La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Le sujet apprenant et communicationnel. L'individualisation aide-t-elle le sujet à se construire ?


Titre : Les aides apportées par les modules de Construction de Projet Personnel dans la construction de compétences de l'étudiant efficace
Auteurs : LEFEBVRE Marie Edith - Université d'AVIGNON

Texte :

Cette communiction portant le même titre et faisant suite à celle de mon collègue Louis BASCO, je ne reprendrai ici ni l'historique de l'action d'enseignement qui est à l'origine de cette recherche,ni la problématique.
La méthodologie est très semblable, avec un traitement de questionnaires de façon statistique pour les questions fermées et par analyse de contenu pour les questions ouvertes. Notre intention initiale était de mener des entretiens, mais tous les enseignants ayant répondu, parfois abondamment, à la question ouverte, cela n'a pas été indispensable.
Les étudiants ne sont pas toujours satisfaits de l'aide apportée par les enseignants, et, comme l'a dit mon collègue Louis BASCO, ils attendent de l'enseignant et qu'il les "motive", et qu'il les suive.
Or, qu'en pensent leurs enseignants et que font- ils ?
Par un questionnaire adressé à nos collègues de l'UAPV enseignant en DEUG 1 nous avons tenté de le savoir. Ce questionnaire comportait 4 groupes de questions fermées ( 15 items en tout) et une question ouverte.
La question initiale était : Selon vous, quelles aides les étudiants attendent-ils que vous leur apportiez ? Quelles aides leur apportez vous ?
Nous proposions 4 rubriques :
Des informations
Des conseils
La forme de ces conseils
A quelle occasion

La question ouverte : Que souhaiteriez vous dire en ce qui concerne les besoins d'aide des étudiants de première année ?
Une quarantaine de réponses nous est parvenue, provenant surtout des enseignants de l'UFR Sciences et de l'UFR SLA, et, pour l'UFR Lettres, des département de géographie et d'anglais.
Notre échantillon par UFR n'est pas assez comparable pour que nous fassions une analyse différentielle des réponses, sinon pour remarquer que seuls les enseignants de Lettre et SLA donnent des informations sur les lectures complémentaires, et ce bien qu'ils pensent que peu d'étudiants les souhaitent.
Que nous apprend l'analyse des résultats ?
Une analyse des questions fermées montre que les enseignants disent apporter aux étudiants que ceux-ci n'en attendent, en particulier pour tout ce qui concerne les conseils.
Par contre, il y a une corrélation quasi totale entre les informations qu'ils apportent sur l'évaluation et ce qu'ils pensent qu'attendent les étudiants, et une très forte corrélation sur l'information sur les sources documentaires . A l'inverse, si les enseignants de Lettres et Sciences et Langages Appliqués apportent des informations sur des lectures complémentaires, et seuls quatre d'entre eux pensent que les étudiants en attendent.
En ce qui concerne les conseils méthodologiques, tous les enseignants disent en apporter, oralement ou sous la forme de consignes écrites, et davantage que les étudiants n'en attendent (30% de plus)

