La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Le sujet apprenant et communicationnel. L'individualisation aide-t-elle le sujet à se construire ?


Titre : Identification des capacités d'autorégulation cognitive en résolution de problèmes mathématiques chez l'enfant de fin d'enseignement primaire
Auteurs : FOCANT Jerome, CHERCHEUR EN PSYCHOLOGIE DE L'EDUCATION.UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN (BELGIQUE)

Texte :
Le concept d'autorégulation de l'apprentissage (self-regulated learning) est né des travaux sur la métacognition. Plus précisément, ce paradigme s'est défini comme objectif l'analyse de l'aspect exécutif de la métacognition : le contrôle actif, la régulation et l'orchestration des processus cognitifs en vue de la réalisation d'un objectif déterminé (Flavell, 1976 ; Royer, Cisero et Carlo, 1993 ; Noël, Romainville et Wolfs, 1995 ; Lafortune & St-Pierre, 1996).
Un élément clé du processus d'autorégulation se situe dans les stratégies d'autorégulation cognitive (voir notamment Boekaerts, 1996 ; Pintrich, 1999). Elles consistent en des stratégies de gestion de son propre répertoire de stratégies cognitives (spécifiques ou transversales) et de connaissances déclaratives et procédurales (spécifiques à la discipline scolaire ou à l'activité concernée). L'individu qui est capable de stratégies d'autorégulation cognitive peut sélectionner les procédures les plus efficaces (dans la perspective d'atteindre l'objectif déterminé), les contrôler et les réajuster si nécessaire.
Notre examen de la littérature nous permet d'en définir trois types (Pintrich & De Groot, 1990 ; Boekaerts, 1996) :
- Anticipation : sur base de l'analyse de la tâche, la détermination de l'objectif permet d'activer les éléments déclaratifs, procéduraux et stratégiques (ainsi que motivationnels,…). Elle facilite la planification des procédures et stratégies à entreprendre afin de compléter cet objectif. Il s'agit d'une phase de prise de décision, soit d'anticipation.
- Contrôle : un processus d'auto-surveillance (monitoring) est réalisé pour contrôler le cours de l'action et évaluer ses résultats en rapport à l'objectif fixé. Le sujet observe son comportement et compare les résultats obtenus aux objectifs. Le monitoring donne principalement l'alerte en cas de chute d'attention et d'écartement de la poursuite de l'objectif.
- Ajustement : en fonction des informations récoltées par la stratégie de contrôle, l'individu décide de maintenir, d'interrompre ou de modifier son action, afin de (re)positionner son comportement en ligne de l'objectif. Cette stratégie permet également à l'individu d'ajuster son répertoire de connaissances et stratégies stockées en mémoire à long terme (modification en fonction des résultats observés).
Schunk & Zimmerman (1998) décrivent le caractère circulaire de ces éléments (voir figure 1). Le fonctionnement des trois stratégies se produit selon un phénomène de régulation basé sur les boucles de rétroaction, tel le fonctionnement du thermostat. Face à la constatation que les résultats obtenus ne sont pas suffisants à l'atteinte de l'objectif, l'individu doit programmer un nouveau plan d'action et/ou réévaluer son objectif. Ainsi, l'objectif, qui constitue fondamentalement un élément décisionnel préalable à l'action, est continuellement ajusté en cours d'action.


Figure 1 : phases cycliques de l'autorégulation (inspiré de Schunk & Zimmerman, 1998, p.3)

