En France les méthodes d'apprentissage d'une langue étrangère
sur cédérom ont environ une dizaine d'années d'existence.
Enseignants, tuteurs et apprenants semblent globalement apprécier ces
produits du moment qu'ils sont utilisés au titre de " complément
" d'un cours captif traditionnel.
Les premières grilles d'évaluation pour ce support ont souvent
été dressées à titre expérimental par des
enseignants/utilisateurs lors de stages consacrés au multimédia
et apprentissage des langues. Depuis nombre de modèles de grilles circulent
présentant d'une dizaine de paramètres jusqu'à une centaine.
Par contre le travail sur l'évaluation des apprentissages sur cédéroms
reste généralement assez faible car
si l'on dispose de méthodes
et de résultats en évaluation, de l'utilisation d'une part et
de l'apprentissage d'autre part, on ne dispose pas d'un cadre d'interprétation
des liens entre les deux
(Tricot et Lafontaine ;2002). Cependant, des méthodes
d'évaluation de l'utilisation associées aux stratégies
d'apprentissage sont disponibles (exemple pour les méthodes : Camille,
Je vous ai compris, A la recherche de Teddy Bear etc) , reste cependant à
formaliser de manière fiable la nature et les fonctions des liens entre
ces deux composantes. C'est pourquoi jusqu'à présent il s'avère
toujours aussi difficile d'affirmer en quoi on apprendrait mieux ou pas dans
un environnement multimédiatisé et plus spécifiquement
à l'aide d'un cédérom. Notons cependant que la recherche
a beaucoup progressé du point de vue ergonomique pour l'amélioration
de l'outil ainsi que dans l'analyse de la relation interactive donc comportementale
entre l'utilisateur et la machine. A ce propos Tricot et La fontaine (op. cit.)
recommandent à juste titre de retenir les critères d'évaluation
ergonomiques des systèmes d'information de Scapin et Bastien (1997) remarquables
dans leur rigueur et leur performance.
Pour l'apprentissage des langue dans un environnement multimédia, notre
réflexion s'interroge sur la possibilité de croiser quelques uns
des paramètres composant les stratégies d'apprentissage avec les
styles/traits cognitifs de l'apprenant, dans le cadre de l'évaluation
de l'interaction utilisateur /logiciel. Cette démarche ayant pour origine
les remarques récurrentes des chercheurs surtout didacticiens sur l'absence
de la prise en compte de la structure cognitive de l'utilisateur par les producteurs
de méthodes sur cédérom.
Comment évaluer les apprentissages dans un environnement multimédia
exemple le cédérom ?
Dés que l'on envisage une évaluation pour le document électronique
didactisé on se retrouve confronté à la fois à un
nombre de variables disponibles très élevé et un ensemble
de mesures qui partent dans tous les sens. Il est possible d'opérer certains
choix comme ceux que nous allons présenter en nous appuyant sur des références
connues et moins connues.
Pouvoir utiliser et apprendre à l'aide d'un cédérom relève
selon Nielsen de son potentiel " d'utilisabilité " (Nielsen,
93) c'est à dire en premier lieu du niveau de son " utilisation
" calculée à l'aide de cinq variables : l'efficience (estimation
du temps opportun pour atteindre son but), l'apprenabilité(facilité
ou rapidité avec laquelle l'utilisateur apprend à utiliser le
système), la mémorisation (par l'utilisateur du " comment
çà marche " et de " ce qu'il fait "), la fiabilité
(prévention ou gestion des erreurs par le système) et la satisfaction
de l'utilisateur, et en second lieu sur la " possibilité d'apprendre
" qu'il suscite (Tricot et Lafontaine; op. cit.). Ces deux niveaux sont
mesurés aussi bien en termes absolus que relatifs dans une littérature
abondante d'obédience largement anglo-saxone.
