Dans le cadre de ses missions de service public, la loi d'orientation de juillet
1989 a donné la responsabilité à l'Education nationale
de contribuer à la formation professionnelle continue des adultes salariés
ou demandeurs d'emploi. A la suite de la loi de 1971 sur l'obligation légale
de financement de la Formation Professionnelle Continue (FPC), les Etablissements
Publics Locaux d'Enseignement (EPLE) ont été organisés
en Groupements d'établissements (GRETA) pour mettre en uvre des
programmes et des actions de formation à partir d'orientations académiques
arrêtées par le recteur et pilotées par le délégué
académique à la formation continue (DAFCO). Le développement
de ces activités et l'animation de ces structures opérationnelles
ont été confiés à des conseillers en formation continue
(CFC). Ces personnels, recrutés et formés spécifiquement,
sont mis à disposition des recteurs et des DAFCO, sur des emplois budgétaires
à temps plein.
Les fonctions de CFC sont définies par un décret de 1990. Une
note de service du ministère de l'Education nationale précise
que, comme " agents de développement de la formation continue, les
CFC sont chargés d'animer les travaux relatifs à l'élaboration,
à l'adaptation, à l'organisation et à la promotion de l'offre
de formation continue de l'Education nationale, en fonction de l'analyse, à
laquelle ils concourent, du besoin économique et social de formation
" . Ces missions ont été traduites dans un référentiel
métier en 1993, toujours en vigueur, qui détaille les compétences
mobilisées dans l'exercice de quatre grandes fonctions : marketing et
action commerciale ; production (réponses formation) ; logistique (administration
et gestion) ; direction (animation d'équipe) .
Sur la base de ces définitions, les Centres Académiques de Formation
Continue (CAFOC) sont chargés d'organiser et de réaliser la formation
initiale en alternance des CFC nouvellement nommés ainsi que la formation
continue des personnels déjà en fonction. Apports de savoirs théoriques
et méthodologiques, mises en situation pour des apprentissages pratiques,
partages et analyses d'expériences
autant de contenus et de modalités
qui permettent aux nouveaux recrutés, comme aux anciens, de se préparer
à de nouvelles activités et de s'adapter à un milieu professionnel
qui a ses règles de vie, ses exigences et ses contraintes. La formation
initiale des CFC fait l'objet d'une certification après soutenance d'un
mémoire professionnel devant un jury où siègent, sous la
présidence du DAFCO , un universitaire, un responsable d'entreprise,
l'adjoint du DAFCO (chargé des " Ressources humaines ") ainsi
qu'un inspecteur pédagogique (inspection pédagogique des CFC).
Sans véritablement le modifier dans sa conception de départ,
diverses évolutions bousculent le métier de CFC depuis quelques
années. Quelques exemples : exigences des financeurs publics (Etat, régions)
en matière de qualité de service rendu ; transformation des relations
commerciales marquées par les logiques d'appel d'offre et, pour les financements
publics, par le code des marchés publics ; demandes des entreprises qui
souhaitent de plus en plus articuler effort de formation et projet de développement
(économique, organisationnel, managérial
) ; impact des technologies
de l'information et de la communication sur les situations de travail et les
pratiques pédagogiques ; intégration des politiques européennes
et nationales par le biais des modes de financements ; transformation dans la
réglementation et l'organisation des certifications, notamment en matière
de validation des acquis de l'expérience ; création des "
lycées des métiers " dont l'objectif essentiel vise à
rapprocher les diverses modalités de formation professionnelle (initiale,
continue, apprentissage) en partageant la richesse des expériences acquises
et en optimisant les ressources engagées.
Une double fonction caractérise la position du CFC dans ses activités
comme dans ses relations de travail, celle d'interface et de médiation.
En effet, dans les GRETA, le CFC est la personne a priori disponible et compétente
pour traiter l'ensemble des activités qui concernent le domaine de la
formation professionnelle continue dans sa conception (ingénierie de
formation et ingénierie pédagogique), sa prospection et sa contractualisation
(action commerciale, négociation, conventionnement
), son déroulement
(suivi, contrôle, évaluation
) et sa gestion administrative
et budgétaire. Outre l'expertise requise en matière d'ingénierie
de formation, cet ensemble d'activités nécessite une bonne connaissance
en permanence actualisée de l'environnement socio-économique de
sa zone d'intervention, un solide réseau relationnel, tant à l'interne
qu'à l'externe, ainsi que des qualités de négociateur,
d'animateur, de gestionnaire
Situé dans l'équipe de direction,
le CFC n'a pas de rôle hiérarchique sur les personnels qui interviennent
dans le GRETA. Par contre, il est continuellement en position d'expertise et
de conseil interne. En effet, il doit faciliter la mise en uvre d'orientations
politiques et d'axes de développement confrontés aux exigences
d'un marché fortement concurrentiel ainsi qu'aux attentes des multiples
commanditaires publics et privés qui n'ont pas toujours recours à
la formation professionnelle continue pour les mêmes raisons. Le tout
dans un cadre contraint où les ressources humaines et matérielles
sont fortement mises à contribution pour permettre aux établissements
publics locaux d'enseignement (EPLE) de mener à bien leurs différentes
missions.
