La 6ème Biennale

Contribution longue recherchée

Atelier : Dispositifs d'action et d'évaluation : des problèmes de gouvernance ?


Titre : Doctorant au Laboratoire des Sciences de l'Education (GREIF) Université Pierre Mendès France Grenoble II ijulien@hotmail.com
Auteurs : IBOUANGA Julien

Texte :
Etude des effets du curriculum de formation des enseignants du secondaire à l'évaluation pédagogique. Application aux professeurs des Lycées et Collèges formés à l'école normale supérieure de Libreville (GABON)


Compte rendu de recherche en cours
Présentation de l'étude

La formation, dans toutes ses composantes : initiale, générale, continue, professionnelle, technique, scientifique dans les pays en développement est une préoccupation majeure et une priorité pour les décideurs de ces pays qui, souvent avec l'aide des organismes internationaux de coopération et de développement, investissent de manière très importante pour lutter contre l'analphabétisme, contre les échecs scolaires, contre les phénomènes d'abandons scolaires, contre les effectifs pléthoriques en milieu scolaire, etc. Cette lutte exige nécessairement la garantie d'une éducation et d'une formation adéquate des jeunes, des professionnels et des adultes. Dans ce contexte, la formation professionnelle des enseignants est un des critères retenus pour apprécier ou pour mesurer la contribution réelle de la formation à la pratique des activités pédagogiques.

Problématique
La recherche que nous menons porte sur les effets du curriculum de formation des enseignants du secondaire à l'une de ces pratiques : l'évaluation pédagogique. Elle consiste à vérifier l'effet d'une formation - en l'occurrence ici la formation à l'évaluation pédagogique - sur les pratiques évaluatives des enseignants du secondaire formés à l'Ecole Normale Supérieure (ENS) de Libreville (Gabon).
Elle s'inscrit dans le cadre des travaux qui tentent d'expliquer la meilleure façon de former les différents publics (élèves, stagiaires, professionnels, adultes, etc.) aux compétences, savoir-faire nécessaires et d'étudier les effets des activités de formation (actions de formation, dispositifs de formation ou d'enseignement, programmes de formation, établissements, etc.).
Elle consiste à vérifier l'effet d'une formation sur la pratique professionnelle. Autrement dit, nous cherchons à comprendre comment les acquis de la formation vont être exploités - sur le terrain professionnel - lorsqu'ils vont quitter leur milieu de conception.
Quelques travaux menés à l'ENS de Libreville (Gabon) qui tentent d'étudier d'une part le rapport entre la formation théorique et la pratique (Pauline Denis, 1985) - étude qui montre que parmi les stagiaires interrogés sur l'utilisation du cours de pédagogie générale, une moitié serait prête à utiliser la méthode apprise en cours (de pédagogie générale) une fois en exercice, l'autre moitié ne serait pas prête à l'utiliser. Cette dernière avance entre autre comme arguments : la différence entre ce qui est enseigné à l'ENS et la réalité des établissements secondaires (faible niveau des élèves, programmes chargés, classes surpeuplées, etc. - et d'autre part les difficultés des stagiaires à appliquer sur le terrain les nouvelles connaissances méthodologiques d'enseignement de la lecture apprises en classe (D. Schaeffer-Campbell, 1995) ; ces études plus les constats empiriques que nous faisons lors du suivi des stagiaires en période de stage montrent que si certains d'entre eux arrivent à utiliser leurs acquis et à se servir ailleurs de ce qu'ils ont appris en formation, d'autres en revanche ont du mal à faire ce lien.
Cette étude s'ancre dans une problématique plus particulière consistant à confronter la formation à la pratique de terrain. Nous l'étudions par rapport à une matière enseignée à l'E.N.S : le cours d'évaluation intitulé " Docimologie " qui consiste à donner aux futurs enseignants du secondaire les outils théoriques et méthodologiques pour pratiquer l'évaluation pédagogique dans leurs disciplines respectives.
Il s'agit d'étudier les pratiques d'évaluation des enseignants et de déceler les liens existant entre ces pratiques et la formation reçue.
L'étude des effets de formation des enseignants s'inscrit dans un cadre théorique multiréférentiel qui s'articule autour de quatre concepts : l'évaluation, le curriculum, la formation des enseignants et les pratiques professionnelles.

