La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Différences et comparaisons. Quel rôle les questions de genre jouent-elles en éducation ? Les études comparatistes servent-elles la construction d'une Europe de l'éducation ?


Titre : Les systèmes de certification en langues étrangères dans les pays de l'Union Européenne
Auteurs : TSAKIRIS Despina, Chercheur en Sciences de l'Education au Centre de Recherche Educative à Athènes

Texte :

Le Centre de Recherche Educative à Athènes nous a demandé d'effectuer pour le Ministère de l'Education Nationale une étude des systèmes de certification en langues étrangères dans les pays de l'UE et plus spécifiquement d'explorer les systèmes de certification qui aboutissent à la délivrance de certificats nationaux.
L'objectif de cette étude est double :
1) Faire un état des lieux des modes de certification en langues étrangères par des organismes internationaux
2) Décrire les conditions de délivrance des certificats nationaux en langues étrangères instituées par certains pays de l'UE.
Une étude systématique de la bibliographie française, anglaise et grecque concernant l'organisation des systèmes de certification nous a conduite au constat que ce sujet n'a pas, jusqu'à présent, constitué l'objet spécifique d'une recherche. Ce fait est lié notamment a deux difficultés. D'une part, la difficulté de la délimitation de ce sujet en un objet d'étude étant donné qu'il réunit en même temps divers objets de recherche : la didactique des langues étrangères, l'évaluation des personnes et des actions, l'ingénierie de la formation, la politique éducative. D'autre part, la difficulté de l'élaboration d'une approche spécifique étant donné que l'étude d'un tel sujet imbrique l'analyse systémique, institutionnelle et linguistique avec l'analyse économique et sociologique de l'éducation. A ces difficultés on doit ajouter celles qui sont propres à l'approche comparative des systèmes éducatifs.
En effet, procéder à une étude comparative des systèmes éducatifs de l'UE n'est certainement pas une entreprise sans écueils. De nombreux auteurs attirent l'attention sur les enjeux méthodologiques d'une analyse comparée vu que dans l'étude de systèmes changeants comme le sont les systèmes éducatifs, il est difficile de trouver, selon les comparatistes, une unité de comparaison stable. De même, il est difficile de trouver des repères identiques unanimement admis pour identifier un état ou une situation.
Certes, notre étude ne saurait négliger les difficultés précitées. Elle y a été confrontée tout au long de son déroulement et elle a cherché à procéder à une délimitation rigoureuse de son objet (étude exclusive des institutions qui s'impliquent dans le système de certification et du type des certificats délivrés ) et de son champ d'application (les pays de l'UE et particulièrement les pays qui délivrent des certificats nationaux en langues étrangères). Aussi, s'est - elle attachée à une approche fondée sur une analyse qualitative transversale des données de pays parmis lesquels existent des analogies concernant les questions qu'on examine et des réponses institutionnelles que chaque pays y a apportées. Les données de notre recherche ont été recueillies au moyen notamment d'une recherche documentaire dans des sites officiels de l'Internet (Ministères de l'Education Nationale, Commission européenne pour l'éducation et la culture, organismes internationaux de certification : l'A.L.T.E., l'I.C.C.)
Dans le texte qui suit nous restituerons les principales conclusions de cette recherche et nous tâcherons de dégager certaines pistes de réflexion pouvant permettre une meilleure compréhension des tendances qui régissent les systèmes de certification en langues étrangères.

Principales conclusions de la recherche
En effectuant une pre-enquête dans le réseau " Eurydice", nous avons constaté que dans tous les pays de l'UE (à l'exception de la Grèce), c'est l'école qui se charge de l'apprentissage et de la certification des langues étrangères dans l'enseignement secondaire. En effet, le baccalauréat est reconnu également comme un certificat de la connaissance de la langue enseignée. Cependant, dans les pays de l'UE, il existe des systèmes de certification en langues étrangères qui fonctionnent avec le concours des organismes internationaux, des institutions éducatives, des instances publiques et des autorités nationales. Ces systèmes de certification mettent en place des certificats que nous avons classés en trois grandes catégories d'après l'instance qui les délivrent :
1) Les certificats en langues étrangères qui sont délivrés par les institutions éducatives spécialisées en langues et reconnues par l'A.L.T.E. (Association of Language Testers in Europe)
2) Les certificats qui sont délivrés par l'I.C.C. (International Certificate Conférence)
3) Les certificats qui sont délivrés par les Ministères de l'Education de chaque pays.
Par ailleurs, notre recherche met en évidence trois tendances qui régissent les systèmes de certification des langues étrangères en Europe :
1. L'institution des conditions et des modes de certification en langues étrangères internationaux
2. La redéfinition du rapport certification-formation
3. Le développement des certificats nationaux

