1. Le cadre contextuel et théorique
La question de la citoyenneté fait l'objet d'un intérêt
renouvelé, d'autant que l'on assiste à une mise en cause du sens
qu'on lui donne et à la reformulation des exigences qui s'y rattachent,
à la suite des changements d'importance survenus au cours des deux dernières
décennies sur les plans politique, social, culturel et économique
(Vincent, Laurin, 1998). Pour s'en convaincre, on n'a qu'à évoquer
les transformations qui découlent des nouveaux modes de production et d'échange
de biens et de services ou des alliances économiques commandées
par la mondialisation, celles qui sont associées aux mouvements de populations
et au brassage des valeurs et des modèles de vie ou, encore, celles qui
sont provoquées par l'essor des technologies de l'information et des communications.
En plus de produire des effets structurants sur la société et de
rompre l'équilibre traditionnel instauré, ces phénomènes
ont eu des répercussions concrètes sur les modes de vie et les attitudes
des personnes et transformé les rapports de convivialité et de participation
au sein des communautés locales. De tels changements ont eu une résonance
sur les institutions, dont l'école, notamment en ce qui a trait au discours
qui entoure sa mission obligatoire et les savoirs qu'elle privilégie. L'éducation
à la citoyenneté participe donc résolument des visées
de formation et l'on s'attend à ce que les enseignants soient des médiateurs
significatifs du social auprès des jeunes, ce qui n'est pas sans donner
de l'importance à leur témoignage personnel de citoyen, en deçà
même des contenus qu'ils abordent avec eux et des dispositifs qu'ils mettent
en place. C'est dire l'importance des significations qu'ils attribuent aux notions
de "citoyenneté" et d'"éducation à la citoyenneté",
vocables fréquemment invoqués dans la rhétorique sociale
et éducative et qui donnent lieu à des débats au niveau de
diverses tribunes, d'où leur pertinence en tant qu'objets de représentations
sociales. Comme Moscovici l'a montré dans la théorie des représentations
sociales qu'il a élaborée, celles-ci s'appuient sur le jeu des processus
d'objectivation et d'ancrage, lesquels visent respectivement à rendre "concret"
un objet "abstrait" et à pouvoir incorporer des objets nouveaux
au sein de catégories familières existantes. Définies comme
étant des principes organisateurs des rapports symboliques qui s'établissent
entre individus et entre groupes (Doise, 2001), ces rapports sont fondés
sur les trois hypothèses fortes de partage de croyances communes au sujet
d'un enjeu social donné chez les membres d'un même groupe, de différenciation
de leurs prises de positions et d'ancrage dans des réalités collectives
(Doise, 1992, 2001; Clémence, Lorenzi-Cioldi, 1992). Selon que l'on convienne,
à l'instar de plusieurs (Doise, 2000; Bataille, 2000), des liens ténus
entre le processus représentationnel et le processus communicationnel et
interactionnel, l'intérêt d'éclairer ces notions, via les
discours formulés, est d'autant justifié que le langage participe
de la conceptualisation et, partant, de la pensée, contribuant ainsi de
manière significative aux représentations que les individus élaborent
au sein d'environnements sociaux et culturels particuliers. On peut aussi dire
que les représentations se nourrissent de l'agir des personnes et sont
tout autant révélatrices qu'instigatrices de l'action. Comme les
enseignants ont à traduire les objets de savoirs à enseigner des
programmes d'études et à instituer les dispositifs nécessaires
pour favoriser la construction de connaissances chez leurs élèves,
ils sont amenés à re-contextualiser et à transformer le savoir
à enseigner des programmes en lui donnant une "couleur personnelle"
et donc en témoignant d'un agir didactique et pédagogique. En témoignant
des connaissances et des représentations qu'il a progressivement construites
au fil des années dans le cadre de ses différents environnements
sociaux, l'enseignant rend compte de son propre rapport au savoir et, partant,
de l'ensemble des significations susceptibles de traduire son rapport au monde
(Charlot, 1997: 90). La saisie du cadre conceptuel de référence
des enseignants nous permet donc de comprendre l'influence de telles significations
dans l'acte professionnel de médiation exercé auprès des
élèves. Compte tenu du renouvellement de l'effectif enseignant amorcé
dans le système scolaire au Québec, nous avons choisi de nous intéresser
aux points de vue des jeunes enseignants qui sont sur le point de faire leur entrée
dans la profession. Participant d'une société pluraliste en pleine
mutation et ayant eux-mêmes été socialisés, au cours
de leur propre scolarisation, dans un contexte social et scolaire d'apprentissage
et d'exercice des droits identifiés au sein des deux Chartes qui régissent
l'ensemble des lois au Canada depuis 1982 et au Québec depuis 1975, contrairement
à leurs confrères et consurs aînés, il nous est
en effet apparu opportun de saisir le sens des représentations sociales
esquissées au regard de ces notions. De façon particulière,
nous tentons d'explorer l'étendue des connaissances que ces futurs enseignants
ont par rapport aux deux notions identifiées et le bagage commun qui en
découle, tout autant que l'organisation des prises de position selon les
ancrages sociaux relatifs au sexe et à leur profil de formation au regard
des disciplines d'enseignement reliées aux sciences de la nature (physique,
chimie, mathématiques et biologie) ou à des disciplines d'enseignement
reliées aux sciences humaines (français, enseignement moral, écologie,
histoire et géographie).
