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La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Comment analyser et comprendre, les situations pédagogiques et didactiques ?

Titre :	Philosophie de l'éducation : "L'autre exemple"
Auteurs :	AGNÈS Jean

Texte :
"Les fils s'initient aux côtés de leur père à tous les aspects de la vie qui les attend, s'instruisant par ses préceptes, et plus encore par son exemple". (H.-I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, t. 2, Le Monde romain, Paris, Seuil, (Points Histoire).- p. 16.) Au fil des questions de l'actualité du débat éducatif nous est suggérée l'importance de l'exemple, qu'il s'agisse pour les auteurs de souligner la fécondité de se référer aux "expériences réussies", d'insister sur l'analyse de la "crise de la transmission", ou d'entreprendre de "modéliser les pratiques » (notamment d'ingénierie et d'accompagnement - ou encore à propos de la question de l'identité de la communauté éducative, de l'histoire des idées pédagogiques, ou de ce qui relève de l'actualisation des leçons). Qu'est-ce qu'un exemple pour l'opinion courante, sinon une bribe de discours dont il s'agirait de suivre le précepte ? Chacun saurait à quoi s'en tenir. Pourtant, cette évidence ne va pas de soi. Si l'exemple semble cantonné dans des zones moralisatrices, comportementales ou techniques ; se rapporter, au principal, à la dimension de l'exposé et à l'ordre de la loi, à y regarder de plus près, l'exemple "se précède". Les quelques remarques et pistes suivantes signalent simplement la nécessité d'une réouverture d'instruction. On pourra partir du rôle métaphorique que tient l'exemple dans le processus social, ou de la logique démonstrative où il prend une place métonymique. C'est en effet ce qu'on peut recommencer, transposer, invoquer. Ses figures se déploient dans les ordres de la marque, de la preuve, de la conduite. Il faudrait donc qu'il fasse modèle. Soit, en lui appartenant comme un de ses items, soit en situation méthodologique comme indicateur sur le chemin menant à l'exposition du modèle selon les différents types, fournis par le comportement, le discours, comme part de l'argumentation (le rhétorique), comme point de départ de l'action ( l'initiatique), comme item du texte : s'il n'est édifiant (constructeur), l'exemple se fond et se confond. Tout exemple est le résultat d'un délibéré. Il émane d'une recherche (il est convoqué), d'un choix (il est sélectionné), d'une valorisation (il est privilégié), d'une validation (il est retenu). Il provient d'un travail d'interprétation, est soumis au traitement textuel (supposant notamment une mise en scène) sans lequel rien n'opère. Il diffère du modèle en ce sens qu'il tient encore du particulier (songer aux travaux et interventions récents sur la singularité) mais on pressent que, comme événement, il constitue un repère de parcours. C'est en ce sens qu'il n'est pas de transmission sans exemplarité. L'adhésion à une règle, à un projet collectif, passe par la reconnaissance et l'interprétation de l'exemple, qui prend part à la constitution du discours scolaire. Mais la difficulté surgit si l'on considère que l'exemplarité est nécessaire, mais en même temps impossible : ce paradoxe remet l'exemple à la place qui lui convient, d'un objet provisoire. L'intervalle Et rien ne semble plus aléatoire que sa lecture. Pourtant, le trajet métaphorique de l'exemple échappe au figuratif trop analogique, pour s'inscrire dans l'interstice du figural. Il se déplace aussi sur une ligne éducative supposant une théorie de la personne et de l'enfant, où s'inscrit d'abord l'imprégnation, puis l'interprétation, et, en fin de compte, la discussion. Partant, il touche aussi une philosophie de l'intervalle (entre autres : soit l'exemple s'intercale - suppose attente, délibération, suspense, soit il provoque l'attente). L'exemple forme motif, qui alimente le souvenir. Il est donc par nature parcelle, éclat, débris. Ce qui, en termes cliniques, se prélève ; ce qui en termes littéraires, aura marqué la mémoire, comme empreinte, trace, ou impact enfoui. Il suggère le déplacement (il n'est pas d'exemple qui n'étonne - ça, par exemple, et ne provoque quelque découvert conceptuel ; ou encore : que serait le soin apporté "intra muros" à l'exercice démocratique, s'il n'est transposé? ). Rapporté à la pratique sociale, l'exemple déjoue les fractures de la