I/ DEL, PEL, CEL : UNE SUITE LOGIQUE ? (DEL : Développement Educatif
Local. PEL : Projet Educatif Local. CEL : Contrat Educatif Local)
Le Développement Educatif Local : une définition en construction.
Pour CHAMBON et ROUANET-DELLENBACH, le développement éducatif local
est inscrit dans la dynamique de développement d'un territoire construit.
L'éducation, entendue dans son sens large, n'est qu'un volet du développement
local.
" Il apparaît [
] qu'existe à côté du premier
niveau de mise en cohérence des acteurs éducatifs sur un territoire
urbain, un second niveau de cohérence, de type géographique dont
l'extension est définie par les facteurs propres à la politique
de développement existante sur ce territoire. Le niveau de cohérence
implique une aire d'effet qui sera plus ou moins vaste suivant les contraintes,
qui ressortent donc du géo-politique. ". Ils placent la dynamique
de développement éducatif local dans un contexte urbain. Or, les
travaux de notre équipe de recherche mettent en exergue la mise en uvre
de certaines formes de Développement Educatif Local dans les milieux péri-urbains
et ruraux, comme le montre ici notre contribution.
Ces auteurs poursuivent ainsi leur définition : " Cette aire de mise
en cohérence, sous-jacente au processus permanent et nécessaire
d'homogénéisation / différenciation représente la
scène sur laquelle se jouent les diverses significations du développement
général et constitue l'espace du Développement Educatif Local.
Cet espace intègre la nouvelle dialectique du national et du local, et
semble exprimer une redistribution de l'ensemble des rapports de force -manifeste
mais non encore institutionnalisée - qui peut cependant déjà
se traduire dans l'expression de pouvoir local ".
Si nous tentons de développer avec précision la définition
de ces auteurs, nous pouvons nous attarder sur la notion d'institutionnalisation
de la redistribution des rapports de force et, par là, de la redistribution
des fonctions éducatives. En effet, si l'on observe de façon globale
le développement éducatif de certains territoires, il est difficile
de cerner les tensions explicites en jeu entre le national et le local. Par contre,
si l'on étudie les émergences pratiques, les traductions en actes
et en dispositifs du développement éducatif local, alors il sera
plus aisé de repérer les antagonismes et interrelations entre ces
deux parties du paysage éducatif. Sur la base d'une modélisation
du Développement Educatif Local, et plus particulièrement autour
de la nécessité de formalisation concertée d'un Projet Educatif
Local, nous posons le postulat que le Développement Educatif Local peut
revêtir différentes configurations de processus et de dispositifs
d'action contextualisés. L'analyse de certaines expressions concrètes
du Développement Educatif Local, fédérées autour d'indispensables
Projets Educatifs Locaux, permet de soulever avec précision les tensions,
oppositions et convergences d'objectifs, de méthodes et d'actions en lutte
dans l'espace territorialisé de nouvelles formes éducatives. Dans
cet espace local de développement éducatif, les confrontations posées
entre global et local sont exacerbées ; elles favorisent la lecture et
l'analyse des enjeux tant politiques qu'axiologiques, tant sociaux qu'éducatifs,
tant pratiques que symboliques.
Mais les processus du Développement Educatif Local sont complexes et ne
peuvent être étudiés sous le seul angle de l'opposition "
manichéenne " entre l'Etat et le pouvoir local. Nous ne pouvons éluder
la fonction centrale de l'éducation dans un pouvoir politique, comme nous
ne pouvons pas non plus faire abstraction du public directement visé, que
constituent les enfants, les jeunes et leurs familles.
Aussi, notre contribution s'attache à mettre en exergue, sous l'éclairage
d'une situation particulière, la confrontation entre les enjeux de pouvoir
(pouvoir local, pouvoir de l'Etat, pouvoir de certains corps professionnels...)
et les dimensions axiologiques de l'éducation élargie, les tensions
entre les demandes locales et les dispositifs d'actions en réponse, les
contradictions au sein de chacun des groupes de la communauté éducative
locale. Nous prendrons appui sur l'analyse de certains éléments
d'un diagnostic-conseil effectué par notre équipe en 2001 auprès
d'une communauté de commune de Haute-Garonne dans le cadre du développement
de son Contrat Educatif Local.
