La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs d'action et d'évaluation : des problèmes de gouvernance ?


Titre : LE PROJET EDUCATIF LOCAL : L'IMPULSION D'UNE DYNAMIQUE EDUCATIVE LOCALE FEDERATIVE PAR L'IDENTIFICATION DES BESOINS DE JEUNES DE 12-15 ANS DANS UNE COMMUNAUTE DE COMMUNES DE HAUTE-GARONNE
Auteurs : Virginie DAYDE, Doctorante en Sciences de l'Education, de la Formation et de l'Insertion (CREFI-Cosefd) / Michel FOURNET, Maître de Conférence en Sciences de l'Education, de la Formation

Texte :
I/ DEL, PEL, CEL : UNE SUITE LOGIQUE ? (DEL : Développement Educatif Local. PEL : Projet Educatif Local. CEL : Contrat Educatif Local)
Le Développement Educatif Local : une définition en construction.
Pour CHAMBON et ROUANET-DELLENBACH, le développement éducatif local est inscrit dans la dynamique de développement d'un territoire construit. L'éducation, entendue dans son sens large, n'est qu'un volet du développement local.
" Il apparaît […] qu'existe à côté du premier niveau de mise en cohérence des acteurs éducatifs sur un territoire urbain, un second niveau de cohérence, de type géographique dont l'extension est définie par les facteurs propres à la politique de développement existante sur ce territoire. Le niveau de cohérence implique une aire d'effet qui sera plus ou moins vaste suivant les contraintes, qui ressortent donc du géo-politique. ". Ils placent la dynamique de développement éducatif local dans un contexte urbain. Or, les travaux de notre équipe de recherche mettent en exergue la mise en œuvre de certaines formes de Développement Educatif Local dans les milieux péri-urbains et ruraux, comme le montre ici notre contribution.
Ces auteurs poursuivent ainsi leur définition : " Cette aire de mise en cohérence, sous-jacente au processus permanent et nécessaire d'homogénéisation / différenciation représente la scène sur laquelle se jouent les diverses significations du développement général et constitue l'espace du Développement Educatif Local. Cet espace intègre la nouvelle dialectique du national et du local, et semble exprimer une redistribution de l'ensemble des rapports de force -manifeste mais non encore institutionnalisée - qui peut cependant déjà se traduire dans l'expression de pouvoir local ".
Si nous tentons de développer avec précision la définition de ces auteurs, nous pouvons nous attarder sur la notion d'institutionnalisation de la redistribution des rapports de force et, par là, de la redistribution des fonctions éducatives. En effet, si l'on observe de façon globale le développement éducatif de certains territoires, il est difficile de cerner les tensions explicites en jeu entre le national et le local. Par contre, si l'on étudie les émergences pratiques, les traductions en actes et en dispositifs du développement éducatif local, alors il sera plus aisé de repérer les antagonismes et interrelations entre ces deux parties du paysage éducatif. Sur la base d'une modélisation du Développement Educatif Local, et plus particulièrement autour de la nécessité de formalisation concertée d'un Projet Educatif Local, nous posons le postulat que le Développement Educatif Local peut revêtir différentes configurations de processus et de dispositifs d'action contextualisés. L'analyse de certaines expressions concrètes du Développement Educatif Local, fédérées autour d'indispensables Projets Educatifs Locaux, permet de soulever avec précision les tensions, oppositions et convergences d'objectifs, de méthodes et d'actions en lutte dans l'espace territorialisé de nouvelles formes éducatives. Dans cet espace local de développement éducatif, les confrontations posées entre global et local sont exacerbées ; elles favorisent la lecture et l'analyse des enjeux tant politiques qu'axiologiques, tant sociaux qu'éducatifs, tant pratiques que symboliques.
Mais les processus du Développement Educatif Local sont complexes et ne peuvent être étudiés sous le seul angle de l'opposition " manichéenne " entre l'Etat et le pouvoir local. Nous ne pouvons éluder la fonction centrale de l'éducation dans un pouvoir politique, comme nous ne pouvons pas non plus faire abstraction du public directement visé, que constituent les enfants, les jeunes et leurs familles.
Aussi, notre contribution s'attache à mettre en exergue, sous l'éclairage d'une situation particulière, la confrontation entre les enjeux de pouvoir (pouvoir local, pouvoir de l'Etat, pouvoir de certains corps professionnels...) et les dimensions axiologiques de l'éducation élargie, les tensions entre les demandes locales et les dispositifs d'actions en réponse, les contradictions au sein de chacun des groupes de la communauté éducative locale. Nous prendrons appui sur l'analyse de certains éléments d'un diagnostic-conseil effectué par notre équipe en 2001 auprès d'une communauté de commune de Haute-Garonne dans le cadre du développement de son Contrat Educatif Local.
