1. Présentation de la recherche.
Dans le cadre d'une recherche portant sur la transition du collège
au lycée, nous analysons la manière dont l'élève,
en fonction de ses préférences, de ses intérêts,
de ses ressources, s'adapte à la nouvelle situation à laquelle
il est confronté : l'entrée au lycée. En tant que processus,
l'adaptation se mesure dans le temps d'où une enquête d'une année
menée auprès de 31 élèves d'une classe de seconde
dans un lycée d'enseignement général et technologique de
Lille.
Pour étudier ce processus, trois outils ont été nécessaires
: un questionnaire distribué aux élèves le jour de la rentrée
scolaire, deux entretiens semi-directifs réalisés au début
du second trimestre et à la fin de l'année scolaire et des observations
faites au premier, deuxième et troisième trimestre.
Nous proposons de présenter ici la manière dont les élèves
analysent la baisse de leurs résultats scolaires en seconde et les actions
qu'ils mettent en place ou qu'ils envisagent pour y remédier lorsqu'ils
n'abandonnent pas. Les résultats présentés ci-dessous sont
issus de l'analyse thématique des deux entretiens semi-directifs réalisés
au mois de décembre et mai de l'année 1999 auprès de chacun
des 31 élèves de la classe.
2. Présentation des résultats.
2.1. Les causes de la baisse des résultats scolaires en seconde : ce
qu'en disent les lycéens.
Même s'ils ont été prévenus par leurs frères
ou soeurs, par leurs camarades déjà au lycée ou leurs professeurs
du collège que leurs résultats scolaires allaient baisser en seconde,
il n'en demeure pas moins qu'une bonne partie des élèves interrogés
ne trouvent pas la situation toujours compréhensible car ce qui les interroge,
c'est que le travail fourni, parfois supérieur à celui fourni
au collège, ne paye plus. Tous les élèves, bien évidemment,
n'entrent pas dans cette catégorie, plusieurs d'entre eux expliquent
la baisse de leurs résultats scolaires avant tout par un manque de travail
soit parce qu'ils n'ont pas envie de travailler, soit parce qu'ils trouvent
à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école
des choses plus intéressantes à faire. Néanmoins le "manque
de travail" au collège était beaucoup moins pénalisé
qu'au lycée. En ne travaillant pas beaucoup, les partisans du peu d'effort
parvenaient à "s'en sortir" quand même. Tous les élèves
de la classe, bons comme moyens élèves au collège, ont
effectivement des résultats scolaires inférieurs à ceux
obtenus en troisième au collège et l'écart des résultats
obtenus est souvent important : par rapport à la moyenne qu'ils obtenaient
en troisième au collège, douze élèves sur trente
et un ont une moyenne inférieure de plus de 3 points à la fin
du premier trimestre en seconde. Cinq des trente et un élèves
expliquent que les mauvais résultats scolaires obtenus sont dus aux lacunes
qu'ils ont accumulées les années scolaires précédentes.
La baisse des résultats scolaires n'est cependant pas liée seulement
aux mauvaises expériences scolaires passées de l'élève,
la baisse des résultats scolaires en seconde s'explique par une inadaptation
aux situations nouvelles que l'élève rencontre à son entrée
au lycée.
Les élèves expliquent surtout la baisse de leurs résultats
scolaires par les difficultés nouvelles qu'ils rencontrent en seconde
au premier rang desquelles, le problème de la prise de notes. Ils nous
expliquent combien il leur est difficile de savoir ce qu'il faut prendre en
notes : ils notent au hasard des brides du discours enseignant ou recopient
les notes de leur voisin de table ce qui rend impossible leur relecture puisqu'elles
sont souvent incompréhensibles. Lors des contrôles sur table, l'incompréhension
se traduit par une mauvaise note. Si au début du second trimestre, la
prise de notes est devenue une donnée familière pour la majorité
des élèves, il s'avère que neuf élèves de
la classe n'ont pas résolu le problème à la fin de l'année
scolaire.
Le français, même s'il n'est pas au lycée une nouvelle discipline,
est cité comme tel par les élèves tant les exigences du
lycée par rapport à celles du collège sont différentes,
"n'ont rien à voir". En seconde, on n'évalue plus seulement
les connaissances acquises en grammaire ou en orthographe, on évalue
surtout les qualités d'expression de l'élève. Au-delà
du français, ce sont d'ailleurs toutes les disciplines enseignées
au lycée qui appellent désormais à la maîtrise du
"je". Le français demeure à la fin de l'année
scolaire la discipline que les élèves jugent la plus difficile.
Peu d'entre eux ont amélioré leurs résultats scolaires
au cours de l'année, le plus souvent parce que découragés
par les mauvais résultats obtenus, ils ont décidé de ne
plus travailler.