Nous ne nous attarderons pas sur l'évaluation des tâches qui peuvent
se répertorier du plus simple au plus compliqué avec les tâches
de reconnaissance (utilisées en complément),
de rappel de contenu (qu'est-ce que l'apprenant a retenu et rentabiliser), de
rappel de la structure (très abondantes au début du multimédia),les
questionnaires fermés ou ouverts (très communs pour le multimédia),
les tâches de résolution de problème (encore peu nombreuses
dans le multimédia bien que les problèmes d'ordre procédural
soient les tâches qui répondent le mieux), les tâches de
détection d'erreurs (par exemple on présente du matériel
contenant à priori des erreurs), enfin les tâches de production
(pas très répandues non plus). En définitive, excepté
pour l'évaluation du rappel de la structure, on retrouve ici les mêmes
démarches connues pour les évaluations d'apprentissage classiques.
Ainsi dans le rapide rappel que nous venons d'effectuer, nous comprenons la
notion "d'utilisabilité " de Nielsen comme étant la
prise en compte de la somme de cinq variables d'utilisation associés
au potentiel cognitif mis en uvre par " la possibilité d'apprendre
" vérifiable par les tâches précédemment citées.
Ceci demeure la partie immergée de l'iceberg, dans le sens où
l'évaluation perçue et constituée en opérations
visibles n'est que le résultat de différentes stratégies
et styles forcément individuels inhérents à l'apprenant
et dynamisées par lui lors de son interaction avec le produit, c'est
à dire lors de sa phase d'utilisation pratique.
Quand l'humain rencontre le technique
L'humain rencontre en partie le technique au travers des différents
styles cognitifs et réceptifs, la capacité d'apprendre se déterminant
majoritairement lors des modalités de la transmission didactique.
En matière d'enseignement multimédiatisé des langues les
résultats enregistrés sont loin d'être homogènes.
Cela n'est pas surprenant car à autant de " personnalités
d'apprenants " donc humaines se trouvent confrontées autant de variables
et diversités technologiques.
Un des avantages de l'environnement multimédia pour l'apprentissage des
langues se définit par sa capacité d'intégration ipso facto
des quatre modes communicatifs (écoute, production orale, lecture, production
écrite) sollicités durant l'apprentissage. De même que le
design didactique tel qu'il est privilégié pour ce domaine en
ce début du 21eme siècle continue d'allier l'approche communicative
et l'approche fonctionnelle centrée sur l'apprenant. Il se trouve toujours
au cur d'une situation pédagogique caractérisée par
des relations diverses: apprenant/ordinateur ou apprenant/enseignant/ordinateur,
voire apprenant /enseignant /tuteur/ ordinateur pour lesquelles le binôme
apprenant/ordinateur sert de dénominateur commun. C'est pourquoi, il
n'est pas possible de dissocier l'apprenant de l'ordinateur au travers de leur
relation interactive quasi exclusive et de type bijectif. En EAO et ELAO, la
notion d'interaction a donné lieu à de multiples publications
bien qu'ici nous référerions à une définition très
simple, celle de Richards (Richards et al ;1992) telle qu'elle figure dans le
dictionnaire Longman traduite de l'anglais par L.Meunier (Meunier ;2000) le
terme interactif décrit la compétence des apprenants à
" communiquer " ou à " entrer en interaction " avec
l'ordinateur. Les leçons en enseignement des langues assisté par
ordinateur peuvent comporter une question posée par l'ordinateur, une
réponse donnée par les étudiants et une évaluation
fournie par l'ordinateur sur l'exactitude de la réponse, c'est dans ce
sens que de telles activités sont dites " interactives ".
L'interaction hic et nunc constitue une des premières valeurs ajoutées
(Koulayan ;1998) de l'enseignement assisté par ordinateur. Cependant,
ce " plus " qualitatif, impose des limites qui recouvrent celles de
l'intelligence artificielle dont la plus singulière reste l'impossibilité
pour le logiciel de prévoir, d'activer, contrôler, développer
et évaluer l'ensemble des stratégies cognitives mises en uvre
par l'utilisateur dans la résolution des problèmes générés
par l'opération " apprendre ". Le logiciel se limitant à
enregistrer la réponse finale (comme par exemple dans les exercices à
trous ou les questionnaires fermés) sans la possibilité de laisser
les traces de tentatives ou de brouillons.