Après une synthèse des points théoriques essentiels à
notre démonstration, nous présenterons rapidement le contexte de
l'intervention de diagnostic et la méthodologie de l'enquête ici
exploitée. Nous développerons certains points significatifs de la
dynamique fédérative en jeu. Puis, surtout, nous soulèverons
les " problèmes de gouvernance " liés au Développement
Educatif Local.
L'objet de notre recherche est d'étudier le Développement Educatif
Local comme processus et résultat d'une interstructuration entre l'Etat
et les territoires, entre le système scolaire et le pouvoir local, entre
les acteurs institutionnalisés et les acteurs locaux, entre les décideurs
et ceux qu'ils représentent. Le Développement Educatif Local, contextualisé,
est organisé selon des systèmes de valeurs, de visées, de
pratiques hétérogènes et mouvants. Nous tentons de démontrer
que le Développement Educatif Local est une dynamique fédérative
qui amène à la fois le développement d'un territoire, le
développement des individus, l'élargissement des fonctions et des
valeurs éducatives, et surtout qui favorise la structuration d'éléments
dispersés en une communauté éducative élargie. Par
là, et c'est ce qui nous préoccupe ici, le Développement
Educatif Local pose, dans ses multiples configurations, les problèmes de
gouvernance locale politique et éducative.
Le Développement Educatif Local n'est pas une visée en soi. Il n'est
pas non plus un moyen. Il reste une dynamique, sous-tendant des décisions
et des actions qui devront prendre naissance dans des formes variables de pratiques
locales. Le critère fondamental, l'élément essentiel du Développement
Educatif Local, ce qui lui donne toute sa dimension de réalité concrète
est le Projet Educatif Local
Du Développement Educatif Local au Projet Educatif Local : La traduction
concertée d'un objectif éducatif commun repensé.
Le Projet Educatif Local, est le projet formalisé d'un territoire en matière
d'éducation. Il est donc fortement territorialisé. Il est aussi
fortement structurant , même s'il demeure souple et évolutif dans
le temps.
Nous venons de voir que les dispositifs éducatifs locaux, hétérogènes,
ne peuvent être considérés comme des éléments
du Développement Educatif Local que si les structures et les acteurs éducatifs
qui les portent forment une communauté éducative locale élargie
et s'ils agissent en concertation sur un territoire déterminé. Le
Projet Educatif Local s'organise et prend forme dans le cadre d'une structure
souhaitant le mettre en uvre. Comme tout projet, il vise le changement et
il est moteur de ce changement. En mêlant l'ensemble des éléments
agissant sur un territoire (institutions, structures, acteurs, décideurs,
usagers...) par la consultation, la construction de partenariats, la mobilisation
de réseaux et la fédération d'éléments à
la fois complémentaires et contradictoires, le Projet Educatif Local a
pour fonctions la clarification des éléments divergents, et leur
traduction / rationalisation en objectifs communs. Le Projet Educatif Local est
donc un objet global inscrit dans la durée, mais un objet complexe, instable,
fortement contextualisé et contextualisant, en totalité imbriqué
dans un territoire éducatif en construction.
Le Projet Educatif Local doit donc intégrer à la fois les demandes
sociales et institutionnelles (consultation de tous les acteurs concernés)
et à la fois les spécificités des ressources et des contraintes
du territoire éducatif visé. Le Projet Educatif Local est la traduction
concrète du Développement Educatif Local. Il permet la valorisation
d'un territoire et la valorisation de processus éducatifs locaux par la
concertation de l'ensemble des membres de la communauté éducative
d'un territoire.
Jusque là réduits à des fonctions éducatives pré-définies,
dispersés, hétérogènes dans leurs organisations, leurs
méthodes et leurs objectifs, chaque acteur, chaque structure d'un territoire,
ayant trait à l'éducation et au temps libre des enfants et des jeunes,
se retrouve à la table des négociations. Il s'agit de déterminer
un projet commun, au déficit pour certains d'une multitude de projets personnalisés
mais au profit d'une cohérence éducative sur un territoire construit.