parole, transgresse la partition des discours (l'école/les médias, l'éducation civique/la pratique sociale etc.) et secoue l'indifférence. Il relie et réunit. Rapporté à une théorétique de la transmission, il signale l'expérience, le conflit et l'invention, ce qui éclaire l'action et nous renvoie à la notion de programme. C'est pourquoi nous nous sommes naguère inscrits dans la lignée de ceux qui croient qu'il s'agit de privilégier les expressions exemplaires, simple témoignage de pratique ou récit de vie, et, dans la pratique pédagogique, l'originalité du rapport interpersonnel, en prenant garde que cette formulation n'est pas sérieuse si elle n'englobe pas la pratique, si elle n'est pas assortie d'effets (notamment déontiques et programmatiques). La transmission Inventoriant des questions relatives à la transmission, certaines avons-nous dit méritent un examen prioritaire : comme du texte, de l'insu, du pacte, ainsi de l'exemple. Autant de schémas théorétiques à éprouver, qui permettraient de renvoyer les notions alors mises à jour à un examen anthropologique digne de ce nom. On voit ici que nous privilégions une "troisième forme" qui ne ressortit ni à la déduction, ni à l'induction à partir de "faits", mais à un travail notionnel (parcours intuitif, découverte, déconstruction) qui renoue, à sa manière, avec la phénoménologie. Appel inédit du sens : l'altération de l'exemple est indispensable à la reprise éducative. Trop de doutes aussi sur la question de la responsabilité dont on confond aisément l'exercice avec une pratique de l'exemple. Ici, le recours à l'éthique n'aboutit souvent qu'à enjamber la réalité du devoir. Le télescopage responsabilité/éthique permet aussi une fuite en avant. On avait beau jeu dans les années 80 de dénoncer la posture de l'enseignement frontal, magistral, tandis qu'on la reconduisait par ailleurs : si bien que cette parole là n'était point entendue pour ce qu'elle disait, mais pour ce que le discours auquel elle se rattache impliquait, l'orateur se déclarant, au fond, autrement. Telle est bien la nouvelle tentation du clerc, de vouloir la leçon sans l'exemple et l'on trouve, encore aujourd'hui, des effets de cette cruelle aporie, parfois même redoublée. Or, se préoccuper de vivre et d'agir dans l'altérité, c'est d'abord habiliter le respect : l'exemple se précède. Si nous voulons impulser des pratiques sanitaires ou démocratiques, ce n'est qu'au prix d'une pratique vertueuse, qu'à la condition de nous éduquer nous-mêmes, et donc de renouer avec l'idéal de la formation humaniste tout au long de la vie. Ne nous y trompons pas : ce ne sont pas les auteurs qui manquent pour le dire, mais bien leur véritable autorité qui fait défaut. Le réel En somme, l'exemple donné (la question du sens) cède le pas à l'exemple repris (celle de la finalité). On voit là l'implication réciproque de l'exemple scolaire et de l'exemple social, de l'échange des pairs et de la passation intergénérationnelle. Dans ce jeu d'enchâssements, s'exerce la tension, génératrice des figures du pédagogique, entre la singularité de l'exemplaire, l'étrangeté de l'autre, et la générativité du modèle. De même que d'autres questions caractéristiques de l'intervalle éducatif il faudra bien confier "l'autre exemple" à l'examen transdisciplinaire. En pratique, nous en revenons toujours à l'utopie d'une pratique éclairée, comme celle espérée par les Lumières ou par le mouvement de l'Éducation nouvelle. Que se passe-t-il dans l'intervalle inquiétant où l'exemple ne peut plus s'éprouver du même coup, du même élan ? Comment oser affronter cette question ? L'exemplarité se définit "au risque du sujet": il s'agit de renouer avec la parole effective de l'invention, à quoi l'on reconnaît qu'une société n'est pas stérile. Une fois donc débarrassé de la fonction instrumentale qu'il occupe, en arrière-plan, en termes de médiation ou de relation pédagogique, l'exemple prend épaisseur comme il s'efface. Il suggère l'amitié. Il implique une visée démocratique effectuée. "Encore quelques mots" (renvoie au lexique spécialisé en cours d'écriture) : Coexpérience Conflit Critique Débat Ecoute Humanisme Lissage Pacte Pièce Pluralisme Politique Reconnaissance Réciprocité Résistances Respect

Texte :

"Les fils s'initient aux côtés de leur père à tous les aspects de la vie qui les attend, s'instruisant par ses préceptes, et plus encore par son exemple".

