques s'attachent, de l'enfant qui fait face à l'éducateur, lequel avec «psychologiquese doit d'exercer son influence essentiellement sur «petites individualités concrètesqu'il a devant lui. Mais il ne s'agit jamais pour Ferrière de ramener l'action de l'éducateur au niveau de la pure pratique empirique...
Car l'Education nouvelle s'est donnée pour vocation de connaître scientifiquement l'enfant. Il ne s'agit donc pas de revenir sur ce postulat fondateur mais de parvenir à créer un lien entre l'enfant "théorique" et les enfants "concrets". Ferrière croit surmonter la difficulté en établissant par ses typologies une sorte d'étalonnage des enfants, mais ne fait-il pas que substituer les Enfants à l'Enfant, autrement dit plusieurs généralités à une seuleDe cette manière, l'Education nouvelle parviendrait à faire coïncider la nature la plus particulière de l'enfant avec l'idée scientifique de l'enfant en général, ce serait la réconciliation des deux aspects de la pédagogie, la "pratique" et la "théorie".
La psychologie de l'enfant, à la condition d'être "génétique", sera désignée capable de prendre en compte cette dimension plurielle et multiple de l'enfance. «psychologie génétique, écrira Ferrière en 1931, considère la vie comme un mouvement, un déroulement, une évolution ou, pour mieux dire, une croissance, un épanouissement où ce qui est virtuel a d'abord été à l'état potentiel et prépare à son tour une nouvelle manifestation de l'avenirMême si on retrouve dans cette phrase tout ce qui fait le naturalisme par son refus du présent c'est bien dans ce mouvement, cet «vitalbergsonien (et «aime à ajouter Ferrière) que se manifesterait la nature. Ferrière (et une grande partie des tenants de l'Education nouvelle avec lui) ne renoncera jamais à son idéal de l'éducation scientifiquela psychologie génétique est la seule science qui respecte la nature en développement de l'enfant.
Si pour Ferrière, il n'y a plus d'obstacle à la description exacte de la nature humaine dès lors qu'on se place sous la "protection" psychologique, d'autres comme Piéron n'éludent pas la difficulté que représente la définition même de la nature rapportée à l'enfant. Il écrira en 1929 dans
Pour l'ère nouvelle, après avoir reproché à l'ancienne psychologie de s'être trop "moralisée" et de n'avoir pas su reconnaître les caractères propres et le fonctionnement de «animal humainde se laisser arrêter par «certaine résistance de la nature humainealors que de la connaissance de celle-ci dépend l'utilité de la science.
C'est alors qu'on s'aperçoit à quel point le concept de nature est nécessaire, puisqu'il crée le lien à double sens entre la psychologie et la pédagogie, entre le discours sur l'Enfant, et le discours sur les enfants concrets. Ce concept ne s'est pas contenté de fédérer un mouvement autour d'une "grande idée", le respect de la nature enfantine, il a permis que se rencontrent praticiens et théoriciens de l'éducation, il a scellé l'existence même de ce mouvement.
    
Ambiguïté de la nature
  La référence à la nature n'est pas sans paradoxe. C'est la seconde difficulté du concept dans l'Education nouvellecette nature est double, à la fois état  (ce que l'enfant est effectivement) et potentiel à actualiser (ce que l'enfant deviendra). S'il est utile d'élever l'enfant pour ce qu'il sera dans l'avenir, il est d'abord nécessaire et légitime de l'élever pour lui, enfant qu'il est avec sa nature et ses droits d'enfant. Si l'action éducative doit partir de la nature, le donné originel de l'enfant, c'est pour mieux y retourner, l'humanité.
Il y a donc au-delà des particularités naturelles et individuelles de l'enfant une nature humaine universelle à laquelle tous et chacun sont destinés. La nature représente à la fois ce qui était à l'origine et ce qui sera, elle se dédouble entre passé et futur, entre essence et devenir, et c'est là toute l'ambiguïté du concept dans l'Education nouvelle.
Hubert Hannoun signale également l'ambiguïté de l'usage de ce concept en éducation, il en recense soixante-douze contenus différents dans L'éducation naturelle. L'idée de nature pour les éducateurs, en plus de se dédoubler entre potentialité à actualiser et état effectif, peut désigner tant l'état originel des êtres et des choses que leur essence permanente, elle est capable par ailleurs de recouvrir aussi bien la nature singulière de l'enfant que la nature humaine universelle. Finalement, explique Hannoun, la nature «pas seulement ce qui est, essentiellement et originellement, mais encore ce qui est bien ou ce qui est mal. Et c'est là aussi une autre source d'ambiguïté de son contenu
Dans son analyse des discours sur l'éducation, Olivier Reboul synthétise la position des éducateurs«qui admettent la nature l'entendent de deux manières. Pour les humanistes, il s'agit de traits universels et invariables de l'être humain, à la fois fondements et fins de l'éducation. Pour les novateurs, il s'agit du développement singulier et spontané de chaque être humain
La nature humaine est certainement un concept dualiste, elle est capable en ce qui concerne l'Education nouvelle d'unir les contraires, elle reste alors empreinte d'un "spontanéisme à toute épreuve" et qui fait l'unanimité.
    
