La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Citoyenneté, valeurs et violence. Ethique et médiation : sont-elles au coeur des problématiques d'éducation ?


Titre : Recherche, expériences et médiations à l'école
Auteurs : YANNAKAKIS Pascalia

Texte :
Cette contribution s'inscrit dans la perspective de faire connaître les résultats des médiations entre la théorie et la pratique.
Elle se base sur une recherche qui a été faite en 1996 sur l'enseignant médiateur.1 A la suite le chercheur est devenu médiateur par la place de l'inspectrice. Quatre expériences ont testé les résultats de cette recherche. Il y a une double communication de la théorie et de la pratique dans la double déjà qualification du chercheur et de l'homme du terrain: professeur il y a quelques années inspectrice maintenant.
La question centrale: Comment l'enseignant grec construit son identité professionnelle, gère ses contradictions dans les rapports de sa vie personnelle, professionnelle et sociale? Quelles sont ses médiations et avec quelle formation? Quel est son rapport au savoir?
A: La recherche: Dans une analyse historique et aussi dans une analyse qualitative de 29 entretiens nous avons cherché ce qui fait le rapport au savoir de l'enseignant à travers ses médiations à l'école. Il y a des facteurs institutionnels, personnels et sociaux qui se rencontrent et se croisent lors de ces médiations. L'enseignant apparaît plus ou moins médiateur: soit comme possesseur du savoir, soit comme "manager" de celui-ci mais dans un univers instable, et encore un professionnel efficace, un médiateur efficace.
Les concepts: La médiation devient un concept central dans cette recherche. La praxis quotidienne des enseignants démontre que la médiation ne peut pas exister que par la présence d'une contradiction, et d'un rapport, et se définit comme la création d'un espace d'action où se réalise le croisement des processus des visions, des attentes, des mobiles des représentations, des faits et des échanges du sujet dans son rapport à l'objet. Lors ce processus le sujet essaye de dominer et contrôler le pôle décisif de la contradiction et de s'émanciper. Il lui arrive de réussir ou pas ou d'arriver à un certain point. Recul, fuite, cynisme, confort, compromis, émancipation se produisent, et ils sont relatifs au sens que l'enseignant donne à l'action.
B: Les expériences Mes enjeux : Pourquoi cette démarche? a) Trouver un sens en pratique: Puisque le rôle d'inspecteur est flou en Grèce il a fallut travailler vers le côté de la formation, trouver des formes de médiation c'est à dire des formes d'action: construire des relations, faire connaître aux enseignants les résultats de la recherche et les transformations professionnelles, chercher construire avec eux de nouvelles compétences et faire face à l'exclusion des enfants à difficultés. Enfin d'autre part pour pratiquer la médiation qui a la flexibilité de se transformer par les besoins de la réalité et d'après le sens que l'individu donne à l'action du moment. Dans ce cas la médiation se comprend aussi en tant que dynamique transformatrice. Il a fallut donc construire de nouvelles logiques, de nouvelles valeurs. b)Faire communiquer la pratique et la théorie : L'étude se fait dans la perspective d'alimenter la théorie par la médiation de l'expérience. Parler de l'expérience c'est parler du rapport au savoir. Il s'agit d'abord d'un savoir vécu qui se trouve en suspens, en développement et qui se réalise par des actions routinisées. Il s'agit d'un savoir acquis par l'individu avec l'observation et non par l'étude. On apprend dans le quotidien, et ce processus s'inscrit dans l'histoire personnelle et sociale. Nous avons à faire donc à des formes de savoir en construction à des actions médiatisées par la culture, par les représentations et par d'autres actions, qui se colorent par le sens que l'individu leur donne. Cette expérience peut rester un savoir inachevé, non transformé, mais de toute façon ouvert à un développement. Les médiations de l'enseignant aux contradictions de la réalité par son expérience ne sont pas toujours efficaces. Un nouveau travail est entrain de se faire pour restructurer les données.
Mes choix : a) Les observations des cours des enseignants et b) les cours que j'ai moi-même fait, une sorte d'auto confrontation avec une cassette vidéo c) les bilans de réunions de type officiel et d) les séminaires de formation à thèmes en situation.
Il s'agit d'une analyse des médiations à des contradictions dans les pratiques, d'une analyse du travail de l'enseignant, une analyse donc des
· Processus des logiques par rapport à la pratique du savoir.
