INTRODUCTION
Cette communication a pour objet la thématique de la formation à
l'évaluation et s'intéresse à la pertinence d'une formation
à l'éthique dans le champ de ce type de pratiques de formation.
Le cas étudié ici a eu lieu à l'IUFM auprès de
candidats au CAPES, dans le cadre d'un module co-disciplinaire inter-langue
sur l'évaluation, la communication, l'apprentissage et la citoyenneté.
Les observations faites par les étudiants lors d'un travail en évaluation
sur un texte d'Yvan Abernot (1996) mettant en évidence les écarts
de notation des épreuves du Baccalauréat, nous permettent de faire
les remarques suivantes :
Les étudiants prennent conscience de la responsabilité du professeur/évaluateur
en tant que citoyen face aux lycéens, ainsi que des enjeux et des conséquences
de l'acte d'évaluer.
Au niveau des affects, cela a provoqué chez les étudiants de la
surprise allant jusqu'à la stupéfaction devant la variabilité
possible des notes qui peuvent soit faire échouer soit faire réussir
un même candidat.
Cela a également suscité de l'inquiétude. En effet, alors
qu'ils avaient toujours fait confiance au système scolaire sans jamais
remettre en question le pouvoir des enseignants/évaluateurs, ils se sont
rendus compte qu'ils ont pu tour à tour être victime du dispositif
d'évaluation (pouvant jusqu'à détruire un projet de vie)
ou bénéficier d'un regard valorisant ouvrant les portes de la
réussite.
UN QUESTIONNEMENT SUR LES PRATIQUES
Cette prise de conscience, les a amenés à s'interroger sur le
poids de leur propre responsabilité en tant que futur enseignant/évaluateur.
Ils se sont demandés si les enseignants étaient toujours conscients
des enjeux de l' acte d'évaluation, de ce qui se jouaient en eux, mais
aussi des risques qui découlent du pouvoir et du statut d'évaluateur.
Ils ont alors formulé la nécessité d'être lucide,
honnête et vigilant, clairvoyant dans la manière de noter, et il
leur est apparu nécessaire de réfléchir sur certaines valeurs.
Nonobstant, le formateur se trouve confronté à une double responsabilité,
celle de citoyenneté le renvoyant à l'idée qu'il est investi
d'une mission qui est de garantir une formation de qualité, et celle
de la responsabilité éthique qui signe la reconnaissance de l'autre
comme autrui dont "la responsabilité m'incombe" (Levinas, 1992).
EDUQUER ET/OU INSTRUIRE
"La racine latine d'éducation, ex-ducere (ducere signifie conduire)
témoigne bien du fait que celui qui éduque conduit autrui "
hors " de lui-même, tandis que celui qui instruit (struere : construire
en latin privilégie l'intérieur), s'intéresse à
la construction de la personnalité.
La question de la posture (Ardoino, 1990) du formateur à une culture
de l'évaluation, entendue au sens de position et d'attitudes, dans le
cadre de pratiques sociales, dépend de l'intentionnalité des acteurs,
supposant que soient réfléchis les modèles de la formation
convoqués, ainsi que le paradigme dans lequel s'inscrivent les discours.
S'agit-il d'un projet d'éducation qui consisterait à permettre
à l'apprenant à "se conduire" (Busnel, 1995)" ou
d'un projet d'instruction, comme "action de former et d'enrichir l'esprit
par la transmission et l'étude du savoir ?" (idem)
Le premier suppose la mobilisation chez l'autre de savoirs disponibles pour
agir "sur le monde sans que personne n'ait à refaire le chemin de
leur acquisition à chaque fois" (Donnadieu, Genthon, Vial, 1998).
Dans le projet d'éducation on trouve "Les valeurs critiques, esthétiques,
éthiques auxquelles elle s'ordonne (responsabilité, reconnaissance
et respect du pluriel, acceptation de l'altérité et de l'altération,
maturation cultivée, progrès, civilisation, développement
des connaissances, citoyenneté) " Ardoino (2000).
