La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Comment les analyses de la pratique dans la formation renouvellent-elles les questions de l'identité et de la culture ?


Titre : La transition du collège au lycée : l'expérience scolaire des lycéens
Auteurs : DECQUE LOISEL Myriam

Texte :
1. Présentation de la recherche.

Dans le cadre d'une recherche portant sur la transition du collège au lycée, nous analysons la manière dont l'élève, en fonction de ses préférences, de ses intérêts, de ses ressources, s'adapte à la nouvelle situation à laquelle il est confronté : l'entrée au lycée. En tant que processus, l'adaptation se mesure dans le temps d'où une enquête d'une année menée auprès de 31 élèves d'une classe de seconde dans un lycée d'enseignement général et technologique de Lille.
Pour étudier ce processus, trois outils ont été nécessaires : un questionnaire distribué aux élèves le jour de la rentrée scolaire, deux entretiens semi-directifs réalisés au début du second trimestre et à la fin de l'année scolaire et des observations faites au premier, deuxième et troisième trimestre.
Nous proposons de présenter ici la manière dont les élèves analysent la baisse de leurs résultats scolaires en seconde et les actions qu'ils mettent en place ou qu'ils envisagent pour y remédier lorsqu'ils n'abandonnent pas. Les résultats présentés ci-dessous sont issus de l'analyse thématique des deux entretiens semi-directifs réalisés au mois de décembre et mai de l'année 1999 auprès de chacun des 31 élèves de la classe.

2. Présentation des résultats.

2.1. Les causes de la baisse des résultats scolaires en seconde : ce qu'en disent les lycéens.

Même s'ils ont été prévenus par leurs frères ou soeurs, par leurs camarades déjà au lycée ou leurs professeurs du collège que leurs résultats scolaires allaient baisser en seconde, il n'en demeure pas moins qu'une bonne partie des élèves interrogés ne trouvent pas la situation toujours compréhensible car ce qui les interroge, c'est que le travail fourni, parfois supérieur à celui fourni au collège, ne paye plus. Tous les élèves, bien évidemment, n'entrent pas dans cette catégorie, plusieurs d'entre eux expliquent la baisse de leurs résultats scolaires avant tout par un manque de travail soit parce qu'ils n'ont pas envie de travailler, soit parce qu'ils trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école des choses plus intéressantes à faire. Néanmoins le "manque de travail" au collège était beaucoup moins pénalisé qu'au lycée. En ne travaillant pas beaucoup, les partisans du peu d'effort parvenaient à "s'en sortir" quand même. Tous les élèves de la classe, bons comme moyens élèves au collège, ont effectivement des résultats scolaires inférieurs à ceux obtenus en troisième au collège et l'écart des résultats obtenus est souvent important : par rapport à la moyenne qu'ils obtenaient en troisième au collège, douze élèves sur trente et un ont une moyenne inférieure de plus de 3 points à la fin du premier trimestre en seconde. Cinq des trente et un élèves expliquent que les mauvais résultats scolaires obtenus sont dus aux lacunes qu'ils ont accumulées les années scolaires précédentes. La baisse des résultats scolaires n'est cependant pas liée seulement aux mauvaises expériences scolaires passées de l'élève, la baisse des résultats scolaires en seconde s'explique par une inadaptation aux situations nouvelles que l'élève rencontre à son entrée au lycée.
Les élèves expliquent surtout la baisse de leurs résultats scolaires par les difficultés nouvelles qu'ils rencontrent en seconde au premier rang desquelles, le problème de la prise de notes. Ils nous expliquent combien il leur est difficile de savoir ce qu'il faut prendre en notes : ils notent au hasard des brides du discours enseignant ou recopient les notes de leur voisin de table ce qui rend impossible leur relecture puisqu'elles sont souvent incompréhensibles. Lors des contrôles sur table, l'incompréhension se traduit par une mauvaise note. Si au début du second trimestre, la prise de notes est devenue une donnée familière pour la majorité des élèves, il s'avère que neuf élèves de la classe n'ont pas résolu le problème à la fin de l'année scolaire.
Le français, même s'il n'est pas au lycée une nouvelle discipline, est cité comme tel par les élèves tant les exigences du lycée par rapport à celles du collège sont différentes, "n'ont rien à voir". En seconde, on n'évalue plus seulement les connaissances acquises en grammaire ou en orthographe, on évalue surtout les qualités d'expression de l'élève. Au-delà du français, ce sont d'ailleurs toutes les disciplines enseignées au lycée qui appellent désormais à la maîtrise du "je". Le français demeure à la fin de l'année scolaire la discipline que les élèves jugent la plus difficile. Peu d'entre eux ont amélioré leurs résultats scolaires au cours de l'année, le plus souvent parce que découragés par les mauvais résultats obtenus, ils ont décidé de ne plus travailler.
Au contenu et à l'organisation différente des cours s'ajoutent d'autres nouveautés que l'élève de seconde analyse comme étant aussi ce qui explique la baisse des résultats scolaires en seconde. Les élèves de seconde sont heureux de disposer au lycée de plus de liberté qu'au collège mais la plus grande liberté qui leur est accordée n'est pas toujours bien utilisée : au collège, les élèves, surveillés en permanences, étaient obligés de travailler, au lycée, ils sont libres de ne rien faire et beaucoup en profitent. Par ailleurs, les élèves de seconde déplorent de ne plus entretenir avec leurs professeurs du lycée les relations qu'ils avaient avec leurs professeurs du collège : la relation professeur/élève au lycée est plus distante or pour beaucoup, elle est ce qui les motive à travailler. D'autre part, le suivi du travail scolaire par les professeurs du lycée est plus faible que celui mis en oeuvre par les professeurs du collège : les élèves de seconde se sentent plus souvent qu'au collège seuls devant leurs difficultés scolaires. La combinaison d'une activité extra-scolaire régulière se combine plus difficilement avec le travail à faire au lycée qu'au collège : quantitativement plus important qu'en troisième, le travail à réaliser en seconde suppose des élèves qui pratiquent une activité extra-scolaire qu'ils s'organisent doublement ce qu'ils ne parviennent ou ne désirent pas faire. En entrant en seconde, les élèves entrent dans une nouvelle classe dans laquelle des liens nouveaux vont naître entre pairs. Plusieurs garçons de la classe mesurent, surtout à la fin de l'année scolaire, l'influence de leurs camarades sur le comportement qu'ils ont eu en classe et la qualité de leur travail.