On a beaucoup écrit sur la typologie des logiciels éducatifs (Lancien,1997
;Wyatt,1997). Ceux pour l'enseignement des langues ne se distinguent pas des
autres sauf qu'ils se divisent en trois grandes catégories : les logiciels
d'exploration centrés sur la simulation/mise en situation virtuelle,
les logiciels de référence largement axés sur la proposition
d'outils d'aide à l'apprentissage tels que le corpus de texte, le contrôle
de l'orthographe, la grammaire, le dictionnaire, la traduction, les banques
de ressources textuelles etc. enfin les logiciels de structure qui comprennent
les méthodes d'apprentissage, proposant des exercices généralement
structuraux, des situations se voulant authentiques avec les incrustations vidéo)(Wyatt,
op. cit.) etc. Déjà des limites apparaissent implicitement dans
ces trois ensembles qui s'exercent sur autant de modèles cognitifs, en
effet on passe du contrôle rigide du " savoir à apprendre
" au pré-déterminé (logiciel de structure) puis à
la semi liberté (logiciel de référence) jusqu'au butinage
culturo-linguistique complet (logiciel d'exploration) improvisé par l'utilisateur.
Au niveau de l'interactivité ces limites sont plus explicites, dans ces
méthodes l'ersatz de dialogue des personnages pêche par son vide
social et le dialogue homme-machine renvoie irrémadiablement l'apprenant
à une solitude qui lui est didactiquement préjudiciable car on
sait depuis longtemps qu'apprendre une langue en groupe est très stimulant
du point de vue cognitif et psychologique. Vient aussi s'ajouter la rigidité
structurelle des logiciels qui puise souvent dans la répétition,
la monotonie et le manque d'originalité qui ont tôt fait d'user
la motivation et la patience de la plupart des apprenants.
Dans la production de logiciel pour apprendre une langue étrangère
Plass (1998) identifie quatre approches de conception qu'il préconise
comme "valables" pour toute évaluation de logiciel :l'approche
artisanale, sur la base d'une conceptualisation recherchée, "technologiste"
et enfin "cognitique". Ces conceptions ne résolvent pas le
gros problème de l'absence d'adéquation entre le style cognitif
personnel de l'apprenant et le type de logiciel avec lequel il va travailler,
or nous pensons que la prise en compte de ce paramètre s'avère
primordial dans le cadre de l'interaction apprenant/ordinateur puisque la situation
d'apprentissage reste souvent celle de l'autodidaxie complète ou partielle.
C'est justement sur ce point qu'aucune validité écologique n'est
encore constituée, en dehors du travail général toujours
en cours sur " la compatibilité interactive entre l'intelligence
humaine et l'intelligence artificielle ".
D'ailleurs, L.Meunier (2000) continue d'explorer cette question avec comme postulat
au préalable que le multimédia se présente comme une simple
" multitechnique " qui s'ajoute à la panoplie pédagogique
de l'enseignement
(il)n'est pas un remplacement mais un ajout didactique
qui doit être soigneusement évalué, sélectionné
et organisé dans une médiathèque. En approfondissant les
travaux de Briggs (Briggs et al ;1992) elle a mis en avant neuf styles interactivo-cognitifs
: analytique, intuitif, pragmatique, émotionnel, introverti, extraverti,
organisationnel ordonné, perceptif, auxquels se rajoute deux composantes
indispensables la motivation et le clivage homme/femme, ce qui porte la totalité
à onze éléments.