Après une synthèse des points théoriques essentiels à notre démonstration, nous présenterons rapidement le contexte de l'intervention de diagnostic et la méthodologie de l'enquête ici exploitée. Nous développerons certains points significatifs de la dynamique fédérative en jeu. Puis, surtout, nous soulèverons les " problèmes de gouvernance " liés au Développement Educatif Local.
L'objet de notre recherche est d'étudier le Développement Educatif Local comme processus et résultat d'une interstructuration entre l'Etat et les territoires, entre le système scolaire et le pouvoir local, entre les acteurs institutionnalisés et les acteurs locaux, entre les décideurs et ceux qu'ils représentent. Le Développement Educatif Local, contextualisé, est organisé selon des systèmes de valeurs, de visées, de pratiques hétérogènes et mouvants. Nous tentons de démontrer que le Développement Educatif Local est une dynamique fédérative qui amène à la fois le développement d'un territoire, le développement des individus, l'élargissement des fonctions et des valeurs éducatives, et surtout qui favorise la structuration d'éléments dispersés en une communauté éducative élargie. Par là, et c'est ce qui nous préoccupe ici, le Développement Educatif Local pose, dans ses multiples configurations, les problèmes de gouvernance locale politique et éducative.
Le Développement Educatif Local n'est pas une visée en soi. Il n'est pas non plus un moyen. Il reste une dynamique, sous-tendant des décisions et des actions qui devront prendre naissance dans des formes variables de pratiques locales. Le critère fondamental, l'élément essentiel du Développement Educatif Local, ce qui lui donne toute sa dimension de réalité concrète est le Projet Educatif Local
Du Développement Educatif Local au Projet Educatif Local : La traduction concertée d'un objectif éducatif commun repensé.
Le Projet Educatif Local, est le projet formalisé d'un territoire en matière d'éducation. Il est donc fortement territorialisé. Il est aussi fortement structurant , même s'il demeure souple et évolutif dans le temps.
Nous venons de voir que les dispositifs éducatifs locaux, hétérogènes, ne peuvent être considérés comme des éléments du Développement Educatif Local que si les structures et les acteurs éducatifs qui les portent forment une communauté éducative locale élargie et s'ils agissent en concertation sur un territoire déterminé. Le Projet Educatif Local s'organise et prend forme dans le cadre d'une structure souhaitant le mettre en œuvre. Comme tout projet, il vise le changement et il est moteur de ce changement. En mêlant l'ensemble des éléments agissant sur un territoire (institutions, structures, acteurs, décideurs, usagers...) par la consultation, la construction de partenariats, la mobilisation de réseaux et la fédération d'éléments à la fois complémentaires et contradictoires, le Projet Educatif Local a pour fonctions la clarification des éléments divergents, et leur traduction / rationalisation en objectifs communs. Le Projet Educatif Local est donc un objet global inscrit dans la durée, mais un objet complexe, instable, fortement contextualisé et contextualisant, en totalité imbriqué dans un territoire éducatif en construction.
Le Projet Educatif Local doit donc intégrer à la fois les demandes sociales et institutionnelles (consultation de tous les acteurs concernés) et à la fois les spécificités des ressources et des contraintes du territoire éducatif visé. Le Projet Educatif Local est la traduction concrète du Développement Educatif Local. Il permet la valorisation d'un territoire et la valorisation de processus éducatifs locaux par la concertation de l'ensemble des membres de la communauté éducative d'un territoire.
Jusque là réduits à des fonctions éducatives pré-définies, dispersés, hétérogènes dans leurs organisations, leurs méthodes et leurs objectifs, chaque acteur, chaque structure d'un territoire, ayant trait à l'éducation et au temps libre des enfants et des jeunes, se retrouve à la table des négociations. Il s'agit de déterminer un projet commun, au déficit pour certains d'une multitude de projets personnalisés mais au profit d'une cohérence éducative sur un territoire construit. Le Projet Educatif Local est un processus fédérateur d'idées et de pratiques, de volontés et de valeurs parfois contradictoires, visant l'Education. Mais l'Education repensée, territorialisée, aux fonctions, objectifs, partenariats et réseaux déployés, loin de l'hégémonie d'un groupe sur un autre. Le Projet Educatif Local a alors une fonction formative car il nécessite la formalisation en un langage commun et la traduction d'objectifs en un projet unique. Il façonne ce qui était hétérogène pour construire un dispositif homogène et recentre les compétences et ressources nécessaires pour atteindre l'objectif éducatif du territoire. Il permet la rationalisation, l'autonomisation et la pérennisation des pratiques éducatives. En somme, le Projet Educatif Local serait le garant du développement durable d'un Système Educatif Local productif et en plein mouvement.