En troisième lieu, les enseignants pensent que les étudiants attendent une aide individualisée, mais très peu disent leur apporter cette aide
Enfin, les enseignants pensent que les étudiants n'attendent pas qu'ils prennent l'initiative de conseils, et ne la prennent effectivement pas, mais répondent à toutes les questions posées en TD ou TP
Rien ici n'est étonnant, et reflète bien l'importance accordée à l'information (transmission de contenus de savoir) caractéristique de l'enseignement universitaire.
Si nous essayons d'aller plus loin avec les questions ouvertes, une analyse de contenu nous pouvons classer les réponses en trois pôles :
Le premier, avec le plus de réponses, est le pôle informatif : pour aider les étudiants de premier cycle, il faudrait les informer sur l'institution et son fonctionnement avant (dès le lycée) ou lors des prérentrées, au tout début : or, les prérentrées ont lieu en amphi, devant des promotions de 2 à 300 étudiants , et pour y avoir régulièrement assisté je peux dire que le plus souvent cette information est donnée, sous forme injonctive, et aussi vite oubliée, si même elle est comprise.
L'information doit concerner aussi les attentes des enseignants, les cursus (par écrit, et des plaquettes existent) les examens et les débouchés.
Le second pôle, qui contient le moins de réponses, concerne l'aide individualisée : deux enseignants proposent la formule de tutorat , à la manière des pays anglo-saxons, avec un enseignant référent pour un petit groupe d'étudiants.
Deux enseignants proposent la formule de rendez-vous hebdomadaire pour les étudiants en difficulté, 1h/semaine, ou une plus grande disponibilité du responsable de DEUG; un enseignant propose la communication par mél mais pour l'avoir expérimentée dans deux formations, je pense qu'il ne mesure pas la somme de travail que cela représente si l'on répond effectivement à tous les messages !)
Le troisième pôle est représenté par des enseignants qui font des propositions d'aide méthodologique d'organisation et méthodes de travail, ou d'aide à l'adaptation; les collègues de géographie nous ont envoyé un projet complet, qui devrait être mis en place à la rentrée prochaine.
Quelques enseignants, appartenant par ailleurs à l'un ou l'autre de ces pôles, constatent que le peu de demandes donnent des étudiants une image d'apathie et que les demandes proviennent des étudiants qui en ont le moins besoin.
La réponse qui nous a le plus intéressés est celle d'un enseignant qui dit qu'aucune information, aucun conseil ne peuvent être utiles s'ils précèdent l'expression d'un besoin, une demande effective de l'étudiant. Ce qui ne l'empêche pas d'en donner, année après année.
Tous relèvent l'écart entre lycée et université.
Les enseignants ont une conscience claire que le passage du lycée à l'université est de plus en plus difficile. Différence d'encadrement, de suivi, mais aussi d'exigence, de niveau. L'Université suppose une autonomie et des compétences conceptuelles que les étudiants n'ont pas, en majorité, et pour eux c'est l'explication de l'échec.
Les solutions ne leur apparaissent pas probantes.
Ici, deux réponses d'enseignants participant aux CPP m'ont particulièrement intéressée; ces deux enseignants, très investis dans le module de Construction de Projet Personnel, et depuis le début, s'estiment assez satisfaits du point de vue de l'acquisition de compétences des étudiants; acquisitions résultant d'une part d'un travail de recherche, traitement et production d'informations, lié au document informatif que doivent réaliser les étudiants, et d'autre part des activités d'entraînement à l'oral. Cependant ils estiment que la première partie du travail (trois séances), durant laquelle nous travaillons sur les représentations que les étudiants ont de l'Université, le métier d'étudiant et leurs attentes, est trop long, ils s'y sentent mal à l'aise : "c'est trop psychologique", disent-ils; les étudiants sont mal à l'aise, et nous aussi.
Or cette phase nous paraît au contraire nécessaire, dans la mesure où elle déstabilise les étudiants et leur permet de reconstruire leurs représentations de l'Université.

Quelle conclusion peut-on apporter ?
L'obstacle à l'aide aux étudiant en première année est sans doute liée à l'écart entre la culture des universitaires et celle des étudiants, culture à la fois au sens d'habitus culturel et de connaissances culturelles. Or, si les enseignants du primaire et du secondaire ont l'habitude de travailler avec les enfants et les adolescents dans un espace commun de savoir, qu'ils se réfèrent ou non aux théories de Bruner ou à la Zone de Proche Développement de Vygotsky, les enseignants -chercheurs ne sont pas encore prêts à s'engager dans un tel processus, alors mêle qu'ils sont engagés dans l'action contre l'échec en DEUG..
En fait, nous avons d'un côté une population étudiante qui, provenant du lycée est à la fois avide de liberté et déroutée devant la faiblesse de l'encadrement universitaire, et surtout incapable de gérer de façon autonome la charge de travail personnel requis et l'habitus étudiant qui suppose la fête, la découverte de la vie sans les parents etc; de l'autre, une population enseignante qui mesure mal la difficulté de la transition (comment transformer la chenille lycéenne en papillon étudiant ?) et tend à reporter sur le lycée le travail à faire, comme les enseignants du lycée tendent à le reporter sur le collège et les enseignants du collège sur l'école primaire.
Avec, comme difficulté supplémentaire, l'absence de la référence sécurisante de la classe : les petites promotions d'étudiants, où un groupe a tous ses TD ou TP en commun, parlent de leur "classe", notion qui est étrangère aux enseignants du supérieur.
Dans ces conditions, il nous semble que seul un travail sur les représentations pourrait faire évoluer les étudiants. Ce travail pourrait évoluer, en se centrant davantage sur les représentations que les étudiants ont des disciplines qu'ils ont choisi d'étudier à l'université, mais faire l'impasse sur un tel travail me semble rendre impossible l'évolution nécessaire pour entrer dans le métier d'étudiant.


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