(H.-I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, t. 2, Le Monde romain, Paris, Seuil, (Points Histoire).- p. 16.)


    Au fil des questions de l'actualité du débat éducatif nous est suggérée l'importance  de l'exemple, qu'il s'agisse pour les auteurs de souligner la fécondité de se référer aux "expériences réussies", d'insister sur l'analyse de la "crise de la transmission", ou d'entreprendre de "modéliser les pratiques »  (notamment d'ingénierie et d'accompagnement - ou encore à propos de  la question de l'identité de la communauté éducative, de l'histoire des idées pédagogiques, ou de ce qui relève de l'actualisation des leçons). Qu'est-ce qu'un exemple pour l'opinion courante, sinon une bribe de discours dont il s'agirait de suivre le précepte ?  Chacun saurait à quoi s'en tenir. Pourtant,  cette évidence ne va pas de soi. Si l'exemple semble cantonné dans des zones moralisatrices, comportementales ou techniques ; se rapporter, au principal, à la dimension de l'exposé et à l'ordre de la loi, à y regarder de plus près, l'exemple "se précède".

Les quelques remarques et pistes suivantes signalent simplement la nécessité d'une réouverture d'instruction. On pourra partir du  rôle métaphorique que tient l'exemple dans le processus social, ou  de la logique démonstrative où il prend une place métonymique. C'est en effet ce qu'on peut recommencer, transposer, invoquer. Ses figures se déploient dans les ordres de la marque, de la preuve, de la conduite. Il faudrait donc qu'il fasse modèle. Soit, en lui appartenant comme un de ses items, soit en situation méthodologique comme indicateur sur le chemin menant à l'exposition du modèle selon les différents types, fournis par le comportement, le discours, comme part de l'argumentation (le rhétorique), comme point de départ de l'action ( l'initiatique), comme item du texte : s'il n'est  édifiant (constructeur), l'exemple se fond et se confond.

Tout exemple est le résultat d'un délibéré. Il émane d'une recherche (il est convoqué), d'un choix (il est sélectionné), d'une valorisation (il est privilégié), d'une validation (il est retenu). Il provient d'un travail d'interprétation, est soumis au traitement textuel (supposant notamment une mise en scène) sans lequel rien n'opère. Il diffère du modèle en ce sens qu'il tient encore du particulier (songer aux travaux et interventions récents sur la singularité) mais on pressent que, comme événement, il constitue un repère de parcours. C'est en ce sens qu'il n'est pas de transmission sans exemplarité.  L'adhésion à une règle, à un projet collectif, passe par la reconnaissance  et l'interprétation de l'exemple, qui prend part à la constitution du discours scolaire.  Mais la difficulté surgit si l'on considère que l'exemplarité est nécessaire, mais en même temps  impossible : ce paradoxe remet l'exemple à la place qui lui convient, d'un objet provisoire.

    L'intervalle

Et rien ne semble plus aléatoire que sa lecture. Pourtant, le trajet métaphorique de l'exemple échappe au figuratif trop analogique, pour s'inscrire dans l'interstice du figural. Il se déplace aussi sur une ligne éducative supposant une théorie de la personne et de l'enfant, où s'inscrit d'abord l'imprégnation, puis l'interprétation, et, en fin de compte, la discussion. Partant,  il touche aussi une philosophie de l'intervalle (entre autres : soit l'exemple s'intercale - suppose attente, délibération, suspense, soit il provoque l'attente). L'exemple forme motif, qui alimente le souvenir. Il est donc par nature parcelle, éclat, débris. Ce qui, en termes cliniques, se prélève ; ce qui en termes littéraires, aura marqué la mémoire, comme empreinte, trace, ou impact enfoui. Il suggère le déplacement (il n'est pas d'exemple qui n'étonne - ça, par exemple, et ne provoque quelque découvert conceptuel ; ou encore : que serait le soin apporté "intra muros" à l'exercice démocratique, s'il n'est transposé? ).

