Cette communiction portant le même titre et faisant suite à celle
de mon collègue Louis BASCO, je ne reprendrai ici ni l'historique de
l'action d'enseignement qui est à l'origine de cette recherche,ni la
problématique.
La méthodologie est très semblable, avec un traitement de questionnaires
de façon statistique pour les questions fermées et par analyse
de contenu pour les questions ouvertes. Notre intention initiale était
de mener des entretiens, mais tous les enseignants ayant répondu, parfois
abondamment, à la question ouverte, cela n'a pas été indispensable.
Les étudiants ne sont pas toujours satisfaits de l'aide apportée
par les enseignants, et, comme l'a dit mon collègue Louis BASCO, ils
attendent de l'enseignant et qu'il les "motive", et qu'il les suive.
Or, qu'en pensent leurs enseignants et que font- ils ?
Par un questionnaire adressé à nos collègues de l'UAPV
enseignant en DEUG 1 nous avons tenté de le savoir. Ce questionnaire
comportait 4 groupes de questions fermées ( 15 items en tout) et une
question ouverte.
La question initiale était : Selon vous, quelles aides les étudiants
attendent-ils que vous leur apportiez ? Quelles aides leur apportez vous ?
Nous proposions 4 rubriques :
Des informations
Des conseils
La forme de ces conseils
A quelle occasion
La question ouverte : Que souhaiteriez vous dire en ce qui concerne les besoins
d'aide des étudiants de première année ?
Une quarantaine de réponses nous est parvenue, provenant surtout des
enseignants de l'UFR Sciences et de l'UFR SLA, et, pour l'UFR Lettres, des département
de géographie et d'anglais.
Notre échantillon par UFR n'est pas assez comparable pour que nous fassions
une analyse différentielle des réponses, sinon pour remarquer
que seuls les enseignants de Lettre et SLA donnent des informations sur les
lectures complémentaires, et ce bien qu'ils pensent que peu d'étudiants
les souhaitent.
Que nous apprend l'analyse des résultats ?
Une analyse des questions fermées montre que les enseignants disent apporter
aux étudiants que ceux-ci n'en attendent, en particulier pour tout ce
qui concerne les conseils.
Par contre, il y a une corrélation quasi totale entre les informations
qu'ils apportent sur l'évaluation et ce qu'ils pensent qu'attendent les
étudiants, et une très forte corrélation sur l'information
sur les sources documentaires . A l'inverse, si les enseignants de Lettres et
Sciences et Langages Appliqués apportent des informations sur des lectures
complémentaires, et seuls quatre d'entre eux pensent que les étudiants
en attendent.
En ce qui concerne les conseils méthodologiques, tous les enseignants
disent en apporter, oralement ou sous la forme de consignes écrites,
et davantage que les étudiants n'en attendent (30% de plus)
En troisième lieu, les enseignants pensent que les étudiants
attendent une aide individualisée, mais très peu disent leur apporter
cette aide
Enfin, les enseignants pensent que les étudiants n'attendent pas qu'ils
prennent l'initiative de conseils, et ne la prennent effectivement pas, mais
répondent à toutes les questions posées en TD ou TP
Rien ici n'est étonnant, et reflète bien l'importance accordée
à l'information (transmission de contenus de savoir) caractéristique
de l'enseignement universitaire.
Si nous essayons d'aller plus loin avec les questions ouvertes, une analyse
de contenu nous pouvons classer les réponses en trois pôles :
Le premier, avec le plus de réponses, est le pôle informatif
: pour aider les étudiants de premier cycle, il faudrait les informer
sur l'institution et son fonctionnement avant (dès le lycée) ou
lors des prérentrées, au tout début : or, les prérentrées
ont lieu en amphi, devant des promotions de 2 à 300 étudiants
, et pour y avoir régulièrement assisté je peux dire que
le plus souvent cette information est donnée, sous forme injonctive,
et aussi vite oubliée, si même elle est comprise.
L'information doit concerner aussi les attentes des enseignants, les cursus
(par écrit, et des plaquettes existent) les examens et les débouchés.
Le second pôle, qui contient le moins de réponses, concerne
l'aide individualisée : deux enseignants proposent la formule de tutorat
, à la manière des pays anglo-saxons, avec un enseignant référent
pour un petit groupe d'étudiants.