Les évolutions auxquelles le CFC est confronté sont globalement
connues. Elles concernent l'ensemble du secteur de la formation. Les informations
et les analyses disponibles nécessiteraient cependant une actualisation,
concernant le développement des relations entre situations de travail
et formation, par exemple. Celles proposées par le contrat d'études
prospectives conservent une certaine actualité dans la mesure où
elles ont montré clairement la formation comme un secteur d'activités
à part entière. A ce titre, la professionnalisation des différents
acteurs passe par une reconnaissance des activités et des familles d'emplois
: animation de dispositifs de formation et prestations d'orientation ; ingénierie
pédagogique et ingénierie de formation ; marketing-commercial
; gestion-management. Ce qui nous renvoie implicitement à différentes
fonctions exercées par le CFC pour lesquelles les domaines de connaissances
et de savoirs pratiques à maîtriser sont connus. Pour les nouveaux
CFC, ils sont travaillés dans le cadre d'une formation en alternance
d'un an, qui vise à leur permettre de construire les compétences
nécessaires à l'exercice de leurs fonctions :
- s'informer en permanence pour mieux comprendre et situer son intervention
dans le cadre de la réglementation, de l'organisation et de l'environnement
juridique et socio-économique de la formation professionnelle continue
(FPC) ;
- analyser une situation ou un projet en vue de concevoir, organiser, suivre
et évaluer une action ou un dispositif de formation (fonction production
/ conception) ;
- intervenir auprès d'entreprises et d'organisations pour contribuer
à l'accompagnement de changements organisationnels, à l'évolution
des modes de gestion des ressources humaines ou à la définition
de la place de la formation dans des choix managériaux (fonction production
/ intervention) ;
- développer l'activité de sa structure d'appartenance par le
marketing et l'action commerciale (fonction commerciale) ;
- organiser, animer et gérer son équipe, son organisation de travail
(fonctions direction / animation et logistique) ;
- se doter des démarches, des outils méthodologiques et des techniques
nécessaires à son action de terrain (recueil et traitement de
l'information, conduite de réunion et animation d'équipe, analyse
du travail, conduite de projet
).
Je ne développerai pas davantage les objectifs (les capacités
et les savoirs à maîtriser) ou les contenus de la formation (sociologie
des organisations, ingénierie de la formation, droit du travail, méthodologies
d'intervention
), j'insisterai plutôt sur la prise en compte d'éléments
structurants qui pourraient contribuer à développer une nouvelle
identité professionnelle et faciliter l'intégration professionnelle
du nouveau CFC dans un environnement que, bien souvent, il découvre.
Pour ce faire, l'organisation de l'alternance représente un espace particulièrement
fécond pour envisager la professionnalisation des CFC.
La question à laquelle je suis confronté (organiser la formation
initiale des CFC stagiaires) pourrait se résumer ainsi : comment faire
en sorte qu'à l'issue de l'année de formation en alternance les
nouveaux CFC soient capables d'agir avec compétence dans le cadre des
missions qui leur sont confiées ?
La qualification requise (la prescription) est connue. Définie dans les
textes et les documents de référence cités précédemment,
elle se précise dans le cadre du projet de développement du GRETA
et trouve sa finalisation dans des lettres de mission individuelles. Si ces
indications sont indispensables pour se préparer à une activité
professionnelle située dans un environnement socio-économique
et organisée dans le cadre de l'institution Education nationale, cela
n'est pas suffisant pour construire les compétences nécessaires
au travail d'agent de développement, d'interface et de médiateur
évoqué au début de ce texte. Les pratiques professionnelles
du CFC exigent des capacités, des savoirs et des qualités pour
faire face à l'inattendu, faire preuve de réactivité et
d'innovation mais aussi de responsabilité. Comment les acquérir,
les perfectionner, les développer ?