Un double questionnement
L'étude s'articule autour d'un double questionnement. Nous aimerions savoir:
- d'une part si le fait d'avoir suivi le cours d'évaluation pédagogique, d'avoir appris les stratégies ou les techniques d'évaluation influe sur un savoir-faire, une compétence particulière en matière d'évaluation des productions scolaires des élèves
- d'autre part quelles traces subsistent sur le terrain des savoirs acquis en formation.

L'étude ambitionne de comprendre le fonctionnement de l'enseignant évaluateur dans un dispositif d'évaluation pédagogique en milieu scolaire africain - gabonais en particulier - confronté aux problèmes de surpeuplement dans les classes, de forts taux d'échec scolaire, etc. La recherche a pour but :
- d'analyser les pratiques déclarées des enseignants en matière d'évaluation ;
- de déceler dans ces pratiques les traces des connaissances acquises en formation ;
- de vérifier si ces connaissances différencient les pratiques évaluatives des enseignants formés par rapport à ceux qui ne le sont pas.

Une hypothèse générale
L'hypothèse générale qui guide la recherche repose sur l'idée selon laquelle les pratiques d'évaluation des enseignants vont peut-être dépendre des connaissances acquises en formation mais aussi et peut-être surtout, de la manière dont ils vont s'en servir en milieu professionnel. Ceci implique par exemple le rôle joué par la prise en compte des savoirs, des référentiels, des conceptions, des attitudes, des représentations ainsi que des caractéristiques culturelles des enseignants qui sous-tendent leur identité professionnelle. A ce titre, comprendre le fonctionnement de l'enseignant évaluateur, c'est se pencher sur son modèle de référence (objets d'évaluation, normes, critères et indicateurs) et faire l'hypothèse que ses conceptions peuvent guider en partie ses prises de décisions évaluatives.
Méthodologie
La méthodologie utilisée est celle d'une évaluation comparative de deux groupes d'enseignants (formés et non formés à l'évaluation pédagogique) par une démarche d'évaluation qualitative (entretiens semi-directifs, questionnaires, analyse des traces écrites de l'évaluation).
Elle s'inscrit dans la démarche de référentialisation qui est une méthode d'évaluation qui permet de construire un cadre méthodologique rigoureux et qui permet de déterminer à la fois les dimensions à évaluer, les catégories choisies, les critères et indicateurs utiles à l'évaluation proprement dite ainsi que les choix méthodologiques du recueil et du traitement des données en réponse à une situation d'évaluation.
Il s'agit de vérifier l'hypothèse selon laquelle il y aurait une différence entre la manière d'évaluer les productions des élèves selon qu'on soit enseignant formé ou non formé à l'évaluation pédagogique. Si cette différence est justifiée, nous chercherons à connaître les raisons de celle-ci. Si par contre cette différence n'est pas fondée, nous envisageons un autre test qui consistera à demander à un échantillon d'enseignants des deux groupes de composer des épreuves à partir du chapitre d'une matière au programme qu'ils corrigeront. L'objectif étant de rechercher le critère qui permettra de différencier les enseignants sur la manière dont ils formulent les épreuves et dont ils les corrigent.

Résultats
Les résultats obtenus à ce jour sont ceux de l'étude exploratoire menée auprès des enseignants en exercice. Ils font ressortir des pratiques pédagogiques plus enclines aux évaluations sommatives, à la certification qu'aux évaluations formatives ; pratiques qui sont à mettre en relation avec l'échec scolaire, dans la mesure où, comme cela a déjà été démontré ailleurs, elles accentuent encore davantage les difficultés en les mettant en valeur..
Les enseignants justifient cela par un manque de temps dû à la surcharge de travail consécutive au nombre de classes attribuées à chacun d'eux et par conséquent au nombre de cours à préparer et au nombre de copies à corriger. Certains avouent même ne pas avoir le temps de corriger le devoir devant les élèves. C'est-à-dire qu'ils ne reviennent pas ou n'expliquent pas aux élèves les annotations portées sur la marge de la copie. Les premiers résultats ne différencient pas de manière significative les enseignants formés de ceux n'ayant pas suivi de formation, ceci étant à vérifier dans les enquêtes élargies en cours et à moduler en fonction de l'observation systématique des pratiques de correction de travaux d'élèves.


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