Le Projet Educatif Local est un processus fédérateur d'idées
et de pratiques, de volontés et de valeurs parfois contradictoires, visant
l'Education. Mais l'Education repensée, territorialisée, aux fonctions,
objectifs, partenariats et réseaux déployés, loin de l'hégémonie
d'un groupe sur un autre. Le Projet Educatif Local a alors une fonction formative
car il nécessite la formalisation en un langage commun et la traduction
d'objectifs en un projet unique. Il façonne ce qui était hétérogène
pour construire un dispositif homogène et recentre les compétences
et ressources nécessaires pour atteindre l'objectif éducatif du
territoire. Il permet la rationalisation, l'autonomisation et la pérennisation
des pratiques éducatives. En somme, le Projet Educatif Local serait le
garant du développement durable d'un Système Educatif Local productif
et en plein mouvement.
Du Projet Educatif Local au Contrat Educatif Local : l'opérationnalisation
d'une dynamique fédérative.
Cette logique formative et fédératrice se retrouve dans l'une
des configurations du Projet Educatif Local, le Contrat Educatif Local (CEL).
Le CEL, dispositif gouvernemental interministériel, est l'un des modes
opératoires possibles pour la traduction en acte d'un Projet Educatif
Local. Il est un des outils mobilisés pour l'aménagement concerté
du temps de l'enfant et du jeune. Le Contrat Educatif Local vise donc le temps
scolaire (qui ne représente qu'environ 10% du temps de l'enfant), le
temps péri-scolaire et le temps extra-scolaire. La contractualisation
formelle entre la commune et l'Etat et la mise en uvre d'un CEL sur un
territoire, se fondent sur un projet éducatif validé par la communauté
éducative locale. Avant la signature du Contrat Educatif Local, et dans
le but de définir et de valider un PEL commun, il est nécessaire
d'établir un bilan des ressources éducatives existantes et de
déterminer les besoins éducatifs du territoire. Un dispositif
de diagnostic-conseil doit alors être mis en uvre. Il devient à
son tour un outil de fédération et de socialisation des processus
éducatifs locaux.
Pour nous résumer, disons que le Développement Educatif Local
est une partie intégrante du développement d'un territoire. Le
Projet Educatif Local est l'explicitation formelle des finalités, des
enjeux, des demandes et des propositions locales en matière d'éducation
et d'activités de loisirs des enfants et des jeunes présents sur
ce territoire. Le Contrat Educatif Local est l'un des instruments de l'opérationnalisation
du Projet Educatif Local. La communauté éducative locale est étendue
aux différents acteurs et structures du territoire pour agir de façon
cohérente et innovante par des dispositifs éducatifs contextualisés
et contextualisants.
II/ METHODOLOGIE DE LA PRATIQUE DE DIAGNOSTIC-CONSEIL ET EXPOSE DE LA COMMANDE
LE Diagnostic-Conseil :
Notre équipe est traditionnellement inscrite dans une double démarche
: le développement de la recherche en Sciences de l'Education, de la
Formation et de l'Insertion, et le développement d' interventions distanciées
" sur le terrain ". Ces interventions permettent aux chercheurs de
rester ancrés dans les phénomènes éducatifs et politiques
en uvre et elles enrichissent la recherche. Nos travaux portent sur le
rapport qu'il peut y avoir entre les modèles éducatifs institutionnels
et les actions éducatives en périphérie.
Depuis l'initiation des Contrats Educatifs Locaux, notre équipe de recherche
a été sollicitée à plusieurs reprises pour intervenir
sur la phase du diagnostic. Le diagnostic-conseil établit l'état
des lieux des pratiques et ressources existantes en matière d'éducation
et d'activités de loisirs sur un territoire déterminé,
il met l'accent sur les freins au développement de pratiques éducatives
concertées et pertinentes et, enfin, il détermine des solutions
envisageables pour faire évoluer les situations en fonction des demandes
sociales, des ressources, et des contraintes locales. Le diagnostic est un élément
indispensable à la signature des Contrats Educatifs Locaux, car il doit
permettre la construction et la réalisation d'un Projet Educatif Local,
par l'analyse " objective " du territoire éducatif selon un
rapport entre les besoins et la réalité locale.