Plutôt que de formation au sens strict du terme, je préfère
me référer à l'idée d'un processus de professionnalisation
qui prend en compte les finalités du métier, situe les emplois
dans une division du travail et caractérise les activités professionnelles
dans un système d'action produit par une organisation. Dans ce cadre,
la construction des compétences professionnelles (savoir, pouvoir, vouloir
agir avec compétence) privilégie les situations de travail et
la possibilité pour le professionnel de combiner diverses ressources
individuelles (savoirs, expérience, habiletés
) et collectives
(expertises complémentaires, réseaux formels et informels, accès
à des bases de données, moyens matériels
) .
Si parler de profession, c'est se référer au genre d'activités
professionnelles exercées (les catégories socio-professionnelles
de l'INSEE, par exemple), c'est aussi prendre en compte un ensemble d'intérêts
qu'un collectif de travail souhaite promouvoir et défendre, et donc,
au préalable, organiser pour le légitimer et le contrôler.
Cela peut passer par une participation à la constitution d'un corpus
de savoirs de haut niveau qui ne peuvent être maîtrisés que
par les membres de cette profession. Cela peut aussi se retrouver dans la définition
d'un contexte de travail (conditions, ressources, autonomie
) indispensable
pour réaliser les interventions professionnelles requises de façon
performante. Quoi qu'il en soit, il y a de l'identité professionnelle
en jeu, ainsi qu'un sentiment d'appartenance qui, à terme, s'inscrit
dans une logique d'intégration socio-professionnelle (un sens partagé
du travail, une solidarité dans l'action, un langage commun
).
L'ensemble des modalités qui concourent à organiser le processus
de professionnalisation doit contribuer à renforcer une cohérence
globale, portée (pour la part qui lui revient) par le CFC stagiaire,
pleinement acteur de sa formation car reconnu en tant que tel à toutes
les étapes. Plusieurs axes de progrès sont possibles :
1. Recrutement : l'information préalable sur le métier
doit permettre une préparation qui vise à valoriser et à
reconnaître explicitement l'expérience antérieurement acquise
(réinvestissement).
2. Affectation sur un premier poste dans lequel le stagiaire est responsabilisé
:
. définition des missions confiées : co-élaboration d'une
lettre de mission dans le cadre d'un collectif de travail et dans la perspective
du projet de développement de la structure, définition du thème
puis validation (technique) du thème du mémoire professionnel
qui constitue un apport de réflexion pour le GRETA ;
. prise en charge de dossiers qui impliquent des réalisations concrètes,
des relations professionnelles avec différents réseaux de responsables,
d'informateurs, d'experts, de réalisateurs (avec l'appui de l'équipe).
3. Formation en alternance :
. élaboration d'un plan de formation personnalisé à partir
d'une auto-évaluation (un outil qui permet de se situer par rapport au
référentiel de certification du CFC) ;
. organisation d'une alternance professionnalisante et formatrice : une articulation
des différentes composantes du dispositif de formation et d'accompagnement
(sessions de formation, relations avec la hiérarchie, tutorat pédagogique
de proximité
), des temps de réflexion et d'appropriation
;
. modalités de formation articulant théorie et pratique, intervenants
externes et responsables fonctionnels (ou experts) internes, témoins
et clients
Des consignes sont données aux intervenants pour qu'ils
s'appuient au maximum sur des exemples, des cas, des situations de travail apportées
par les stagiaires. Les responsables fonctionnels du réseau académique
sont sollicités pour permettre aux stagiaires de combiner des apprentissages
méthodologiques à des mises en uvre pratiques à court
terme (appels d'offre de la région, démarche qualité
).
4. Certification :
. production d'un mémoire qui reflète la professionnalisation
en cours mais qui constitue, en soi, un processus formatif par la réflexion
et l'écriture. Présentation et analyse d'un chantier (le thème
validé au sein du GRETA) qui fournit l'occasion d'évoquer les
problèmes professionnels rencontrés, de présenter les modes
de résolution adoptés, les démarches et outils mobilisés.
C'est aussi l'occasion d'évoquer des situations professionnelles de référence
(réponse à un appel d'offre, ingénierie d'un dispositif,
négociation et contractualisation d'un projet
) ;
. processus de certification basé sur la soutenance du mémoire
professionnel (dans le cadre d'un jury dont la composition a été
évoquée précédemment) et la prise en compte de l'évaluation
du président de GRETA (ou du chef de service) basée sur le rapport
individuel d'activité de l'année
Rapidement présentées, ces modalités visent à conforter
le CFC stagiaire dans un statut garant de sa position d'acteur effectif (droits
et devoirs)et source importante, dans le cadre du processus global de professionnalisation,
pour la construction de sa nouvelle identité professionnelle.
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