Ces résultats sont les fruits de la rencontre entre les démarches
didactiques et le développement des grands courants de la psychologie
cognitive propre à la première moitié
du 20e siècle. Cet inventaire peut se compléter par les études
d'Erhman (1994) qui en matière d'apprentissage des langues a travaillé
avec la grille d'analyse connue sous le nom du Myers Briggs Type Indicator (MBTI)
mise au point par l'équipe de Myers Briggs (op cit) .
Les catégories de personnalités se déclinent sur quatre
types psychologiques majeurs: le style interactif, organisé, désireux
d'obtenir des informations et enfin celui qui " résout les problèmes
" (Myers Briggs et al, op. cit.).
L'apport majeurs des travaux de cette équipe fut de révéler
la nature binaire de chacun de ces quatre traits, de les mettre en relation
combinatoire les uns avec les autres et d'obtenir ainsi une liste distributive
finale de seize personnalités. Pour l'apprenant interactif, son style
de communication avec son environnement peut être introverti ou extraverti,
pour le style d'organisation : il s'agit d'un trait psychologique qui fait appel
soit au jugement (il s'agit de la façon dont la personne organise et
perçoit son entourage, se basant sur des indications, des valeurs plus
ou moins strictes donc sans tolérance pour l'inconnu et le désordre)
soit à la perception (ce type contrairement au précédent
n'aime pas la structure et les organisations pré-établies, donc
le nouveau ne lui fait pas peur). Avec le style pour " obtenir des informations
", nous sommes dans le cognitif qui va sollicité soit ses sens,
soit son intuition. C'est à dire comment arriver à obtenir ce
que l'on cherche, de façon très réaliste avec " j'observe
"," je retiens " ou bien " je vais chercher ce que je ne
vois pas " et "me lancer dans l'aventure ".Toujours pour le cognitif,
la résolution des problèmes (comment les données et les
informations seront analysées pour réagir ?). Ici deux groupes
s'opposent : les penseurs minutieux qui sont tranchants dans la prise de décision
et les émotifs qui écoutent leur pathos, voire celui des autres
dans lequel ils s'enferment volontiers. Ces derniers affichent une logique personnelle
et générale,
les apprenants au style cognitif excessivement
linéaire, organisé et analytique(basé sur le jugement)s'attachera
à l'exactitude linguistique, un perfectionnisme qui se traduit par des
difficultés à créer avec la langue (Meunier, op. cit.).
Il s'agit ici d'étudiants plus lents et moins performants. Ceux qui présentent
les caractéristiques opposés s'avèrent flexibles, tolérants
de situations linguistiquement ambiguës, spontanés à la production
sans attachement excessif aux détails de langue et donc moins soucieux
de l'exactitude linguistique dans leur production (Meunier, op. cit.). A l'heure
de l'importance accordée à la communication, on comprend bien
pourquoi ce sont les apprenants au style cognitif global intuitif et perceptif
qui obtiennent les meilleurs résultats. Alors que ceux au style cognitif
analytique et linéaire à force de rechercher " la perfection
" perdent un temps précieux, hypothéquant ainsi sérieusement
leur chance d'une communication/expression synchrones avec leur partenaire humain
ou informatique.