2.2. Les solutions possibles.

Travailler davantage est la première solution que donnent les élèves pour améliorer leurs résultats scolaires. On comprend qu'il est plus difficile pour beaucoup d'élèves d'envisager de travailler autrement puisque jusqu'ici les méthodes utilisées ont toujours fonctionné. Notons que la majorité des élèves envisage de fournir plus de travail au conditionnel.
L'intensification des efforts peut se faire avec l'aide de quelqu'un. L'aide des pairs s'avère être celle retenue en priorité par les élèves. Elle est préférable à celle que peuvent donner les enseignants parce qu'elle engage un rapport d'égal à égal. L'offre à l'extérieur de l'école est souvent citée aussi : les élèves sollicitent facilement l'aide de leurs parents ou frères et soeurs aînés. Ce sont auprès d'éducateurs de leurs quartiers que d'autres élèves cherchent l'aide dont ils ont besoin pour réaliser leur travail scolaire. Les aides proposées par le lycée sont quant à elles rarement citées de manière spontanée par les élèves. Ainsi lorsque nous demandons aux élèves de la classe ce qu'ils pensent des modules, système de soutien en français, mathématiques et en histoire-géographie, à l'exception de deux élèves, tous ne lui trouvent aucune utilité parce que contrairement aux objectifs du système, les modules sont pour les élèves un cours traditionnel qui se différencie seulement au vu du nombre d'élèves présents : la moitié de la classe alors qu'il devrait permettre d'aborder le programme sous d'autres angles. L'Aide Individualisée, aide ponctuelle personnalisée, même si elle est aussi très rarement citée de manière spontanée, est considérée plus rentable mais elle dépend beaucoup de l'enseignant qui l'anime. C'est aussi parce qu'elle a lieu en comité restreint (huit élèves maximum) qu'elle permet d'établir avec l'enseignant et le groupe des relations différentes qui favorisent un meilleur apprentissage.

Les propositions des élèves quant à l'intensification du travail sont pour certains restées à l'état de projet ce qui explique selon eux pourquoi leurs résultats scolaires ont encore baissé au cours de l'année. Certains ont abandonné leurs efforts au vu des mauvais résultats obtenus mais d'autres ont réellement travaillé sans que cela ne soit toujours pour autant récompensé. Trois élèves seulement obtiennent à la fin de l'année scolaire une moyenne supérieure à celle obtenue au premier trimestre et ce sont trois élèves qui se classaient dans les premiers rangs au début de l'année. Néanmoins, leurs résultats scolaires restent inférieurs à ceux obtenus au collège. Les têtes de classe n'entrent cependant pas tous dans la même logique : même si à la fin de l'année scolaire, Sylvie, reste première de sa classe, il n'en demeure pas moins que ses résultats scolaires sont en baisse à la fin de l'année scolaire. La baisse qu'elle enregistre est d'un point et demi et elle résulte d'une inadaptation au groupe de pairs dont elle se trouve exclue partiellement.


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