La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Nouvelles compétences et nouveaux apprentissages ? dont le sous-groupe 'philo'


Titre : PROFESSIONNALISER LES CONSEILLERS EN FORMATION CONTINUE
Auteurs : OUAKNINE Robert

Texte :

Dans le cadre de ses missions de service public, la loi d'orientation de juillet 1989 a donné la responsabilité à l'Education nationale de contribuer à la formation professionnelle continue des adultes salariés ou demandeurs d'emploi. A la suite de la loi de 1971 sur l'obligation légale de financement de la Formation Professionnelle Continue (FPC), les Etablissements Publics Locaux d'Enseignement (EPLE) ont été organisés en Groupements d'établissements (GRETA) pour mettre en œuvre des programmes et des actions de formation à partir d'orientations académiques arrêtées par le recteur et pilotées par le délégué académique à la formation continue (DAFCO). Le développement de ces activités et l'animation de ces structures opérationnelles ont été confiés à des conseillers en formation continue (CFC). Ces personnels, recrutés et formés spécifiquement, sont mis à disposition des recteurs et des DAFCO, sur des emplois budgétaires à temps plein.

Les fonctions de CFC sont définies par un décret de 1990. Une note de service du ministère de l'Education nationale précise que, comme " agents de développement de la formation continue, les CFC sont chargés d'animer les travaux relatifs à l'élaboration, à l'adaptation, à l'organisation et à la promotion de l'offre de formation continue de l'Education nationale, en fonction de l'analyse, à laquelle ils concourent, du besoin économique et social de formation " . Ces missions ont été traduites dans un référentiel métier en 1993, toujours en vigueur, qui détaille les compétences mobilisées dans l'exercice de quatre grandes fonctions : marketing et action commerciale ; production (réponses formation) ; logistique (administration et gestion) ; direction (animation d'équipe) .
Sur la base de ces définitions, les Centres Académiques de Formation Continue (CAFOC) sont chargés d'organiser et de réaliser la formation initiale en alternance des CFC nouvellement nommés ainsi que la formation continue des personnels déjà en fonction. Apports de savoirs théoriques et méthodologiques, mises en situation pour des apprentissages pratiques, partages et analyses d'expériences… autant de contenus et de modalités qui permettent aux nouveaux recrutés, comme aux anciens, de se préparer à de nouvelles activités et de s'adapter à un milieu professionnel qui a ses règles de vie, ses exigences et ses contraintes. La formation initiale des CFC fait l'objet d'une certification après soutenance d'un mémoire professionnel devant un jury où siègent, sous la présidence du DAFCO , un universitaire, un responsable d'entreprise, l'adjoint du DAFCO (chargé des " Ressources humaines ") ainsi qu'un inspecteur pédagogique (inspection pédagogique des CFC).

Sans véritablement le modifier dans sa conception de départ, diverses évolutions bousculent le métier de CFC depuis quelques années. Quelques exemples : exigences des financeurs publics (Etat, régions) en matière de qualité de service rendu ; transformation des relations commerciales marquées par les logiques d'appel d'offre et, pour les financements publics, par le code des marchés publics ; demandes des entreprises qui souhaitent de plus en plus articuler effort de formation et projet de développement (économique, organisationnel, managérial…) ; impact des technologies de l'information et de la communication sur les situations de travail et les pratiques pédagogiques ; intégration des politiques européennes et nationales par le biais des modes de financements ; transformation dans la réglementation et l'organisation des certifications, notamment en matière de validation des acquis de l'expérience ; création des " lycées des métiers " dont l'objectif essentiel vise à rapprocher les diverses modalités de formation professionnelle (initiale, continue, apprentissage) en partageant la richesse des expériences acquises et en optimisant les ressources engagées.

Une double fonction caractérise la position du CFC dans ses activités comme dans ses relations de travail, celle d'interface et de médiation. En effet, dans les GRETA, le CFC est la personne a priori disponible et compétente pour traiter l'ensemble des activités qui concernent le domaine de la formation professionnelle continue dans sa conception (ingénierie de formation et ingénierie pédagogique), sa prospection et sa contractualisation (action commerciale, négociation, conventionnement…), son déroulement (suivi, contrôle, évaluation…) et sa gestion administrative et budgétaire. Outre l'expertise requise en matière d'ingénierie de formation, cet ensemble d'activités nécessite une bonne connaissance en permanence actualisée de l'environnement socio-économique de sa zone d'intervention, un solide réseau relationnel, tant à l'interne qu'à l'externe, ainsi que des qualités de négociateur, d'animateur, de gestionnaire… Situé dans l'équipe de direction, le CFC n'a pas de rôle hiérarchique sur les personnels qui interviennent dans le GRETA. Par contre, il est continuellement en position d'expertise et de conseil interne. En effet, il doit faciliter la mise en œuvre d'orientations politiques et d'axes de développement confrontés aux exigences d'un marché fortement concurrentiel ainsi qu'aux attentes des multiples commanditaires publics et privés qui n'ont pas toujours recours à la formation professionnelle continue pour les mêmes raisons. Le tout dans un cadre contraint où les ressources humaines et matérielles sont fortement mises à contribution pour permettre aux établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) de mener à bien leurs différentes missions.

