La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs d'action et d'évaluation : des problèmes de gouvernance ?


Titre : Quelle formation à l'éthique dans une formation à l'évaluation ?
Auteurs : DAINECHE Belina, Doctorante, ACCARDI Jocelyne, Docteur en sciences de l'éducation

Texte :
INTRODUCTION

Cette communication a pour objet la thématique de la formation à l'évaluation et s'intéresse à la pertinence d'une formation à l'éthique dans le champ de ce type de pratiques de formation.

Le cas étudié ici a eu lieu à l'IUFM auprès de candidats au CAPES, dans le cadre d'un module co-disciplinaire inter-langue sur l'évaluation, la communication, l'apprentissage et la citoyenneté.
Les observations faites par les étudiants lors d'un travail en évaluation sur un texte d'Yvan Abernot (1996) mettant en évidence les écarts de notation des épreuves du Baccalauréat, nous permettent de faire les remarques suivantes :

Les étudiants prennent conscience de la responsabilité du professeur/évaluateur en tant que citoyen face aux lycéens, ainsi que des enjeux et des conséquences de l'acte d'évaluer.
Au niveau des affects, cela a provoqué chez les étudiants de la surprise allant jusqu'à la stupéfaction devant la variabilité possible des notes qui peuvent soit faire échouer soit faire réussir un même candidat.
Cela a également suscité de l'inquiétude. En effet, alors qu'ils avaient toujours fait confiance au système scolaire sans jamais remettre en question le pouvoir des enseignants/évaluateurs, ils se sont rendus compte qu'ils ont pu tour à tour être victime du dispositif d'évaluation (pouvant jusqu'à détruire un projet de vie) ou bénéficier d'un regard valorisant ouvrant les portes de la réussite.

UN QUESTIONNEMENT SUR LES PRATIQUES

Cette prise de conscience, les a amenés à s'interroger sur le poids de leur propre responsabilité en tant que futur enseignant/évaluateur.
Ils se sont demandés si les enseignants étaient toujours conscients des enjeux de l' acte d'évaluation, de ce qui se jouaient en eux, mais aussi des risques qui découlent du pouvoir et du statut d'évaluateur.
Ils ont alors formulé la nécessité d'être lucide, honnête et vigilant, clairvoyant dans la manière de noter, et il leur est apparu nécessaire de réfléchir sur certaines valeurs.

Nonobstant, le formateur se trouve confronté à une double responsabilité, celle de citoyenneté le renvoyant à l'idée qu'il est investi d'une mission qui est de garantir une formation de qualité, et celle de la responsabilité éthique qui signe la reconnaissance de l'autre comme autrui dont "la responsabilité m'incombe" (Levinas, 1992).

EDUQUER ET/OU INSTRUIRE


"La racine latine d'éducation, ex-ducere (ducere signifie conduire) témoigne bien du fait que celui qui éduque conduit autrui " hors " de lui-même, tandis que celui qui instruit (struere : construire en latin privilégie l'intérieur), s'intéresse à la construction de la personnalité.

La question de la posture (Ardoino, 1990) du formateur à une culture de l'évaluation, entendue au sens de position et d'attitudes, dans le cadre de pratiques sociales, dépend de l'intentionnalité des acteurs, supposant que soient réfléchis les modèles de la formation convoqués, ainsi que le paradigme dans lequel s'inscrivent les discours.


S'agit-il d'un projet d'éducation qui consisterait à permettre à l'apprenant à "se conduire" (Busnel, 1995)" ou d'un projet d'instruction, comme "action de former et d'enrichir l'esprit par la transmission et l'étude du savoir ?" (idem)
Le premier suppose la mobilisation chez l'autre de savoirs disponibles pour agir "sur le monde sans que personne n'ait à refaire le chemin de leur acquisition à chaque fois" (Donnadieu, Genthon, Vial, 1998). Dans le projet d'éducation on trouve "Les valeurs critiques, esthétiques, éthiques auxquelles elle s'ordonne (responsabilité, reconnaissance et respect du pluriel, acceptation de l'altérité et de l'altération, maturation cultivée, progrès, civilisation, développement des connaissances, citoyenneté) " Ardoino (2000).