2. Le dispositif expérimental
L'étude que nous avons conduite est basée sur les propos de
112 étudiants inscrits en dernière année (la quatrième)
de Baccalauréat en enseignement secondaire de la région de la
ville de Québec au cours de l'année 1999. Les filles (n=74) représentent
les 2/3 de l'échantillon (66,6%), alors que les garçons (n=38)
représentant l'autre 1/3 (33,3%). Les profils de formation diffèrent
également et montrent la dominance de l'inscription des filles à
l'intérieur de ceux-ci : 21 garçons et 47 filles, soit 61% de
l'effectif, sont inscrits dans un profil de formation en sciences humaines (langue,
géographie, histoire, écologie, enseignement moral et religieux),
alors que 17 garçons et 27 filles, soit 39% de l'effectif, sont inscrits
dans un profil de sciences de la nature (mathématiques, physique, chimie).
Tous les étudiants s'inscrivent dans la strate d'âge 20-24 ans.
Les sujets ont été soumis à un questionnaire écrit
comprenant neuf questions dont sept de type ouvert, lesquelles étaient
réparties en trois blocs distincts se référant, selon le
cas, aux notions de citoyenneté, de démocratie et de politique
et d'éducation à la citoyenneté. Seules les première
et dernière notions font l'objet d'un examen dans le cadre de la présente
communication. Les données ont fait l'objet d'analyses statistiques textuelles:
une analyse descriptive a été effectuée à partir
des questionnaires, laquelle a été complétée par
l'analyse de correspondances au moyen du Système Portable d'Analyse de
données textuelles (SPAD-T) de Lebart, Morinau, Bécue (1989).
Dans le cas des deux concepts qui nous intéressent ici, soit ceux se
rapportant aux notions de citoyenneté et d'éducation à
la citoyenneté, des dictionnaires de 876 et de 984 mots respectivement
ont été répertoriés, dictionnaires qui ont été
réduits à moins de 100 mots dans les deux cas, soit respectivement
à 82 mots pour la notion de citoyenneté et à 75 mots pour
celle d'éducation à la citoyenneté.
3. Les représentations sociales exprimées: production et analyse
des discours
Pour chacune des notions "citoyenneté" et "éducation
à la citoyenneté", les résultats concernant l'étendue
et l'organisation de la représentation sociale (sens partagé et
prises de position ou variations interindividuelles) ainsi que son ancrage social
en fonction des variables reliées au sexe et au profil de formation sont
présentés et discutés.
3.1. La notion de "bon citoyen" et les pratiques au quotidien
Invités à définir ce qu'est un bon citoyen et à
témoigner de leurs pratiques de citoyenneté dans leur vie de jeunes
adultes, les étudiants interrogés (futurs enseignants et enseignantes
du secondaire) ont identifié divers référents pour témoigner
de leurs conceptions.
L'étendue et l'organisation de la RS
Pour les étudiants concernés, la notion de "bon citoyen"
témoigne, dans son sens partagé, d'une double référence
identitaire, les termes individualité, quotidien, action, collectivité,
social et évolution ressortant particulièrement. Ainsi, la citoyenneté
serait interprétée par la plupart des sujets à partir d'une
composante mixte, la première mettant en évidence la dimension
singulière de la personne qui opère au quotidien dans un cadre
personnel et intime, la deuxième procédant d'une posture collective
et sociale qui permet à la personne d'occuper un espace public et qui
l'invite à se préoccuper de l'évolution de la société.