Du Projet Educatif Local au Contrat Educatif Local : l'opérationnalisation d'une dynamique fédérative.
Cette logique formative et fédératrice se retrouve dans l'une des configurations du Projet Educatif Local, le Contrat Educatif Local (CEL). Le CEL, dispositif gouvernemental interministériel, est l'un des modes opératoires possibles pour la traduction en acte d'un Projet Educatif Local. Il est un des outils mobilisés pour l'aménagement concerté du temps de l'enfant et du jeune. Le Contrat Educatif Local vise donc le temps scolaire (qui ne représente qu'environ 10% du temps de l'enfant), le temps péri-scolaire et le temps extra-scolaire. La contractualisation formelle entre la commune et l'Etat et la mise en œuvre d'un CEL sur un territoire, se fondent sur un projet éducatif validé par la communauté éducative locale. Avant la signature du Contrat Educatif Local, et dans le but de définir et de valider un PEL commun, il est nécessaire d'établir un bilan des ressources éducatives existantes et de déterminer les besoins éducatifs du territoire. Un dispositif de diagnostic-conseil doit alors être mis en œuvre. Il devient à son tour un outil de fédération et de socialisation des processus éducatifs locaux.
Pour nous résumer, disons que le Développement Educatif Local est une partie intégrante du développement d'un territoire. Le Projet Educatif Local est l'explicitation formelle des finalités, des enjeux, des demandes et des propositions locales en matière d'éducation et d'activités de loisirs des enfants et des jeunes présents sur ce territoire. Le Contrat Educatif Local est l'un des instruments de l'opérationnalisation du Projet Educatif Local. La communauté éducative locale est étendue aux différents acteurs et structures du territoire pour agir de façon cohérente et innovante par des dispositifs éducatifs contextualisés et contextualisants.


II/ METHODOLOGIE DE LA PRATIQUE DE DIAGNOSTIC-CONSEIL ET EXPOSE DE LA COMMANDE
LE Diagnostic-Conseil :

Notre équipe est traditionnellement inscrite dans une double démarche : le développement de la recherche en Sciences de l'Education, de la Formation et de l'Insertion, et le développement d' interventions distanciées " sur le terrain ". Ces interventions permettent aux chercheurs de rester ancrés dans les phénomènes éducatifs et politiques en œuvre et elles enrichissent la recherche. Nos travaux portent sur le rapport qu'il peut y avoir entre les modèles éducatifs institutionnels et les actions éducatives en périphérie.
Depuis l'initiation des Contrats Educatifs Locaux, notre équipe de recherche a été sollicitée à plusieurs reprises pour intervenir sur la phase du diagnostic. Le diagnostic-conseil établit l'état des lieux des pratiques et ressources existantes en matière d'éducation et d'activités de loisirs sur un territoire déterminé, il met l'accent sur les freins au développement de pratiques éducatives concertées et pertinentes et, enfin, il détermine des solutions envisageables pour faire évoluer les situations en fonction des demandes sociales, des ressources, et des contraintes locales. Le diagnostic est un élément indispensable à la signature des Contrats Educatifs Locaux, car il doit permettre la construction et la réalisation d'un Projet Educatif Local, par l'analyse " objective " du territoire éducatif selon un rapport entre les besoins et la réalité locale.