Formation et évaluation? i) Dans un premier temps j'ai fait des observations à des cours des enseignants chose qui m'a obligée de visiter les écoles pour connaître leur milieu et réussir une relation avec les acteurs. Je vivais la contradiction de représenter la hiérarchie avec laquelle les enseignants avaient toujours un rapport de force. Le théoricien que j'étais et qui n'avait pas un vrai contact avec la réalité me rendait suspecte. Pour pouvoir travailler avec eux il a fallut beaucoup discuter et il a fallut moi-même me mettre à distance de ce que je représentais. Mon objectif était d'élaborer les présupposés pour un travail commun sur le savoir, en vue d'identifier et surmonter les problèmes. Il a fallut faire des médiations très subtiles pour ne pas les humilier. Ils citaient comme difficultés rencontrées dans leurs pratiques le manque du temps, la matière, les manques des élèves qui leur posaient des problèmes de compréhension. ii) Dans un deuxième temps j'ai pensé utiliser un cours que j'ai fait et enregistré dans une cassette vidéo pour avoir la possibilité de me trouver en action avec eux de nouveau et de discuter sur les détails didactiques et pédagogiques du cours, de m'exposer aussi sous l'objectif d'analyser les possibilités des alternatives pendant l'enseignement. Construire leur confiance et puis construire les médiations d'une liberté pour un contrôle par eux-mêmes de leurs conditions de travail. Faire une telle formation et être de l'autre part un futur évaluateur ce n'était pas pour eux évident. Leur expérience construite en savoir est que le rapport avec la hiérarchie c'est perte d'autonomie et non pas collaboration, co-construction, gestion des possibilités du travail, gestion de la liberté et des conditions du travail. Pourquoi quand même ils m'ont acceptée dans leurs classes sans être obligés? Est-ce par le soucis de vouloir travailler autrement? Dans ce rapport avec eux et la contradiction du chercheur/inspecteur qui prenait le priorité? iii)Dans un troisième temps j'ai décidé de faire moi-même des cours avec leur présence. Les enseignants dans leurs analyses insistaient plutôt à des remarques techniques. Il y avait un autre nombre qui ne disait rien par peur de dire quelque chose d'inexact. Je comprenais que les choses se jouent sur le terrain dans les échanges et dans cette confiance mutuelle. Les enseignants ont trouvé le cours suivi accidentel et si c'était ainsi peut-on penser qu'il y a une ouverture de la réalité vers le possible et leur explication du moment était la peur de survie, la peur de recommencer et tout reconstruire? Question du soi, et conscience de la fluidité du réel et de ses possibilités? iv) Dans un quatrième temps j'ai rédigé des bilans à deux types a) Les bilans qui sont collectionnés après l'organisation des rencontres/réunions à l'occasion de l'introduction d'un nouveau livre ou d'un changement concernant l'évaluation de nouvelles reformes au lycée et au collège b) Les bilans qui sont faits pour un travail collectif dans des écoles ou des établissements à thèmes demandés ou encore pour des observations des cours suivis par les enseignants de l'école même et souvent par les enseignants des écoles voisines. Ces expériences sont traversés du schisme chercheur/inspecteur. De ma part il fallait contrôler et dominer alternativement les deux pôles de cette contradiction, trouver un sens dans mes médiations et transformer ce rapport de savoir, ce rapport conflictuel. Je trouvais que c'était déjà une ouverture de travailler tous ensemble et de discuter sur les potentialités du cours et sur celles des enfants qui restent inactives. C'était déjà beaucoup qu'ils ont eux-mêmes trouvé leurs points faibles et qui maintenant, comme ils disent, retravaillent la réalité. Le soi et l'autre se rapprochent.
Les processus des logiques des enseignants se lient au rapport au savoir et font reférence à la formation et à l'identitaire pour encore une fois. Il s'agit de la: 1. Logique traditionnelle qui est de s'adapter aux reformes et qui au fond amènent à un cours opérationnel. Les enseignants demandent des plans de cours pour les appliquer en classe tandis que la variété des situations ne correspond pas à un modèle proposé. Ils ne peuvent pas gérer la réalité par leur expérience et ils souffrent. Ils ont un sentiment de dévalorisation. Comment comprendre cette souffrance, comment la transformer en plaisir d'action? 2. Logique du management: La médiation de l'enseignant c'est "faire le maximum", "être charmant dans la classe" " réaliser les objectifs" et gérer bien le temps, formules qui font reférence à des interventions techniques, à un technicien de connaissance. 3. Logique transformatrice. Dans ce cas les enseignants sortent du bipolarisme cherchent des pratiques qui puissent aider leur public et ils essayent de travailler d'une manière non opératoire. On peut remarquer que le travail sur le terrain dans le collectif est efficace. On ne cherche pas remédier mais être ensemble, là où se trouve le problème. Ce qui émerge c'est le besoin de travailler autrement.
