La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs d'action et d'évaluation : des problèmes de gouvernance ?


Titre : ELEVE-ASSISTANCE ou De l'assistance à l'appropriation
Auteurs : MAZALTO Maurice, proviseur de lycée à Pont-Audemer.( Eure),membre / actif des Centres d'Entrainement aux Méthodes d'Education Active.(CEMEA) / mm.mazalto@wanadoo.fr

Texte :
Le projet pédagogique mis en œuvre au lycée Jacques Prévert, s'inscrit dans le temps. Il est né de constats effectués en 1994, construit puis mis en place en 1995- 1996, pour évoluer progressivement jusqu'à ce jour dans ses finalités et dans ses formes. Les réponses initiales s'appuyaient sur une vision utilisatrice de l'école à partir de chiffres et pourcentages ; au fil des ans, elle ont fait place à une conception prenant davantage en considération le jeune, vision humaniste en phase avec les concepts de l'éducation nouvelle.


1° Une situation ordinaire, des constats affligeants.

D'une façon générale, la classe de seconde, est le niveau de toutes les ruptures : changement d'établissement, d'enseignants, de camarades. Les jeunes lycéens découvrent que l'apprentissage des savoirs est très différent, que l'autonomie accordée est difficile à maitriser. Peu sont préparés à affronter ces mutations, le plus grand nombre est désorienté. Faute d'accompagnements, certains se détournent d'études trop difficiles, sont entrainés dans la spirale de l'échec, dégradent l'image renvoyée à leur entourage par des attitudes répréhensibles.
Le lycée Jacques Prévert s'inscrivait logiquement dans ces constats, la réponse apportée priviligiant le redoublement (25 % des effectifs de seconde) ou la réorientation en lycée professionnel (5 à 8 % ). Il en résultait un sentiment de grande inefficacité chez les enseignants, un gâchis humain chez les élèves.

2° Une Première réponse pédagogique : objectifs et méthodologie.

Les élèves qui réussissent focalisent tous les regards,tous les compliments. Et les autres ? ils attendent qu'un adulte s'intéresse positivement à eux, les écoute lorsqu'ils expriment leur incompréhension pour des savoirs trop difficiles , des résultats inexplicables.
La réponse apportée est la mise en place d'une structure légère intitulée contrat-assistance , composée d'un adulte référent (surveillant) qui prend en charge 5 à 7 élèves volontaires, repérés en difficulté ,à raison d'une heure hebdomadaire. On y développe l'écoute, voire le soutien psychologique ainsi que l'aide méthodologique (le savoir-faire) encore peu développée. Le champ disciplinaire n'est pas accessible.
En direction des enseignants, il est essentiel de tisser du lien entre professeurs de collège et professeurs de lycée ; en effet, le fossé est profond entre le possible au collège et l'indispensable au lycée. Or les enseignants n'entretiennent aucune relation, aussi la liaison troisième-seconde pose de gros problèmes de continuité.
Avec l'aide du rectorat, sont organisées des rencontres structurées dans plusieurs champs disciplinaires. Les enseignants échangent sur leurs pratiques, se communiquent des cours, arrivent à déterminer des outils de compétences.

3° Résultats et évolution.