Deux enseignants proposent la formule de rendez-vous hebdomadaire pour les étudiants
en difficulté, 1h/semaine, ou une plus grande disponibilité du
responsable de DEUG; un enseignant propose la communication par mél mais
pour l'avoir expérimentée dans deux formations, je pense qu'il
ne mesure pas la somme de travail que cela représente si l'on répond
effectivement à tous les messages !)
Le troisième pôle est représenté par des enseignants
qui font des propositions d'aide méthodologique d'organisation et méthodes
de travail, ou d'aide à l'adaptation; les collègues de géographie
nous ont envoyé un projet complet, qui devrait être mis en place
à la rentrée prochaine.
Quelques enseignants, appartenant par ailleurs à l'un ou l'autre de ces
pôles, constatent que le peu de demandes donnent des étudiants
une image d'apathie et que les demandes proviennent des étudiants qui
en ont le moins besoin.
La réponse qui nous a le plus intéressés est celle d'un
enseignant qui dit qu'aucune information, aucun conseil ne peuvent être
utiles s'ils précèdent l'expression d'un besoin, une demande effective
de l'étudiant. Ce qui ne l'empêche pas d'en donner, année
après année.
Tous relèvent l'écart entre lycée et université.
Les enseignants ont une conscience claire que le passage du lycée à
l'université est de plus en plus difficile. Différence d'encadrement,
de suivi, mais aussi d'exigence, de niveau. L'Université suppose une
autonomie et des compétences conceptuelles que les étudiants n'ont
pas, en majorité, et pour eux c'est l'explication de l'échec.
Les solutions ne leur apparaissent pas probantes.
Ici, deux réponses d'enseignants participant aux CPP m'ont particulièrement
intéressée; ces deux enseignants, très investis dans le
module de Construction de Projet Personnel, et depuis le début, s'estiment
assez satisfaits du point de vue de l'acquisition de compétences des
étudiants; acquisitions résultant d'une part d'un travail de recherche,
traitement et production d'informations, lié au document informatif que
doivent réaliser les étudiants, et d'autre part des activités
d'entraînement à l'oral. Cependant ils estiment que la première
partie du travail (trois séances), durant laquelle nous travaillons sur
les représentations que les étudiants ont de l'Université,
le métier d'étudiant et leurs attentes, est trop long, ils s'y
sentent mal à l'aise : "c'est trop psychologique", disent-ils;
les étudiants sont mal à l'aise, et nous aussi.
Or cette phase nous paraît au contraire nécessaire, dans la mesure
où elle déstabilise les étudiants et leur permet de reconstruire
leurs représentations de l'Université.
Quelle conclusion peut-on apporter ?
L'obstacle à l'aide aux étudiant en première année
est sans doute liée à l'écart entre la culture des universitaires
et celle des étudiants, culture à la fois au sens d'habitus culturel
et de connaissances culturelles. Or, si les enseignants du primaire et du secondaire
ont l'habitude de travailler avec les enfants et les adolescents dans un espace
commun de savoir, qu'ils se réfèrent ou non aux théories
de Bruner ou à la Zone de Proche Développement de Vygotsky, les
enseignants -chercheurs ne sont pas encore prêts à s'engager dans
un tel processus, alors mêle qu'ils sont engagés dans l'action
contre l'échec en DEUG..
En fait, nous avons d'un côté une population étudiante qui,
provenant du lycée est à la fois avide de liberté et déroutée
devant la faiblesse de l'encadrement universitaire, et surtout incapable de
gérer de façon autonome la charge de travail personnel requis
et l'habitus étudiant qui suppose la fête, la découverte
de la vie sans les parents etc; de l'autre, une population enseignante qui mesure
mal la difficulté de la transition (comment transformer la chenille lycéenne
en papillon étudiant ?) et tend à reporter sur le lycée
le travail à faire, comme les enseignants du lycée tendent à
le reporter sur le collège et les enseignants du collège sur l'école
primaire.
Avec, comme difficulté supplémentaire, l'absence de la référence
sécurisante de la classe : les petites promotions d'étudiants,
où un groupe a tous ses TD ou TP en commun, parlent de leur "classe",
notion qui est étrangère aux enseignants du supérieur.
Dans ces conditions, il nous semble que seul un travail sur les représentations
pourrait faire évoluer les étudiants. Ce travail pourrait évoluer,
en se centrant davantage sur les représentations que les étudiants
ont des disciplines qu'ils ont choisi d'étudier à l'université,
mais faire l'impasse sur un tel travail me semble rendre impossible l'évolution
nécessaire pour entrer dans le métier d'étudiant.
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