Rapporté à la pratique sociale, l'exemple déjoue les fractures de la parole, transgresse la partition des discours (l'école/les médias, l'éducation civique/la pratique sociale etc.) et secoue l'indifférence. Il relie et réunit. Rapporté à une théorétique de la transmission, il signale l'expérience, le conflit et l'invention, ce qui éclaire l'action et nous renvoie à la notion de programme. C'est pourquoi nous nous sommes naguère inscrits dans la lignée de ceux qui croient qu'il s'agit de privilégier les expressions exemplaires, simple témoignage de pratique ou récit de vie, et, dans la pratique pédagogique, l'originalité du rapport interpersonnel, en prenant garde que cette formulation n'est pas sérieuse si elle n'englobe pas la pratique, si elle n'est pas assortie d'effets (notamment déontiques et programmatiques).

La transmission

Inventoriant des questions relatives à la transmission, certaines avons-nous dit méritent un examen prioritaire : comme du texte, de l'insu, du pacte, ainsi de l'exemple. Autant de schémas théorétiques à éprouver, qui permettraient de renvoyer les notions alors mises à jour à un examen anthropologique digne de ce nom. On voit ici que nous privilégions une "troisième forme" qui ne ressortit ni à la déduction, ni à l'induction à partir de "faits", mais à un travail notionnel (parcours intuitif, découverte, déconstruction) qui renoue, à sa manière, avec la phénoménologie. Appel inédit du sens : l'altération de l'exemple est indispensable à la reprise éducative.

Trop de doutes aussi sur la question de la responsabilité dont on confond aisément l'exercice avec une pratique de l'exemple. Ici, le recours à l'éthique n'aboutit souvent qu'à enjamber la réalité du devoir. Le télescopage responsabilité/éthique permet aussi une fuite en avant. On avait beau jeu dans les années 80 de dénoncer la posture de l'enseignement frontal, magistral, tandis qu'on la reconduisait par ailleurs : si bien que cette parole là n'était point entendue pour ce qu'elle disait, mais pour ce que le discours auquel elle se rattache impliquait,  l'orateur se déclarant, au fond, autrement. Telle est bien la nouvelle tentation du clerc, de vouloir la leçon sans l'exemple et l'on trouve, encore aujourd'hui, des effets de cette cruelle aporie, parfois même redoublée. Or, se préoccuper de vivre et d'agir dans l'altérité, c'est d'abord habiliter le respect : l'exemple se précède. Si nous voulons impulser des pratiques sanitaires ou démocratiques, ce n'est qu'au prix d'une pratique vertueuse, qu'à la condition de nous éduquer nous-mêmes, et donc de renouer avec l'idéal de la formation humaniste tout au long de la vie. Ne nous y trompons pas : ce ne sont pas les auteurs qui manquent pour le dire, mais bien leur véritable autorité qui fait défaut.

    Le réel

En somme,  l'exemple donné (la question du sens) cède le pas à l'exemple repris (celle de la finalité). On voit là l'implication réciproque de l'exemple scolaire et de l'exemple social, de l'échange des pairs et de la passation intergénérationnelle. Dans ce jeu d'enchâssements, s'exerce la tension, génératrice des figures du pédagogique, entre la singularité de l'exemplaire, l'étrangeté de l'autre, et la générativité du modèle. De même que d'autres questions caractéristiques de l'intervalle éducatif il faudra bien confier "l'autre exemple" à l'examen transdisciplinaire. En pratique, nous en revenons toujours à l'utopie d'une pratique éclairée, comme celle espérée par les Lumières ou par le mouvement de l'Éducation nouvelle.  Que se passe-t-il dans l'intervalle inquiétant où l'exemple ne peut plus s'éprouver du même coup, du même élan ? Comment oser affronter cette question ? L'exemplarité se définit "au risque du sujet": il s'agit de renouer avec la parole effective de l'invention, à quoi l'on reconnaît qu'une société n'est pas stérile. Une fois donc débarrassé de la fonction instrumentale qu'il occupe, en arrière-plan, en termes de médiation ou de relation pédagogique, l'exemple  prend épaisseur comme il s'efface. Il suggère l'amitié. Il implique une visée démocratique effectuée.

"Encore quelques mots" (renvoie au lexique spécialisé en cours d'écriture) : Coexpérience Conflit Critique Débat Ecoute Humanisme Lissage Pacte Pièce Pluralisme Politique Reconnaissance Réciprocité Résistances Respect