La capacité de l'élève à autoréguler son apprentissage prend tout sens à l'école secondaire et universitaire (choix des programmes, demande d'autonomie dans le travail dans des projets à moyens et longs termes,…). Cependant, c'est selon nous dès l'enseignement primaire que ces compétences doivent se construire et donc être stimulées.
Notre recherche doctorale vise dans un premier temps à identifier les compétences relatives aux stratégies d'autorégulation cognitive d'enfant de fin d'enseignement primaire (10-11 ans), afin d'élaborer dans un second temps des programmes d'intervention pédagogique visant le développement de ces capacités.
Nous avons posé l'étude de ces compétences dans le domaine scolaire des résolutions de problèmes mathématiques, que nous caractérisons par trois éléments (voir notamment Poirier-Proulx, 1992) :
· l'existence d'un écart ou d'une distance entre une situation présente (jugée insatisfaisante) et une situation désirée (ou but à atteindre) ;
· l'absence d'évidence du chemin menant à la suppression ou à la réduction de cet écart (qui exige dès lors une démarche cognitive active d'élaboration et de vérifications d'hypothèses sur la nature de cet écart et sur les moyens de le réduire) ;
· l'existence d'une subjectivité : une même situation est un problème pour un élève et une application ou reproduction pour un autre.
Deux enjeux fondamentaux se posent dans notre perspective. Le premier enjeu est de mettre en évidence le bénéfice de l'utilisation de stratégies d'autorégulation cognitive dans le contexte scolaire. Dans ce cas précis, il s'agit de mettre en évidence l'impact de cette utilisation sur la performance scolaire dans ces activités précitées. Le second enjeu est d'identifier les mécanismes d'autorégulation mis en œuvre par des enfants de 10-11 ans.
Une première étude, menée en mai 2001, a mis en évidence des lacunes flagrantes quant aux stratégies d'autorégulation cognitive d'enfants en difficultés dans les apprentissages mathématiques (Focant, à paraître) . En résumé, ces enfants ont démontré une incapacité à s'engager dans des activités d'anticipation (et surtout de planification), spontanément comme sous l'incitation explicite de l'adulte (incapacité d'inhibition de l'action). La stratégie de contrôle s'est révélée différente en fonction du contenu sur lequel elle porte : le contrôle des calculs réalisés est possible pour une partie des enfants (spontanément ou sous l'incitation de l'adulte selon les sujets), le contrôle du choix des procédures appliquées n'est jamais réalisé avec rigueur. Il apparaît également que ces éléments se répètent dans un même problème de manière cyclique. Il semble donc que ces enfants en difficultés d'apprentissages sont incapables de mettre en œuvre la plupart des stratégies d'autorégulation cognitive.
Une deuxième étude a permis de récolter des données d'un échantillon de quarante-deux enfants tout-venant. Chaque enfant a été évalué précisément sur ses capacités de détermination de l'objectif, de planification, de contrôle, et de résolution de problèmes (performance globale) dans le cadre de problèmes scolaires arithmétiques de complexité diverse. Les analyses (en cours) permettront d'évaluer l'impact des stratégies d'autorégulation cognitive sur une performance standardisée en résolution de problèmes. Mais, de manière plus intéressante en terme d'individualisation, des analyses permettront d'établir des profils de contrôle, et d'évaluer leur efficacité/inefficacité en rapport à la performance. Il apparaît en effet que les enfants utilisent des manières de contrôler qui leur sont propres, et que des profils de contrôle différents se révèlent aussi efficaces les uns que les autres. Il convient donc de prendre conscience de ces différences et de stimuler divers profils de contrôle afin que chaque enfant puisse déterminer celui qui lui convient le mieux en rapport à ses caractéristiques personnelles.

Références bibliographiques :

Boekaerts, M. (1996). Self-Regulated Learning at the jonction of Cognition and Motivation. European Psychologist, 1 (2), 100-112.
Flavell, J.H. (1976). Metacognitive aspects of problem solving. In L.B. Renick (Ed.), The nature of intelligence. Hillsdale : Lawrence Erlbaum.
Focant, J. (à paraître). Résolution de problèmes et autorégulation chez l'enfant de 10 ans. In S. Schmidt & C. Mary (Eds.), La spécificité de l'enseignement des mathématiques en adaptation scolaire. Québec (Canada) : Modulo.
Lafortune, L. & St Pierre, L. (1996). L'affectivité et la métacognition dans la classe. Montréal: Logiques.
Noël, B.; Romainville, M. & Wolfs, J.L. (1995). La métacognition : facettes et pertinence du concept en éducation. Revue française de pédagogie, 112, 47-56.
Pintrich, P.R. & De Groot, E.V. (1990). Motivational and self-regulated learning components of classroom academic performance. Journal of Educational Psychology, 82, 33-40.
Pintrich, P.R. (1999). The role of motivation in promoting and sustaining self-regulated learning. International Journal of Educational Research, 31, 459-470.
Poirier-Proulx, L. (1999). La résolution de problèmes en enseignement : cadre référentiel et outils de formation. Paris : De Boeck.
Royer, J.M.; Cisero, C.A. & Carlo, M.S. (1993). Techniques and procedures for assessing cognitive skills. Review of Educational Research, 63 (2), 201-243.
Schunk, D.H. & Zimmerman, B.J. (1998). Self-regulated learning : From teaching to self-reflective practice. New-York : Guilford.


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