  La spécificité de la nature enfantine
  Finalement, la nature de l'enfant est à la fois croissance, élan vital, développement, progrès, accroissement de puissance... Elle trouve diverses appellations selon les pédagogues, mais elle exprime toujours ce que l'enfant porte en lui, une dynamique interne mise en évidence par des stades, des étapes de développement biologiques et psychiques. La nature enfantine obéit donc à des lois que le pédagogue se doit de respecter, mais qui toujours tentent de prendre en compte la "globalité psychologique" de l'enfant, en s'efforçant de le définir dans sa dynamique évolutive.
La pédagogie sera scientifique, parce qu'elle seule est capable de comprendre cette nature "développante" de l'enfant. C'est par la reconnaissance de lois de développement, d'une croissance ordonnée que se caractérise donc le mieux le concept de nature et que les tenants de l'Education nouvelle en justifient l'emploi. La nature permet même d'expliquer l'inexplicable pour mieux légitimer le bien-fondé de leurs options. C'est ainsi la nature spirituelle de l'homme qui est demandeuse de foi et qui autorise l'éducation religieuse, selon Katzaroff ou Bovet.
L'Education nouvelle réaffirme ce que Rousseau avait énoncé depuis longtempsil y a une nature enfantine fondamentalement différente de celle de l'adulte. On retrouve dans tous les écrits pédagogiques de ce mouvement cette spécificité de l'enfance. Ainsi, Georges Bertier, directeur de la première école nouvelle française, écrivait«n'est pas une réduction de l'homme mais un être très différent de l'adulte
Ce qu'ils observent de la nature est la source du vrai et donc celle du bien, elle est le seul chemin à suivre, le seul modèle a imiter. L'enfant deviendra ce qu'il doit devenir, car ce "bien" est déjà en lui, mais en germe, seul un travail d'éducation peut le lui révéler. Cette nature enfantine est donc vue de façon très positive, elle a valeur en soi. Tel est le postulat principal de l'Education nouvelle«par sa nature profonde, n'a point de défautsIl est alors logique de bâtir une pédagogie entièrement organisée "autour de" la nature de l'enfant.
    
Une idée salutaire
  L'Education nouvelle s'est solidarisée dans une réaction contre les méthodes de l'école traditionnelle. Elle est une sorte de réaction de type "salutaire" contre l'inefficacité de l'école en général, contre son décalage face à la société nouvelle qui requiert des hommes "nouveaux".
Et si l'éducation traditionnelle est "contre-nature", c'est qu'elle ne veut pas le "bien" de l'enfant... Son premier tort est de se refuser à voir "l'enfant dans l'enfant" et non l'adulte en miniature. Elle méconnaît l'enfant. Le "mal" est dans l'opposition irrespectueuse aux forces de la nature en l'enfant que Ferrière appelle "élan vital". La nature, telle que l'entend l'Education nouvelle, devient ainsi une idée prescriptive par elle-mêmeest bon tout ce qui est naturel, ce qui ne demande pas de justification, est à rejeter tout ce qui est artificiel.
Sous couvert de rationalité scientifique, les tenants de l'Education nouvelle sont passés d'une position d'observation de la nature à une attitude prescriptive. De l'observation à la prescription, il n'y avait qu'un pas que les tenants de l'Education nouvelle n'ont pas su éviter, et en croyant tenir la nature par la science, ils ont alors pu «en toute bonne conscience
Selon Nanine Charbonnel, c'est justement cette croyance en leur entreprise salutaire qui pousse les tenants de l'Education nouvelle dans la voix du prescriptivisme. «le champ pédagogique, révolte contre le "mauvais principe" de l'éducation existante, croyance dans la bonne nouvelle d'un salut apporté par une connaissance (de l'Enfant, de la Méthode), lutte pour une Ere nouvellec'est bien là l'esprit des Pédagogies "modernes", de Coménius à Ferrière.
Néanmoins, pour les éducateurs nouveaux, la nature peut prescrire parce qu'elle est bonne, et c'est sa propension à se développer librement qui en est le signe. Au départ de toutes les conceptions de l'Education nouvelle, il y a cette confiance en la valeur du progrès. Une nature en croissance est forcément orientée vers le bien, telle est l'idée progressiste qui justifie aux yeux des tenants de l'Education nouvelle une éducation nouvelle fondée sur la nature de l'enfant.
C'est là aussi selon Rosset la manifestation d'une dérive du concept de nature«de la nature prend les formes d'une exaltation de l'évolutionc'est-à-dire de la nature en marche, inscrite dans une histoire naturelleIl y a confusion entre évolution et progrès, l'Education nouvelle ne peut concevoir une évolution de façon négative, elle ne peut imaginer une éducation naturelle qui puisse ne pas être un progrès.
En réalité, toujours selon Rosset, l'idée de nature n'appartient pas tant au domaine des idées qu'à celui du désir. Elle permet l'expression d'une insatisfaction, elle permet de dire ce qui déplaît et donc ce qui "devrait être". Ce qui mène le concept tout droit vers son évidencel'idée de nature va de soi... Elle est obligation autant que nécessité.
Néanmoins, l'idée de nature est nécessaire à l'idée de sens. Les tenants de l'Education nouvelle ont besoin de l'idée de nature parce qu'ils refusent toute idée d'absurdité, de non-sens, de non-finalité des choses, de hasard. La nature, c'est la nécessité et l'ordre, l'artifice, c'est le désordre et le hasard). Nature et artifice sont en réalité deux points de vue opposés sur l'existence, le premier soumis à l'interprétation humaine, l'autre s'y refusant.

    En résumé...
  Pour les tenants de l'Education nouvelle, l'enfant a une nature propre qu'il faut observer scientifiquement. L'idée de nature est nécessaire à leur position scientifique sur l'enfant.
Mais les pédagogues de l'Education nouvelle prennent des options scientifiques différentes
qui les divisent sur leurs conceptions de la nature de l'enfant. Cette idée de nature devient le lieu de leurs divergences alors même qu'ils la veulent fédératrice.
L'idée de nature dans l'Education nouvelle conduit au paradoxe d'une éducation naturelle qui se veut scientifiquele risque est alors d'en faire une construction sous couvert de science.

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