En ce qui concerne les prises de position et les variations interindividuelles,
une nette différenciation est observée entre les points de vue
exprimés, celle-ci prenant l'allure de divergences marquées, tant
en ce qui concerne le contenu fondateur de la citoyenneté (axe horizontal)
qu'en ce qui touche les pratiques caractéristiques de la citoyenneté
(axe vertical). En lien avec le contenu de la citoyenneté qui met en
évidence, respectivement à l'une et à l'autre extrémités
de l'axe horizontal, les termes juger, impôts, culture, démocratie,
pays, ordre, apprécier, futur, travailler, impliquer, ainsi que les termes
santé, pouvoir, réfléchir, environnement, limites, liberté,
ouverture, terminer, présentes, déprécier, celui-ci semble
s'organiser autour d'une dialectique des devoirs et des droits. Dans le cas
d'une représentation de la citoyenneté qui met l'accent sur les
devoirs, les sujets concernés insistent, entre autres, sur la nécessité
de veiller à l'ordre social et de juger de son maintien, notamment en
accordant une importance à l'équité des contributions individuelles,
aux valeurs démocratiques, à l'enracinement culturel et au travail.
Selon une telle optique, ce sont les engagements personnels des individus qui
seraient gages de l'avenir collectif de la société, chacun devant
s'impliquer pour assurer l'ordre et le développement futur de celle-ci.
Le citoyen est alors identifié à un être social responsable
et imputable. Dans le cas d'une citoyenneté qui met l'accent sur les
droits, les sujets sont enclins à reconnaître les potentialités
et les capacités de réflexion de la personne. Une insistance est
aussi soulignée pour marquer la capacité d'agir sur le présent
et d'intervenir sur les problèmes concrets actuels, tout en considérant
aussi les limites de ses propres actions. Selon une telle perspective, le citoyen
est identifié à un être social pensant et agissant. En lien
avec les pratiques de citoyenneté (l'une et l'autre extrémités
de l'axe vertical), celles-ci s'expriment selon des prises de position différenciées
qui oscillent entre une citoyenneté de concertation dont les termes apprécier,
accepter, agir, voir, concerner, médias, culture, débats, appartenance,
attitudes témoignent, et une citoyenneté d'imposition portée
par les termes normes, personnalité, lois, intéresser, respecter,
développer, limites, représenter, juger, dénoncer. Dans
le cas des pratiques citoyennes de concertation, les sujets misent sur la posture
accommodatrice et agissante des personnes et font appel à leur réflexivité
ainsi qu'à leur capacité de débattre. La citoyenneté
trouverait son sens dans l'appartenance à la culture et serait ancrée
dans l'agir des personnes, en plus d'être nourrie par les idées
et les débats. Une telle perspective nous permet de convenir de l'endossement
d'une position relativiste par rapport aux normes et aux valeurs, celles-ci
ne trouvant leur sens que par l'entremise du consentement des personnes, voire
par l'acceptation volontaire des règles du jeu social. Dans le cas de
pratiques citoyennes d'imposition, il semble que ce soit le caractère
prescriptif des lois, des règles ou des normes qui domine et oriente
les conduites des individus, la conformité à celles-ci devenant
alors la règle de participation sociale. Selon une telle optique, la
personnalité doit être formée dans la perspective de l'apprentissage
et du respect des normes, ce qui justifierait qu'une intervention coercitive
puisse être exercée si une opposition se manifeste.