Une commande de Diagnostic-Conseil :
Une communauté de cinq communes du nord de la Haute-Garonne a fait appel en 2001 à notre équipe pour réaliser le diagnostic préalable au développement de son Contrat Educatif Local. La commande consistait à produire un état des lieux complet des structures et des aménagements pour les loisirs des enfants et des jeunes de ces cinq communes péri-urbaines. De repérer de façon claire les modalités des pratiques de loisirs de ce public jeune. Les activités péri et extra-scolaires et la tranche d'âge des 12-15 ans étaient plus particulièrement visées : Il s'agissait de faire émerger les demandes des jeunes en matière de sport et de loisir durant le temps non scolaire. La tranche d'âge des 12-15 ans est la cible particulière des Contrats Educatifs Locaux, car il est plus difficile de cerner les pratiques des adolescents, leurs migrations entre territoires et leurs demandes réelles. Cette étude relevait d'un contexte spécifique : en zone péri-urbaine (ou rurbaine), les adolescents des cinq communes commanditaires sont répartis sur deux collèges dans deux communes différentes et dont aucune n'est contractuelle du CEL. Les élus et responsables associatifs locaux ayant des difficultés à répondre à une simple question : " que font les adolescents de notre territoire ? ".
Tentant de construire un territoire éducatif intercommunal, tout en étant incapable de construire une véritable politique intercommunale, les décideurs locaux ont choisi le Développement Educatif Local comme moteur de changement et comme instrument fédérateur et formateur d'une logique territoriale construite. Les problèmes de gouvernance locale se sont exprimés dans ce cas à travers cette polarisation sur les pratiques adolescentes de loisirs.
Plusieurs dispositifs empiriques ont été mis en place pour établir le bilan des pratiques éducatives et de loisirs et pour consulter le plus grand nombre de personnes concernées. Une enquête par document a été menée auprès des communes adhérentes au projet CEL, elle a établit l'inventaire de tous les équipements et aménagements communaux ou intercommunaux du territoire et a permis d'identifier l'ensemble des jeunes concernés par le dispositif CEL et leur répartition. Une enquête par document menée auprès des structures engagées dans l'animation et l'éducation des publics âgés de 12 à 15 ans ; 30 clubs et associations, 3 écoles primaires et 2 Collèges ont été pris en compte. Cette deuxième enquête concernait l'inventaire quantitatif des activités périscolaires et extrascolaires, et elle a permis d'aborder avec les acteurs éducatifs locaux leurs propositions d'actions à venir, leurs projets éducatifs. Enfin, une enquête par questionnaire a été mise en place auprès des 273 collégiens domiciliés sur les cinq communes commanditaires du diagnostic.
Les résultats, dont seulement quelques éléments transversaux sont développés plus bas, ont confirmé les tensions en œuvre sur ce territoire éducatif, retraduites dans les pratiques et les discours des jeunes.


III/ LES PRATIQUES DES " ADOS " OU LES PARADOXES D'UN TERRITOIRE PERI URBAIN
Les données issues de notre enquête auprès des 273 jeunes de 12 à 15 ans sont l'expression de pratiques, de demandes et de systèmes de valeurs parfois paradoxaux, mais révélateurs des processus politiques locaux. Tout l'intérêt politique, et scientifique, de cette commande, porte sur le fait que les décideurs locaux ont choisi d'être évalués par les usagers directement concernés par les décisions en matière d'activités de loisirs. Ce choix de la consultation directe qui peut être périlleux (et nous avons pu d'ailleurs constater que les critiques étaient fortes), est clairement représentatif de la volonté du pouvoir local d'entendre les demandes réelles, et de progresser. Il s'agissait à la fois d'être au plus proche des administrés, et à la fois d'engendrer l'appropriation sociale d'un Projet Educatif Local, qui lui même favorisait l'appropriation sociale d'un projet politique intercommunal.