1. L'institution des conditions et des modes de certification internationaux en langues étrangères
Tous les pays de l'UE sont impliqués dans un système international de certification des langues soit au niveau des langues nationales des pays (A.L.T.E.) soit au niveau des langues étrangères (I.C.C.).
L'A.L.T.E. et l'I.C.C. sont des organismes internationaux qui visent à l'amélioration de la qualité des méthodes de certification et des méthodes d'apprentissage. Etant impliqués à la délivrance des certificats en langues étrangères, ils cherchent à établir des conditions homogènes de certification des connaissances en langues étrangères afin que leurs certificats en langues soient reconnus par les pays de l'Europe.
Le développement d'un système international de certification des compétences linguistiques ne vise pas seulement à l'amélioration de la communication mais il cherche à favoriser le développement des échanges économiques, la libre circulation des citoyens européens sur le marché du travail et l'échange culturel. Dans cette perspective, la certification s'appuie sur un système d'évaluation qui définit les indicateurs et les critères des compétences linguistiques afin de rendre les conditions de certification autant que possible homogènes et transparentes. De cette manière s'institue une reconnaissance commune du niveau linguistique mentionné sur le diplôme délivré.

2. La redéfinition du rapport certification-formation
Bien que l'organisation de la formation continue diffère d'un pays à l'autre, les rôles que cette formation doit assumer dans les nouvelles données économiques, sociales et culturelles semblent être communs. Ceci est également valable pour la formation continue dans le domaine des langues étrangères.
Cette formation qui se développe en réseau vient jouer un rôle régulateur entre la validité de la certification à visée professionnelle et les besoins du marché du travail et notamment du marché local du travail. Ce rôle régulateur de la formation semble se réaliser par l'organisation des programmes de formation " à la carte" qui s'effectuent dans le cadre des conventions signées entre un centre de formation et une entreprise publique ou privée ou entre un salarié et son entreprise. Dans ce cadre de formation, laquelle, l'individualisation du processus de formation gagne de plus en plus de terrain s'effectue par la mise en place des pédagogies qui favorisent le travail autonome et l'accompagnement de la personne à son processus d'autoformation.

3. Le développement des certificats nationaux
Certains pays de l'UE (La France, la Finlande, l'Espagne et la Grèce)) même s'ils reconnaissent le système internationalisé de certification des langues et même s'ils y participent sont, toutefois, amenés à mettre en place des certificats nationaux en langues. Dans ce cadre, l'organisation des examens s'effectue sous la responsabilité de certains centres d'examens qui sont sous la tutelle des services du Ministère de l'éducation de chaque pays. Bien que, dans le contexte socioculturel actuel, la validité de la certification pèse lourd, néanmoins elle ne constitue pas le facteur déterminant de la valeur de la certification. On pourrait même dire que c'est la certification des compétences déterminées par le monde du travail qui déterminera la validité du certificat délivré et qui garantira la valeur de la certification.
En effet, tant les systèmes de formation que les systèmes de certification, dans le contexte actuel, ne peuvent pas ne pas tenir compte des besoins du marché de travail mondial. Néanmoins, ces besoins du marché du travail ne coïncident pas toujours avec les besoins du marché local du travail. Notre analyse a montré que l'institution des certificats nationaux dans ces quatre pays de l'UE constitue une réponse de la politique de la formation aux besoins du marché local du travail. Par conséquent, le certificat national en langues étrangères semble certifier des compétences linguistiques qui sont liées au recrutement et à l'évolution du poste de travail. Dans ce sens, on peut dire que celui qui possède un certificat national possède un certificat "à la carte" qui est en plus soutenu par l'instance qui le délivre.
En terminant, on pourrait signaler que le développement du marché unique européen a renforcé l'enseignement des langues étrangères qui sont le plus parlées dans les pays de l'UE en améliorant la qualité de cet enseignement. Cependant, selon les directives de la Commission le développement des compétences linguistiques doit être lié avec le développement de l'échange économique, le renforcement de la cohésion sociale et l'élargissement de la culture. Par conséquent, la certification en langues étrangères devient un facteur régulateur du système éducatif des pays de l'UE par rapport aux enjeux économiques, sociaux et culturels. Cependant, une question reste ouverte, à savoir si la certification arriverait à trouver finalement les modes de régulation qui lui permettraient d'assurer un développement équitable entre l'économie, la société et la culture et si finalement le rapport des langues étrangères avec le développement des attitudes du citoyen européen du futur ne serait pas simplement associé à un idéal c'est-à-dire à une intention qui n'a pas d'ancrage dans la réalité.

Bibliographie indicative

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DUTERCQ Y, " Administration de l'éducation : nouveau contexte, nouvelles perspectives " in Revue Francaise de Pédagogie, no 130, janvier-février-mars 2000, 143-170p.
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HIRSCHHORN M, Entre rigueur et laxisme. La certification additionniste in
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