Il convient en effet de ne pas oublier que l'apprenant de langue demeure d'abord
un apprenant tout court et qu'en conséquence qu'il soit ou pas dans un
environnement multimédia, ce qu'il utilisera en premier lieu ce sont
ses propres stratégies d'apprentissage qui en second lieu dans cet environnement
spécifique peuvent se transformer sur des différences cognitives
plus " fines ". Pour chaque apprenant, elles sont d'ordre affectif
(personnalité, attitudes, motivation) socio-culturelles, cognitives (aptitudes,
intelligence, styles cognitifs, styles d'apprentissage). La littérature
à leur sujet est diverse, en ce qui nous concerne, nous nous appuierons
sur certains auteurs spécialistes de la question comme J.Atlan (1997,2001)
et A. Wenden(1997). Ce dernier dit ne pas donner une définition des stratégies
d'apprentissage mais toute une série de critères qui peuvent les
caractériser exemple : des actions ou techniques spécifiques,
elles peuvent être observées par le chercheur ou pas, orientées
vers un problème, permettre de contribuer directement ou indirectement
à l'apprentissage, elles peuvent être utilisées consciemment
mais peuvent aussi devenir automatiques. Elles sont négociables car on
peut les changer, les rejeter, les garder,
L'ensemble de ces critères
seront repris en compte par Macintyre(1994-1996) surtout pour les stratégies
d'apprentissage directes qui se définissent selon quatre conditions d'utilisation
:
1) être conscient de la ou des stratégies appropriées
2) avoir une raison pour utiliser la stratégie ex : une motivation ,
un problème à résoudre
3) ne pas avoir une raison pour ne pas l'utiliser ex : lors de l'examen (impossibilité
:la définition dans le dictionnaire) ou bien il est trop nerveux
4) l'utilisation de la stratégie doit être renforcée par
des conséquences positives même si elle n'est pas utile pour l'apprentissage
ex : se calmer avant l'examen
Ce choix peut varier en fonction de la tâche, des caractéristiques
de l'apprenant et de la nature du matériel pédagogique(une technique
donnée ne renvoie pas toujours à une même stratégie).
A retenir les travaux de Rébecca Oxford (1996) qui développeront
beaucoup ces questions notamment avec son classement de soixante-deux techniques
qu'elle considère comme autant de stratégies, à partir
duquel elle a dressé un questionnaire de quatre-vingt questions le Profile
of Results on the Strategy Inventory for language Learning (SILL) reconnu et
validé internationalement.
Janet Atlan (2001) l'a simplifié par un tableau récapitulatif
qui reprend la partition binaire de Macintyre: les stratégies directes
(classe A) et les stratégies indirectes (classe B). La classe A fait
appel à trois sous ensembles : les stratégies de rappel (créer
des liens mentaux, regrouper en unités significatives ou associer à
un contexte,
), les stratégies cognitives (analyser et raisonner,
raisonner par déduction, transférer d'une langue à l'autre,
)
et enfin les stratégies de compensation (deviner intelligemment, utiliser
les indices linguistiques, utiliser d'autres indices,
), pour la classe
B trois sous-groupes avec les stratégies métacognitives (centrer,
organiser et planifier son apprentissage,
) les stratégies affectives
(diminuer son anxiété, s'encourager, connaître ses émotions,
enfin les stratégies sociales (poser des questions, coopérer
avec des tiers, s'identifier à d'autres personnes,
).
Des tâches possibles pour l'apprenant sont associées à ces
stratégies pour chacun de ces groupes comme par exemple pour les métacognitives
: centrer son apprentissage, faire attention ou retarder la production orale,
,
pour les affectives : s'encourager, formuler des assertions positives,prendre
des risques calculés,
et en dernier lieu pour les sociales : poser
des questions à des tiers, demander des clarifications, demander à
être corrigé,
Au total pour l'apprentissage des langues, le tableau d'Atlan réunit
six grands groupes de stratégies que nous appellerons "génériques
"donnant lieu à dix-huit autres sous-groupes se répartissant
en soixante-deux stratégies " fines ". Si nous croisons ces
variables avec les seize traits composant la personnalité des apprenants
tels que Briggs et al (1992) les ont définis précédemment,
nous retrouvons sans surprise des résultats cohérents entre eux,
à titre d'exemple pour le style obtenir des informations qui au niveau
stratégie fait appel à son intuition, son corollaire chez Atlan
la classe A des stratégies directes se retrouve dans le groupe des stratégies
de compensation dans la catégorie deviner intelligemment qui au niveau
des stratégies fines serait utiliser d'autres indices.
Evidemment il serait trop lourd ici de continuer ce jeu de croisement qu'il
serait cependant utile de modéliser. Signalons toutefois que pour le
classement d'Oxford certaines réductions quant au nombre des stratégies
furent apportées à posteriori par les auteurs eux-mêmes.