Les activités de loisirs polarisées sur l'une des cinq communes et la fuite vers le territoire urbain
L'une des cinq communes commanditaires du diagnostic est le lieu de résidence de plus de 34 % des jeunes enquêtés, soit un tiers d'entre eux. Ce qui n'a rien d'étonnant au vu de la répartition de la population globale du territoire. Cependant il ressort que cette commune regroupe plus de la moitié des clubs et associations offrant des activités aux 12-15 ans, qu'elle propose plus de la moitié des activités déclarées et abrite plus du tiers des équipements recensés.
Les préoccupations des adolescents interrogés, quelles que soient leurs communes de résidence, sont principalement en lien avec leurs pratiques d'activités sportives ou de plein air, et peu dirigées vers les activités culturelles et artistiques (lecture, théâtre, visite de musées, spectacles...). Cette constatation permet davantage d'établir le profil-type des activités préférées de jeunes péri-urbains que de mettre en avant des spécificités communales. Au delà de leurs demandes liées aux pratiques sportives (rapprochement des structures et des équipements, facilité d'accès, sécurité, variété...), les jeunes de 12-15 ans se répartissent entre les demandes des plus âgés : créer et aménager des lieux de rencontre et de regroupement (favorisant la sociabilité et le divertissement) et les demandes des plus jeunes : de nouvelles activités et de nouveaux aménagements sportifs(les plus jeunes). Ces jeunes forment finalement ou groupe homogène.
Cependant, sur la totalité du territoire, l'offre globale d'activités reste éparpillée, disparate et déséquilibrée, et rarement spécifique aux 12-15 ans. L'ensemble de ces éléments peut expliquer alors la " fuite " des jeunes vers des activités, notamment culturelles, au delà du territoire proche vers le territoire toulousain (Toulouse et les villes importantes comme Blagnac ou Colomiers).

L'ancrage symbolique à la commune ou la remise en cause d'un territoire éducatif élargi
La commune de résidence est un facteur de différenciation fort chez les jeunes péri-urbains consultés. Nous avons relevé une relation significative entre la nouvelle activité qu'ils aimeraient voir organisée et leur commune de résidence.
Par ailleurs, il a été demandé aux jeunes interrogés d'évaluer les structures, les aménagements, les lieux, les horaires, l'encadrement...de leurs activités de loisirs. Nous les avons consulté sur les activités qu'il faudrait, selon eux, réorganiser. En effectuant un croisement entre les lieux de l'activité à réorganiser et la commune de résidence, nous constatons que les jeunes sont principalement centrés vers les activités sportives ou culturelles proposées dans leur commune (Selon les communes mentionnées, ce sont entre 75% et 100% des jeunes résidents).
Enfin, pour les jeunes qui pratique un sport ou une activité culturelle hors de la zone des cinq communes, la première réorganisation proposée porte sur le rapprochement de l'activité (et des aménagements) vers leur commune de résidence : " Ca devrait être près de chez moi ", " Ca devrait avoir lieu dans ma commune ", " il faudrait un bus de ramassage ", etc.
Nous voyons bien ici la centralisation des jeunes sur leur commune de résidence. Même s'ils " s'expatrient " vers des communes proches ou vers des villes plus importantes, leur souci majeur est de pratiquer l'activité de leur choix près de leur domicile. Bien que de nombreux jeunes consultés n'habitent dans leur commune que depuis moins de 5 ans, ils montrent cependant un véritable attachement à la collectivité locale dans laquelle ils résident et, à un degré moindre, à leur territoire. Cet ancrage identitaire se traduit dans leurs réponses de deux manières différentes : la commune d'habitation est d'abord définie comme le lieu de prédilection des activités sportives et culturelles, comme nous venons de le voir ; et les communes voisines sont quelquefois considérées comme des " rivales " potentielles de la commune de résidence. (" Il y a des installations sportives mais tout est mort car les jeunes des autres villages ont tout détérioré ")
Par ailleurs, les jeunes de certaines des cinq communes émettent de vives critiques : " A X il n'y a rien (commune de résidence) alors qu'à Y c'est bien, car il y a du matériel et s'est bien entretenu", " Dans ma commune ils se moquent des jeunes ", " Là où j'habite c'est nul car il n'y a rien à faire "....
Nous avons pu constater que certains jeunes proposaient la mise en place de nouvelles activités dans leur commune, nécessitant des aménagements lourds, alors que ces activités étaient déjà proposées dans le village voisin (5 KM) ! Il ne s'agit pas nécessairement d'une concurrence avec la commune voisine ici, mais davantage le fait que les jeunes n'avaient pas toujours la connaissance des ressources intercommunales à leur disposition. Prenons l'exemple de la piscine, intercommunale mais située sur la plus importante commune de ce territoire, la piscine est très peu voire pas du tout mobilisée par les jeunes des autres communes pouvant pourtant y avoir accès. " On a le droit d'y aller ? ".

