La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Comment analyser et comprendre, les situations pédagogiques et didactiques ?


Titre : RESSOURCES ORALES ET GESTUELLES EMPLOYÉES PAR DES ENFANTS SOURDS DANS LE PROCESSUS DE LA CONSTRUCTION DE L'ÉCRITURE
Auteurs : MARTINS, Sandra Eli Sartoreto de Oliveira (Departamento Educação Especial FFC-UNESP- Brésil)

Texte :
1. L'importance de la langue maternelle dans le processus de l'apprentissage de l'écriture

Quand l'enfant entendant arrive à l'école, il possède un vocabulaire propre et des connaissances de l'usage des formes grammaticales de sa langue maternelle qui seront employées dans l'apprentissage de l'écriture. L'enfant sourd, même s'il a déjà développé avec ses parents une certaine forme de communication (orale ou gestuelle), débute le processus d'alphabétisation la plupart du temps à partir d'une systématisation précaire de la langue parlée, ce qui rend ce processus plus complexe.
Il y a une littérature abondante de l'enseignement de l'écriture pour les enfants entendants qui définit cet apprentissage comme une deuxième langue à être acquise, c'est-à-dire, comme langue étrangère. Cependant, il y a peu d'études concernant les enfants qui commencent le processus de l'acquisition de l'écriture sans maîtriser la grammaire de sa langue maternelle, ce qui arrive à l'enfant sourd.
Dans la littérature spécialisée en éducation spéciale, on observe une grande polémique sur quelle langue devrait intervenir dans le processus de l'apprentissage de l'écriture du sourd - langue orale ou de signes ? Plusieurs chercheurs croient que l'écriture a un rôle important dans le processus général de l'acquisition du langage et dans le développement cognitif du sourd. Néanmoins, la façon dont la langue est conçue et travaillée dans de différentes propositions éducationnelles peut rendre difficile ou facile l'accès et le développement du langage verbal de l'enfant sourd.
Ainsi, pour les adeptes de la conception monolingue, l'acquisition de la langue orale est toujours considérée essentielle pour le succès de l'apprentissage de l'écriture (Couto, 1988; Ciccone 1990; Costa, 1994; Boothroyd, 1996 et d'autres). Contraires à cette vision et opposants de la Communication Totale et de la Proposition de l'Oralité, les chercheurs d'une conception bilingue ont développé leurs études basés sur l'idée du langage écrit comme un système autonome par rapport à la parole (Alisedo-Costa, 1987; Sánchez, 1993; Quadros, 1997 et d'autres). Ferreira-Brito (1993), représentante de cette conception, dit que le sourd apprend à lire le portugais sans avoir appris à le prononcer, comme quand on apprend une langue étrangère sans savoir nécessairement prononcer ses mots.
On peut apercevoir dans ces deux conceptions (monolingue et bilingue) qu'il est nécessaire que l'individu sourd ait une maîtrise antérieure d'un système linguistique au moment où il va apprendre la langue écrite, soit-il oral (parole) ou gestuel-visuel (signes).
On sait que la langue de signes peut intervenir dans l'apprentissage de l'écriture du sourd, comme affirment les chercheurs de la proposition bilingue, cependant on ne peut pas ignorer que des conditions appropriées pour cet apprentissage ne sont pas fréquemment mises en place dans notre société.
Ce qui nous présente la réalité brésilienne, ce sont des enfants sourds qui ne maîtrisent ni la langue orale ni la langue de signes. Ainsi, on se demande: que doit-on faire face à ces enfants sourds qui ont besoin de commencer leur alphabétisation? Faut-il d'abord attendre l'apprentissage de la langue de signes? Doit-on attendre qu'ils apprennent le système oral et après leur apprendre l'écriture?
Dans notre recherche chez les enfants sourds, on a observé que bien qu'ils n'aient pas une langue systématisée, ils cherchent à comprendre d'une certaine manière l'écrit; pourtant, la préoccupation de différents professionnels de leur apprendre un système linguistique, oral et/ou gestuel-visuel, comme condition sine qua non à l'alphabétisation, peut conduire à ce qu'on ne valorise pas les ressources sémiotiques que l'enfant emploie dans l'apprentissage de l'écriture.
Sans oublier l'importance que la langue conventionnelle a dans l'éducation du sourd, on croit qu'il est possible de la saisir à travers une conception de langage qui prend en compte les ressources linguistiques que l'enfant emploie dans l'acquisition de l'écriture. Le travail qui privilégie le processus d'interaction dans la constitution de la connaissance ouvre de nouvelles possibilités au développement du sourd. L'adulte a un rôle primordial dans ce processus, car, au moment où il reconnaît les ressources sémiotiques de l'enfant, il peut l'aider dans l'apprentissage de langue écrite (Vygostky, 1991).
Appuyée sur les présupposés socio-interactionnels et sur une vision de langage discursive (Bakhtin,1992), cette étude a eu comme but d'identifier et d'analyser les ressources orales et gestuelles utilisées par un groupe d'enfants sourds dans le processus de systématisation de l'écriture.