Une commande de Diagnostic-Conseil :
Une communauté de cinq communes du nord de la Haute-Garonne a fait appel
en 2001 à notre équipe pour réaliser le diagnostic préalable
au développement de son Contrat Educatif Local. La commande consistait
à produire un état des lieux complet des structures et des aménagements
pour les loisirs des enfants et des jeunes de ces cinq communes péri-urbaines.
De repérer de façon claire les modalités des pratiques
de loisirs de ce public jeune. Les activités péri et extra-scolaires
et la tranche d'âge des 12-15 ans étaient plus particulièrement
visées : Il s'agissait de faire émerger les demandes des jeunes
en matière de sport et de loisir durant le temps non scolaire. La tranche
d'âge des 12-15 ans est la cible particulière des Contrats Educatifs
Locaux, car il est plus difficile de cerner les pratiques des adolescents, leurs
migrations entre territoires et leurs demandes réelles. Cette étude
relevait d'un contexte spécifique : en zone péri-urbaine (ou rurbaine),
les adolescents des cinq communes commanditaires sont répartis sur deux
collèges dans deux communes différentes et dont aucune n'est contractuelle
du CEL. Les élus et responsables associatifs locaux ayant des difficultés
à répondre à une simple question : " que font les
adolescents de notre territoire ? ".
Tentant de construire un territoire éducatif intercommunal, tout en étant
incapable de construire une véritable politique intercommunale, les décideurs
locaux ont choisi le Développement Educatif Local comme moteur de changement
et comme instrument fédérateur et formateur d'une logique territoriale
construite. Les problèmes de gouvernance locale se sont exprimés
dans ce cas à travers cette polarisation sur les pratiques adolescentes
de loisirs.
Plusieurs dispositifs empiriques ont été mis en place pour établir
le bilan des pratiques éducatives et de loisirs et pour consulter le
plus grand nombre de personnes concernées. Une enquête par document
a été menée auprès des communes adhérentes
au projet CEL, elle a établit l'inventaire de tous les équipements
et aménagements communaux ou intercommunaux du territoire et a permis
d'identifier l'ensemble des jeunes concernés par le dispositif CEL et
leur répartition. Une enquête par document menée auprès
des structures engagées dans l'animation et l'éducation des publics
âgés de 12 à 15 ans ; 30 clubs et associations, 3 écoles
primaires et 2 Collèges ont été pris en compte. Cette deuxième
enquête concernait l'inventaire quantitatif des activités périscolaires
et extrascolaires, et elle a permis d'aborder avec les acteurs éducatifs
locaux leurs propositions d'actions à venir, leurs projets éducatifs.
Enfin, une enquête par questionnaire a été mise en place
auprès des 273 collégiens domiciliés sur les cinq communes
commanditaires du diagnostic.
Les résultats, dont seulement quelques éléments transversaux
sont développés plus bas, ont confirmé les tensions en
uvre sur ce territoire éducatif, retraduites dans les pratiques
et les discours des jeunes.
III/ LES PRATIQUES DES " ADOS " OU LES PARADOXES D'UN TERRITOIRE
PERI URBAIN
Les données issues de notre enquête auprès des 273 jeunes
de 12 à 15 ans sont l'expression de pratiques, de demandes et de systèmes
de valeurs parfois paradoxaux, mais révélateurs des processus
politiques locaux. Tout l'intérêt politique, et scientifique, de
cette commande, porte sur le fait que les décideurs locaux ont choisi
d'être évalués par les usagers directement concernés
par les décisions en matière d'activités de loisirs. Ce
choix de la consultation directe qui peut être périlleux (et nous
avons pu d'ailleurs constater que les critiques étaient fortes), est
clairement représentatif de la volonté du pouvoir local d'entendre
les demandes réelles, et de progresser. Il s'agissait à la fois
d'être au plus proche des administrés, et à la fois d'engendrer
l'appropriation sociale d'un Projet Educatif Local, qui lui même favorisait
l'appropriation sociale d'un projet politique intercommunal.
Les activités de loisirs polarisées sur l'une des cinq communes
et la fuite vers le territoire urbain
L'une des cinq communes commanditaires du diagnostic est le lieu de résidence
de plus de 34 % des jeunes enquêtés, soit un tiers d'entre eux.