Ces travaux eurent l'avantage de récapituler la plupart des stratégies
employées par les apprenants et d'aider à mieux comprendre leur
fonctionnement cognitif par leurs enseignants. Cette option s'étant traduite
par des bénéfices pour l'apprenant et des propositions de produits
mieux adaptés à son profil par le documentaliste ou le tuteur.
Ce fut la démarche adoptée par Janet Atlan qui a traduit et adapté
en français avec l'aide d' Abdi Karazéroni le SILL composé
du Tableau récapitulatif de classement des stratégies d'apprentisage
et de l'Inventaire des stratégies d'apprentissage pour une langue étrangère
(Oxford, 96). Elle a évalué ses apprenants d'anglais avec cet
inventaire nouvelle mouture qui propose un total de 80 affirmations dont 48
pour la classe A (stratégies directes) et 38 pour la classe B (stratégies
indirectes) avec 15 affirmations pour le groupe Stratégies de rappel,
25 pour le groupe stratégies cognitives, 8 pour celui des stratégies
de compensation,16 pour les stratégies métacognitives, 8 pour
les stratégies affectives et enfin 9 pour les stratégies sociales.
Pour répondre à ce questionnaire les étudiants ont disposé
d'un choix de 5 réponses dont il devra cocher celle qui correspond le
plus possible à son cas :
1) jamais ou presque jamais
2) généralement pas mon cas
3) de temps en temps mon cas
4) généralement mon cas
5) toujours ou presque jamais mon cas
L'enseignant, le tuteur ou autre croisera ces réponses en fonction de
l'inventaire afin de déterminer de quel style cognitif relève
l'apprenant/enquêté.
Pour quelques exemples voici des réponses que l'on pourrait obtenir.
Consignes : Entourez l'affirmation qui vous semble correspondre le mieux à
votre cas : jamais ou presque jamais mon cas, généralement pas
mon cas ,
Stratégies de rappel: (a) créer des liens mentaux (stratégie
générale) (b) regrouper en unités significatives (stratégie
d'apprentissage d'une langue) c) Affirmation proposée : je crée
des association entre ce que je connais déjà et les nouvelles
choses que j'apprends en LE ( l'anglais pour le document d'Atlan).
Stratégies cognitives : a) s'entraîner b) répéter
c) je répète ou écris de nouvelles expressions plusieurs
fois afin de les pratiquer
Stratégies de compensation : a)dépasser les contraintes b) retourner
à la langue maternelle, utiliser le mime ou gestes c) si lors d'une conversation
(en LE) j'ai oublié l'expression correcte à utiliser, je fais
des gestes ou je parle( français) momentanément
Stratégies métacognitives : a) organiser, planifier son apprentissage
b) se fixer des buts et des objectifs c)j'organise mon emploi du temps personnel
afin de pratiquer (la LE) systématiquement et non seulement quand il
y a des tests
Stratégies affectives : a) diminuer son anxiété b) utiliser
les techniques de détente c)j'essaie de me détendre quand j'angoisse
d'utiliser la LE
Stratégies sociales : a) coopérer avec des tiers b) coopérer
avec des utilisateurs compétents
c) il y a quelqu'un avec qui je travaille la LE régulièrement
Dans notre première partie nous avons souligné la non possibilité
pour le logiciel de prévoir, activer, évaluer etc. l'ensemble
des stratégies cognitives sollicitées dans la phase d'apprentissage
d'une langue étrangère (ou autre), ces tâches restent donc
encore largement dévolues à l'expertise humaine. Par contre, on
pourra parler d'un progrès lorsque les produits seront conçus
de manière à intégrer ces différents aspects, revendications
que bon nombre de chercheurs et patriciens suggèrent depuis longtemps
aux producteurs.
