La Loi Aubry sur la création des emplois-jeunes avait pour objet le développement
d'emplois nouveaux, en particulier dans les services. De fait, elle a pu servir
d'opportunités aux jeunes pour développer une expérience
professionnelle comme point d'appui de la construction d'un parcours professionnel.
Le CNAM a développé une offre de formation pour conforter cette
démarche, en créant le DPC-ISSAM (Diplôme de Premier Cycle,
Sciences Sociales et Actions de Médiation). Ce diplôme d'environ
700 heures, se déroulant sur deux ans, a un triple objectif : (1) de
formation diplômante (de Bac à Bac + 2) ; (2) de professionnalisation
(en particulier, par l'alternance de la formation avec l'activité en
situation de travail) ; (3) d'orientation professionnelle et personnelle.
Ce triple objectif se résume, par analogie avec les " propédeutiques
" universitaires du passé, dans cette notion de " propédeutique
professionnelle " . Tout en se formant, l'auditeur va, en effet, faire
émerger, mettre à l'épreuve, conforter son orientation
professionnelle et la projeter en termes de formation complémentaire
ou d'accès direct à l'emploi, dans les champs professionnels de
la formation et de l'éducation, du travail social, de l'information et
de la communication et de l'expression culturelle et artistique. Cette mise
à l'épreuve se fait autant à travers l'activité
en situation de travail et sa mise en réflexion qu'à travers les
disciplines des Sciences Sociales.
Avant de voir, en troisième partie, l'architecture du dispositif (le
lecteur peut s'y référer directement), seront d'abord exposés
les processus de formation développés par l'emploi-jeune (première
partie) sur lesquels s'appuie l'émergence et la consolidation du projet
professionnel (deuxième partie).
1. Un triple processus de formation
Comme toute propédeutique, le diplôme est d'abord une formation
au sens plein du mot, i.e. une " mise en forme " de l'individu inscrite
dans sa propre histoire, ce que nous évoquons ci-dessous par " l'élaboration
du sujet ".
L'originalité du DPC-ISSAM tient au fait de la susciter par confrontation
et au regard de trois champs différents : l'activité conduite
dans le champ professionnel, le corps des Sciences Sociales et enfin le retour
subjectif à son propre parcours.
1.1 Par l'expérience
Les actions conduites dans l'emploi peuvent se révéler être
formatrice à une condition : celle de susciter le développement
d'une position d'acteur autonome. Cette position se révèle, se
définit et se construit, au cours de la formation du DPC-ISSAM , par
le développement :
De capacités de repérage, par l'emploi-jeune, de sa propre position
et de ses propres atouts comme ressources pour développer une maîtrise
de sa propre action.
De capacités d'identification des acteurs et du jeu relationnel qui
organisent la situation professionnelle comme un champ de contraintes et d'opportunités
d'action ; la construction dynamique de relations organisées de travail,
à l'initiative de l'emploi-jeune lui-même, autour de la définition
et de la conduite d'un projet d'action.
Au début de la formation, les emplois-jeunes développent majoritairement
un discours protestataire contre les contraintes au développement de
leur propre activité et la disqualification subie par l'infériorité
de leur statut. Le travail d'analyse de leur propre activité leur permet
d'identifier la spécificité de leur intervention et les ressources
stratégiques qu'elle recèle. Le processus de construction identitaire
se renverse alors, en déplaçant le positionnement d'agent agi
à acteur agissant.
De capacités à prendre de la distance par rapport aux situations
et à ses propres représentations, en les objectivant par le développement
d'enquêtes et d'analyses et la définition d'indicateurs de mesure
et de suivi des actions entreprises.
Il est ainsi demandé à l'auditeur de se déplacer des représentations
et convictions qui sont à l'origine de l'action entreprise et la nourrissent
pour les reformuler comme " hypothèse d'action " mise à
l'épreuve de la vérification par la mesure des résultats.
Cette " hypothèse d'action " est elle-même interrogée
au regard de l'" hypothèse sur la réalité " qu'elle
suppose (" si je pense que l'action conduite peut résoudre le problème,
c'est que je pense que la réalité sociale fonctionne de cette
façon
").
1.2 Par la confrontation aux Sciences Sociales
Les auditeurs suivent une formation aux Sciences Sociales. Elles ont pour objet
d'offrir un support au déplacement évoqué ci-dessus, par
la mise en hypothèse de ses représentations (soumises, ainsi,
à l'entreprise scientifique de vérification). La diversité
même des approches permettant d'interroger les phénomènes
sociaux rencontrés en situation suscite et permet ce déplacement.