Ce qui n'a rien d'étonnant au vu de la répartition de la population
globale du territoire. Cependant il ressort que cette commune regroupe plus
de la moitié des clubs et associations offrant des activités aux
12-15 ans, qu'elle propose plus de la moitié des activités déclarées
et abrite plus du tiers des équipements recensés.
Les préoccupations des adolescents interrogés, quelles que soient
leurs communes de résidence, sont principalement en lien avec leurs pratiques
d'activités sportives ou de plein air, et peu dirigées vers les
activités culturelles et artistiques (lecture, théâtre,
visite de musées, spectacles...). Cette constatation permet davantage
d'établir le profil-type des activités préférées
de jeunes péri-urbains que de mettre en avant des spécificités
communales. Au delà de leurs demandes liées aux pratiques sportives
(rapprochement des structures et des équipements, facilité d'accès,
sécurité, variété...), les jeunes de 12-15 ans se
répartissent entre les demandes des plus âgés : créer
et aménager des lieux de rencontre et de regroupement (favorisant la
sociabilité et le divertissement) et les demandes des plus jeunes : de
nouvelles activités et de nouveaux aménagements sportifs(les plus
jeunes). Ces jeunes forment finalement ou groupe homogène.
Cependant, sur la totalité du territoire, l'offre globale d'activités
reste éparpillée, disparate et déséquilibrée,
et rarement spécifique aux 12-15 ans. L'ensemble de ces éléments
peut expliquer alors la " fuite " des jeunes vers des activités,
notamment culturelles, au delà du territoire proche vers le territoire
toulousain (Toulouse et les villes importantes comme Blagnac ou Colomiers).
L'ancrage symbolique à la commune ou la remise en cause d'un territoire
éducatif élargi
La commune de résidence est un facteur de différenciation fort
chez les jeunes péri-urbains consultés. Nous avons relevé
une relation significative entre la nouvelle activité qu'ils aimeraient
voir organisée et leur commune de résidence.
Par ailleurs, il a été demandé aux jeunes interrogés
d'évaluer les structures, les aménagements, les lieux, les horaires,
l'encadrement...de leurs activités de loisirs. Nous les avons consulté
sur les activités qu'il faudrait, selon eux, réorganiser. En effectuant
un croisement entre les lieux de l'activité à réorganiser
et la commune de résidence, nous constatons que les jeunes sont principalement
centrés vers les activités sportives ou culturelles proposées
dans leur commune (Selon les communes mentionnées, ce sont entre 75%
et 100% des jeunes résidents).
Enfin, pour les jeunes qui pratique un sport ou une activité culturelle
hors de la zone des cinq communes, la première réorganisation
proposée porte sur le rapprochement de l'activité (et des aménagements)
vers leur commune de résidence : " Ca devrait être près
de chez moi ", " Ca devrait avoir lieu dans ma commune ", "
il faudrait un bus de ramassage ", etc.
Nous voyons bien ici la centralisation des jeunes sur leur commune de résidence.
Même s'ils " s'expatrient " vers des communes proches ou vers
des villes plus importantes, leur souci majeur est de pratiquer l'activité
de leur choix près de leur domicile. Bien que de nombreux jeunes consultés
n'habitent dans leur commune que depuis moins de 5 ans, ils montrent cependant
un véritable attachement à la collectivité locale dans
laquelle ils résident et, à un degré moindre, à
leur territoire. Cet ancrage identitaire se traduit dans leurs réponses
de deux manières différentes : la commune d'habitation est d'abord
définie comme le lieu de prédilection des activités sportives
et culturelles, comme nous venons de le voir ; et les communes voisines sont
quelquefois considérées comme des " rivales " potentielles
de la commune de résidence. (" Il y a des installations sportives
mais tout est mort car les jeunes des autres villages ont tout détérioré
")
Par ailleurs, les jeunes de certaines des cinq communes émettent de vives
critiques : " A X il n'y a rien (commune de résidence) alors qu'à
Y c'est bien, car il y a du matériel et s'est bien entretenu", "
Dans ma commune ils se moquent des jeunes ", " Là où
j'habite c'est nul car il n'y a rien à faire "....