Discussion générale
Si on admet que les traitements psycholinguistiques participent dés
le départ au processus d'apprentissage et d'acquisition des savoirs en
fonction de plusieurs expérimentations attestant de leur efficience (Chappelle,
2000) en particulier pour les styles interactifs, il est maintenant difficile
de nier que l'interactivité participe de ces procédures d'apprentissage.
Reste cependant la tâche la plus compliquée à conduire,
celle de mesurer de façon précise en fonction des styles cognitifs
(Macintyre, Briggs op. cit.) et des stratégies d'apprentissage (Oxford,
Atlan, op. cit.) la plus value produite par l'interactivité propre au
multimédia (ou hypermédia) dans l'apprentissage d'une langue étrangère
(Koulayan, 99, 2001). La recherche en matière d'ELAO manque d'informations
directes surtout dans l'analyse, dans la nature et les effets de l'interaction
(Chapelle, 2000). Ceci n'est guère surprenant car les protocoles d'expérimentation
(pré-test, test, test de validation) sont assez difficiles à mettre
en place. Pour notre part, nous avons monté un pré-test sur l'évaluation
de l'utilisation des pop-up windows (ou escamots) d'aide dans les cédéroms
d'apprentissage d'une LE pour des apprenants en France, en Grande-Bretagne et
au Japon (Koulayan 2001, 2002, Detey, Sagaz, 2003). Les variantes sont nombreuses
tant individuelles que de groupe à groupe. A ce niveau l'interactivité
centrée sur l'aide s'avère sollicitée de manière
complètement différente par les apprenants selon leurs objectifs
de départ : confirmer leur information ou connaissance, soit la vérifier,
soit la compléter. Autant de réponses que de styles et de stratégies
d'apprentissage différents, que la passation au préalable de l'inventaire
d'Atlan (op.cit.) auraient pu déterminer, car si nous connaissions les
intentions avec lesquelles les apprenants utilisaient ces aides, nous ne savons
toujours pas si leurs réponses pouvaient se recouper avec leur style
interactivo-cognitif. Pour Chapelle (op. cit.),
De telles observations
devaient jouer un rôle important dans la conceptualisation de mesures
à utiliser pour l'évaluation des résultats : l'étude
des différentes phases interactives a pour but de dégager les
aspects linguistiques déficients de l'apprenant sur lesquels les mesures
doivent porter. Ceci constituera un de nos prochains protocoles d'expérimentation
ayant pour objectifs d'évaluer l'incidence des différents styles
de mémoire sur l'utilisation des aides dans les méthodes d'apprentissage
des langues étrangères sur cédérom (Koulayan, 2002).
Cependant que de manière générale, le type de validation
que nous pensons pouvoir obtenir en réalisant le croisement des données
se perçoit déjà comme fragile. En premier lieu parce que
lourd en paramètres à mettre en relation, en second lieu parce
qu' "intrinsèquement subjectif " dans le sens où il
s'agira pour l'apprenant d'une auto-évaluation : dites-nous selon ces
5 possibilités
"généralement pas mon cas "
" de temps en temps mon cas ",
ce qui revient à lui demander
quel type d'apprenant il pense être, alors difficile d'être à
la fois l'outil et l'objet ! Pourtant cette démarche reste malgré
tout une piste d'exploration intéressante pour laquelle on prévoit
des retours indicatifs importants comme nous avons eu l'occasion de le vérifier
(Koulayan, Detey, Sagaz, op cit)
Alors est-ce bien raisonnable d'apprendre une langue étrangère
sur cédérom ?
Nous répondrons que oui cela pourra l'être, le jour où les
méthodes seront développées en tenant compte au moins des
grands styles d'apprentissage. A condition aussi que les produits aient été
formalisés de manière objective, rigoureuse et culturellement
cadrée tant du point de vue de leur utilisabilité que de leur
interactivité, ce qui en ferait des produits " sur mesure "
à haute valeur cognitive ajoutées, perspective autant alléchante
que lointaine !
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