L'ancrage social de la RS
Les prises de positions observées selon les dialectiques devoirs-droits
et concertation-imposition qui caractérisent les choix individuels des
futurs enseignants du secondaire teintent la définition de la citoyenneté,
tant sur le plan de son contenu que sur le plan des pratiques, et trouvent leur
sens dans les deux variables particulières reliées au genre (homme-femme)
et au profil de formation (sciences humaines-sciences de la nature). Concernant
les prises de positions relatives à la dialectique devoirs-droits, on
observe que les hommes se situent davantage du côté des devoirs
alors que les femmes se positionnent du côté des droits. Par ailleurs,
on remarque que les étudiants du profil sciences humaines ont tendance
à privilégier la prise de position associée aux devoirs,
alors que ceux du profil sciences de la nature optent très largement
pour la question des droits. Concernant les postures relatives aux modèles
concertation-imposition, les hommes ont très largement tendance à
privilégier le modèle prescriptif-normatif, ainsi que les étudiants
inscrits au profil de sciences de la nature. Les étudiants du profil
sciences humaines et les filles s'inscrivent dans le sens d'une citoyenneté
de concertation et de réflexion. La différence d'ancrage observée
en fonction de la variable sexe n'est pas étonnante, selon nous, en raison
de sa concordance avec les postures observées au sein des modèles
explicatifs traditionnels concernant les valeurs défendues par les femmes
et les hommes, les premières étant plus, par nature, préoccupées
par les valeurs humanistes, alors que les seconds, étant axés
sur les valeurs de performance. Par ailleurs, il peut paraître étonnant
de voir que le profil de formation des sujets en sciences de la nature se retrouve
du côté d'une citoyenneté axée sur les droits plutôt
que d'une citoyenneté de devoirs, la culture scientifique étant
encore fortement influencée par le scientisme et marquée d'une
réputation de rigidité. Il y a lieu de constater toutefois, et
cela peut tenir lieu d'explication première, que la dynamique instaurée
dans la société mais aussi dans le cadre des enseignements scientifiques
à l'école met davantage l'accent, entre autres, sur les problématiques
d'ordre environnemental et sanitaire et sur les questions éthiques qui
s'y rattachent, ce qui peut expliquer l'intérêt des futurs enseignants
pour la question des droits et l'endossement d'une telle posture.
3.2. La notion d'"éducation à la citoyenneté"
Dans le cas de la notion d'"éducation à la citoyenneté",
nous nous sommes intéressés aux représentations concernant
les pratiques et les aménagements relatifs à l'éducation
à la citoyenneté mis en uvre à l'école secondaire,
ainsi qu'aux améliorations à apporter dans un futur immédiat,
aux obstacles et aux facilitateurs reliés à une telle éducation.
Les étudiants ont été invités à traiter de
la situation actuelle et de la situation souhaitée, ainsi que des contraintes
et des facilitateurs s'y rapportant.
L'étendue et l'organisation de la RS
En ce qui concerne l'étendue et l'organisation de la RS de l'"éducation
à la citoyenneté", on observe, comme éléments
centraux de la représentation partagée, les termes travailler,
éduquer, apprenant, organiser, moyens et collectivistes. Il semble que
les sujets interprètent cette notion en fonction du rôle professionnel
qui leur est dévolu, soit celui d'éduquer des apprenants. La posture
endossée fait référence aux différents paramètres
de l'intervention éducative qui veut que le maître soit placé
en présence d'élèves (les apprenants), réponde d'une
mission ou d'un mandat (éduquer), tout en invoquant la nécessité
de recourir à divers moyens (les exigences d'ordre didactique) pour répondre
aux besoins du groupe d'élèves (la classe). Il est intéressant
de constater que ces futurs enseignants, qui viennent de compléter un
dernier stage long (4 mois) dans le milieu scolaire à titre de spécialiste
d'une matière, sont déjà investis dans leur rôle
d'éducateur, au-delà des exigences propres à leur discipline
d'appartenance. En ce qui concerne les variations interindividuelles, une différenciation
est toutefois observée entre les points de vue des sujets qui montrent
des divergences sur le plan des prises de position. Ces divergences s'expriment
par rapport aux visées ou aux objectifs d'éducation retenus (axe
horizontal) et par rapport aux accents dans l'approche retenue (axe vertical).
En ce qui concerne les objectifs d'éducation retenus par l'École,
la RS s'organise autour de visions complémentaires, bien que mises ici
en opposition. Celles-ci concernent, d'une part, le développement de
savoirs être et de savoir-faire, et d'autre part, le développement
de connaissances ou de savoirs par l'entremise des contenus scolaires. Dans
le cas de visées qui mettraient l'accent sur les savoirs être et
les savoir-faire, les sujets insistent pour que les élèves développent
des attitudes et des compétences sociales et invoquent les référents
ouverture, aider, explorer, vouloir, rébellion, individualité,
savoir être, participation, informer, attitude. L'aide apportée
par l'école doit être orientée vers l'ouverture de la personne
et favoriser l'expression des potentialités de chaque individu, tout
en reconnaissant que certains d'entre eux peuvent contester les aspects les
plus contraignants de la culture scolaire. On mise notamment sur l'exploration
et sur la discussion pour amener les jeunes à développer des attitudes
saines. Dans le cas des visées qui mettraient l'accent sur les savoirs
proprement dits, on s'attache plutôt à l'instruction des jeunes,
via les contenus de savoirs issus des différentes disciplines scolaires,
les sujets les ayant toutes identifiées en fonction de leur propre discipline
de référence dans leur profil de formation, en vue de former à
la citoyenneté. Les référents du discours utilisés
sont culture, besoins, donner, environnement, économie, temps, savoirs,
démocratie, discuter, contenus. Si l'on place au premier rang les savoirs
scolaires, l'École semble aussi avoir une responsabilité de sensibiliser
aux valeurs de la culture et se doit d'insister sur les préoccupations
environnementales et économiques. L'institution scolaire mise sur l'expression
des élèves et sur la discussion pour animer de tels contenus,
celle-ci devant participer à la poursuite de l'idéal démocratique.