Au contenu et à l'organisation différente des cours s'ajoutent
d'autres nouveautés que l'élève de seconde analyse comme
étant aussi ce qui explique la baisse des résultats scolaires
en seconde. Les élèves de seconde sont heureux de disposer au
lycée de plus de liberté qu'au collège mais la plus grande
liberté qui leur est accordée n'est pas toujours bien utilisée
: au collège, les élèves, surveillés en permanences,
étaient obligés de travailler, au lycée, ils sont libres
de ne rien faire et beaucoup en profitent. Par ailleurs, les élèves
de seconde déplorent de ne plus entretenir avec leurs professeurs du
lycée les relations qu'ils avaient avec leurs professeurs du collège
: la relation professeur/élève au lycée est plus distante
or pour beaucoup, elle est ce qui les motive à travailler. D'autre part,
le suivi du travail scolaire par les professeurs du lycée est plus faible
que celui mis en oeuvre par les professeurs du collège : les élèves
de seconde se sentent plus souvent qu'au collège seuls devant leurs difficultés
scolaires. La combinaison d'une activité extra-scolaire régulière
se combine plus difficilement avec le travail à faire au lycée
qu'au collège : quantitativement plus important qu'en troisième,
le travail à réaliser en seconde suppose des élèves
qui pratiquent une activité extra-scolaire qu'ils s'organisent doublement
ce qu'ils ne parviennent ou ne désirent pas faire. En entrant en seconde,
les élèves entrent dans une nouvelle classe dans laquelle des
liens nouveaux vont naître entre pairs. Plusieurs garçons de la
classe mesurent, surtout à la fin de l'année scolaire, l'influence
de leurs camarades sur le comportement qu'ils ont eu en classe et la qualité
de leur travail.
2.2. Les solutions possibles.
Travailler davantage est la première solution que donnent les élèves
pour améliorer leurs résultats scolaires. On comprend qu'il est
plus difficile pour beaucoup d'élèves d'envisager de travailler
autrement puisque jusqu'ici les méthodes utilisées ont toujours
fonctionné. Notons que la majorité des élèves envisage
de fournir plus de travail au conditionnel.
L'intensification des efforts peut se faire avec l'aide de quelqu'un. L'aide
des pairs s'avère être celle retenue en priorité par les
élèves. Elle est préférable à celle que peuvent
donner les enseignants parce qu'elle engage un rapport d'égal à
égal. L'offre à l'extérieur de l'école est souvent
citée aussi : les élèves sollicitent facilement l'aide
de leurs parents ou frères et soeurs aînés. Ce sont auprès
d'éducateurs de leurs quartiers que d'autres élèves cherchent
l'aide dont ils ont besoin pour réaliser leur travail scolaire. Les aides
proposées par le lycée sont quant à elles rarement citées
de manière spontanée par les élèves. Ainsi lorsque
nous demandons aux élèves de la classe ce qu'ils pensent des modules,
système de soutien en français, mathématiques et en histoire-géographie,
à l'exception de deux élèves, tous ne lui trouvent aucune
utilité parce que contrairement aux objectifs du système, les
modules sont pour les élèves un cours traditionnel qui se différencie
seulement au vu du nombre d'élèves présents : la moitié
de la classe alors qu'il devrait permettre d'aborder le programme sous d'autres
angles. L'Aide Individualisée, aide ponctuelle personnalisée,
même si elle est aussi très rarement citée de manière
spontanée, est considérée plus rentable mais elle dépend
beaucoup de l'enseignant qui l'anime. C'est aussi parce qu'elle a lieu en comité
restreint (huit élèves maximum) qu'elle permet d'établir
avec l'enseignant et le groupe des relations différentes qui favorisent
un meilleur apprentissage.
Les propositions des élèves quant à l'intensification
du travail sont pour certains restées à l'état de projet
ce qui explique selon eux pourquoi leurs résultats scolaires ont encore
baissé au cours de l'année. Certains ont abandonné leurs
efforts au vu des mauvais résultats obtenus mais d'autres ont réellement
travaillé sans que cela ne soit toujours pour autant récompensé.
Trois élèves seulement obtiennent à la fin de l'année
scolaire une moyenne supérieure à celle obtenue au premier trimestre
et ce sont trois élèves qui se classaient dans les premiers rangs
au début de l'année. Néanmoins, leurs résultats
scolaires restent inférieurs à ceux obtenus au collège.
Les têtes de classe n'entrent cependant pas tous dans la même logique
: même si à la fin de l'année scolaire, Sylvie, reste première
de sa classe, il n'en demeure pas moins que ses résultats scolaires sont
en baisse à la fin de l'année scolaire. La baisse qu'elle enregistre
est d'un point et demi et elle résulte d'une inadaptation au groupe de
pairs dont elle se trouve exclue partiellement.
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