2. Procédures méthodologiques employées dans la recherche

Les données de cette étude ont été recueillies au CEDAU (Centro Educacional do Deficiente Auditivo), de l'Hospital de Reabilitação de Anomalias Crâniofaciais da Universidade de São Paulo de Bauru - Brésil (HRAC/USP).
On a choisi de travailler avec un échantillon constitué de quatre enfants sourds (trois filles et un garçon), de tranche d'âge entre 07 à 8 ans, inscrites dans des classes régulières de l'Enseignement public et privé. Ces enfants présentaient surdité neurosensorielle, aux degrés de lésion auditive variables entre modéré et profond.
On a enregistré par vidéo des situations d'interaction thérapeute-enfant et enfant-enfant dans six différentes activités de production écrite qui ont été programmées préalablement par la thérapeute. Tels activités ont été: dictées, élaboration de phrases (orales et écrites), production de textes à partir de gravures et à partir d'événements divers et reproduction de textes à partir d'histoires infantiles racontées.
Au delà des données obtenues par les enregistrement vidéo, on a recueilli aussi les productions écrites des participants.
Pour le traitement et l'analyse des données, on a dû transcrire les enregistrements effectués. La transcription a compris la description de l'oralité et de la gestualité employées pendant le processus de l'écriture et dans l'interaction de l'enfant-focalisé avec l'autre dans les activités mentionnées.
Pour faciliter l'analyse, les ressources gestuelles employées par les participants de cette étude au cours du processus de l'apprentissage de l'écriture ont été classées de la façon suivante : gestes interpréteurs de phonèmes, gestes mimiques et gestes culturellement signifiés. On appelle gestes interpréteurs de phonèmes les mouvements moteurs criés avec le seul objectif d'aider l'enfant à établir les relations orthographiques-phonétiques dans les situations de production de la langue orale et écrite. Souvent, ces mouvements indiquent corporellement le point ou le mode d'articulation du phonème qui est en jeu, aussi bien que ses caractéristiques supra segmentaires : durée, extension, intensité. Dans d'autres situations ils représentent les gestes que les enfants utilisent pour indiquer des lettres et des syllabes disposées dans la classe et aussi les mouvements qu'ils utilisent pour dessiner des lettres en l'air. Les gestes mimiques sont compris comme représentations motrices des objets auxquels ils se réfèrent. Comme gestes culturellement signifiés, on entend les symboles culturels plus connus et utilisés dans la société, par exemple, des gestes qui signifient " attendez un peu ", " venez ici ", " tchao ", " je pars ", etc.
Dans les discussions des données recueillies, on a cherché à sélectionner et à analyser des activités de l'écriture considérées exemplaires et d'autres activités qui se réfèrent à quelques aspects singuliers du processus de l'apprentissage de l'écriture des enfants participants de cette étude. On a essayé aussi de détacher, au cours de l'analyse, des moments d'oralité e/ou gesticulations accompagnées ou pas de l'acte écrit, aussi que les interactions entre la thérapeute et les participants de cette étude.