· Processus des faits, des phénomènes, des attentes et des représentations par rapport au savoir de la pratique
Avoir l'expérience et être inefficace?Les médiations des enseignants lors de l'enseignement suivi sont basées sur des représentations qui ont à faire1)au passé:"Le tort est aux élèves et à la famille".2)à l'institution: "Le tort est au système" c'est une idée très répandue, que les théories de reproduction ont construite, 3)au soi: "Quel sens donner à l'enseignement? On ne nous demande pas notre avis sur tout ce qui se passe à l'école et puis on nous demande tout sans nous former " une allusion à l'anonymat et au besoin de devenir meilleur.Ils ne trouvent pas un sens, et encore ils ont leurs points de vues, leur expérience qui répond à la réalité. Pourquoi changer alors des pratiques et se mettre en cause? Il y a une souffrance si on n'est pas sûr que ça ira.4)à leur savoir de la pratique"Mon travail est sans résultat, il est fait en vaine":Les enseignants ne voient pas des résultats tangibles et leur travail est prescrit.Comment perçoivent-ils ce travail qui doit avoir des résultats désirables?C'est le travail où les élèves apprennent quelque chose. S'ils ne réussissent pas ce n'est pas de leur tort.Souvent ils se préparent bien mais sans résultats.Ils essayent malgré tout et nous l'avons remarqué à leurs cours observés.S'ils croient que leur expérience est celle qui les rend efficaces ils aperçoivent qu'elle n'est pas insuffisante.Cette contradiction se justifie par la présence de la contradiction contenu/méthode ou meilleur dire matière/temps.Leur expérience de faire enseigner le contenu pour l'évaluer après, se heurte à leur méthode d'enseigner un même cours à un public hétérogène, d'enseigner au fond le contenu prévu, indépendamment de ce qui fait l'apprendre.Il s'agit d'un rapport conflictuel,d'un rapport difficile à vivre des enseignants même si un nombre d'entre eux "veut travailler autrement".Nous avons remarqué:
Au collège un nombre d'entre eux fait un cours plutôt opératoire et le manque du temps les amènent à le réciter. Si les élèves écoutent le contenu enseigné au moins "une fois dans leur vie ils peuvent dans ce cas attraper quelque chose".Cette réponse à la question d'enseigner et d'apprendre met en relief des pratiques opératoires.Leur travail ne devient pas une forme d'expression de leur personnalité et leurs médiations sont inefficaces.Un autre nombre se balance entre de "faire la matière" et "faire comprendre la matière". Ils essayent d'équilibrer entre un compromis fécond ou un recul, entre le refus de l'action et l'effort vers le possible. Un autre nombre observé essaie de faire participer la classe et de développer la pensée des enfants. Ces groupes ne sont pas tout à fait pures.
Au lycée les enseignants dans leurs majorité sont piégés à la représentation de former les élèves pour passer le bac. Ils sont conscients de ce piège mais ils se sentent responsables et ils veulent tout enseigner, fidèles au contenu.Ils font un cours de haut niveau pour gagner la reconnaissance de leurs élèves et de leurs parents, pour concurrencer leurs collègues des cours particuliers et des instituts de préparation des candidats pour le bac. "Ils veulent travailler autrement",et "ils ont perdu le sens de travailler dans cette école".Ils sont conscients que la logique faire la matière pour évaluer à fin les élèves est sans issue. Mais c'est difficile de changer dans ce flux des devoirs à affronter. Il est difficile de réorganiser les pratiques, de risquer et d'aller contre le sens commun! Il y a une souffrance pour toute cette conscience des choses qui se vit le jour au jour; il y a une difficulté de gérer la subjectivité pour se sentir bien et l'expérience devient un piège. Au lycée le travail est souffrance.
Résultats: La théorie et la pratique communiquent. L'enseignant travaille dans un univers instable et contradictoire et souvent dévalorisé.Ce contexte l'influence et il construit son rapport au travail, positif ou négatif. Le sens qu'il lui donne et l'autonomie qu'il dispose jouent un rôle clé. Alors pour quel savoir travaille t il? 1.L'enseignant se trouve en face du savoir construit, du savoir objet, du savoir structure. Il entreprend l'exécution d'un travail plutôt opératoire comme il est possesseur de ce savoir structuré.L'acteur donne la priorité à l'institution; il s'inscrit au processus epistémique d'adaptation à la situation sans avoir retravaillé son expérience. Il y a la médiation du refus, par souffrance. Son expérience reste pendante et sa formation si elle existe dans un tel contexte se dégrade ou reste inactive.2.L'enseignant travaille pour transformer son expérience et produire un nouveau savoir. L'acteur entre dans un processus d'élaboration de sens déjà différent du précédent et l'institutionnel dans ses médiations se remplace par son initiative personnelle. Il se balance entre de différents choix en essayant de réguler les situations et son expérience souvent se transforme en savoir. 3. Le savoir devient moyen de production d'un savoir nouveau, structurant, dans un processus différent qui est celui de l'élucidation de la situation, un savoir qui se crée dans le collectif, la réflexion et l'échange. Le savoir donc, structure, structuré, devient structurant et ouvert à des possibilités. L'enseignant médiateur se met en un processus de construction de l'émancipation de l'individu. Ses expériences partagées avec l'autre sont retravaillées, et restructurées par la théorie, transformées par l'action et en action. L'enseignant médiateur donne à son travail le sens d'une production d'un savoir valeur sociale, chose qui le rend un médiateur politique.

Yannakakis P, 1996, L'enseignant médiateur et ses rapports à l'école en Grèce, Thèse de doctorat nouveau régime à Paris 8


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