Quant à l'approche éducative à privilégier en classe,
des positions différenciées apparaissent entre les individus,
même si l'intervention est orientée, de manière générale,
vers l'adaptation des conduites dans le sens de la conformité. Dans le
cas de certains sujets, celle-ci s'exprime dans le sens d'une conformité
sociale, alors que dans le cas des autres, elle s'exerce dans le sens d'une
conformité sur le plan des règles de fonctionnalité de
la personne. Ce qui semble en effet distinguer les manières de penser
des futurs enseignants et enseignantes, c'est la perspective-cible envisagée,
les uns misant surtout sur la transformation des attitudes des élèves
pour réaliser les visées poursuivies, alors que les autres voulant
uvrer sur la contention des conduites et sur la maîtrise des obstacles
que les jeunes rencontrent et pour mener à bien l'entreprise de socialisation.
Dans le cas d'une approche plus spécifiquement centrée sur la
transformation de l'élève, la démarche se veut davantage
"compréhensive" et prône une ouverture sur la personne,
les besoins des jeunes étant considérés (les droits deviennent
besoins) et le souci de forger un "nous" témoignant de l'idée
de communauté. Les actions éducatives entreprises se veulent davantage
locales, et s'exercent dans l'école, par l'entremise des activités
scolaires et parascolaires. Dans le cas d'une éducation axée sur
la fonctionnalité de la personne, la démarche de l'enseignant
se situerait à un niveau plus "instrumental" ou technique,
et s'attacherait à l'outillage moral et social des jeunes dans le but
de les amener à être fonctionnels et efficaces. On s'attache aux
causes des difficultés des jeunes de même qu'à leur encadrement
pour s'assurer du développement, chez eux, d'une démarche rigoureuse
sur le plan de la socialisation. Pour mener à bien le projet d'intervention,
l'école ne doit pas se laisser perturber par l'extérieur (fermeture)
et doit formuler ses attentes aux élèves. (environnement, progrès,
devoirs, fermeture, performer, causes, aider, obstacles, autorité, expression)
L'ancrage social de la RS
Les prises de positions qui caractérisent les choix individuels et qui
teintent la définition de l'éducation à la citoyenneté
font l'objet d'ancrages différenciés selon les profils de formation
disciplinaires en sciences humaines et en sciences de la nature. Concernant
les prises de positions relatives aux objectifs d'éducation reliés
aux savoirs être et aux savoir-faire, d'une part, ou aux savoirs, d'autre
part, on observe que les hommes et les étudiants du profil sciences de
la nature mettent l'accent sur les savoirs en ce qui a trait aux visées
d'éducation, alors que les femmes et le profil sciences humaines ont
tendance à privilégier la prise de position associée au
développement de savoirs être et de savoir-faire même si
ces choix sont moins marqués. Concernant les prises de positions relatives
à l'approche pédagogique à privilégier en classe,
les postures respectives des sujets des profils sciences humaines et sciences
de la nature se démarquant nettement entre elles en ce qui a trait aux
approches compréhensive et instrumentale invoquées, alors que
la variable sexe joue beaucoup moins, notamment chez les femmes. Ces différences
d'ancrage peuvent s'expliquer du fait que les exigences de performance et de
rigueur sont traditionnellement associées ou portées socialement
par les sciences "dures" et par les hommes, bien que ces positions
soient actuellement contestées par les théories critiques du féminisme
et du constructivisme social.
Les références seront disponibles sur demande (courriel: suzanne.vincent@fse.ulaval.ca)
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