Les évolutions auxquelles le CFC est confronté sont globalement connues. Elles concernent l'ensemble du secteur de la formation. Les informations et les analyses disponibles nécessiteraient cependant une actualisation, concernant le développement des relations entre situations de travail et formation, par exemple. Celles proposées par le contrat d'études prospectives conservent une certaine actualité dans la mesure où elles ont montré clairement la formation comme un secteur d'activités à part entière. A ce titre, la professionnalisation des différents acteurs passe par une reconnaissance des activités et des familles d'emplois : animation de dispositifs de formation et prestations d'orientation ; ingénierie pédagogique et ingénierie de formation ; marketing-commercial ; gestion-management. Ce qui nous renvoie implicitement à différentes fonctions exercées par le CFC pour lesquelles les domaines de connaissances et de savoirs pratiques à maîtriser sont connus. Pour les nouveaux CFC, ils sont travaillés dans le cadre d'une formation en alternance d'un an, qui vise à leur permettre de construire les compétences nécessaires à l'exercice de leurs fonctions :
- s'informer en permanence pour mieux comprendre et situer son intervention dans le cadre de la réglementation, de l'organisation et de l'environnement juridique et socio-économique de la formation professionnelle continue (FPC) ;
- analyser une situation ou un projet en vue de concevoir, organiser, suivre et évaluer une action ou un dispositif de formation (fonction production / conception) ;
- intervenir auprès d'entreprises et d'organisations pour contribuer à l'accompagnement de changements organisationnels, à l'évolution des modes de gestion des ressources humaines ou à la définition de la place de la formation dans des choix managériaux (fonction production / intervention) ;
- développer l'activité de sa structure d'appartenance par le marketing et l'action commerciale (fonction commerciale) ;
- organiser, animer et gérer son équipe, son organisation de travail (fonctions direction / animation et logistique) ;
- se doter des démarches, des outils méthodologiques et des techniques nécessaires à son action de terrain (recueil et traitement de l'information, conduite de réunion et animation d'équipe, analyse du travail, conduite de projet…).