Le second projet s'intéresse à la transmission des contenus de savoirs, moins riche et moins étendu, que le précédent, s'il peut inclure le savoir-faire, il néglige cependant le savoir-être présent dans l'éducation.


Toutefois, former à l'évaluation suppose de la part du formé lui même futur évaluateur mais aussi du formateur un questionnement éthique qui trouve son origine mais aussi sa visée dans l'agir humain, dans une perspective praxiste donc dans "une visée d'autonomie qui reconnaît l'autre comme l'agent de son autonomie" (Imbert, 1992).

FORMATION DES ETUDIANTS A L'ETHIQUE

Le positionnement éthique avant d'être acte est parole et s'inscrit dans une relation à l'autre qui tend à l'égalité qui fait de la reconnaissance une valeur première. Il permet ainsi d' " établir l'acte éducatif dans le cadre d'une éthique relationnelle favorable aux apprentissages " (Lenoir 1998, p ; 80).
Cette question éthique est indispensable car elle est à la fois un acte de conscientisation mais aussi un processus d'auto-formation, dans le sens où le sujet du côté de l'éthique apparaît comme singulier, seul et confronté à lui-même. En effet, l'éthique est individuelle et renvoie le sujet à lui-même dans un auto-questionnement sur ses valeurs.
La problématique de l'éducation réussie est la même que celle de l'autonomie et de l'hétéronomie, avec pour finalité la liberté. Toutefois, cette liberté qui n'est pas absolue est limitée au respect de l'autre, inscrite dans un cadre social comprenant des droits et des devoirs c'est-à-dire l'engagement de soi, dans des pratiques sociales. C'est pourquoi l'éducation " vise, d'une part, le développement de la personne, la constitution du sujet, son autorisation, mais, d'autre part, elle poursuit les objectifs qui lui sont encore assignés, au titre de la fonction sociale qu'elle exerce, à savoir : l'adaptation à l'existant, l'initiation et la soumission aux règles comme la méthode pour l'entrée dans la société " Ardoino, 2000

Or c'est parce que le questionnement éthique ne se délègue pas et ne s'impose pas, et que du point de vue de l'étymologie, " évaluation " a à voir avec l'idée de valeur, qu'a émergé l'idée qu'une formation à l'éthique pourrait peut-être faciliter une formation à la culture de l'évaluation riche d'un point de vue du nécessaire travail sur soi, des remises en question et des bouleversements paradigmatiques, mécaniciste et biologique.
En effet, une formation à l'éthique n'aurait-elle pas pour rôle d'éviter de réduire la culture de l' évaluation au simple avènement de la subjectivité et de la domination de l'homme sur l'Autre par la seule technique évaluative, et de ce fait ne permettrait-elle pas de donner du sens à l'acte d'éduquer, mais aussi à celui d'évaluer ?
Elle faciliterait, de ce fait, le deuil de la maîtrise de l'Autre, en effet la logique du contrôle (M. Vial), tout comme la morale passe par un besoin de vérification et de conformisation, une quête des bonnes procédures respectant normes et règles .

Ainsi donc, fini cette primauté de l'objet sur le sujet, du réel sur l'homme, désormais c'est l'acte même de la pensée qui se trouve au fondement du savoir.
Comme il n'y a pas d'éducation sans éthique et sans travail sur les valeurs c'est par l'acte de penser que se joue entre autre la responsabilité du formateur et de son devoir de citoyen, qui le renvoie, et le confronte à un questionnement éthique, clé de la dynamique éducative, permettant de mieux comprendre le " pourquoi " et le " vers où " de son action.


Mots clés : évaluation, éthique, éducation, acte, agir


Menu