Il s'agit donc de faire bénéficier les auditeurs des grandes catégories,
écoles et courants de pensée, qui organisent la mise en compréhension
du social.
La formation par les Sciences Sociales et aux Sciences Sociales a aussi un objectif
propre : le développement de la capacité à conduire l'épreuve
scientifique, qui se trouve être à l'origine de toute production
de connaissances. " Rien n'est donné, tout est construit "
, dit G. Bachelard, y compris les connaissances enseignées. Il s'agit
bien d'une formation scientifique, dans la façon de réinterroger
l représentations qui construisent notre lecture du social.
La formation à la méthode (ou la méthodologie), est ainsi
toujours présente dans les contenus enseignés. De façon
plus spécifique, une unité de valeur (100 heures en séances)
y est consacrée. Et la construction d'une problématique théorique
soumise à l'épreuve par l'enquête fait partie de la formation
sociologique.
1.3 Par le retour subjectif sur son parcours personnel et professionnel
A ces deux processus de formation s'ajoute celui de son propre parcours, comme
matériau spécifique à l'élaboration de son projet
personnel et professionnel.
Il est ainsi demandé à chaque auditeur la mise en récit
de soi-même à travers l'élaboration d'un portefeuille de
compétences. Ce retour réflexif fait émerger les éléments
constitutifs de son histoire et permet une mise en sens (significative et orientée)
par la projection d'une représentation de soi-même, professionnel
et personnel.
1.4 La " formation du sujet et l'élaboration du
projet " par la combinaison des trois processus de formation
Ainsi, ces trois processus de formation se développent par la confrontation
avec trois instances du social (le " subjectif " de l'auditeur en
formation en constituant l'un d'eux).
2. L'émergence et la consolidation du projet professionnel
L'élaboration du projet ne peut être dissociée de l'élaboration
du sujet. Les trois processus de formation énoncés ci-dessus y
participent. Le champ socio-professionnel est celui où se révèle,
se confirme, se conforte des appétences professionnelles.
Ainsi, une même activité assignée à l'emploi-jeune
par son employeur (ex. une Bibliothèque et Centre Documentaire, BCD,
d'une école primaire), peut être investie différemment par
celui-ci (dans l'exemple de la BCD : pour la formation à la recherche
documentaire, la remédiation scolaire par une pédagogie d'expression
en petits groupes, la confection d'un journal scolaire, etc.).
Le champ académique est celui où la capacité à
l'élaboration théorique est mise à l'épreuve, révélant
ainsi des capacités à prolonger un cursus dans les disciplines
fondamentales de l'enseignement supérieur. Et, bien sûr, le champ
subjectif retrace les événements construisant l'histoire de vie.
L'articulation entre ces trois processus se noue en particulier dans l'écriture
et la soutenance du mémoire de l'unité de valeur " Conduite
de projet d'action ". Le projet d'action est restitué dans ses différentes
dimensions pratiques et théoriques. Mais il est aussi demandé
à l'auditeur de le resituer tant dans ses enracinements biographiques
que dans ses prolongements en termes professionnels (et éventuellement
de continuation de parcours de formation) au regard des appétences révélées
au cours de la formation. Il est soutenu en particulier devant un professionnel
du secteur correspondant à l'orientation de l'auditeur, qui peut ainsi
bénéficier d'un retour évaluatif au regard des critères
de la profession projetée.
3. L'architecture du dispositif
Les éléments constitutifs du dispositif sont les suivants :
- des unités de valeur communes à l'ensemble des auditeurs du
CNAM inscrits à la formation du Premier Cycle du département "
Travail et Entreprise " (en général), le soir). Elles sont
le support privilégié de la " formation scientifique "
évoquée plus haut. Elles sont au nombre de 3,5.
- des unités de valeur spécifiques, de formation en relation avec
l'activité professionnelle. Y sont développées tout autant
les capacités à définir et conduire un projet d'action
qu'à analyser une situation de médiation et construire une position
d'acteur sachant communiquer et négocier. Elles sont au nombre de 3.
- une demi-unité de valeur d'élaboration et de préparation
à la mise-en-uvre du projet professionnel.
Par ailleurs, des ressources sont mises à la disposition de l'auditeur :
Le centre de ressources et d'appui pédagogiques du CNAM, pour des remédiations
individualisées dans le domaine de l'oral et de l'écrit (s'opérant
également par des travaux en petits groupes) ;
Des séances permettant des pratiques d'autoformation, en bénéficiant
en particulier d'un fonds documentaire spécifique, géré
en partie par les auditeurs.
Un suivi individualisé par un des responsables de formation, autour de
rendez-vous permettant de faire le point sur le suivi de l'ensemble de la formation.
|