Je ne développerai pas davantage les objectifs (les capacités et les savoirs à maîtriser) ou les contenus de la formation (sociologie des organisations, ingénierie de la formation, droit du travail, méthodologies d'intervention…), j'insisterai plutôt sur la prise en compte d'éléments structurants qui pourraient contribuer à développer une nouvelle identité professionnelle et faciliter l'intégration professionnelle du nouveau CFC dans un environnement que, bien souvent, il découvre. Pour ce faire, l'organisation de l'alternance représente un espace particulièrement fécond pour envisager la professionnalisation des CFC.
La question à laquelle je suis confronté (organiser la formation initiale des CFC stagiaires) pourrait se résumer ainsi : comment faire en sorte qu'à l'issue de l'année de formation en alternance les nouveaux CFC soient capables d'agir avec compétence dans le cadre des missions qui leur sont confiées ?
La qualification requise (la prescription) est connue. Définie dans les textes et les documents de référence cités précédemment, elle se précise dans le cadre du projet de développement du GRETA et trouve sa finalisation dans des lettres de mission individuelles. Si ces indications sont indispensables pour se préparer à une activité professionnelle située dans un environnement socio-économique et organisée dans le cadre de l'institution Education nationale, cela n'est pas suffisant pour construire les compétences nécessaires au travail d'agent de développement, d'interface et de médiateur évoqué au début de ce texte. Les pratiques professionnelles du CFC exigent des capacités, des savoirs et des qualités pour faire face à l'inattendu, faire preuve de réactivité et d'innovation mais aussi de responsabilité. Comment les acquérir, les perfectionner, les développer ?
Plutôt que de formation au sens strict du terme, je préfère me référer à l'idée d'un processus de professionnalisation qui prend en compte les finalités du métier, situe les emplois dans une division du travail et caractérise les activités professionnelles dans un système d'action produit par une organisation. Dans ce cadre, la construction des compétences professionnelles (savoir, pouvoir, vouloir agir avec compétence) privilégie les situations de travail et la possibilité pour le professionnel de combiner diverses ressources individuelles (savoirs, expérience, habiletés…) et collectives (expertises complémentaires, réseaux formels et informels, accès à des bases de données, moyens matériels…) .
Si parler de profession, c'est se référer au genre d'activités professionnelles exercées (les catégories socio-professionnelles de l'INSEE, par exemple), c'est aussi prendre en compte un ensemble d'intérêts qu'un collectif de travail souhaite promouvoir et défendre, et donc, au préalable, organiser pour le légitimer et le contrôler. Cela peut passer par une participation à la constitution d'un corpus de savoirs de haut niveau qui ne peuvent être maîtrisés que par les membres de cette profession. Cela peut aussi se retrouver dans la définition d'un contexte de travail (conditions, ressources, autonomie…) indispensable pour réaliser les interventions professionnelles requises de façon performante. Quoi qu'il en soit, il y a de l'identité professionnelle en jeu, ainsi qu'un sentiment d'appartenance qui, à terme, s'inscrit dans une logique d'intégration socio-professionnelle (un sens partagé du travail, une solidarité dans l'action, un langage commun…).
L'ensemble des modalités qui concourent à organiser le processus de professionnalisation doit contribuer à renforcer une cohérence globale, portée (pour la part qui lui revient) par le CFC stagiaire, pleinement acteur de sa formation car reconnu en tant que tel à toutes les étapes. Plusieurs axes de progrès sont possibles :

1. Recrutement : l'information préalable sur le métier doit permettre une préparation qui vise à valoriser et à reconnaître explicitement l'expérience antérieurement acquise (réinvestissement).

2. Affectation sur un premier poste dans lequel le stagiaire est responsabilisé :
. définition des missions confiées : co-élaboration d'une lettre de mission dans le cadre d'un collectif de travail et dans la perspective du projet de développement de la structure, définition du thème puis validation (technique) du thème du mémoire professionnel qui constitue un apport de réflexion pour le GRETA ;
. prise en charge de dossiers qui impliquent des réalisations concrètes, des relations professionnelles avec différents réseaux de responsables, d'informateurs, d'experts, de réalisateurs (avec l'appui de l'équipe).

3. Formation en alternance :
. élaboration d'un plan de formation personnalisé à partir d'une auto-évaluation (un outil qui permet de se situer par rapport au référentiel de certification du CFC) ;
. organisation d'une alternance professionnalisante et formatrice : une articulation des différentes composantes du dispositif de formation et d'accompagnement (sessions de formation, relations avec la hiérarchie, tutorat pédagogique de proximité…), des temps de réflexion et d'appropriation ;
. modalités de formation articulant théorie et pratique, intervenants externes et responsables fonctionnels (ou experts) internes, témoins et clients… Des consignes sont données aux intervenants pour qu'ils s'appuient au maximum sur des exemples, des cas, des situations de travail apportées par les stagiaires. Les responsables fonctionnels du réseau académique sont sollicités pour permettre aux stagiaires de combiner des apprentissages méthodologiques à des mises en œuvre pratiques à court terme (appels d'offre de la région, démarche qualité…).

4. Certification :
. production d'un mémoire qui reflète la professionnalisation en cours mais qui constitue, en soi, un processus formatif par la réflexion et l'écriture. Présentation et analyse d'un chantier (le thème validé au sein du GRETA) qui fournit l'occasion d'évoquer les problèmes professionnels rencontrés, de présenter les modes de résolution adoptés, les démarches et outils mobilisés. C'est aussi l'occasion d'évoquer des situations professionnelles de référence (réponse à un appel d'offre, ingénierie d'un dispositif, négociation et contractualisation d'un projet…) ;
. processus de certification basé sur la soutenance du mémoire professionnel (dans le cadre d'un jury dont la composition a été évoquée précédemment) et la prise en compte de l'évaluation du président de GRETA (ou du chef de service) basée sur le rapport individuel d'activité de l'année

Rapidement présentées, ces modalités visent à conforter le CFC stagiaire dans un statut garant de sa position d'acteur effectif (droits et devoirs)et source importante, dans le cadre du processus global de professionnalisation, pour la construction de sa nouvelle identité professionnelle.


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