Le problème majeur de gouvernance qui se pose ici, est avant tout l'ancrage des jeunes, et des décideurs, à des petites communes rurales, qui par leur opposition aux autres communes ne mobilisent pas l'ensemble des ressources du groupement intercommunal. Ce problème de gouvernance est avant tout lié à un système de logique municipale et non territoriale.

Le CEL ou la construction à long terme d'un territoire autour d'un Projet Educatif Local
Nous avons souhaité mettre en exergue dans cette contribution non pas des données empiriques, mais plutôt souligner par quelques exemples l'importance de la logique politique dans les décisions prises en matière de Développement Educatif Local. Le dispositif national du Contrat Educatif Local a favorisé pour ces cinq communes leur regroupement à long terme autour d'un projet commun. Et si ce groupement est davantage une cohabitation obligée pour l'obtention de moyens financiers et matériels, et non un processus de valorisation axiologique et symbolique d'un territoire, il n'en reste pas moins que les différentes actions fédératives mises en œuvre pour le développement du CEL (ne serait-ce que par la mise en place de Comités de pilotage intercommunaux, ou par la consultation de tous les jeunes des cinq communes) ont largement contribuées au lancement d'une dynamique fédérative territoriale.
Le Projet Educatif Local, s'établissant de fait en regard des dysfonctionnements et déséquilibres constatés, devenant alors la visée et l'instrument du Développement Educatif Local, un moyen d'action réfléchie, concertée et innovante.


IV/ DEL, PEL, CEL : UNE QUESTION DE GOUVERNANCE LOCALE

Au-delà de l'approche conceptuelle du Projet Educatif Local mis en œuvre par le Contrat Educatif Local.
Au-delà des fonctions éducatives, formatives et fédératives d'un territoire construit et d'acteurs éducatifs locaux dans le développement d'un Projet Educatif Local.
Nous avons souhaité mettre en avant le poids des décisions politiques locales avant même la phase de diagnostic. Le développement du Projet Educatif Local (acteurs, partenariats, objectifs éducatifs, objectifs politiques, opérationnalisation, évaluation) et ce qu'il véhicule comme système de valeurs, s'enclenche dès les négociations qui détermineront les modalités de la consultation. Il s'agit de choisir entre d'une part la consultation du public concerné par le projet éducatif et les actions éducatives locales ; d'autre part la consultation des acteurs éducatifs locaux et responsables institutionnels ; ou encore (et il semble que ce serait le choix le plus pertinent) la consultation du public et des partenaires institutionnels.
Par là, nous pouvons nous interroger sur le poids du cabinet extérieur dans ces négociations. Ne lance t'il pas à son tour une dynamique fédérative et formative ?
Quel est le poids des nécessités financières des communes, de leur confrontation à la volonté politique globale, face aux nécessités éducatives locales exprimées par les usagers et les acteurs éducatifs de terrain ?
Peut-être pourrions-nous nous interroger sur les enjeux et visées politiques implicites de certains dispositifs nationaux dans l'apparente autonomisation des pratiques éducatives locales ?
Les " rapports de force " entre national et local dont nous parlions plus haut, pouvant remettre en cause l'hégémonie de l'Etat en matière d'éducation des enfants et des jeunes français, sont depuis peu institutionnalisés, notamment par la mise en œuvre des Contrats Educatifs Locaux.
Le Projet Educatif Local est un " levier " pour le changement local. Ne serait-il pas aussi un " levier " pour le changement global, un outil de " management " socio-politique qui innoverait en transférant les rôles et fonctions de chacun à " bas bruit " ?


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