3. Considérations finales de cette étude

Les données obtenues dans cette étude ont montré que l'insistance constante sur la communication orale semble avoir limité l'utilisation des ressources gestuelles par les participants de cette étude dans la plupart des situations analysées. Dans le processus d'interlocution, les enfants, d'une manière générale, s'adressaient à la thérapeute en employant des fragments de parole accompagnés d'autres ressources sémiotiques disponibles dans la communication, dans ce cas, les gestes. On a pu constater que la thérapeute, dans la plupart des situations, n'attribuait pas de signifiés à ces gestes, cependant, les données de cette étude révèlent que les gestes interprétateurs de phonèmes configurent un moyen important pour l'enfant qui se trouve à l'étape finale du processus de l'écriture, c'est-à-dire, au moment où l'on cherche à comprendre comment les sons sont représentés graphiquement.
En ce qui concerne les gestes culturellement signifiés et les gestes mimiques, ils se sont montrés extrêmement importants pour l'enfant au fur et à mesure qu'ils les employaient pour partager avec l'autre sa connaissance sur l'écriture. Autrement dit, ces gestes semblent être considérés par les participants de cette étude comme une ressource linguistique importante dans le processus de systématisation de l'écriture.
En ce qui concerne la production écrite des participants, ce qui nous a attiré l'attention c'est la grande occurrence dans plusieurs activités développées d'erreurs formelles que l'on peut diviser dans deux grands blocs : des échanges orthographiques (phonétique) et des erreurs de constructions grammaticales (morphologie et syntaxe).
Des exemples typiques d'erreurs orthographiques ont été identifiés surtout dans des activités de dictée (effectuées par la thérapeute et par les enfants) dont l'objectif principal était d'évaluer la capacité de l'enfant à écrire selon la norme standard. Cependant, il faut mettre en relief que ces erreurs ont été identifiées aussi dans les autres activités et étaient suivies d'erreurs grammaticales.
Même si on sait que l'absence d'une langue commune entre les interlocuteurs peut rendre difficile, voire retarder, le processus d'apprentissage de l'écriture, on croit que, quand on admet une vision du langage qui considère une variété de ressources sémiotiques dans la communication, on ouvre une possibilité réelle à ces enfants de constituer le langage écrit. Dans cette conception, la maîtrise partielle du système linguistique oral n'est plus considéré un obstacle pour que l'apprentissage de l'écriture s'effectue. En outre, l'apprentissage de l'écriture, conçue comme résultat d'un processus d'interaction avec l'autre, nous fait reconnaître que l'adulte a un rôle fondamental dans ce processus, puisque que c'est lui qui ira interpréter le moyen dont l'enfant le signifie et, ainsi, il pourra l'engager dans le processus d'acquisition de nouvelles connaissances de cette forme complexe de langage qui est l'écriture (Bakhtin, 1992).
En somme, les données obtenues montrent l'importance de se considérer les différentes ressources sémiotiques dans le processus d'apprentissage de l'écriture. Ainsi, tout le processus d'apprentissage ne porterait pas seulement sur le canal qui est endommagé, l'audition. Il faut prendre en considération que les gestes sont aussi constitutifs du langage verbal et, donc, capables de signifier l'écriture elle-même.
Quand on considère l'écriture un univers de cognition, elle pourra conduire l'enfant sourd, peu à peu, à participer d'interactions qui ne se restreignent pas au contexte immédiat, elle sera une possibilité effective de communication de l'enfant sourd avec des interlocuteurs différents. Son acquisition exigera toujours du sourd un acte de réflexion sur le langage dans la constitution du sens pendant l'interaction avec l'autre au moment de l'élaboration écrite.

Bibliographiques

ALISEDO-COSTA, G. Fundamentos semiológicos para una pedagogia de la lectoescritura en el niño sordo. Lectura y Vida, p. 15 - 21, jun. 1987.

BAKHTIN, M. V. Marxismo e filosofia da linguagem. 6 ed. Tradução por Michel Lahul e Yara Frateschi Vieira. São Paulo: Hucitec, 1992.

BOOTHROYD, A. Childhood deafness: the complexities of management. Pediatric Otology ande Neurology. Philadelphia, org. Lalwani, AK and Grundfast, KM, PA: J.B Lippincott Company, 1996.

COSTA, M. .P. R. O deficiente auditivo: aquisição da linguagem, orientações para o ensino da comunicação em um procedimento para o ensino da leitura e da escrita. São Carlos: Edufscar, 1994.

COUTO, A. Como posso falar: aprendizagem da língua portuguesa pelo deficiente auditivo. Rio de janeiro: Aula, 1988.

CICCONE, M. C. Comunicação total. Rio de janeiro: Cultura Médica, 1990.

FERREIRA-BRITO, L. A Integração social e educação de surdos. Rio de Janeiro: Babel, 1993.

QUADROS, R, M. Educação de surdos: aquisição da linguagem. Porto Alegre: Artes Médicas, 1997.

SÁNCHEZ, C. Vida para os surdos! Nova Escola. v. 8, n 69, p. 32 - 38, set. 1993.

VYGOTSKY, L. S. A formação social da mente: o desenvolvimento dos processos psicológicos superiores. 4. ed. tradução por José Cipola Neto. São Paulo: Martins Fontes, 1991.

. Pensamento e linguagem. 3. ed. tradução por Jeferson Luiz Camargo. São Paulo: Martins Fontes, 1991.


Menu