Le second projet s'intéresse à la transmission des contenus de
savoirs, moins riche et moins étendu, que le précédent,
s'il peut inclure le savoir-faire, il néglige cependant le savoir-être
présent dans l'éducation.
Toutefois, former à l'évaluation suppose de la part du formé
lui même futur évaluateur mais aussi du formateur un questionnement
éthique qui trouve son origine mais aussi sa visée dans l'agir
humain, dans une perspective praxiste donc dans "une visée d'autonomie
qui reconnaît l'autre comme l'agent de son autonomie" (Imbert, 1992).
FORMATION DES ETUDIANTS A L'ETHIQUE
Le positionnement éthique avant d'être acte est parole et s'inscrit
dans une relation à l'autre qui tend à l'égalité
qui fait de la reconnaissance une valeur première. Il permet ainsi d'
" établir l'acte éducatif dans le cadre d'une éthique
relationnelle favorable aux apprentissages " (Lenoir 1998, p ; 80).
Cette question éthique est indispensable car elle est à la fois
un acte de conscientisation mais aussi un processus d'auto-formation, dans le
sens où le sujet du côté de l'éthique apparaît
comme singulier, seul et confronté à lui-même. En effet,
l'éthique est individuelle et renvoie le sujet à lui-même
dans un auto-questionnement sur ses valeurs.
La problématique de l'éducation réussie est la même
que celle de l'autonomie et de l'hétéronomie, avec pour finalité
la liberté. Toutefois, cette liberté qui n'est pas absolue est
limitée au respect de l'autre, inscrite dans un cadre social comprenant
des droits et des devoirs c'est-à-dire l'engagement de soi, dans des
pratiques sociales. C'est pourquoi l'éducation " vise, d'une part,
le développement de la personne, la constitution du sujet, son autorisation,
mais, d'autre part, elle poursuit les objectifs qui lui sont encore assignés,
au titre de la fonction sociale qu'elle exerce, à savoir : l'adaptation
à l'existant, l'initiation et la soumission aux règles comme la
méthode pour l'entrée dans la société " Ardoino,
2000
Or c'est parce que le questionnement éthique ne se délègue
pas et ne s'impose pas, et que du point de vue de l'étymologie, "
évaluation " a à voir avec l'idée de valeur, qu'a
émergé l'idée qu'une formation à l'éthique
pourrait peut-être faciliter une formation à la culture de l'évaluation
riche d'un point de vue du nécessaire travail sur soi, des remises en
question et des bouleversements paradigmatiques, mécaniciste et biologique.
En effet, une formation à l'éthique n'aurait-elle pas pour rôle
d'éviter de réduire la culture de l' évaluation au simple
avènement de la subjectivité et de la domination de l'homme sur
l'Autre par la seule technique évaluative, et de ce fait ne permettrait-elle
pas de donner du sens à l'acte d'éduquer, mais aussi à
celui d'évaluer ?
Elle faciliterait, de ce fait, le deuil de la maîtrise de l'Autre, en
effet la logique du contrôle (M. Vial), tout comme la morale passe par
un besoin de vérification et de conformisation, une quête des bonnes
procédures respectant normes et règles .
Ainsi donc, fini cette primauté de l'objet sur le sujet, du réel
sur l'homme, désormais c'est l'acte même de la pensée qui
se trouve au fondement du savoir.
Comme il n'y a pas d'éducation sans éthique et sans travail sur
les valeurs c'est par l'acte de penser que se joue entre autre la responsabilité
du formateur et de son devoir de citoyen, qui le renvoie, et le confronte à
un questionnement éthique, clé de la dynamique éducative,
permettant de mieux comprendre le " pourquoi " et le " vers où
" de son action.
Mots clés : évaluation, éthique, éducation,
acte, agir
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