Nous avons pu constater que certains jeunes proposaient la mise en place de
nouvelles activités dans leur commune, nécessitant des aménagements
lourds, alors que ces activités étaient déjà proposées
dans le village voisin (5 KM) ! Il ne s'agit pas nécessairement d'une
concurrence avec la commune voisine ici, mais davantage le fait que les jeunes
n'avaient pas toujours la connaissance des ressources intercommunales à
leur disposition. Prenons l'exemple de la piscine, intercommunale mais située
sur la plus importante commune de ce territoire, la piscine est très
peu voire pas du tout mobilisée par les jeunes des autres communes pouvant
pourtant y avoir accès. " On a le droit d'y aller ? ".
Le problème majeur de gouvernance qui se pose ici, est avant tout l'ancrage
des jeunes, et des décideurs, à des petites communes rurales,
qui par leur opposition aux autres communes ne mobilisent pas l'ensemble des
ressources du groupement intercommunal. Ce problème de gouvernance est
avant tout lié à un système de logique municipale et non
territoriale.
Le CEL ou la construction à long terme d'un territoire autour d'un
Projet Educatif Local
Nous avons souhaité mettre en exergue dans cette contribution non pas
des données empiriques, mais plutôt souligner par quelques exemples
l'importance de la logique politique dans les décisions prises en matière
de Développement Educatif Local. Le dispositif national du Contrat Educatif
Local a favorisé pour ces cinq communes leur regroupement à long
terme autour d'un projet commun. Et si ce groupement est davantage une cohabitation
obligée pour l'obtention de moyens financiers et matériels, et
non un processus de valorisation axiologique et symbolique d'un territoire,
il n'en reste pas moins que les différentes actions fédératives
mises en uvre pour le développement du CEL (ne serait-ce que par
la mise en place de Comités de pilotage intercommunaux, ou par la consultation
de tous les jeunes des cinq communes) ont largement contribuées au lancement
d'une dynamique fédérative territoriale.
Le Projet Educatif Local, s'établissant de fait en regard des dysfonctionnements
et déséquilibres constatés, devenant alors la visée
et l'instrument du Développement Educatif Local, un moyen d'action réfléchie,
concertée et innovante.
IV/ DEL, PEL, CEL : UNE QUESTION DE GOUVERNANCE LOCALE
Au-delà de l'approche conceptuelle du Projet Educatif Local mis en uvre
par le Contrat Educatif Local.
Au-delà des fonctions éducatives, formatives et fédératives
d'un territoire construit et d'acteurs éducatifs locaux dans le développement
d'un Projet Educatif Local.
Nous avons souhaité mettre en avant le poids des décisions politiques
locales avant même la phase de diagnostic. Le développement du
Projet Educatif Local (acteurs, partenariats, objectifs éducatifs, objectifs
politiques, opérationnalisation, évaluation) et ce qu'il véhicule
comme système de valeurs, s'enclenche dès les négociations
qui détermineront les modalités de la consultation. Il s'agit
de choisir entre d'une part la consultation du public concerné par le
projet éducatif et les actions éducatives locales ; d'autre part
la consultation des acteurs éducatifs locaux et responsables institutionnels
; ou encore (et il semble que ce serait le choix le plus pertinent) la consultation
du public et des partenaires institutionnels.
Par là, nous pouvons nous interroger sur le poids du cabinet extérieur
dans ces négociations. Ne lance t'il pas à son tour une dynamique
fédérative et formative ?
Quel est le poids des nécessités financières des communes,
de leur confrontation à la volonté politique globale, face aux
nécessités éducatives locales exprimées par les
usagers et les acteurs éducatifs de terrain ?
Peut-être pourrions-nous nous interroger sur les enjeux et visées
politiques implicites de certains dispositifs nationaux dans l'apparente autonomisation
des pratiques éducatives locales ?
Les " rapports de force " entre national et local dont nous parlions
plus haut, pouvant remettre en cause l'hégémonie de l'Etat en
matière d'éducation des enfants et des jeunes français,
sont depuis peu institutionnalisés, notamment par la mise en uvre
des Contrats Educatifs Locaux.
Le Projet Educatif Local est un " levier " pour le changement local.
Ne serait-il pas aussi un " levier " pour le changement global, un
outil de " management " socio-politique qui innoverait en transférant
les rôles et fonctions de chacun à " bas bruit " ? |