En quelques années la situation s'améliore, notamment dans les résultats chiffrés. Le projet est inscrit au second puis au troisième Programme National d'Innovation ce qui lui confère davantage de légitimité au sein de l'établissement. Certains constats ne sont pas satisfaisants :
§ Les élèves réclament avec force de l'aide aux devoirs, c'est-à-dire une assistance " utilitariste " sans véritable implication de leur part,
§ Les enseignants , méfiants, restent à l'écart du projet pédagogique.
La réforme des lycées, en 1998, officialise l'aide individualisée , donne une place importante au soutien ; il est temps de s'interroger sur la pertinence du projet pédagogique.
Nous avons pu constater au fil des ans, que certains élèves demeurent étrangers à leurs études ; faute de pouvoir se bâtir un projet valorisant, ils naviguent dans les eaux incertaines de l'immédiateté, pilotant à vue des études qui ont souvent plus d'importance pour leur entourage que pour eux-même. Il en résulte peu ou pas de motivation , l'école ne fait pas sens pour l'élève qui la fréquente. Dans ces conditions, aucune aide aussi sophistiquée soit-elle, n'est efficace. Se bâtir un projet est une construction difficile qui demande du temps. Celui de l'adolescence , cette re-naissance ,n'est pas le plus adapté : il se caractérise par le refus systématique des propositions de l'adulte ou à l'opposé, par une docilité institutionnelle, qui n'engage pas davantage. Pourtant il est indispensable de confronter les envies fugitives, les désirs du moment, aux principes de réalité, même si l'image sublimisée que l'adolescent souhaite renvoyer à sa famille, au groupe qu'il fréquente, aux enseignants qu'il admire, doit être quelque peu écornée.
La réforme des lycées met en place une autre nouveauté : l'heure de vie de classe.
Nous utilisons cette structure pour recentrer le projet autour du professeur principal de seconde. Ce dernier devient le pivot pour aider chaque élève à développer son projet personnel afin de mettre en place une orientation positive. Les conséquences de cette évolution sont très importantes , de nouvelles pratiques sont développées, des relations différentes s'instaurent :
§ Durant un certain nombre de séquences, le professeur principal travaille avec l'élève sur l'orientation. Il est aidé par d'autres adultes selon la demande : conseiller d'orientation, documentaliste, professionnels..
§ Il prépare le conseil de classe avec les élèves, anime le conseil de classe, en fait le bilan avec les élèves de la classe.
§ L'élève volontaire assiste à son conseil de classe ; il dialogue, reçoit conseils et encouragements.
L'orientation n'est plus déterminée par des résultats scolaires mais à partir d'un projet exprimé ; il s'agit alors de mettre en adéquation par le dialogue, les désirs et les compétences repérées à un moment donné. L'évaluation en est totalement transformée, chacun est invité à réfléchir avec l'élève sur ses chances raisonnables de mener à terme son projet, et non plus de savoir si 11 de moyenne en mathématiques n'est pas trop fragile pour une première scientifique.
L'élève s'approprie véritablement ses études. Il est au cœur du système et comprend davantage pour quelles raisons l'école lui demande de fournir des efforts.

4° D'autres aspects développés.

Le projet évolue, contrat-assistance devient élève-assistance placé sous la responsabilité globale du professeur principal ; mais les élèves ressentent de plus en plus mal des séquences qui ajoutent des heures à un emploi du temps déjà bien chargé ; certains les ressentent même comme des punitions. Nous travaillons sur l'aide aux devoirs avec des emplois-jeunes disponibles.
Le volet orientation présente beaucoup d'intérêt dans la construction de la personnalité de l'élève, dans ses rapports aux autres, dans son estime de soi. Aussi le projet est développé en amont vers les collèges de recrutement pour connaître l'histoire du jeune qui arrive au lycée ; une fiche synthèse d'orientation est remplie par les professeurs principaux de troisième. Dans la même optique , les documents de travail sont transmis aux professeurs principaux de première qui les complètent pour ceux de terminale.
Le projet pédagogique est inscrit au quatrième Programme National d'Innovation (2001-2003) ; il donnera lieu à communication détaillée.

5° Bilan et évaluation.

Le projet pédagogique décrit s'inscrit dans le temps ; il a une vie autonome de la naissance jusqu'à sa disparition.Ce projet requière un pilotage collégial autour d'un responsable de projet. Les objectifs fondamentaux qui en constituent l'ossature, ont été développés dans le projet d'établissement, acceptés par les différents acteurs. A ce jour, dix-huit personnes travaillant dans le lycée sont concernées directement, une vingtaine d'autres de façon plus indirecte, dont dix à l'extérieur.
La cellule innovation du rectorat de Rouen a nommé un formateur qui accompagne l'équipe dans ses démarches, ses tatonnements, ses évaluations, ses écrits.
L'évaluation quantitative est simple à formuler : 11% de redoublement en seconde en juin 2002 améliorant les pourcentages des quatre années précédentes ; l'évaluation qualitative, certainement la plus intéressante , mais plus complexe, n'a pas été étudiée ; il reste à imaginer les outils qui permettraient de mesurer les plus-values dans les champs relationnels, d'apprentissage, de socialisation.


Nota : une description plus détaillée de ce projet pourra être consultée dans un ouvrage à paraître à l'automne 2002 :

" Diriger un établissement scolaire l'éducation nouvelle au quotidien. "
auteur : Maurice Mazalto. L'Harmattan Editeur.


Menu